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Immigré post-colonial et figurations littéraires

I : La littérature de l’immigration et l’historiographie du champ littéraire africain francophone

I. 4. Immigré post-colonial et figurations littéraires

L’émergence d’une catégorie sociale de l’immigré a donné lieu à de nombreuses représentations de celui-ci dans la fiction. Ce type de personnage a suscité également l’intérêt des travaux critiques. C’est par exemple en se fondant sur l’affirmation, par celui-ci, d’un certain rapport à l’Afrique qu’Odile Cazenave distingue les trois types de romans qui représentent, selon elle, les écritures de la nouvelle génération d’écrivains africains en France, à savoir les romans du détachement, du déracinement et de l’immigration. Aussi écrit-elle :

C’est d’abord ce qui peut apparaître comme un refus [de la part du personnage mis en scène] d’engagement collectif ou individuel quelconque. Au cœur de ces premiers romans se trouve la mise en question d’une identité qui passe non pas par la recherche de ses origines, mais bien par la fuite loin de ses origines, ce qui, à l’extrême, se manifeste par le refus de toute prise de position que ce soit par rapport au paysage parisien/français ou africain. C’est ensuite, au contraire, une littérature de déracinement, critique sociale, parfois acerbe, de certains aspects des Africains ou de l’Afrique, à partir d’une démarcation du regard, regard africain de l’extérieur, confrontation entre une Afrique intérieure, portée en soi et l’image d’une Afrique là- bas. C’est enfin un balayage, va-et-vient continu, entre les Africains en Afrique et ceux installés en France.1

La plus ou moins grande propension du personnage voyageur à afficher une appartenance africaine ou à la communauté africaine en France permet à Cazenave de concevoir les énonciations du roman des écrivains immigrés en trois catégories, en somme trois manières différentes d’assumer leur statut d’exilé.

Christiane Albert, dans son ouvrage L’Immigration dans le roman francophone

contemporain, opte en revanche pour une étude diachronique des représentations du

personnage de l’immigré entre celui de la période coloniale et celui de l’immigration post-coloniale. Elle note, de ce point de vue, la rémanence d’un certain nombre de « traits structurants » qui, au-delà des périodisations, ont contribué à construire « l’horizon

80 d’attente particulièrement sordide de l’immigration dans les littératures francophones. »1

Au nombre de ces caractéristiques, Albert relève, entre autres, la précarité et l’exclusion sociale, l’indigence voire la misère, la faim, l’implantation dans les périphéries de la ville et la délinquance. Elle en conclut que : « La marginalité sociale est donc un des traits constitutifs du personnage de l’immigré dans la littérature francophone depuis ses origines, et sa banalisation, après les années quatre-vingts, en fait un des topoi majeurs de cette littérature. »2

Pour Catherine Mazauric qui appréhende les fictionnalisations des parcours que les discours officiels considèrent comme une immigration illégale, l’immigré en tant que catégorie littéraire se présente comme le réceptacle des dénominations contradictoires selon que celles-ci viennent des instances administratives de leur terre d’accueil ou que les concernés se les approprient eux-mêmes pour donner un sens à leur déplacement. Ainsi en est-il par exemple des immigrés en provenance du Maghreb qui, tandis que les sociétés européennes les renvoient à la clandestinité, se prennent eux-mêmes pour des

harraga3, inscrivant leur aventure dans un phénomène social pensé en termes

d’héroïsme ; une sorte d’offensive lancée contre l’interdiction qui leur est faite de franchir les frontières européennes. L’« aventurier » est, selon Mazauric, le pendant subsaharien du harraga maghrébin :

Disposant principalement du français, comme langue véhiculaire d’échange entre des ressortissants des pays différents – et largement plurilingue –, les migrants et « transmigrants » subsahariens ont forgé, en cette langue, mais aussi à partir de l’anglais […], un vocabulaire destiné à qualifier leur expérience, enrichi d’expressions puisées dans les langues des différents pays de transit comme l’arabe et l’espagnol. Partir pour tenter de rejoindre l’Europe en des chemins de migration irrégulière, c’est « faire l’aventure. »4

Ces dénominations révèlent la contradiction et le malentendu qui s’attachent aux différents discours proférés au sujet de la migration de part et d’autre de la Méditerranée, selon qu’on est au Nord ou au Sud, mais aussi selon qu’on s’inscrit dans le sillage du

