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Le choix de la chronologie du déroulement de la campagne

CAMPAGNE CONFRONTEE AU « CAS S ARKOZY »

1.4.6 Le choix de la chronologie du déroulement de la campagne

Le choix de la chronologie du déroulement de la campagne implique deux choix importants : le choix de la date d'entrée en campagne et le choix du rythme de montée en puissance de la campagne. Le choix de la date d'entrée en campagne est un choix stratégique avec une portée considérable sans que le marketing politique dispose d'une réponse systématiquement efficace. Il s'agit d'une question délicate que les spécialistes de la communication politique traitent au cas par cas. Nous pouvons relever l'exemple de trois entrées en campagne tardives qui n'ont pas abouti de la même façon. La première est celle de Valéry Giscard d'Estaing en 1981 qui s'est soldée par un échec, tout comme celle de Nicolas Sarkozy le 15 février 2012. Cependant, en 1988, l'entrée en campagne tardive de François Mitterrand a abouti à une victoire. Toutefois, il faut noter que dans les deux premiers cas les électeurs avaient peu de doutes sur l'entrée en campagne des deux hommes politiques. En ce qui concerne François Mitterrand, le doute de son entrée en campagne était plus important, malgré le fait qu’une campagne de notoriété ait été menée parallèlement : celle de Génération Mitterrand. Ceci peut s'expliquer par le sentiment qu'ont pu avoir les électeurs : que cette campagne était le fruit d'une vraie demande citoyenne.

En revanche, les professionnels du marketing politique déconseillent souvent de faire une entrée en campagne officielle trop précoce. En effet, cela implique plusieurs prises de risques qui peuvent s'avérer superflues. Le premier risque est celui

de commettre plus d'erreurs que les autres car chaque journée de campagne implique une prise de risque qui peut porter préjudice au candidat. Le deuxième risque est celui de rester longtemps à découvert et de ce fait, d’être une cible toute désignée pour les opposants qu'ils soient des concurrents au sein du même parti lors de primaires ou des adversaires issus d'autres partis susceptibles de présenter leur candidature. C’est ce que Dominique Strauss Kahn a peut-être essayé de faire pour la campagne de 2012 avant l’affaire du Sofitel de New York en mai 2011. Ce qui pourrait justifier une entrée en campagne précoce serait le fait d'être un candidat peu connu des électeurs ou ayant un retard important à rattraper sur ses adversaires. Un an avant les élections présidentielles de 1988, Jean-Marie Le Pen avait commencé à faire campagne en faisant même apposer des affiches sur les plages durant les vacances de l'été 1987. Par ailleurs, le choix de méthodes de campagne classiques rend parfois indispensable une entrée en campagne précoce. Un autre exemple est celui de Jacques Chirac qui, avant l'élection de 1995, se serait employé à organiser diverses rencontres avec les électeurs dans le cadre de petites réunions et meetings à travers la province française en serrant des millions de mains à travers le pays. Quant à Nicolas Sarkozy, il a commencé à faire campagne « à découvert » dès mai 2002.

En règle générale, s'il devait y en avoir une, on peut dire que le choix du moment d'entrée en campagne doit tenir compte de la situation de l'homme politique par rapport au poste qu'il convoite. S’il est candidat pour la première fois et qu'il n'a pas une expérience significative justifiant des compétences nécessaires pour le mandat qui est en jeu, il lui sera conseillé de faire une entrée en campagne précoce pour qu'il ait le temps de se construire une notoriété et surtout, une popularité solides45. Si au contraire, il est sortant et bénéficie d'une notoriété ou mieux encore d'une popularité auprès des électeurs, il lui sera conseillé de faire une entrée en campagne plus tardive sans pour autant laisser trop de terrain à ses adversaires. Dans tous les cas, ce qui compte c’est d’exister aux yeux des électeurs comme dit Jean- Marie Cotteret : « Le pouvoir appartient aux plus apparents. […] L’homme politique ne devient pas le plus apparent parce qu’il a accumulé des mandats électifs, il est élu parce que sa capacité à communiquer lui a permis d’être les plus apparent46. »

45 La notoriété correspond au fait qu’il soit connu du public alors que la popularité implique qu’il soit apprécié du public.

Le choix du rythme et de la montée en puissance de la campagne est un choix qui, s'il est aisé à prendre, ne sera pas forcément aisé à respecter. En effet, ce choix ne peut être qu'empirique, et les conseillers en marketing politique font preuve ici d'un savoir-faire qui s'apparente souvent à de l'intuition. Selon Philippe J. Maarek, on peut distinguer quatre types principaux de chronologies47 :

- « Les campagnes à montée en puissance progressive, le type le plus courant, ont pour but une occupation du terrain relativement régulière et de plus en plus importante au fur et à mesure que l'échéance électorale approche, une augmentation parallèle à celle de la montée en puissance corollaire de l'intérêt des médias ; on y multiplie donc en toute logique les chances d'attirer l'intérêt des électeurs, grâce à la synergie offerte nolens volens48 par les médias, qui provoque une focalisation croissante des personnes portant attention à la campagne. »

- « Les campagnes blitz (ou campagnes-éclair), visent à obtenir une saturation des médias grâce à une concentration en un espace très court, ou tout type de support et de médias sont sollicités simultanément - un peu comme la campagne de François Mitterrand en 1988. » Nicolas Sarkozy, lui, aura mené une campagne de ce type mais sur une période très longue, de mai 2002 à mai 2007 !

