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L'agriculture de conservation : du détachement du labour à la dépendance au

Chapitre 2 LES CUMA A L’ERE DE L’AGROECOLOGIE

1. Nouveaux enjeux d'autonomie et de coopération dans les agricultures

1.2. L'agriculture de conservation : du détachement du labour à la dépendance au

Parmi les modèles techniques pris en exemple pour illustrer un des aboutissements possibles de la transition agroécologique, l'agriculture de conservation est souvent mise en avant, tout en étant un fort objet de controverses dans les débats concernant l'agroécologie en raison de l'usage d'herbicides auquel elle est souvent associée (Altieri et al., 2011 ; Hall, 1998). En France, plusieurs réseaux ont progressivement émergé sur cette thématique, de manière visible surtout à partir des années 2000. Nous revisitons ici rapidement cette histoire pour mieux en détailler les réalités actuelles, au regard des enjeux d'autonomie et de coopération de proximité.

1.2.1. L'agriculture de conservation : un modèle venu d'ailleurs

a) Des problèmes du labour à l'élaboration d'alternatives décriées

Le labour est une technique agricole répandue sur l'ensemble des continents en raison des fonctions-clés qu'il remplit dans les systèmes de culture, comme le contrôle des adventices, la création de porosité, et l'enfouissement des résidus de culture et des effluents d'élevage, (Triomphe et al., 2007). Cependant, il est coûteux en temps et en énergie et parfois contraignant à mettre en œuvre. Par exemple en cas de sols pierreux, il entraîne une usure importante des outils de travail du sol et oblige à des opérations supplémentaires d'enlèvement ou de broyage des pierres. La mécanisation de l'agriculture a favorisé l’extension du labour, y compris dans des sols peu adaptés à cette technique, auxquels il a pu être préjudiciable.

Un des événements qui a permis d'en prendre conscience a été celui du Dust Bowl, phénomène d'érosion éolienne dans les années 1930 aux États-Unis, provoqué par la généralisation du labour dans les terres des Grandes Prairies. En réaction, des programmes de recherche sont lancés pour mettre au point des techniques culturales alternatives. Mais c'est surtout à partir des années 1960 que celles-ci vont commencer à se développer grâce à deux types d'innovations : d'une part, les herbicides qui suppléent la destruction des adventices par enfouissement que permettait le labour, et d'autre part l'élaboration de semoirs de semis direct sans travail préalable du sol, au travers d'une couverture végétale formée par les résidus de récolte. Ces techniques culturales se répandent alors aux États-Unis, en Amérique latine et en Australie, en particulier dans les régions aux sols et climats favorables à l’érosion. Les économies de travail et de carburant qu'elles génèrent sont un levier expliquant largement leur diffusion dans un contexte d'accroissement de la taille des exploitations dans les pays occidentaux (Goulet, 2008).

Cette expansion a aussi été facilitée par différents réseaux structurés qui se reconnaissent dans le terme d'agriculture de conservation, et qui en ont précisé les principes d'action. Dans ces réseaux, on trouve des scientifiques, des firmes d'agroéquipements et d'herbicides, et des groupes d'agriculteurs. Ils se sont structurés progressivement au niveau international surtout à partir des années 2000, à travers l'organisation de congrès internationaux et la reconnaissance par la FAO (Food and Agriculture Organization) de ce modèle technique (Goulet, 2008). Ainsi, trois grands principes ont été définis qui fondent l'agriculture de

conservation telle que promue par la FAO : 1) perturbation minimale du sol, 2) protection du sol à travers le maintien d'une couverture végétale en surface, 3) diversification des rotations et associations de cultures (FAO, 2008).

b) Pratiques de l'agriculture de conservation en France

Cette sous-section reprend en grande partie des éléments de l'article de synthèse de De Tourdonnet et al. (2013), complétés par d'autres travaux.

En France, les techniques sans labour se développent rapidement depuis le début des années 2000. Elles représentaient 21 % de la sole cultivée en 2001, contre un peu plus d'un tiers en 2011. Cette expansion concerne surtout les grandes cultures (céréales et oléoprotéagineux) et les grandes exploitations : parmi les exploitations de plus de 400 hectares, 58 % des surfaces ne sont plus labourées en 2006 (Landel, 2015).

