• Aucun résultat trouvé

1.10.5 Les sondages comme thermomètre du « sarkozysme »

1.10.5.2 Les problèmes posés par les sondages d'opinion

1.10.5.2.5 La formulation des questions

De manière générale, il y a trois types de formulations :

- les formulations fermées qui permettent un choix limité de réponses comme « oui » ou « non » par exemple ;

- les formulations performées dans lesquelles les prémices des questions sont relativement directives, en interpellant la personne interrogée comme par exemple dans la question suivante : « 76 % des Français sont pour la peine de mort. À votre avis, faut-il la rétablir ? » ;

- les formulations ouvertes qui donnent à la personne interrogée la possibilité d'élaborer ses propres réponses.

Dans tout les cas de figure, la formulation des questions est, sans doute, l'élément principal de la fiabilité des enquêtes d'opinion. Ainsi, une enquête peut être considérablement biaisée par l'omission ou la mauvaise formulation d'une question cruciale par rapport aux informations que l'on souhaite recueillir. Dans ce cas, l'emploi d'un terme plutôt que d'un autre dans une enquête d'opinion peut avoir des conséquences importantes. Par exemple, en 1969, on réalisa deux sondages à quelques mois d'intervalle. Le premier, qui eut lieu en février, releva que 81 % des personnes répondirent oui à la question « croyez-vous en Dieu ? » Alors que le deuxième qui eut lieu au mois d'août releva que 66 % des personnes interrogées répondirent affirmativement à la question « est-ce que vous croyez en Dieu188 ? »

187 Dans Philippe J. MAAREK, Communication et marketing de l’homme politique, Paris, LexisNexis, 2007, p. 137.

D'ailleurs, on peut ajouter que la bonne ou mauvaise compréhension des termes est en soi un facteur de dispersion, surtout quand il ne s'agit pas de vocables usuels. Ceci peut expliquer que des enquêtes d'opinion a priori semblables, donnent des résultats très différents, avec des conséquences considérables pour le marketing politique en cas d'erreur d'analyse. D'autre part, la popularité politique relevée par des études d'opinion peut être distincte des intentions de vote et, par conséquent, des votes ultérieurs. Des personnalités politiques comme Raymond Barre, Simone Veil, Édouard Balladur ou Lionel Jospin reflètent ce décalage puisqu'ils ne sont jamais véritablement parvenus à capitaliser leur forte popularité lors d'une élection majeure.

De plus, on ne peut empêcher la subjectivisation des questions par les personnes interrogées, ce qui peut donner des variations parfois difficiles à expliquer. Ainsi, les réponses obtenues doivent être corrélées à la longueur des questions, à la place des différentes questions à l'intérieur du formulaire, et à leurs relations internes, même involontaires, puisqu'elles sont décodées comme telles par les personnes sondées. Ceci illustre la difficulté de la tâche des enquêteurs d'opinion et son grand empirisme.

En plus des inconvénients que nous venons de souligner, il y en a un autre de taille : l'absence de fiabilité des réponses. En effet, les personnes interrogées peuvent toujours donner des réponses inexactes, soit parce qu'elles ne veulent pas partager leurs vraies idées, soit par ce qu'elles veulent donner une réponse malgré leur ignorance, soit parce qu'elles ont mal compris la question ou encore par manque d'intérêt pour la question posée. Il s'agit d'une absence structurelle de fiabilité qui rend difficile la tache d'analyse du marketing politique.

Les mauvaises réponses inconscientes peuvent avoir l'apparence d'un acte manqué. Selon Philippe J. Maarek : « alors que Kennedy avait eu à peine plus de 50 % des voix en 1960, sa popularité, et son assassinat, modifièrent les opinions au point que… 64 % des personnes ayant voté en 1960, puis interrogées en 1964, répondirent avoir voté pour lui189 ! » Les mauvaises réponses peuvent aussi être volontaires. En

effet, si l'on reprend l'exemple précédent, on peut considérer que parmi les 64 % des

personnes qui, en 1964, ont prétendu avoir voté pour Kennedy en 1960, certaines avaient conscience de ne pas avoir voté pour lui, mais prétendaient le contraire pour donner une bonne image d’elles-mêmes au sondeur. D'autre part, les professionnels des sondages d'opinion savent que les personnes interrogées dont les sympathies vont aux extrêmes de l'échiquier politique ont, en général, tendance à atténuer leurs réponses par rapport à leurs opinions véritables. En effet, on peut se demander, combien de personnes répondraient ouvertement « oui » à la question : « êtes-vous raciste ? »

Les mauvaises réponses dues au désintérêt ou à l'incompétence inavouée des personnes interrogées sont, comme nous l'avons vu, une cause de manque de fiabilité des sondages. En effet, les personnes interrogées ont souvent tendance, par bonne ou mauvaise volonté envers la personne qui les interroge, à fabriquer une réponse, qui n'aura pas de grande signification, plutôt que de s'abstenir de répondre. Ce phénomène est bien connu des professionnels du marketing commercial. Par exemple, ils savent qu'il n'est pas forcément pertinent de demander à un homme s'il préfère une lessive liquide ou une lessive en poudre pour laver le linge. Un autre exemple concret, est celui d'un sondage effectué en 1988 concernant le Ministère de l'environnement190. Dans celui-ci, « 54 % des personnes interrogées déclarèrent qu'elles avaient une opinion précise (bonne, mauvaise, etc.) de celui-ci… Alors qu'elles n'étaient que 34 % à en connaître probablement l'existence… » Dans ce dernier cas impliquant un désintérêt ou une incompétence inavouée, la marge d'erreur est très difficile à évaluer. Les effets négatifs de ce phénomène peuvent néanmoins être limités par d'autres questions dites « d'approche ». C'est pourquoi les organismes de sondages procèdent à des redressements des résultats, avec les inconvénients que représente ce passage à l'empirique dans un processus supposé mathématique.

190 Patrick CHAMPAGNE, Faire l’opinion (le nouveau jeu politique), Editions de Minuit, 1990. Dans Philippe J. MAAREK,