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3.3 Influence du traitement thermique des ´ echantillons sur la diffusion Raman 103

3.3.1.2 Interpr´ etation th´ eorique

La plus simple des explications que nous pourrions invoquer d’une part en voyant le d´eplacement de la raie Raman provoqu´e par le recuit, et d’autre part en sachant que la taille des particules n’a pratiquement pas ´evolu´e suite `a ce recuit, serait que la diffusion Raman proviendrait des vibrations des grains et non des particules enti`eres, comme nous l’avons toujours pr´etendu jusqu’ici. Ceci signifierait alors que les diff´erents grains `a l’in-t´erieur d’une mˆeme particule vibreraient de fa¸con totalement ind´ependante les uns des autres. Dans ces conditions, plutˆot que d’ˆetre compar´e `a la distribution de tailles des particules s´electionn´ees par le laser, c’est `a la distribution de tailles des grains que de-vrait ˆetre compar´e le profil du spectre d’intensit´e Raman basse fr´equence. Puisque nous avons montr´e que les fr´equences propres de vibration d’une sph`ere ´etaient inversement proportionnelles `a son diam`etre (Eq. 1.66) et ´etant donn´e que la taille d’une particule est naturellement plus grande que celle des grains qu’elle renferme, nous en d´eduisons que les fr´equences de vibration des grains seraient sup´erieures `a celle de la particule. La disparition d’une majorit´e de joints de grains lors du traitement thermique, aboutissant ainsi `a la formation de particules monocristallines, pourrait donc expliquer le d´eplacement de la raie Raman vers les basses fr´equences, tel que nous l’observons sur la Figure 3.8. Cependant, nous allons maintenant montrer qu’une telle interpr´etation ne concorde pas

avec l’augmentation significative de l’intensit´e diffus´ee au maximum de la raie Raman. La d´etermination de la d´ependance en fr´equence de l’intensit´e diffus´ee par une particule de taille donn´ee passe par la connaissance du tenseur Raman, δIαβ(ω), que nous avons d´ej`a ´evoqu´e dans le Chapitre 1 dans le cas du cristal massif, et qui correspond `a la transform´ee de Fourier de la fonction de corr´elation des fluctuations δχαβ(r, t) de la susceptibilit´e di´electrique (cf. Eq. 1.35). Envisageons le cas o`u la diffusion Raman serait uniquement dˆu au mode quadrupolaire, de fr´equence ω, d’une particule sph´erique de volume Vp. Si k0 et kd d´esignent les vecteurs d’onde des photons incidents et diffus´es respectivement, r1 et r2 les vecteurs position de deux points distincts `a l’int´erieur de la particule, alors le tenseur Raman pour un processus Stokes s’´ecrit [J¨ackle(1981)] :

δIαβ(ω) = 0−ω)4 2πVp Z +∞ −∞ dt exp (−iωt) Z Z Vp d3r1d3r2exp [−i (kd− k0) · (r1− r2)] · hδχαβ(r1, t) δχαβ(r2, 0)i, (3.7) o`u h...i est la fonction de corr´elation `a l’´equilibre thermique. Puisque d’apr`es nos obser-vations exp´erimentales, les ´etats de polarisation α et β des lumi`eres incidente et diffus´ee n’ont aucune incidence sur la variation de l’intensit´e Raman avec l’ordonnancement des atomes du r´eseau cristallin, nous ne ferons d´esormais plus apparaˆıtre ces deux indices dans les expressions tensorielles afin d’en all´eger l’´ecriture. En prenant en compte le fait que le produit scalaire (kd− k0) · (r1− r2) est tr`es petit et que le vecteur d’onde du mode quadrupolaire est nul, nous en d´eduisons que la diffusion Raman par les vibrations de la nanoparticule est ind´ependante du moment transf´er´e kd− k0; nous pouvons ainsi faire l’approximation exp [−i (kd− k0) · (r1− r2)] ≈ 1 dans la relation 3.7. Le degr´e de coh´erence spatiale entre les fluctuations δχ de la susceptibilit´e di´electrique g´en´er´ees en deux points de la particule ´etant d´ecrit par la fonction de corr´elation G (r1, r2), le tenseur Raman peut ˆetre explicit´e de la fa¸con suivante :

δI (ω) = 0 − ω)4 Vp n (ω) + 1 ω Z Z d3r1d3r2δχ (r1, ω) δχ (r2, ω) G (r1, r2) . (3.8) La pr´esence de d´efauts structuraux, tels que des joints de grains, dans le r´eseau cristallin de la particule perturbe le mouvement collectif des atomes, dans la mesure o`u ces derniers n’oscillent pas tous avec la mˆeme phase. Cette d´ecoh´erence des vibrations du r´eseau se r´epercute sur les fluctuations de la susceptibilit´e qui peuvent s’´ecrire δχ (r, ω) exp (iϕ (r)), en notant ϕ (r) la phase caract´erisant le mouvement d’un atome positionn´e en r. D’o`u, il vient : δI (ω) = 0− ω)4 Vp n (ω) + 1 ω Z Z d3r1d3r2δχ (r1, ω) δχ (r2, ω) exp [i (ϕ (r1) − ϕ (r2))] . (3.9)

La fonction de corr´elation se pr´esente sous la forme : G (r1, r2) ≡ exp [i (ϕ (r1) − ϕ (r2))] [Duval et al.(1993)].