La majorité des agriculteurs s'engageant dans la réduction du travail du sol adopte une stratégie progressive. Elle commence souvent par la suppression occasionnelle du labour avant les céréales d'hiver. Ceci permet un gain de temps sans modifier fondamentalement l'itinéraire technique ni le rendement. La réussite de cette démarche, en mettant en confiance l'agriculteur, peut l'inciter à étendre le non-labour, investir dans des équipements adaptés et réduire la profondeur de travail du sol, ainsi qu'à pratiquer des cultures intermédiaires. Ces dernières consistent à introduire des plantes de couverture en interculture afin de dynamiser l’activité biologique du sol, en favorisant le développement de la faune du sol qui prend ainsi le relais du labour pour créer de la porosité. Ainsi, une évolution progressive vers des techniques de travail très superficiel peut avoir lieu. Certains agriculteurs font ensuite le pas vers le semis direct, qui a des conséquences importantes sur le fonctionnement de l'agroécosystème. Cette étape est cependant peu mise en œuvre, notamment en raison des risques induits : diminution du rendement en cas de problèmes de maîtrise technique, diminution de l’efficience des engrais azotés ou augmentation de l'usage de pesticides. Ainsi, trois types d'évolution sont identifiés chez les agriculteurs s'engageant dans la réduction du travail du sol, en fonction des évolutions rencontrées :

- 1) Choisir, face aux problèmes rencontrés, notamment en matière de contrôle des adventices, de maintenir des moyens mécaniques de travail du sol pour créer la porosité et gérer les adventices. Ceci conduit à des systèmes de culture où le travail du sol reste relativement important même si le labour n'est plus pratiqué. Les gains de productivité passent alors par une optimisation des équipements permettant de travailler plus vite et mieux.

- 2) Accroître les moyens chimiques, notamment l'usage d'herbicide pour contrôler les adventices, et les engrais azotés pour compenser une éventuelle baisse de l’efficience des fertilisants. Cette voie peut induire une dépendance vis-à-vis de certains intrants, notamment les herbicides totaux à base de glyphosate, utilisés pour détruire à la fois les adventices et les couverts d'interculture avant d'implanter la culture principale. - 3) Mobiliser des moyens biologiques, en profitant d'une activité biologique du sol

souvent plus importante en non-labour, pour créer de la porosité, contrôler les adventices, et accroître les ressources en azote par fixation symbiotique. Dans cette voie, les plantes de couverture jouent un rôle-clé pour utiliser les régulations biologiques, et peuvent être cultivées en interculture ou en association avec les cultures

commerciales ou fourragères pendant une partie ou la totalité du cycle. Elles ne sont généralement pas récoltées (sauf pour produire du fourrage ou de la biomasse énergie), mais cultivées pour fournir différents services écosystémiques : protection du sol, production de biomasse pour étouffer les adventices et accroître l’activité biologique du sol. Cependant, cette dernière voie, faiblement pratiquée, se heurte à plusieurs difficultés majeures : manque de connaissances sur ces processus écologiques, sensibilité de ces derniers au contexte dans lequel ils se déroulent obligeant à la construction de références situées.

c) Une approche controversée, cependant soutenue par des acteurs majeurs de l'agroécologie

Différentes expertises nationales et internationales ont progressivement mis en avant les atouts de l'agriculture de conservation : réduction de la consommation d'énergie fossile, développement d'un habitat plus favorable aux organismes du sol, diminution de l'érosion, accroissement du taux de matière organique et du stockage de carbone dans le sol, réduction de l'évaporation du sol. Des résultats plus variables, voire plus controversés, sont constatés à d'autres niveaux : rendements obtenus, émissions de protoxyde d'azote (qui est un des gaz à effets de serre), pertes d'éléments minéraux, usage des pesticides (Schaller, 2013). Une récente étude met aussi en évidence que l'utilisation du glyphosate annule les bénéfices pour la biodiversité permis par le sans-labour (Barré et al. 2018).