1 C. Albert, L’Immigration dans le roman francophone contemporain, op. cit., p. 95. 2 Ibid., p. 99.

3 C. Mazauric, Mobilités d’Afrique en Europe, op. cit., p. 36. 4 Ibid., p. 50.

81 discours officiel ou des discours humanitaires. Entre ces deux appellations se lisent en effet deux visions du même phénomène. D’un côté la bravoure, le courage et la motivation d’aller conquérir le bien-être qu’on n’est pas certain de connaître chez soi, ce qui est une entreprise louable en soi ; de l’autre, une minorisation des aspirations de toute une jeunesse en désespoir, doublée des représentations de l’arrivant en des termes susceptibles d’inspirer de la défiance à son égard. En somme la fabrication administrative de préjugés sur l’immigré :

Dans la littérature consacrée au sujet [de la clandestinité du migrant], le mot « clandestin » renvoie à deux situations distinctes, bien qu’elles se succèdent généralement : en premier lieu celle du migrant qui entreprend de traverser la frontière sans être repéré par les institutions qui les gardent […] En second lieu, celle de l’immigré qui subsiste en Europe sans papiers, résidant souvent dans les squats et travaillant « au noir ».1

La représentation péjorative du personnage de l’immigré trouve un écho dans les œuvres où l’on constate l’émergence de protagonistes migrants moralement peu fiables, voire psychologiquement déséquilibrés. Ceux mis en scène dans Bleu-Blanc-Rouge d’Alain Mabanckou par exemple, établissent un réseau mafieux, où, à l’instar de l’administration officielle il existe des préfets, spécialisés dans la fabrication de fausses pièces d’identité et des Conformas, démarcheurs interlopes dans l’électroménager. De même, la profession que se donne Ngaremba dans Les Honneurs perdus de Calixthe Beyala, celle d’écrivain public au service de la communauté immigrée de Belleville, n’est pas exempte de déloyauté. C’est dans cette perspective qu’il faut entendre la remarque de Carmen Husti-Laboye qui note une propension, dans la fiction littéraire de l’immigration post-coloniale, à déconstruire la figure du héros. Cette constatation est également faite par Odile Cazenave qui l’évoque en termes d’éclatement de la figure du héros, principalement du personnage masculin. Celui-ci vit une sorte de vide intérieur qui le prédispose à l’échec dans la mesure où les personnages mis en scène dans ces textes méritent beaucoup moins d’incarner l’apôtre « d’un nouveau dialogue interculturel, ni

82 encore moins proposer une nouvelle approche de l’identité africaine. »1 Dans notre

corpus, ces figurations d’immigrés déliquescents renvoient en effet à bien des personnages. Entre autres, aux personnages principaux des romans comme L’Impasse,

Bleu-Blanc-Rouge et, dans une certaine mesure, Kétala. Tous ces personnages en effet

suivent un itinéraire qui les conduit de la stabilité mentale à une sorte de déséquilibre. Leur voyage même n’est pas l’aboutissement d’un projet mûrement médité, ni d’un déplacement motivé par des ambitions nobles comme les études, la profession, l’art. Ce sont, de ce point de vue, de véritables aventuriers. La narration de leur immigration en France se présente ainsi comme une pression exercée sur la corde de leur destin jusqu’à ce qu’elle rompe et que l’aventure se transforme en mésaventure.

Christophe Désiré Atangana Kouna, quant à lui, inscrit la question de la dénomination dans la confusion constitutive du vocable immigré, dans la mesure où, pour ce critique, l’appellation monolithique d’immigré occulte de nombreux statuts, répondant en amont à des motivations différentes. Entre autres catégories, Atangana Kouna relève les exilés, les ex-colonisés de la France en l’occurrence, les étrangers puis les nomades ou aventuriers dont le voyage répond à une inclination naturelle à la découverte de l’ailleurs. Force est de constater dans les œuvres de notre corpus une proportion nettement dominante de ceux que ce critique range sous la catégorie des « ex-colonisés », dont la principale intention, à en croire Atangana Kouna, est une sorte de demande de réparation des torts subis par les leurs au nom de la France et de ses idéaux ; ce qu’il désigne précisément comme « la revendication du champ social d’accueil au même titre que les natifs. »2 Atangana Kouna s’appuie, à ce propos, sur le discours de réparation que

l’avocat de Jojo tient dans Le Paradis du Nord de Jean-Roger Essomba, notamment lors de la scène finale du procès, précisément lorsque cet avocat rend la France responsable de la présence des anciens sujets de l’empire dans son territoire actuel.

