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Immigration et constructions textuelles

I : La littérature de l’immigration et l’historiographie du champ littéraire africain francophone

I. 3. Immigration et constructions textuelles

La nouvelle génération des écrivains diasporiques se caractérise également, selon le discours critique, par des pratiques d’écriture différentes de celles de la littérature africaine canonique. Ainsi, Carmen Husti-Laboye, en s’appuyant sur un corpus composé entre autres des romans comme La Fabrique des cérémonies (2001) de Kossi Efoui,

Femme nue, femme noire (2003) de Calixthe Beyala, Place des fêtes (2001) de Sami

Tchak et Le Ventre de l’Atlantique (2003) de Fatou Diome, conçoit ces écritures, sur le plan de la construction des univers diégétiques, comme constitutives de la postmodernité. Christiane Albert également constate de son côté que l’immigration n’est pas seulement une question de société que l’on doit limiter, sur le plan des représentations littéraires, à « un certain nombre de traits structurants ». Pour l’auteure, l’immigration « produit aussi un discours qui induit des modalités d’écriture spécifiques qui ne prennent leur sens que lorsqu’on les situe dans une perspective postcoloniale »1 puisque, selon Albert, la

littérature de l’immigration prend appui sur les situations de marginalisation sociale et d’hégémonie culturelle consécutives à l’expansion coloniale. Il s’agit ainsi, selon les critiques, d’une écriture novatrice qui se démarque des modes de construction textuelle mis en place par les premiers romanciers africains du voyage. Ces changements affectent principalement la construction narrative. Ainsi, Albert considère les énonciations diasporiques comme des écritures de « la démaîtrise »2 et « du hors-lieux »1. Husti-

1 C. Albert, L’Immigration dans le roman francophone contemporain, op. cit., p. 131.

2 Le terme de « démaîtrise » est entré dans la sphère de la critique du roman africain francophone à partir de

la parution, en 1997, de l’ouvrage de Joseph Paré intitulé Écritures et discours dans le roman africain francophone post-colonial, Ouagadougou, Kraal. Dans cet ouvrage où le critique entreprend de faire l’inventaire des traits esthétiques, des stratégies discursives, ou, « les audaces scripturaires », comme Paré lui-même les désigne, qui ont revitalisé le roman africain au lendemain des années d’indépendance, la « démaîtrise » est définie comme un état du sujet carrant sur le plan des catégories du savoir et du pouvoir ; « La figure qui permet de critiquer la logique du sujet. Elle n’est plus seulement la marque d’une aliénation mais surtout la preuve d’un déphasage de celui qui n’a plus la possibilité de se prévaloir des attributs qui

72 Laboye, par ailleurs, trouve ce souffle nouveau dans un questionnement sur le sens, notamment par rapport à la relation entre le sujet de l’énonciation littéraire et le monde. Selon elle, les narrations africaines contemporaines procèdent à un déplacement discursif du plan épistémologique vers des interrogations d’ordre ontologique. Il ne s’agit plus d’envisager le type de contexte qui préside à l’écriture de l’œuvre ou encore de déterminer, à travers l’œuvre, « la position politico-sociale » de l’écrivain. Tout au contraire, les narrations de la diaspora africaine actuelle soulèvent des questions sur le sens du monde dans sa relation avec le sujet. Ainsi, s’explique par exemple l’appropriation de la langue sur le plan de la créativité, en faisant à la fois "un jeu et en enjeux". C’est, au regard des textes ici concernés, le cas des constructions narratives des romans comme Kétala de Fatou Diome et Verre Cassé d’Alain Mabanckou. Dans la première œuvre, la situation narrative mise en place par Fatou Diome nous plonge au cœur d’une construction nourrie entre autres de la technique de la palabre africaine et de la rhétorique occidentale le tout orchestré par des voix narratives anthropomorphes, puisque plutôt que de mettre en place une instance narrative unique comme foyer d’émission du récit, la romancière crée un univers fictif où se relaient les voix d’un narrateur hétérodiégétique et de narrateurs seconds, intradiégétiques, mais auxquels revient la relation de l’essentiel du récit ; les meubles de Mémoria. Cette construction est originale dans le roman francophone. Fatou Diome transforme les meubles en narrateurs et destinataires du récit. Ceux-ci se racontent les bouts de l’existence du personnage renié par sa communauté. La narration intercalée s’enrichit ainsi de fragments, des séquences qui toutes travaillent à reconstruire la vie du personnage. Cette manière de narrer crée un rapprochement entre l’histoire et la narration, entre le récit et le discours. Ainsi, ces narrateurs objets, véritables passeurs, à travers le jeu de l’évocation passent en revue les figures de style apprises par Mémoria du temps de sa fréquentation du lycée, des

