• Aucun résultat trouvé

3.2.1 LE CHOIX DES PERSONNES INTERVIEWEES

Nous imaginons bien que l’entretien comme dispositif de mesure, est sensible et peut-être peu fiable si les personnes interviewées se sentent mal à l’aise voire jugées et ne répondent pas de manière réelle. C’est pourquoi, notre choix de personnes à interviewer s’est effectué de manière précise. C’est au sein de notre cercle de connaissances privées comme professionnelles que nous avons mené notre sélection. Pour réaliser cette dernière, nous avons donc choisi, au sein de nos différents réseaux sociaux, des enseignants exerçant leur profession dans le canton de Genève. Le critère principal de notre sélection s’est révélé être la

confiance. En effet, nous avons dû faire appel à des personnes avec lesquelles nous entretenions une relation suffisamment proche pour que ces dernières se sentent en relative confiance pour nous conter leur vécu, leurs pensées et réflexions ainsi que leurs convictions les plus intimes. Le fait que nous soyons de futurs enseignants interviewant des enseignants présente un avantage certain pour la qualité de nos entretiens. Il est résumé par Bourdieu (1993) : "La proximité sociale et la familiarité assurent en effet deux des conditions principales d’une communication "non-violente". D’une part, lorsque l’interrogateur est socialement très proche de celui qui l’interroge, il lui donne, par son interchangeabilité avec lui, des garanties contre la menace de voir ses raisons subjectives réduites à des causes objectives, ses choix vécus comme libres à l’effet des déterminismes objectifs mis au jour par l’analyse (…)"

(Bourdieu, 1993, 1395).

Notre statut de chercheur dans le cadre de l’université a également servi de garantie pour ces personnes en ce qui concerne l’anonymat. Ces deux facteurs leur ont donc permis de pouvoir se confier librement sur leur vie.

3.2.2 LA RECOLTE D'INFORMATION

Ces entretiens ont été menés à l’aide d’une grille de questions élaborées par nos soins de manière intentionnellement large afin de permettre à l’interviewé de nous répondre non pas par des phrases courtes ou des "oui / non" mais sous forme de discours structuré prenant l’aspect d’un récit de vie. En utilisant volontairement le terme de "récit" de vie, nous le différencions de "l’histoire" de vie qui aurait tendance à se vouloir exacte et exhaustive. Pour Berger (2000), le récit de vie est : "une pratique, généralement interactive, par laquelle nous construisons dans l’après-coup des articulations possibles entre les événements hétérogènes, et par laquelle nous produisons un sens, sens qui n’est jamais

"donné", ni surtout "donné une fois pour toutes"" (Berger, 2000, 55). A ce sujet, Dubar (2000) parle de "cohérence entre le "dire" et le "faire"", autrement dit, dans le récit de vie, l’auteur se doit de justifier ce qu’il fait en donnant les "bonnes"

raisons d’agir comme il le fait par rapport aux états et événements successifs de son cycle de vie. Le récit de vie permet d’ailleurs l’émergence d’une identité spécifique et conceptualisée par Ricoeur (1985) et reprise par de nombreux sociologues dont De Gaulejac (2002) et Berger (2000), qui n’est autre que

l’identité narrative. Dans cette dernière, le sujet apparaît simultanément comme lecteur et comme auteur de sa propre vie. Ceci est possible grâce à un fonctionnement d’un processus que Ricoeur (1985) attribue à notre "ipséité" et que Berger (2000) le définit comme : "le fait d’être moi-même capable à la fois de me distancer de cette "mêmeté", de me réfléchir "comme un autre" et de me produire dans une histoire à la fois individuelle et toujours sociale" (Berger, 2000, 78).

Toutefois, nous avons été confrontés à des doutes de la part de certains interviewés quant aux réponses à fournir. En effet, certaines de nos questions ont paru, à nos interlocuteurs, trop générales car elles laissaient un champ de réponse trop vaste. Dès lors, nous avons dû procéder à des régulations et effectuer des relances au fur et à mesure des réponses données tout en tenant compte des éléments de vies offerts par les enseignants interrogés.

3.2.3 LA GRILLE D'ENTRETIEN

La grille de questions utilisée lors de nos entretiens se divise en cinq grandes parties :

a. L’identité professionnelle et l’identité personnelle de manière générale : Cette rubrique aborde les questions d’identité de manière relativement générale.

Il s’agit ici de connaître les représentations personnelles de la personne interviewée sur la notion d’identité en générale, la présence ou l’absence dans son esprit d’une distinction entre l’identité professionnelle et l’identité personnelle ainsi que le(s) rapport(s) général(aux) que pense entretenir la personne entre ces deux notions.

b. L’identité personnelle face à la hiérarchie :

Cette seconde partie traite de la relation qu’entretient la personne entre son identité personnelle et l’institution scolaire qui devrait, à priori, constituer un reflet de la société contemporaine. La liberté et la reconnaissance sont parmi d’autres, des thèmes importants de cette thématique.

c. L’identité professionnelle / l’identité personnelle face aux pairs :

La troisième partie de notre grille de questions tente d’examiner la nature des rapports existants entre la personne et ses collègues. Nous avons cherché à savoir ici de quelle manière l’interviewé se positionne par rapport à un groupe social. Les affinités, le pouvoir et l’image, tant du point de vue personnel que professionnel sont ici des thématiques clés.

d. L’identité professionnelle / l’identité personnelle face aux parents d’élèves : La quatrième rubrique de notre questionnaire aborde le vécu de la personne dans sa relation avec les parents d’élèves. Ici, nous avons cherché à comprendre en quoi cette relation était différente de la relation avec ses collègues. Les concepts de rôle et de statut mais également de respect semblent être au centre de la nature de cette relation particulière.

e. L’identité professionnelle / l’identité personnelle face aux enfants en classe : Cette ultime partie traite de la relation qu’entretient l’enseignant avec ses élèves dans son milieu professionnel. Nous avons donc voulu connaître les raisons que la personne invoque pour laisser la place ou non à des éléments de son identité personnelle au sein de ses propres pratiques professionnelles.

Au travers de ces questions, nous avons été amenés à aborder avec chacun des nos interlocuteurs, une thématique spécifique liée à leur propre parcours de vie.

C'est ainsi que nous avons discuté avec deux d'entre eux le sujet du conflit de rôles et pour deux autres, la thématique de l'homosexualité et enfin pour la dernière, c'est le sujet de l'adulescence que nous avons dû aborder avec elle.