• Aucun résultat trouvé

Imposer son style par Nicolas Sarkozy

Le candidat de l’UMP, compte parmi ses amis des acteurs comme Jean Reno et Christian Clavier. Ainsi, il fait un lien entre le monde du spectacle dont il semble être admirateur et celui de la politique dont il fait partie. Cependant, il y a une nuance que Nicolas Sarkozy ne saisit pas lorsqu’il déclare dans Le Monde152 : « Avec les acteurs,

on se comprend. On n’a pas le même métier, mais on a le même public. » Au fil du temps, sa désinvolture, peut-être liée au milieu favorisé qu’il côtoie, lui a fait prendre des aises qui ne sont pas forcément bien vues dans le milieu politique plus discret s’agissant de privilèges. En effet, une fois élu, Nicolas Sarkozy « habite immédiatement la fonction présidentielle. » Il entend marquer l’esprit des électeurs avec sa volonté de faire bouger les choses. Néanmoins, son tempérament qui va au- delà du volontarisme et qui oblige les autres à suivre son rythme pose problème. En effet, il lui est reproché d’en faire trop. Ce reproche est dépourvu de bon sens selon Nicolas Sarkozy pour qui le travail est une des valeurs phares de sa campagne présidentielle. Les critiques liées à son « hyperactivité » n’ont à ses yeux aucune légitimité : « Il y a des choses que j’comprends pas toujours. Quand on dit : "Il en fait trop", ben j’ai le sentiment que la politique en fait pas assez depuis tellement longtemps. Enfin, moi, je crois que quand on a l’honneur d’être président de la République, on s’met au travail à la première minute, de la première heure, de la première journée et on arrête de travailler à la dernière minute de la dernière heure, de la dernière journée153. » Dans une autre occasion il dira qu’il n’a pas été élu « pour

regarder passer les trains ».

Le 7 septembre 2008, Carla Bruni est l’invitée de Vivement dimanche. Nicolas Sarkozy participe de nouveau à l’émission. A cette occasion, le président dit à Patrice Duhamel, journaliste et directeur général de France Télévisions, et à François Guilbeau, directeur de France 2, tous deux présents sur le plateau : « Alors, on est venu saluer l’actionnaire ? On dit que je surveille tout, alors je suis venu voir si tout

152 En juin 2005. Dans le journal Le Monde repris dans Ali, MAGOUDI, J’vais vous dire un truc… Les plus belles

déclarations de Nicolas Sarkozy, La Découverte, Paris, 2009, p. 14.

153 Propos tenus en mai 2007 lors d’un entretien télévisé sur France 3 et publié dans Ali MAGOUDI, J’vais vous dire un

allait bien. » Selon Michel Drucker, lors de son entretien du 27 janvier 2009154 : « C’est tout juste s’il ne leur a pas dit : je suis à la bourre, je dois aller surveiller un autre plateau. En fait, Nicolas Sarkozy aime rigoler et provoquer. Il est soupe au lait, mais ça retombe aussi vite que c’est parti. Il a un trop plein d’énergie en permanence. Sarkozy, c’est une bombe dégoupillée prête à exploser à n’importe quel moment. (…) Il y aura un avant et un après Sarkozy. Il a changé le ton, la communication, il a démodé tout ça, dépoussiéré la fonction. Ça choque, c’est brutal, mais c’est à une année-lumière de tout ce qui avait été fait auparavant. » Reste à savoir si cette évolution va dans le bon sens… d’après les résultats de l’élection présidentielle de 2012, la réponse est non.

Ce style décontracté et très assumé, Nicolas Sarkozy le partage avec ses amis. D’ailleurs, certains d’entre eux n’hésitent pas à renforcer cette image de succès décomplexée. A titre d’exemple, le 13 février 2009 sur le plateau des 4 Vérités, émission diffusée sur France 2, Jacques Séguéla, publicitaire et ami de Nicolas Sarkozy, décoré de la légion d’honneur le 14 juillet 2008, dit à propos de la Rolex du président qui soulève des commentaires : « Si, à cinquante ans, on n’a pas de Rolex, on a quand même raté sa vie. » Voilà qui pose problème étant donné qu’il n’y a pas beaucoup de façons d’interpréter ce commentaire pour lui ôter le manque de respect à l’égard de tous les Français n’ayant pas de Rolex alors qu’ils travaillent tout aussi dur, si ce n’est parfois plus (ou alors dans des conditions plus ingrates) que ceux qui en ont une.