avaient été les siens dans une situation antérieure. Elle caractérise la situation du sujet incapable de dépasser le moment négatif de la perte pour devenir à nouveau un sujet d’action et de cognition » (p. 48.)

1 Cette notion est issue des travaux de Michel Laronde, principalement de son ouvrage Autour du roman

beur. Immigration et identité, Paris, L’Harmattan, 1993, pp. 74-92. Elle renvoie à des pratiques d’écritures marquées par le « brouillage des codes référentiels » par lesquelles les écrivains dits beurs se refusaient à se choisir un espace géographique d’assignation ou d’appartenance identitaire entre l’Afrique (le Maghreb) et la France, inscrivant leur écriture dans un paradigme de non-appartenance géographique s’articulant sur « la dialectique du rejet des deux cultures » (p. 78.)

73 ouvrages lus par celle-ci ainsi que des propos ayant cours dans les milieux africains et français fréquentés par le personnage. Ces échanges transforment l’espace du texte en un lieu de constante hybridation.

Alain Mabanckou également s’inscrit dans cette perspective d’hybridations narratives. À travers une intertextualité sans frontière, cet auteur transforme la narration de son roman Verre Cassé en un jeu où résonnent les accents de la littérature mondiale. De même, dans son roman Mémoires de porc-épic, couronné par le prix Renaudot en 2006, Mabanckou, dans le sillage de Fatou Diome, donne la parole à un narrateur animal, le porc-épic qui vient dénoncer, au pied d’un baobab, la cruauté de son maître humain. Ces techniques de narration mettent bien en évidence une écriture préoccupée par le travail sur la forme. On peut, de ce point de vue, partager l’opinion de Christiane Albert selon laquelle le texte littéraire de l’immigration met en lumière une poétique, un mode de construction textuel tout comme un mode d’articulation institutionnelle spécifiques. Ces textes innovent à la fois dans la manière de narrer et sur le rapport entre le texte et son référent. Ils mettent en outre l’accent sur les hybridations propres à ces nouveaux espaces cosmopolites que sont les centres urbains des métropoles occidentales ou les villes africaines post-coloniales. Ainsi, le roman de l’immigration post-coloniale intègre de nouveaux aspects des espaces urbains occidentaux et africains comme les métissages, les découpages administratifs en centres et en périphéries, que celles-ci soient des banlieues françaises ou des faubourgs africains. Il s’agit, dans ces nouvelles écritures d’une mise en scène de l’hétérogénéité comme support discursif nécessaire à la subversion de tout élan à l’hégémonie ou à l’exclusivité. Ainsi, Christiane Albert parle d’une écriture « de l’entre-deux », « métisse » ou « du Tout-Monde ». Odile Cazenave quant à elle parle d’une écriture « décentrée »1. Cette tendance à s’exprimer de l’extrême

1 Le concept d’« écriture décentrée » a été proposé mis par Michel Laronde, dans le cadre du roman beur,

pour rapporter les décalages linguistiques et culturels qui émergent à l’intérieur de la France et qui sont dus à l’origine étrangère des écrivains. Dans l’introduction de l’ouvrage coordonné par Laronde, intitulé L’Écriture décentrée. La langue de l’Autre dans le roman contemporain, Paris, L’Harmattan, 1996, pp. 7-8, le critique définit ce concept en ces termes : « L’Écriture décentrée rendrait compte de développements à l’intérieur de l’Hexagone d’une littérature marquée par des différences linguistiques et culturelles ancrées en partie dans l’origine étrangère des écrivains […] est "décentrée" une Écriture qui, par rapport à une Langue et une Culture centripètes, produit un Texte qui maintient des décalages linguistiques et idéologiques […] ces Écritures sont produites à l’intérieur d’une Culture par des écrivains partiellement