Il est établi que l’essor des techniques d'agriculture de conservation s'est opéré avec un recours de plus en plus important à un herbicide, le glyphosate, en raison de plusieurs facteurs : son faible coût (il est tombé dans le domaine public en 2000), la mise au point de variétés résistantes au glyphosate grâce à la transgénèse, la libéralisation des marchés agricoles renforçant le mouvement de recherche de réduction des coûts de production, etc. Ceci a entraîné des problèmes de dépendance à cet herbicide, ce qui a favorisé l'apparition de résistances à la matière active au sein des populations d'adventices, en particulier aux États- Unis et en Amérique latine. En conséquence, l'agriculture de conservation est l'objet de beaucoup de controverses dans les différents pays concernés, au point d'être considérée comme une approche anti-écologique par de nombreux détracteurs. Et ce phénomène de dépendance a pendant longtemps été peu pris en considération par la FAO et les acteurs des réseaux ayant contribué à sa mise en place (Goulet, 2008).

En France, où les variétés résistantes au glyphosate ne sont pas commercialisées, un récent rapport de l'INRA (Reboud et al., 2017) a été réalisé à la demande du gouvernement dans le contexte de questionnement sur l’interdiction du glyphosate à moyen terme. Il a confirmé que le développement du non-labour est corrélé à une augmentation de l'usage de cet herbicide, en précisant que « le glyphosate tend à être plus utilisé dans les très grandes exploitations.

Ces exploitations sont plus fréquemment conduites sans labour, et le glyphosate peut être un levier pour […] permettre de semer de grandes surfaces dans un temps limité. » Landel (2015)

précise que le nombre de traitements herbicides et la part des surfaces traitées avec du glyphosate augmentent en moyenne dans le cas d'exploitations mettant en œuvre des techniques de travail du sol sans labour. En 2011, les données disponibles ont confirmé la tendance de ces systèmes à utiliser plus d'herbicides que ceux avec labour. Cependant, des études réalisées entre 2008 et 2012 sur un échantillon d'exploitations engagées en agriculture

de conservation en région Midi-Pyrénées montrent que les agriculteurs avec des rotations longues (au moins six ans) utilisent moins d'herbicides que les autres (Schaller, 2013). Différents acteurs de l'agroécologie considèrent l'agriculture de conservation comme une approche agroécologique lorsqu'elle s'accompagne d'un usage modéré ou nul de glyphosate, en raison des services écosystémiques qu'elle est susceptible de favoriser. Cependant, ce type d’agriculture de conservation recourant faiblement aux herbicides est aujourd'hui très minoritaire en France et dans le monde.

C'est le cas de l'agroécologue californien Altieri, considéré comme un des promoteurs historiques du concept d'agroécologie et parmi les penseurs les plus influents dans ce domaine (Wezel et al., 2009). Celui-ci a travaillé au Brésil avec des producteurs en agriculture biologique pour améliorer la conduite de cultures en agriculture de conservation sans herbicide, à travers une meilleure gestion des plantes de couverture, tant au niveau de leur composition que de leur mode de combinaison avec la culture principale implantée ensuite. Ces recherches visent à améliorer les effets synergiques et phénomènes allélopathiques pouvant contribuer au contrôle des adventices (Altieri et al., 2011).

En France, Solagro, acteur associatif avec une expertise sur l'agroécologie de façon pionnière depuis les années 1980, a réalisé une scénarisation prospective appelée « Afterres 2050 ». En partant des besoins français en alimentation, pour l'habitat et en énergie, celle-ci simule une organisation des productions et pratiques agricoles en 2050 permettant de couvrir ces besoins dans le respect des écosystèmes, des contraintes territoriales et des objectifs de santé publique (Thomas et al., 2016 ; Doré, 2011). Ce scénario prône le développement de l'agriculture de conservation avec un usage limité de pesticides, utilisés seulement en dernier recours. Ceci permettrait la généralisation des cultures intermédiaires multiservices environnementales, notamment pour assurer des productions fourragères en quantité suffisante pour approvisionner les troupeaux et les unités de méthanisation nécessaires pour une production conjointe d'azote et d'énergie. Un tel essor de la méthanisation grâce aux cultures intermédiaires en agriculture de conservation permettrait ainsi une substitution des fertilisants azotés provenant aujourd'hui des énergies fossiles, ainsi qu'une production d'énergie renouvelable permettant par ailleurs de diminuer les émissions de GES9 (Couturier et al., 2016).