1.10.3

L’évolution d’une image subie par Nicolas Sarkozy

Le tempérament du président de la République peut parfois lui porter préjudice. Le 23 février 2008 au Salon de l’agriculture, Nicolas Sarkozy lâche « Casse-toi alors, pauv’con » à un visiteur qui refuse de lui serrer la main. Le chef de l’État étant observé en permanence, cela n’a pas échappé aux jugements des médias

qui ont relayé ces propos155. Après la diffusion des images du Salon de l’agriculture, Nicolas Sarkozy a été interrogé maintes fois au sujet de ses propos. Bien que l’Élysée ait sorti un communiqué disant qu’il reconnaissait qu’il n’aurait pas dû s’exprimer ainsi, Le Canard enchaîné à publié ces autres propos tenus par Nicolas Sarkozy 156 : « Pas d’excuses, pas de regrets. Quand on me cogne dessus, je ne tends pas l’autre joue. Le climat de haine, entretenu par la presse et par une certaine gauche qui déversent sur moi des torrents d’immondices, explique qu’un pauvre type vienne à ma rencontre pour m’insulter. J’ai répondu spontanément. Je suis comme je suis. Je ne suis pas la France des châteaux. Je n’ai pas fait ma carrière au Quai d’Orsay. » Ce qui renforce son image d’intransigeance mais en même temps de fermeté. Quand Nicolas Sarkozy est critiqué, il assume pour mieux contrattaquer. Cela lui permet souvent de gagner ses rapports de force avec les autres mais en même temps lui donne une image d’intransigeance. Il devient alors « la personne qui a toujours raison » ou du moins celle qui a le dernier mot quoi qu’il arrive. Ce qui rend les échanges avec lui très difficiles voire non désirables.

Le 6 novembre 2008, lors de la cérémonie où Nicolas Sarkozy remet la rosette de la légion d’honneur à Jacques Chancel157, le président de la République dit : « On

me reproche de décorer mes amis. Mais je préfère décorer mes amis quand ils sont bons que mes ennemis quand ils sont mauvais. Et excusez-moi, je décore un garçon que j’aime bien et qui a fait à la fois de l’audience et de la qualité. Ça, c’est insupportable. » Il poursuit : « Vous voyez, je suis capable de donner une décoration à un journaliste. Ils ne sont pas tous pourris. Prenez exemple sur Jacques. » Le président explique que Jacques Chancel faisait une télé simple et respectueuse des invités et poursuit : « où on pouvait parler de culture et de gens intelligents pendant longtemps en faisant de l’audience. (…) Tout l’inverse de ce qui se fait désormais. » Le même soir, le président de la République dit à Rodolphe Belmer, patron de Canal +, concernant des photos de Ségolène Royal et de Bruno Gaccio parues dans la presse « Dites moi monsieur Belmer… Si quelque chose comme ça m’était arrivé, au bout de combien de temps vous en auriez parlé à l’antenne ? Parce que je suis curieux de

155 Le 23 février 2008 au Salon de l’agriculture s’adressant à un homme qui refuse de lui serrer la main et qui lui dit qu’il le

salit.

156 Le 27 février 2008 suite à l’épisode du Salon de l’agriculture selon Le Canard enchainé cité dans Ali MAGOUDI, J’vais

vous dire un truc… Les plus belles déclarations de Nicolas Sarkozy, La découverte, p. 22.

savoir quel traitement vous allez en faire. » Rodolphe Belmer répond : « Pas du tout… On n’a jamais fait part de vos histoires de vie privée dans Les Guignols. » Enfin, le président rétorque « Je ne vous dit qu’une chose, monsieur Belmer. Bon courage. »

Le jeudi 26 février 2009, Les Guignols de l’info ont présenté à la presse une petite fiction suivie d’un documentaire de quatre heures racontant l’histoire de l’humanité version marionnettes pour célébrer les vingt ans d’antenne des Guignols. A cette occasion, chaque journaliste a reçu en cadeau la photographie de la marionnette de Nicolas Sarkozy. Pourquoi celle-ci et pas une autre ? Peut-on supposer qu’elle est la plus populaire ou alors est-ce que c’est celle que le public préfère détester ? La marionnette de Nicolas Sarkozy existe depuis le 29 août 1994. Son accession à l’Elysée et son goût immodéré pour les médias en on fait une des vedettes de l’émission créée par Alain de Greef. Car Sarkozy, pour Les Guignols, semble aussi être le client parfait. Il est le pendant de Chirac, à un détail près, mais essentiel : il dégage moins de sympathie. Le Sarkozy des débuts, chez PPD, incarne le traître, le perdant ou l’envieux. Lors d’un passage dans l’émission Vivement