Deux situations radicalement diff´erentes vont maintenant ˆetre envisag´ees. Nous ferons d’abord l’hypoth`ese d’un cristal sans d´efaut pour lequel le degr´e de coh´erence spatiale est maximum, puis nous aborderons le cas d’un milieu totalement d´esordonn´e, o`u il n’existe aucune corr´elation entre les mouvements des atomes.

• Dans le cas id´eal o`u le r´eseau cristallin de la nanoparticule ne comporte aucun d´efaut, tous les atomes oscillent avec la mˆeme phase, quelle que soit leur position, et la fonction de corr´elation est par cons´equent ´egale `a 1. Le volume de coh´erence s’´etend au volume de la particule enti`ere et vaut donc Vp. La relation 3.9 devient dans ces conditions :

δIcoh(ω) = 0− ω)4 Vp n (ω) + 1 ω Z d3r1δχ (r1, ω) Z d3r2δχ (r2, ω) , (3.10) et nous obtenons finalement

δIcoh(ω) = (ω0 − ω)4 n (ω) + 1

ω Vphδχ (ω)i2, (3.11)

o`u h...i est la valeur moyenne sur tous les atomes de la particule.

• Le d´esordre structural au sein de la particule est suppos´e tel que l’incoh´erence soit totale, ou autrement dit, tel que les phases qui caract´erisent les oscillations de tous les atomes soient ind´ependantes les unes des autres. La fonction de corr´elation cor-respondant `a un milieu aussi d´esordonn´e est δ (r1− r2) et le volume de coh´erence qui lui est associ´e se limite au seul volume atomique v, ce qui nous donne pour le tenseur Raman : δIincoh(ω) = 0 − ω)4 Vp n (ω) + 1 ω v Z d3rδχ2(r, ω) , (3.12) ou encore, apr`es int´egration,

δIincoh(ω) = (ω0− ω)4 n (ω) + 1

ω vhδχ

2(ω)i. (3.13)

Dans la relation 3.13, la valeur moyenne est prise dans le cas du syst`eme ordonn´e, si bien que pour la diffusion Raman r´esonnante, l’´egalit´e hδχ2(ω)i = hδχ (ω)i2 est v´erifi´ee ; nous d´eduisons alors des Eqs. 3.11 et 3.13 le r´esultat suivant :

δIcoh(ω) = δIincoh(ω) N, (3.14)

o`u N est le nombre d’atomes formant la particule (N = Vp/v). Ceci montre que pour une particule de taille nanom´etrique, comprennant quelques centaines `a quelques milliers

d’atomes, l’intensit´e diffus´ee peut varier fortement en fonction du degr´e de coh´erence spatiale. Les deux situations extrˆemes que nous venons de d´ecrire ´etant peu probables dans la r´ealit´e, nous allons maintenant nous int´eresser au cas plus g´en´eral o`u le volume de coh´erence est compris entre Vp et v, en introduisant un cœfficient de coh´erence ϑ (v/Vp ≤ ϑ ≤ 1) et en rempla¸cant Vp par ϑVp dans l’Eq. 3.11. Puisqu’en toute logique la probabilit´e qu’une particule contienne des d´efauts augmente avec sa taille, il est normal de supposer que ϑ d´epende, lui aussi, de la taille des particules et donc de leur fr´equence de vibration ω qui, d’apr`es l’Eq. 1.66, varie comme l’inverse du diam`etre D−1. Le volume Vp d’une particule ´etant proportionnel `a D3, et par suite, `a ω−3, il r´esulte de toutes ces remarques que, d’une mani`ere g´en´erale, le tenseur Raman s’exprime sous la forme :

δI (ω) ∝ δIincoh(ω)ϑ (ω)

ω3 . (3.15)

Pr´ecisons qu’`a une fr´equence donn´ee ne correspond pas qu’une seule valeur du cœfficient ϑ dans la mesure o`u deux particules de taille identique ne sont pas obligatoirement dot´ees d’un mˆeme volume de coh´erence.

A la distribution de tailles des particules, F (D), est associ´ee une distribution de fr´equences de vibration F (ω), en vertu de la proportionalit´e entre ω et D−1. Exp´ erimen-talement, nous constatons que la largeur homog`ene des raies Raman, reli´ee `a la dur´ee de vie des phonons, est beaucoup plus fine que la distribution F (ω), et l’intensit´e Raman globalement diffus´ee par les particules peut donc s’´ecrire :

I (ω) ∝ δIincoh(ω)θ (ω)

ω3 F (ω) , (3.16)

o`u θ (ω) d´esigne la valeur moyenne des cœfficients de coh´erence spatiale de toutes les particules, de mˆeme taille, qui vibrent `a la fr´equence ω.