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D´ eplacement de la raie basse fr´ equence avec la longueur

3.2 Diffusion Raman par le mode de vibration quadrupolaire de particules d’ar-

3.2.2 S´ election en forme des particules

3.2.2.1 D´ eplacement de la raie basse fr´ equence avec la longueur

Observation exp´erimentale Un de nos ´echantillons d’agr´egats d’argent en matrice d’alumine (Ag Al 40) a fait l’objet d’une investigation tr`es pouss´ee au sujet de l’´evolution du signal basse fr´equence avec la longueur d’onde d’excitation. Les nombreuses raies exci-tatrices dont nous disposons dans le visible (voir Tableau 3.1) ont ´et´e utilis´ees pour cette ´etude et les spectres obtenus sont repr´esent´es sur la Figure 3.5.

−40 −30 −20 −10 0 10 20 30 40

Intensité (unités arbitraires)

Déplacement Raman (cm−1)

Fig. 3.5 – Spectres de diffusion Raman Stokes et anti-Stokes, `a diff´erentes lon-gueurs d’onde d’excitation, d’un ´echantillon de particules d’argent en matrice d’alumine (Ag Al 40). De haut en bas, la longueur d’onde excitatrice utilis´ee d´ecroˆıt de 676.4 `a 406.7 nm, en passant par toutes les valeurs list´ees dans le Tableau 3.1, `a l’exception de 752.5 nm pour laquelle aucun signal n’a pu ˆetre d´etect´e. Les intensit´es ont ´et´e multipli´ees par des facteurs arbitraires et les spectres d´ecal´es verticalement.

Au fur et `a mesure qu’augmente la longueur d’onde d’excitation, nous constatons que les raies Raman Stokes et anti-Stokes se rapprochent progressivement l’une de l’autre. Les d´eplacements simultan´es de ces raies vers les basses fr´equences, synonyme d’une di-minution de la fr´equence ωmax au maximum d’intensit´e diffus´ee, s’accompagnent d’un

amincissement des raies. La largeur `a mi-hauteur de la raie Raman est pr`es de deux fois sup´erieure dans le violet `a 406.7 nm, o`u elle avoisine 12 cm−1, que dans le rouge `a 676.4 nm, o`u elle n’est que de 6 − 7 cm−1 environ. Signalons que le bruit qui affecte les spectres r´ealis´es dans le violet et dans le rouge est une cons´equence de la faible intensit´e du signal d´etect´e `a ces longueurs d’onde. A 406.7 nm, le signal est peu intense `a cause de la moindre sensibilit´e du monochromateur (cf. Figure 3.2). Si, dans le rouge, la sensibilit´e du monochromateur contribue aussi `a diminuer l’intensit´e du signal comparativement aux mesures effectu´ees dans le jaune ou le vert, un autre motif est plus encore responsable de la baisse d’intensit´e observ´ee. En effet, `a 647.1 ou `a 676.4 nm, les particules n’absorbent que tr`es peu la lumi`ere, la r´esonance plasmon ´etant localis´ee, pour cet ´echantillon, vers 420 nm. Nous ´evoquerons plus tard les raisons de la persistance du signal dans le rouge quand nous aborderons l’´etude plus quantitative de la variation d’intensit´e diffus´ee dans ce processus Raman r´esonnant, en fonction de la longueur d’onde.

Le d´eplacement de la raie avec la longueur d’onde excitatrice observ´e dans le cas des particules d’argent en matrice d’alumine est visible ´egalement lorsque les nanoparticules sont dispers´ees dans une matrice de Si O2. Pour illustrer ce ph´enom`ene, la Figure 3.6 montre les spectres obtenus pour trois longueurs d’onde d’excitation diff´erentes, avec les ´echantillons Ag Si : 2 non recuit et recuit.

Qu’il s’agisse de l’´echantillon Ag Si : 2 recuit ou non-recuit, nous remarquons l`a encore que la raie Raman se d´eplace vers les basses fr´equences quand la longueur d’onde excita-trice augmente. Toutefois, cet effet paraˆıt plus marqu´e dans le cas de l’´echantillon recuit pour lequel les raies sont plus fines et le signal moins bruit´e, car plus intense. L’incidence du recuit sur l’intensit´e et la d´ependance en fr´equence de la diffusion Raman fera d’ailleurs l’objet, dans la suite, d’une analyse d´etaill´ee.