dimanche sur France 2, le 5 décembre 2004, Nicolas Sarkozy dit à propos de son

image : « Si je devais toujours toucher des droits d’auteur à chaque fois que je me tape un dessin, une image, une caricature, je peux m’arrêter de travailler. Mais j’essaie de la vivre en acceptant. Bien sûr qu’on m’en parle dans la rue. Ma marionnette a fait plus d’heures de télévision que moi. Allez faire le sérieux après, c’est pas facile. C’est un métier noble, la politique. Bien sûr, ça blesse. J’ai une place raisonnable dans le spectacle de Laurent Gerra. Mais lui, il ne se cache pas derrière une marionnette. »

Comme il a pu être constaté plus haut, Nicolas Sarkozy n’est pas du genre à subir passivement les médias. Peut-on dire l’inverse ? Selon Yves Le Rolland, producteur des Guignols, lors d’un entretien avec l’un des journalistes le 11 mars 2009158 : « Les Guignols se nourrissent de l’actualité. Nous n’inventons rien. Nous

sommes tributaires des infos, de la vie publique et des vrais responsables politiques. Sarkozy est un super client des Guignols ; il va très vite et il bouge beaucoup, il est

très drôle. Tous les personnages extravertis sont faciles à faire. Jospin, c’était plus compliqué. Balladur aussi. Le problème aujourd’hui c’est le rythme… Si on suit à la lettre un personnage comme Sarkozy, il nous propose tous les jours quelque chose de différent. On est tous noyés. Les Guignols c’est une espèce de sitcom. Il faut que les personnages aient une cohérence de jour en jour. Il s’agit de trouver des caractères qui durent. On doit proposer des axes. » Les campagnes présidentielles sont toujours importantes pour les Guignols qui en ont déjà suivi 4. » :

- celle de 1995 (la septième de la cinquième République qui s’est tenue les 23 avril et 7 mai) qui opposait notamment Jacques Chirac à Edouard Balladur (soutenu par Nicolas Sarkozy) au sein du RPR puis Jacques Chirac à Lionel Jospin (PS) au second tour, et de laquelle Jacques Chirac sortit vainqueur avec un score de 52,64% ;

- celle de 2002 (huitième de la cinquième République qui s’est tenue les 21 avril et 7 mai) qui opposait au second tour Jacques Chirac, le Président sortant (RPR) à Jean- Marie Le Pen (FN) suite à l’échec de Lionel Jospin (PS) au premier tour, et de laquelle Jacques Chirac sortit à nouveau vainqueur avec un score de 82,21% ; - celle de 2007 (la neuvième de la cinquième République qui s’est tenue les 22 avril

et 6 mai) opposant au second tour Nicolas Sarkozy (UMP) à Ségolène Royal (PS) et de laquelle Nicolas Sarkozy fut vainqueur avec le score de 53,06% des voix ; - et enfin, celle de 2012 (la dixième de la cinquième République qui s’est tenue les

22 avril et 6 mai) opposant au second tour le président sortant, Nicolas Sarkozy (UMP) à François Hollande (PS) et de laquelle François Hollande sortit vainqueur avec le score de 51,64% des voix.

A propos de l’élection de 2007, Yves Le Rolland déclare : « En 2002 on ne s’était pas vraiment régalé, Chirac et Jospin on les connaissait depuis longtemps et la campagne avait été axée uniquement sur l’insécurité. La présidentielle de 2007… a mis sur le devant de la scène une nouvelle génération d’hommes politiques. » En effet, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, représentaient cette année le renouveau d’une classe politique vieillissante. Leur jeunesse, leur style et leur volonté de

dynamiser le pays, que ce soit par le dialogue social pour Ségolène Royal ou par des réformes de fond pour Nicolas Sarkozy, ont suscité un fort intérêt de la part des électeurs que les médias ont su exploiter. En ce qui concerne Les Guignols de l’info, ce fut une aubaine.

Quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2007, la direction intermédiaire de Canal + convoque un des auteurs des Guignols et lui demande de « mettre la pédale douce » car « Nicolas Sarkozy met la pression, il va péter une durite ». En effet, Nicolas Sarkozy téléphone souvent à Bertrand Méheut et Rodolphe Belmer en leur disant que les Guignols « font du militantisme. » De leur côté, les équipes des Guignols disent que c’est « faux » et argumentent : « On tape sur les plus forts, donc sur la droite en ce moment. Si c’était la gauche, on taperait sur la gauche. On est juste le reflet de la télé française. »

Pour sa part, Nicolas Sarkozy ne parle pas aux auteurs des Guignols de l’info mais son entourage tente des approches. Claude Dumas, conseiller en communication auprès de Bernard Laporte (alors secrétaire d’État chargé des sports) a tenté d’inviter à dîner un membre de l’équipe des auteurs des Guignols. Mais Franck Louvrier, le directeur de la communication de Nicolas Sarkozy est invité aussi, ce qui pose problème, car comme dit Yves Le Rolland159 : « … il suffirait aux hommes politiques

de dire sur un plateau de télévision. "Tiens, j’ai dîné avec eux, ils sont sympas" pour que les dégâts soient terribles. » C’est pourquoi les équipes des Guignols ont pour principe de refuser ce type de rencontres. Ainsi, selon l’un d’entre eux « Ils tentent des approches, mais ne se risqueraient pas à nous virer. Quel homme politique accepterait d’être celui qui a fait arrêter les Guignols ? Impossible. » Néanmoins, à cette période, les Guignols peuvent parfois s’autocensurer. Surtout en ce qui concerne les traits physiques de Nicolas Sarkozy. Certains sketches écrits sur ce thème ne dépassaient pas le stade de la lecture. Plus tard, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, on notera qu’ils prennent de plus en plus de libertés au fur et à mesure que le président perd de la popularité dans les études d’opinion.

Ces tentatives de prise de contrôle agacent certaines personnalités du milieu audiovisuel. À titre d’exemple, le 13 septembre 2008, Patrick Sébastien dit dans une interview de l’hebdomadaire suisse TV8160 : « Je suis à la merci du premier petit con venu délégué par Sarkozy qui prendra la chaîne et dira : "Celui là, je l’aime pas, on le jette !" Sarkozy, la chose qu’il a le plus créée, c’est le désespoir. » Et en ce qui concerne la suppression de la publicité dans la télévision du service public : « C’est une magouille politique pour faire un cadeau à Bouygues. Et c’est ça qui est dramatique. TF1 est aux ordres de l’État. » Il poursuit : « Sarkozy place ses hommes partout. C’est la moindre des choses dans un régime comme celui-là… Je le connais bien donc je sais comment il fonctionne… au service du pays bien sûr, mais avant tout au service de son propre personnage et de son orgueil à lui. » Cet agacement est compréhensible mais la peur et le désespoir évoqués sont peut-être injustifiés et exagérés car, en ce qui concerne Patrick Sébastien, sa présence sur France 2 depuis 1996 n’a pas été menacée par Nicolas Sarkozy durant son quinquennat. La preuve en est que, en 2013, Nicolas Sarkozy a quitté le pouvoir mais Patrick Sébastien demeure sur France 2.

Quatre mois plus tard, le 18 janvier 2009, Nicolas Sarkozy vient de rencontrer Hosni Moubarak, chef de l’État égyptien, à Charm-el-Cheik et se rend à Jérusalem pour dîner avec le Premier ministre israélien Ehud Olmert. Ce jour là, Nicolas Sarkozy est entouré de journalistes161. Dans une discussion informelle il dit, concernant son goût pour la télévision et le temps qu’il y consacre : « Je n’ai plus beaucoup le temps mais je me tiens au courant. Pas les talk shows, je ne les regarde pas, parce qu’il y a toujours quelqu’un qui parle de moi. Je n’ai pas envie de me voir, vraiment pas envie. » Comme Nicolas Sarkozy est convaincu que la presse lui est défavorable, ce jour là, il déclare : « La presse ne me fait pas de cadeau. La plupart des observateurs ne souhaitent pas que je sois élu en 2007, pas plus qu’ils ne croyaient en ma victoire. Si j’avais les médias avec moi, cela se verrait. Je ne subirais pas autant de critiques. » C’est vrai qu’il est assez paradoxal d’entendre que Nicolas Sarkozy a pu avoir la main mise sur les médias alors qu’il a très régulièrement fait l’objet de critiques par ces derniers.

160 Repris dans Renaud SAINT-CRICQ, Frédéric GERSCHEL, Canal Sarkozy, Flammarion, 2009, p. 133.

1.10.4

Les conséquences des provocations de Nicolas Sarkozy et