74 périphérie parcourt de nombreuses œuvres diasporiques. Biyaoula par exemple, dans son roman Agonies, fait parler aux personnages un français des banlieues de France comme en témoignent les mots « les Blacks » pour les Noirs, ou encore les particules « ou quoi ? » en fin de phrases interrogatives. Ainsi, Olivier, un personnage agacé par la mine dépitée de Guy, le petit ami de Maud, dit à celui-ci : « Dis donc Guy ! Tu pourrais faire un petit effort quand même ! Tu veux nous gâcher la fête jusqu’au bout ou quoi ? »1. De

nombreuses occurrences témoignent de ces types de sociolectes et constructions syntaxiques relâchées. On peut donc conclure avec Cazenave que le public français est celui que visent les textes. En effet, des constructions syntaxiques de ce genre sont fréquentes dans les œuvres dont la banlieue constitue le cadre spatial chez Biyaoula comme chez Beyala. Cette parlure, si elle ne fait pas partie du français standard, n’a rien non plus à avoir avec une quelconque particularité de français africain. Il s’agit en revanche des modes de parler aisément constatables dans les quartiers périphériques des villes françaises.

Pour Carmen Husty-Laboye, l’inscription du roman de la nouvelle diaspora africaine en France dans une énonciation issue de la marginalité ou de la périphérie, pose la sexualité et la folie comme des articulateurs de la non-cohérence, reflet de la complexité sociale. Ainsi en est-il du personnage de Sorraya dans le roman Assèze

l’Africaine de Calixthe Beyala. Sorraya est en effet le type de personnages ayant remué

ciel et terre pour réaliser leurs rêves d’enfance qui peuvent se résumer, pour le cas de Sorraya, à un irrésistible besoin de s’occidentaliser. Précisément, être une grande star en Occident et avoir une existence matériellement bien comblée avec un mari blanc et riche. Sa vie à Paris correspond, du moins à ses débuts, à ces souhaits longtemps entretenus : « En six mois, Sorraya devint une star prospère et adulée. Elle se produisait partout, au Caveau, à l’Olympia, au Zénith, partout, des milliers de mains fanatisées se levaient pour l’adorer.»2 En outre, Sorraya habite un luxueux appartement dans le seizième arrondissement de Paris et est l’épouse d’Alexandre Delacroix, directeur général de la MG5, une société de production de disques. Cependant, lorsque toutes ces aspirations

exogènes à celle-ci, et dont le débord (à la fois celui de l’Écriture et de l’Écrivain) exerce une torsion sur la forme et sur la valeur du message. »

1 D. Biyaoula, Agonies, op. cit., p. 124. 2 C. Beyala, Assèze l’Africaine, op. cit., p. 327.

75 sont comblées, au moment même où elle est au sommet de sa gloire, le personnage éprouve un sentiment de vacuité par rapport à sa vie. La star est poussée à des attitudes déséquilibrées. Lors d’une soirée par exemple où des invités français viennent dîner chez Sorraya et son époux, cette dernière conçoit des mets africains que ses invités ont des difficultés à manger, puisqu’elle leur intime l’ordre de manger non pas avec des fourchettes, mais avec des doigts : « Le nfoufou se disséminait partout. Il atterrissait dans les décolletés. Il chutait sur les cuisses ou dégoulinait le long des mentons comme une bave épaisse. »1 Le délire de Sorraya atteint une gravité irrémissible au point où elle en vient à décommander certains de ces spectacles, sans égard pour son public admiratif, puis finalement à se dévêtir pour mimer, devant Assèze, la manière dont les hommes possèdent les femmes pour les faire choir avec mépris.