Interpr´etation Un tel d´eplacement de la raie basse fr´equence avec la longueur d’onde excitatrice fait in´evitablement penser `a une ´eventuelle s´election en taille des nanopar-ticules qui contribuent au signal de diffusion Raman dans la mesure o`u, comme il a ´et´e dit pr´ec´edemment, la fr´equence de vibration des particules, selon un mode donn´e, est inversement proportionnelle `a leur taille. Ce ph´enom`ene de s´election en taille a d´ej`a ´et´e mis en ´evidence dans un processus de diffusion Raman r´esonnante par les modes de vibration acoustiques de particules semi-conductrices Cd S dans des matrices de verre [Saviot(1995), Saviot et al.(1998a), Saviot et al.(1998b)]. Cependant, dans le cas des par-ticules d’argent auquel nous nous int´eressons ici, l’´energie du plasmon de surface ne d´epend pratiquement pas de la taille des particules [Lerm´e et al.(1998)], qui, d`es lors, ne consti-tue pas un crit`ere de s´election, via le couplage plasmon-phonon, `a l’´egard du processus

−40 −30 −20 −10 0 10 20 30 40

Intensité (unités arb.)

Déplacement Raman (cm−1)

non−recuit

−30 −20 −10 0 10 20 30

Intensité (unités arb.)

Déplacement Raman (cm−1)

recuit

Fig. 3.6 – En haut : Spectres Raman Stokes et anti-Stokes de l’´echantillon Ag Si : 2 non-recuit, enregistr´es avec trois longueurs d’onde excitatrices : 647.1, 514.5 et 457.9 nm (de haut en bas). En bas : Idem avec l’´echantillon Ag Si : 2 recuit. Dans les deux cas, les spectres ne sont pas `a la mˆeme ´echelle et ont ´et´e d´ecal´es verticalement.

Raman.

C’est en suivant l’id´ee selon laquelle tous param`etres dont d´epend l’´energie du plasmon de surface est susceptible d’influencer la diffusion Raman r´esonnante avec le plasmon que

nous allons maintenant tenter d’interpr´eter l’´evolution avec la longueur d’onde excitatrice de nos spectres basse fr´equence. De ce point de vue, la prise en consid´eration de la pr´esence de particules d´eform´ees paraˆıt d´eterminante, compte tenu du fort couplage du plasmon de surface avec la distorsion statique des particules (cf. Figure 1.5). Nous examinons donc, dans ce qui suit, la fa¸con dont se r´epercute une d´eformation ellipso¨ıdale des particules, d’une part sur le plasmon dipolaire ´electrique L = 1, et d’autre part sur le mode de vibration quadrupolaire l = 2.

Les particules d´eform´ees sont ici assimil´ees `a des ellipso¨ıdes allong´es (dits de forme ”prolate”), dont le grand axe et le petit axe sont not´es D1 et D2 respectivement. Alors que pour une sph`ere le plasmon dipolaire L = 1 est trois fois d´eg´en´er´e avec une seule fr´equence de r´esonance, dans le cas d’un ellipso¨ıde de r´evolution de type prolate, la d´eg´en´erescence est partiellement lev´ee et il existe deux fr´equences propres de r´esonance plasmon qui cor-respondent `a l’oscillation du nuage ´electronique parall`element au grand axe de l’ellipso¨ıde, pour la plus basse de ces fr´equences, et perpendiculairement `a cet axe, pour la plus haute. De plus, la Figure 1.5 montre que la fr´equence du plasmon non-d´eg´en´er´e diminue assez vite quand la d´eformation augmente, ce qui justifie notamment le fait que nous puissions exciter, dans le rouge, le plasmon de certaines particules suffisamment d´eform´ees.