Cependant, le passage sur lequel se construit l’argument d’Atangana Kouna nous semble très proche, du moins sur le plan de l’intertextualité, de la plaidoirie de Me Henry

1 O. Cazenave, Afrique sur Seine, op. cit., p. 105.

2 C.D. Atangana Kouna, La Symbolique de l’immigré dans le roman francophone contemporain, op. cit., p.

83 Riou, l’avocat de Diaw Falla dans Le Docker noir de Sembène Ousmane1, qui

malheureusement ne figure pas dans le corpus de Christophe Désiré Atangana Kouna. Ainsi, bien qu’il nous soit difficile de trouver dans les textes une telle revendication formulée de vive voix par un personnage africain, il n’en demeure pas moins que les scènes de rencontre entre les personnages venus d’une ancienne colonie française et les instances administratives ou simplement avec certains natifs bien ancrés dans le complexe de supériorité de civilisateur construisent un dialogue en forme de bras de fer, souvent musclé, assorti d’un devoir de mémoire et de vérité sur les rapports conflictuels nés avec la colonisation française en Afrique. Salie, dans Le Ventre de l’Atlantique, récrimine contre l’attitude irrespectueuse des polices des frontières, notamment à l’aéroport de Paris, lors de son premier séjour en France. Elle récrimine aussi contre les rigueurs des services consulaires français installés en Afrique :

Le prix du visa que les Sénégalais payent pour venir en France équivaut à un salaire mensuel local, alors que n’importe quel Français peut se rendre au Sénégal à loisir, sans aucune formalité. Celui qui ne m’aime pas assez, ou ne me fait pas assez confiance pour me laisser venir chez lui à ma guise, doit apprendre à frapper à la porte lorsqu’il veut entrer chez moi.2

Loin de représenter une simple leçon de civilité, ces propos de la narratrice du roman sont à inscrire dans les rapports inhérents à la situation d’hégémonie culturelle et ses conséquences sur le plan économique à l’ère de la postcolonie, puisque la dévaluation du franc CFA entraînée par les programmes d’ajustements structurels imposés à l’espace africain francophone revient fréquemment dans les œuvres de Fatou Diome. En somme toute l’œuvre romanesque de cette romancière peut s’analyser comme une dénonciation des conséquences de la colonisation sur la jeunesse africaine.

Enfin, en s’appuyant sur un corpus étendu des littératures de langue française, portant entre autres sur les romans Le Petit prince de Belleville (1992) et Maman a un

amant (1993) de Calixthe Beyala, Desirada (1997) de Maryse Condé, Aliocha (1991)

d’Henri Troyat et Désert (1980) de Jean-Marie Gustave Le Clézio, l’étude de Christophe

1 S. Ousmane, Le Docker noir [Debresse 1956], Paris, Présence Africaine, 1973, pp. 71-74. 2 F. Diome, Le Ventre de l’Atlantique, op. cit., p. 288.

84 Désiré Atangana Kouna met en évidence bien de spécificités de construction du personnage de l’immigré surtout dans sa relation à l’anthroponymie. En effet, d’un côté, ce critique rejoint les conclusions de Christiane Albert sur la représentation misérabiliste du personnage voyageur, en cela, leurs analyses soulignent indéniablement l’émergence d’un répondant littéraire de la catégorie sociale de l’immigré ou du moins d’une figuration de ce dernier dans le discours littéraire francophone ; de l’autre côté Atangana Kouna démontre une homologie entre le nom du personnage et le destin de celui-ci. À travers une saisie onomastique des protagonistes des œuvres de son corpus, ce critique constate une influence du nom du personnage immigré sur son devenir. Le nom se présente comme un indicateur, un élément prémonitoire du devenir fictionnel de l’immigré dans la terre d’accueil : « En rapport avec notre corpus, on remarque que la plupart des noms de personnages sont signifiants, d’une part ; d’autre part, ceux des protagonistes principaux constituent souvent des programmes narratifs. »1 La remarque

ici faite se rapporte à bien de personnages des œuvres comme Bleu-Blanc-Rouge de

Mabanckou, L’Impasse de Biyaoula et Assèze l’Africaine de Beyala. Ce questionnement, cette méditation sur la prescience du nom, sa conformité avec le vécu obsède le protagoniste que Mabanckou met en scène dans le roman Bleu-Blanc-Rouge. Tout ce roman, peut en effet être appréhendé comme une méditation sur l’identité que véhicule un patronyme. De ce point de vue, le jeu d’emprunts de noms des stations de métro de Paris auquel se livrent des jeunes admirateurs de la France scénarisent l’oblitération de leur identité. Ceux-ci reçoivent en effet des plans du métro parisien en échange de la coupe de cheveux qu’ils viennent faire à Moki. Ils substituent ainsi à leur nom celui de la station de leur choix :

