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4. RECITS NARRATIFS DES ENTRETIENS

5.1 LIEN ENTRE L'IDENTITE PERSONNELLE ET L'IDENTITE PROFESSIONNELLE

5.2.3 L’INTIMITE EN RELATION AVEC LES ELEVES

Aborder notre vie privée avec les élèves peut se relever être un point passablement délicat pour bon nombre des enseignants. Cifali (2000) le précisait déjà : "Avec la dimension affective d'une action, la coupure entre privé et public devient plus difficile à tenir" (Cifali, 2000, 152). En effet, pour certains il va s'agir de placer une limite infranchissable entre ce que les élèves peuvent connaître de leur vie intime et ce qu'ils ne doivent pas savoirs. Par ailleurs, d'autres enseignants vont y voir alors un partage de certains fragments de leur intimité tel un devoir pédagogique. Dès lors, cette sphère privée de l'enseignant autour de laquelle les élèves gravitent va se voir s'articuler à travers les personnalités de nos enseignants interviewés.

En ce qui concerne le rapport que peuvent entretenir les enseignants avec leurs élèves, certains des enseignants que nous avons interrogés décident de ne pas rentrer en matière lorsque cela concerne leur vie privée. Cifali (2000) nous

explique alors : "Nous laisserions ainsi dans l'ombre la subjectivité de nos actes sous prétexte qu'elle ne peut être interpellée durant notre mandat public" (Cifali, 2000, 152).

Stéphane ne parle pas de sa vie privée, il répond aux élèves que cela ne les regarde pas. Il ne veut cependant pas devoir leur mentir. "En tout cas je n’ai jamais menti, ca c’est quelque chose à laquelle je me refuse. Je pense que ma réponse a dû être soit "non", soit qu’il s’agissait de ma vie privée et que cela ne la concernait pas".

Aude répond à ce sujet : "Je ne vois pas ce que ça pourrait apporter en fait… De parler de ma vie ou de ma famille pour les élèves".

En revanche, certains de ces enseignants acceptent de faire part d’une partie de leur vie privée, sans pour autant rentrer dans les détails.

Sabrina accepte que les élèves connaissent un peu de sa vie privée : "Ca ne me dérange pas de leur dire que j'ai un copain et que je n'ai pas d'enfants"

Cependant, à un moment l’enseignante met des barrières : "Je leur dirai : C'est ma vie privée t'as pas besoin de tout savoir".

Géraldine précise : "Oui s'ils me demandent si j'ai des enfants je dis j'ai deux enfants".

Cette dernière ajoute alors : "Je vais justement essayer de garder cette distance, je suis leur maîtresse, il y a des limites qu'ils n'ont pas à savoir".

Certains de ces enseignants ne souhaitent pas cacher aux élèves certains éléments de leur vie privée. En effet, par soucis de loyauté ou pour des raisons éducatives, ils ressentent le besoin de dire clairement les choses aux élèves sans mettre de barrières.

Martine : "Moi je suis persuadée que les enfants auraient besoin d’un discours beaucoup plus clair, beaucoup plus ouvert".

Elle ajoute : "J’estime que c’est de mon devoir d’en parler".

Martine précise ensuite : "Je sentais que c’était pas honnête de ne pas en parler".

Puis rajoute : "Donc s’ils me posent une question, je réponds".

Enfin elle dit : "C’est donc une chose qui était réfléchie car je ne voulais pas me lancer dans quelque chose qui aurait pu à un moment donné se retourner contre moi et pourrir aussi le climat de la classe".

Certains des enseignants interrogés mettent en avant le fait que les élèves ne sont pas si curieux que cela, ou du moins ressentent les sujets sur lesquels ils ne peuvent pas poser de question.

Stéphane indique : "Je pense que les élèves sont très sensibles et qu’ils sentent si, sur un sujet, tu ouvres la porte ou non. La notion de limite est quelque chose de bien connu des élèves car on leur en met constamment. Donc ils doivent immédiatement sentir s’ils peuvent avancer sur ce terrain ou non".

Martine précise : "Les enfants sentent bien qu’il s’agit de quelque chose que tu peux pas parler librement".

Par ailleurs, certains enseignants apportent leur aide et leur soutien envers des élèves qui ressentent le besoin, en amenant une part de leurs expériences passées. En effet, par le partage de leur vie privée direct avec les élèves, ces enseignants s'impliquent et tentent de gérer les problèmes de ces derniers. Cifali (2000) le souligne alors : "Cette option s'oppose à celle qui définit un tel métier comme uniquement lié à la transmission d'un savoir décontextualisé de tout affect où dans son exercice on viendrait uniquement comme porteur d'un rôle et non pas comme sujet" (Cifali, 2000, 152).

Aude nous précise : "Maintenant ça m'est déjà arrivée pour consoler des élèves de leur dire tu sais moi quand j'étais petite il m'est arrivée la même chose… Etc.

Pis des fois ça peut leur faire du bien".

Sur ce point, Martine explique : "Moi je suis persuadée que les enfants auraient besoin d’un discours beaucoup plus clair, beaucoup plus ouvert par rapport à cela et qu’ils auraient besoin aussi d’avoir quelqu’un à qui s’identifier". Elle ajoute ensuite : "Je suis persuadée qu’il y a d’enfants qui sont délaissés par négligence éducative…".

Géraldine ajoute également : "Les élèves ont parfois besoin de voir que les adultes sont pas forcément si différents, qu'on a vécu des choses semblables…

Donc oui pour lui témoigner la confiance qu'il me donne, je peux lui livrer des choses en retour".