La d´eformation ellipso¨ıdale va ´egalement conduire `a une lev´ee partielle de d´eg´en´ eres-cence du mode de vibration quadrupolaire l = 2 et `a l’obtention de trois fr´equences de vibration distinctes, associ´ees `a m = 0, m = ±1 et m = ±2. En appliquant la th´ eo-rie des perturbations d´evelopp´ee par S. A. Moszkowski [Moszkowski(1955)] `a un corps ´elastique, A. Tamura et al. [Tamura et al.(1982)] ont d´etermin´e les fr´equences propres de vibration d’un ellipso¨ıde de r´evolution qui, au premier ordre des perturbations et pour une excentricit´e β d´efinie par β = 2 (D1− D2) / (D1 + D2), peuvent ˆetre calcul´ees grˆace `

a la relation

ω (β) = ω (0) (1 + βFlm) , (3.3)

o`u ω (0) correspond `a la fr´equence ωl=2 du mode quadrupolaire de la sph`ere (Eq. 1.66), le cœficient Flm ´etant fonction, quant `a lui, des entiers l et m selon la formule

Flm= 1 2 4m2− 1 (2l − 1) (2l + 3) − 1 3 ! . (3.4)

Les fr´equences ωl=2,m du mode quadrupolaire pour de faibles d´eformations, d´eduites de la relation pr´ec´edente, sont les suivantes :

• pour m = 0 : ωl=2,m=0(β) = ωl=21 −21, • pour m = ±1 : ωl=2,m=±1(β) = ωl=21 −21, • pour m = ±2 : ωl=2,m=±2(β) = ωl=2



Le mode vibrationnel (l = 2, m = 0) non-d´eg´en´er´e est la composante du mode quadrupo-laire de plus basse fr´equence faisant intervenir les atomes qui oscillent dans la direction du grand axe de l’ellipso¨ıde. Ce mode de vibration est fortement coupl´e au plasmon dipolaire non-d´eg´en´er´e qui est associ´e `a l’oscillation collective des ´electrons selon le grand axe de l’ellipso¨ıde [Palpant et al.(1999)], et qui, pour une certaine gamme de d´eformations, est justement excit´e dans le rouge (voir la Figure 1.5). Ainsi, le d´eplacement de la raie Ra-man avec la longueur d’onde excitatrice peut ˆetre interpr´et´e en invoquant une s´election en forme des particules, selon le m´ecanisme suivant : une longueur d’onde laser λ0 situ´ee pr`es du maximum d’absorption (typiquement autour 400 nm), va principalement provoquer l’excitation du plasmon des particules sph´eriques. Quand λ0 est d´eplac´ee vers le rouge, le plasmon dipolaire non-d´eg´en´er´e est excit´e au sein de particules de plus en plus d´eform´ees. La lumi`ere est alors essentiellement diffus´ee par le mode quadrupolaire non-d´eg´en´er´e de ces particules d´eform´ees, mode dont la fr´equence diminue lorsque l’excentricit´e augmente. En faisant varier λ0 du bleu jusqu’au rouge, nous d´etectons un signal de diffusion provenant de particules dont la d´eformation est de plus en plus importante, ce qui se traduit donc par un d´eplacement progressif de la raie Raman vers les basses fr´equences, conform´ement `

a l’´evolution des spectres avec λ0 que nous observons exp´erimentalement.

Un autre ph´enom`ene peut soit ˆetre `a l’origine, soit tout au moins contribuer au d´ epla-cement de la raie basse fr´equence avec λ0. En effet, les analyses r´ealis´ees par MET nous ont permis de constater que parmi les plus grandes particules, la proportion de particules sph´eriques semble diminuer assez nettement au profit de celles qui sont d´eform´ees. Dans la mesure o`u, comme nous venons de le voir, les particules qui participent au processus de diffusion Raman sont s´electionn´ees en fonction de leur forme, elles peuvent ´egalement faire l’objet d’une s´election en taille de fa¸con indirecte ; le d´eplacement de la raie vers les basses fr´equences quand λ0 augmente serait alors provoqu´e par l’excitation de particules de plus en plus grandes. Cette seconde explication est d’ailleurs tout `a fait compatible avec l’affinement de la raie basse fr´equence qui est observ´e lorsque la longueur d’onde excitatrice est d´eplac´ee vers le rouge en prenant en consid´eration le fait que la d´ epen-dance en fr´equence du signal Raman est corr´el´ee `a la distribution de tailles des particules (cf. Eq. 3.2). Dans le bleu, le nombre de petites particules participant au processus de diffusion Raman est plus important que dans le rouge ce qui se traduit, au niveau de la raie Raman, par une aile plus ´etendue vers les hautes fr´equences et donc par une largeur sup´erieure.