- « Les campagnes à étapes, probablement les plus difficiles à mettre sur pied, mais qui peuvent se révéler efficaces, l'image de l'homme politique est construite au fur et à mesure que la campagne avance, à coup de "pseudo-événements" soigneusement orchestrés pour focaliser l'attention. Participent à cette catégorie les campagnes de teasing, que l'on pourrait traduire par effet d'annonce. D'ailleurs, le verbe a donné naissance au strip-tease, qui suggère avant de montrer. Il s'agit d'une tactique – directement inspirée du marketing commercial qui consiste à ne pas dévoiler immédiatement le nom de l'homme politique ou du parti pour lequel la campagne est engagée. En France, l'exemple le plus célèbre en est la campagne faite par l'Express en 1963 en prévision des premières élections présidentielles au suffrage universel sous la Ve République. Dans plusieurs parutions, l'hebdomadaire alors dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber, très influencé par l'évolution de la

47 Dans Philippe J. MAAREK, Communication et marketing de l’homme politique, Paris, LexisNexis, 2007, p. 97 et 98.

communication politique aux États-Unis, révéla et soutint pendant plusieurs mois sans prononcer son nom le programme politique d'un certain "Monsieur X", alias Gaston Deferre, d'ailleurs "relooké" au goût moderne, sans lunettes et avec une garde-robe refaite. » C’est le choix de Nicolas Sarkozy pour faire parler de lui depuis sa défaite de mai 2012.

- « Enfin les campagnes stop and go, souvent utilisées lorsque l'homme politique manque de moyens, qui repartent à chaque fois qu'une échéance importante permettant de les favoriser et de démultiplier leur impact semble en vue (sondages proches, émission télévisée où figure l'homme politique, etc.). La tactique s'apparente ici clairement à celle des surfeurs qui se servent de l'énergie des vagues et qui la détournent pour leur propulsion. »

En fin de compte, il est rare que le marketing politique se contente d'adopter un seul type de chronologie et il est plutôt enclin à en utiliser plusieurs selon les besoins du moment. De plus, le calendrier de campagne doit rester relativement flexible pour pouvoir faire face aux nombreux impondérables de l'action politique comme peuvent l'être : l'entrée en campagne de nouveaux adversaires, nouveaux événements économiques, sociaux, nationaux ou internationaux. Néanmoins, il faut prendre en compte le fait que certains choix de montée en puissance peuvent limiter des possibilités d'action ultérieure. Par exemple, une montée en puissance très tardive peut fortement nuire à la mobilisation des militants et des sympathisants49, et donc à la prise de relais de l'organisation centrale par la base.

L’estimation de la fin de la campagne utile est le choix du moment où l'on arrête de faire campagne. Il est important pour s'assurer une exploitation optimale du temps qu'il faut pour stimuler les électeurs et de l'espace médiatique nécessaire pour élargir le spectre du message politique sans prendre le risque de commettre des erreurs dans la durée ni de brouiller le message dans l'espace. La communication politique entraîne un temps de latence important qui interdit toute évolution dans les derniers

49 En ce qui concerne les militants et les sympathisants, nous les distinguons comme suit : les militants sont des individus qui

soutiennent un homme politique et son parti et se caractérisent par leur cotisation au parti en période de campagne ou non. Les sympathisants sont, eux, des soutiens moins réguliers et attirés par la campagne ou un homme politique particulier. Ainsi, ils pourront réduire ou arrêter leur mobilisation en faveur de la personnalité qu’ils soutiennent une fois la campagne terminée.

jours de la campagne. C’est la période du « times’s up » ou du temps écoulé, comme disent les spécialistes du marketing politique nord-américain. Il faut donc évaluer à quel moment la communication de l'homme politique a atteint son niveau optimum et a donné aux électeurs tous les éléments pour faire leur choix.

Il s'agit d'une étape de la campagne qui tourne à vide et qui n'est plus propice à des changements importants en ce qui concerne le choix des électeurs. Ainsi, les derniers jours de la campagne présidentielle de 1988 durant lesquels eut lieu la libération de quelques otages retenus au Liban ne permit pas à Jacques Chirac de rattraper son retard par rapport à François Mitterrand, malgré le fait qu'en tant que chef du Gouvernement il était peut-être à l'origine de leur libération. Dans tous les cas, c'est lui qui accueillit les otages lors de leur arrivée très médiatisée sur le sol français à la veille de l'échéance électorale, mais cela ne joua pas en sa faveur. Pour cette raison, les équipes de campagne continuent à commanditer des sondages privés qui leur permettraient de profiter, si besoin, des tout derniers jours de la campagne officielle afin de rectifier une position ou d'aller plus loin dans une proposition. Ceci, alors qu'en France la législation en vigueur interdit la publication des sondages la veille de chaque tour de scrutin et le jour de celui-ci50.

1.5 L

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