Enfin, cette approche est recommandée pour l'agriculture biologique par certains experts. Ils constatent en effet une limitation des apports de matière organique dans les exploitations biologiques sans élevage, faisant peser le risque d'une dégradation du statut organique de celles-ci à long terme. Par ailleurs, leur principale stratégie de contrôle des adventices se fonde sur le passage répété des outils de travail du sol et de désherbage mécanique, ce qui peut renforcer la dégradation de l'état physique et biologique des sols. De fait, les principes de l'agriculture de conservation, c'est-à-dire la réduction du travail du sol associé aux plantes de couverture pour apporter de la matière organique aux sols, sont des solutions susceptibles d'assurer un meilleur entretien de la fertilité biologique du sol. Ces chercheurs invitent donc à multiplier les travaux de recherche pour pouvoir développer le non-labour en agriculture biologique (David, 2009).

1.2.2. Une approche se diffusant grâce à la coopération a-territoriale

entre pairs

Cette section reprend en grande partie des éléments de la thèse de Frédéric Goulet (2008), complétés par d'autres travaux. Cette recherche doctorale a permis de reconstituer l'histoire de l'émergence en France des réseaux, mêlant agriculteurs pionniers et non-agriculteurs, ayant contribué à l’essor de l'agriculture de conservation.

a) Émergence des réseaux de l'agriculture de conservation à la fin des années 1990

Même s'il y a eu des tentatives de promotion du non-labour sous l'influence de quelques acteurs privés et publics dans les années 1970, c'est surtout à partir de la fin des années 1990 que les premiers réseaux commencent à émerger autour de l’agriculture de conservation. La réforme de la PAC de 1992 a en effet généré une recherche de diminution des coûts de production, particulièrement chez les agriculteurs en grandes cultures, tandis que les premières réglementations environnementales préconisaient sur certaines zones la couverture des sols en hiver, contribuant aux premières pratiques de cultures intermédiaires dans les systèmes conventionnels (alors que celles-ci étaient déjà courantes en agriculture biologique). Ainsi dans les années 1990, des agriculteurs, souvent dans le cadre de GDA ou de CETA animé par des techniciens de Chambre ou des ingénieurs salariés, s'intéressent au non-labour comme moyen de réduire leurs coûts de production. Ceci les amène à se mettre en contact avec des scientifiques travaillant sur ce thème de manière « dissidente » (parce qu'ayant quitté leur institut scientifique d'origine, ou marginalisés dans leur institution) et font des voyages d'études dans des pays étrangers où ces techniques sont plus largement implantées : Angleterre, États-Unis, Brésil, Australie. Certains d'entre eux investissent dans des outils adaptés, parfois en Cuma. Au cours de ces voyages et contacts, ces pionniers sont soutenus par différents acteurs privés. Il s'agit principalement d'entreprises d'agroéquipement et de la firme Monsanto, qui cherchent à promouvoir l'agriculture de conservation en France à travers l'organisation de formations, de voyages d'études ou de démonstrations. 1999 est une année de cristallisation au sein de ces réseaux jusque-là informels à partir de deux initiatives. D'un côté, une première association de dimension nationale est créée : l'APAD (Association pour la promotion d'une agriculture durable), présidée par un agriculteur breton, entraîne peu à peu le développement de groupes régionaux ou départementaux. Ainsi, une antenne bretonne de cette association se constitue dans la foulée, nommée BASE (Bretagne Agriculture Sol et Environnement). Celle-ci est présidée par une personne aux multiples activités (journaliste pigiste, traducteur, formateur) qui a été l'accompagnateur de nombreux voyages d'études pour des groupes d'agriculteurs français désireux de découvrir l'agriculture de conservation à l'étranger. De manière concomitante avec la création de l'association BASE, il lance une revue dédiée à l'agriculture de conservation qu'il nomme TCS (Techniques culturales simplifiées10). À ses côtés au sein de l'association BASE siègent aussi des acteurs privés : le

trésorier est salarié d'une entreprise de semoirs, et un autre administrateur est employé par

une entreprise semencière tout en développant l'agriculture de conservation sur sa propre exploitation. Ces différentes initiatives émergentes sont soutenues par Monsanto. L'APAD et BASE ont le même secrétaire général, ingénieur de cette entreprise, qui motive son engagement dans ces deux associations à titre bénévole. L'entreprise soutient le lancement de la revue TCS, en y achetant des encarts publicitaires. Son directeur, qui s'installe aussi comme agriculteur quelques années plus tard, intervient comme formateur spécialisé en agriculture de conservation dans de nombreuses formations dans toute la France, dont certaines financées par Monsanto.