Daniel Biyaoula, dans son roman L’Impasse relève aussi les questions de sexualité et de folie comme objet du discours littéraire. La sexualité dans sa connotation la plus dégradante est associée à la scène où Dieudonné, un ami de Joseph est surpris en flagrant délit d’adultère avec Rosaline Dugal. En effet, le jour où Suzanne, la compagne blanche de Dieudonné, emménage dans un nouvel appartement où le couple projette d’habiter, Rosaline, une voisine dont l’époux affiche une haine viscérale à l’égard des Noirs, éveille la concupiscence de Dieudonné. Il vient ainsi remplacer Michel Dugal dans leur lit conjugal quand celui-ci travaille de nuit. Mais des messages anonymes viennent informer le mari cocufié de la relation extraconjugale de son épouse avec un Nègre. Il s’arrange ainsi pour tendre un piège aux deux infidèles afin de les prendre en flagrant délit. Dieudonné est mis en joue et sommé de ne pas faire le moindre mouvement jusqu’au point du jour. Finalement, à neuf heures du matin, le mari trahi demande à Dieudonné de s’en aller tout nu au dehors, au vu et au su de tout le voisinage dont sa compagne Suzanne, si bien que dans les escaliers, Dieudonné rencontre deux femmes qui, effrayées, se mettent à crier à l’exhibitionnisme. Tout le quartier accourt à ce spectacle « d’un Noir qui se baladait tout nu ! un exhibitionniste dangereux ou un fou ! »2. Le parcours de Joseph, lui-même le conduit à la démence. En effet, Joseph, étant

1 Ibid, p. 333.

76 acculé dans ses derniers retranchements par l’inaptitude à assumer la complexité de l’existence, sombre dans une débilité mentale qui le conduit dans un asile psychiatrique.

La question des innovations dans l’écriture de l’immigration post-coloniale tient aussi, selon les travaux critiques, à la représentation contrastée de l’espace français et des discours d’altérité qui y circulent. Ainsi, en ce qui concerne précisément l’aspect de la mobilité, les nouvelles écritures de voyage mettent en scène des personnages qui traversent des espaces physiques ou symboliques de l’Afrique et de la France et déconstruisent, à travers ces déplacements, les grandes narrations binaires au profit d’un espace imaginaire de l’entre-deux, de l’hybridité ou tout simplement de l’impossible réconciliation des univers symboliques, traduisant ainsi leur invitation à une réévaluation postcoloniale des actuelles géographies frontalières tout autant que des autres modes d’assignations identitaires, à savoir les pièces d’identité et les ancêtres. Odile Cazenave identifie cet aspect de l’écriture dans l’usage subversif du stéréotype culturel ou racial, notamment chez Calixthe Beyala, mais cela peut se remarquer également chez Bessora et chez Fatou Diome surtout dans son recueil de nouvelles La Préférence nationale (2001). Cazenave soutient ainsi que l’usage littéraire du stéréotype chez Calixthe Beyala fonctionne comme une stratégie discursive, une pseudo-légitimation des préjugés du discours exotique, visant en revanche à débouter ce discours de l’intérieur. Ce procédé consiste précisément à une sorte d’associations lexicales clivées sur lesquelles le lecteur, africain ou occidental, doit nécessairement s’arrêter. Ainsi en est-il, par exemple, selon Cazenave des expressions comme « broyer du nègre », à la place de « broyer du noir » ou encore d’un passage du roman Assèze l’Africaine où la narratrice évoque son séjour à l’école en Afrique et rapporte que les sons qui sortaient de leur bouche d’écoliers étaient « pimentés et bâtonmanioqués » ou encore que leur français « était mis à la page au son du tam-tam, aux ricanements du balafon, aux cris des griots. »1 Selon Cazenave, et nous partageons cet avis, un tel usage de la langue surprend le lecteur occidental, qui y trouve une sorte d’exotisation de la langue française, alors que le lecteur africain ne se retrouve pas forcément dans ces créations lexicales qui peuvent lui être attribuées par mégarde.

77 Jacques Chevrier parle ici d’une stratégie qui consiste à renvoyer dos à dos les discours d’authenticité africain ou occidental.

Il ressort des travaux critiques que les stratégies d’écriture qui innervent la poétique des œuvres de cette génération, entre autres « la dérision, la violence verbale, la transgression des règles, la violence de la création »1 et surtout une intertextualité qui

absorbe les romans de formation des années 1960 tout en les travaillant pour produire des parcours de contre-modèles de formation, se posent comme un mot d’ordre en faveur d’un nouvel art poétique. L’espace littéraire dans lequel s’inscrivent les nouvelles œuvres de voyage en littérature francophone se présente, en définitive, comme une aspiration à dessiner, à travers la fiction littéraire, de nouvelles frontières sociales et institutionnelles plus représentatives du présent, présent tendant à s’éterniser dans l’actuelle postmodernité.

Les innovations formelles dans les écritures de l’immigration post-coloniale s’attachent aussi à une palette plus diversifiée de constructions génériques. En effet, dans son ouvrage Littératures africaines francophones des années 1980-1990, Lydie Moudileno faisait remarquer la nécessité de repenser, en littérature africaine francophone, les critères de la littérarité, étant donnée la naissance, dans les années 1980, des formes de littératures populaires qui faisaient leur entrée dans l’espace littéraire africain francophone, sous la forme de roman policier, roman sentimental et de littérature enfantine entre autres. Odile Cazenave abonde dans le même sens dans son ouvrage

Afrique sur Seine. Elle remarque la mise en place, dans les œuvres de son corpus, des

constructions textuelles se rapportant au roman policier. Christiane Albert quant à elle, remarque, sur le plan de la construction narrative, que les écrivains privilégient des récits homodiégétiques à cheval entre l’autobiographie et l’autofiction. Catherine Mazauric, ancrant son analyse dans les situations de cohabitations impromptues auxquelles sont entraînés les personnages ainsi qu’à la rigidité des contrôles frontalières de l’Europe, identifie l’émergence des constructions génériques comme le « roman choral »2, dont la construction fait se rassembler dans un même espace des personnages que rien a priori ne prédisposaient à mener une aventure commune. Cette critique identifie en outre les

1 C. Husti-Laboye, La Diaspora postcoloniale en France. Différence et diversité, op.cit., p.205. 2 C. Mazauric, Mobilités d’Afrique en Europe, op. cit., p. 84.

78 constructions de l’utopie et de l’uchronie ; en somme des modes différents de fictionnaliser l’Histoire. Ces métamorphoses du roman d’aventures1, bien que n’étant pas

entièrement représentées dans notre corpus, s’y retrouvent, du moins dans certaines séquences. Ainsi, dans Bleu-Blanc-Rouge d’Alain Mabanckou, l’enchaînement d’événements ayant permis aux deux policiers d’appréhender le narrateur alors qu’il exerce le commerce illicite des titres de transports sur la place de Château-Rouge emprunte à la construction de l’intrigue policière. De même, dans les espaces marginaux que mettent en place les œuvres de Beyala on peut constater une certaine propension à dire la cohabitation de personnages d’origines et de races différentes réunis par leur marginalité. C’est le cas par exemple du lieu où se noue l’amitié entre Saïda et Marcel Pignon Marcel dans Les Honneurs perdus. Les romans Inassouvies, nos vies et Kétala de Fatou Diome sont tissés de séquences qui empruntent au roman sentimental, dans le cas de Kétala, et à l’uchronie, pour Inassouvies nos vies, dans la mesure où c’est à Betty, la jeune Africaine que revient le devoir d’assistance à Félicité, la femme européenne, inversant symboliquement l’assistance du Sud par le Nord. De même dans Kétala, ce n’est pas un personnage africain qui débarque en France pour se faire soigner, c’est au contraire à un parcours inverse que l’on assiste. Mémoria, arrivée en France en bonne santé, en retourne malade du sida. Ces narrations donnent à lire une autre téléologie. Toutes ces constructions génériques s’attachent à des représentations diverses et constituent des innovations formelles générées par les nouvelles écritures de voyage.

1 Jean-Yves Tadié, Le Roman d’aventures, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, pp. 12-28. Il pose

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