De l'autre côté, le syndicat agricole de la Coordination Rurale, récemment créé, cherche des moyens de marquer sa différence par rapport à la FNSEA. Certains de ses membres s'intéressant au non-labour, ce jeune syndicat organise un Festival du non-labour et du semis direct en 1999 pour se démarquer des concours de labour organisés par les syndicats FDSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) dans chaque département. Goulet (2008) considère ces derniers comme des rituels symboliques de la modernisation agricole, exaltant les valeurs de performance, de puissance et de productivité. Ce premier festival se répète chaque année, organisé par l'association NLSD (Non-labour et Semis Direct). En 2001, un agriculteur membre de la Coordination Rurale crée également une association nationale dédiée, la FNACS (Fondation Nationale pour l'Agriculture de Conservation des Sols). Celle-ci s'est notamment appuyée sur les réseaux de ce nouveau syndicat pour se développer.

L’essor de ces organisations d'agriculteurs pionniers de l'agriculture de conservation s'explique par plusieurs facteurs. Internet va constituer un puissant mouvement de mise en réseau des agriculteurs s'intéressant à ces pratiques, souvent isolés, en complément de la revue TCS jouant également un rôle fondamental dans la structuration d'une communauté de praticiens. Ses dirigeants fondent en 2004 un site Internet dédié à l'agriculture de conservation, avec un forum de discussion permettant aux agriculteurs de poser des questions pour lesquelles ils n'ont pas de réponse, ou de partager leurs expériences y compris en y postant leurs propres photos ou vidéos. Divers acteurs de la constitution de ces réseaux vont aussi développer une activité de formateurs pour intervenir dans des formations organisées localement en France. Parmi eux, on trouve les scientifiques dissidents ayant formé les pionniers, l'agriculteur président de BASE aussi directeur de la revue TCS, et le président fondateur de l'APAD (qui a longtemps été vice-président de BASE et agriculteur).

b) Deux tendances au regard de l'utilisation d'herbicides

En 2007, grâce à un travail d'enrôlement mené par l'ingénieur de Monsanto administrateur de l'APAD et de BASE, l'IAD (Institut de l'agriculture durable) est créé, nouvel organisme transversal visant à promouvoir l'agriculture de conservation, en particulier vis-à-vis des pouvoirs publics. L'APAD, la FNACS, l'association NLSD et la Coordination Rurale en sont membres fondateurs, mais aussi différentes firmes privées comme Monsanto, dont l'ingénieur occupe le poste de trésorier, et des entreprises semencières et d'agroéquipement, ainsi qu'une coopérative agricole d'approvisionnement et de collecte, mais pas l'association BASE. Pourtant, le président de ce nouvel organisme est le fondateur de l'APAD, par ailleurs vice- président de BASE. Mais ses responsables n'ont pas voulu engager leur association en son sein. Peu de temps après, la FNACS finalement décide de s'en retirer. Ces deux organisations

revendiquent d'abord de travailler au développement local de l'agriculture de conservation pour et avec les agriculteurs, ce qui ne leur semble pas une préoccupation première de ce nouvel organisme. Depuis lors, l'IAD cherche à établir des collaborations avec des organisations scientifiques, notamment pour proposer un système d'évaluation des pratiques de l'agriculture de conservation via un ensemble d'indicateurs, et organise des événements pour promouvoir cette approche auprès des décideurs économiques et politiques (Landel, 2015).

Depuis le milieu des années 2000, différents signaux révèlent une plus grande préoccupation de certains de ces réseaux vis-à-vis du recours aux pesticides.

L'association BASE a décidé de ne plus percevoir de financements de Monsanto, et son conseil d'administration ne compte plus de représentants de cette firme depuis le début des