D’autres s’attribuaient pour pseudonymes les noms de ces stations. Tel se surnommait Saint-Placide. Tel autre Strasbourg-Saint-Denis. Tel autre encore Colonel Fabien ou Maubert-Mutualité. Ils adjoignaient à ces pseudonymes le mot « Monsieur ». Monsieur Saint-Placide, Monsieur Strasbourg-Saint-Denis, Monsieur

Colonel Fabien, Monsieur Maubert-Mutualité.2

1 Ibid., p. 36.

85 L’adjonction de la particule de civilité « Monsieur » est symboliquement performative, puisqu’elle transforme le pseudonyme en nom propre. Ce faisant, les jeunes Africains dont nous parle le narrateur dans ce roman se dépouillent de leurs patronymes pour endosser des noms dont ils ignorent l’histoire, mais qui tout de même représentent leur part d’héritage de la civilisation, celui notamment que le Parisien a bien voulu leur donner. Cependant, la remarque d’Atangana Kouna relative à la prédétermination inhérente au nom trouve sa plénitude dans le cas du narrateur mis en scène par Mabanckou et à l’aventure que constitue le voyage de ce narrateur. Le personnage lui- même en donne une signification bien enracinée dans la généalogie :

Moi Marcel Bonaventure, je dis et redis que jusqu’au jour où j’ai foulé la terre de France, ce lundi 15 octobre, à l’aube, mon nom était encore Massala-Massala. Le même nom répété deux fois. Dans notre patois, cela veut dire : ce qui reste restera,

ce qui demeure demeurera. Le nom de mon père. Le nom de mon grand-père, de

mes arrière-grands-parents. Je pensais que le nom était éternel, immuable. Je pensais que le nom reflétait l’image d’un passé, d’une existence, d’une histoire de famille, de ses heurts, de ses déchirements, de sa grandeur, de sa décadence ou de son déshonneur. Oui, je pensais que le nom était sacré. Qu’on ne le changeait pas comme on change de vêtements pour mettre ceux qui correspondent à une réception donnée. Qu’on ne prenait pas un autre nom comme ça sans savoir d’où il vient et qui d’autre que vous le porte.1

Toute la trame du récit, en ce qui concerne l’immigration de ce personnage se résume à ces interrogations, à ces questions rhétoriques que le narrateur se pose à l’ouverture de la relation de sa vie à Paris. Il se profile ainsi la question précisément de l’impossibilité de troquer son identité contre celle d’une autre personne, l’irréversibilité du destin que prédit le nom est aussi problématisée ici. C’est à l’aune de cet entre-deux identitaire, de l’impossible conciliation des deux identités, de l’incompatibilité entre l’innée et l’acquis qu’il convient de placer les déboires de Massala-Massala. De ce point de vue, on peut concevoir le parcours de ce personnage comme porté par un fatalisme insurmontable. En effet, l’éternité du nom dont parle le protagoniste du roman de Mabanckou, renvoie essentiellement à un état de fait, à savoir l’indigence des parents

86 ainsi que le défaitisme du personnage. Celui-ci se définit d’ailleurs dans une thériomorphie qui matérialise le refus de toute ascension :

Pouvais-je partir ? Voler de mes propres ailes ? Ce n’était pas sûr. J’étais habitué à vivre chez mes parents. Là, le gîte et le couvert m’étaient assurés. Je pouvais ainsi couver ma paresse à longueur de journée sans qu’on ne me demande des comptes. La France à mes yeux, n’était pas un bon refuge pour les loirs et les escargots.1

De là une certaine incompatibilité entre cette léthargie et l’agilité nécessaire à l’aventure, cette « célérité d’un moustique d’étang »2 que le protagoniste remarque chez

les autres immigrés, principalement son mentor Moki, et qui lui fait cruellement défaut. La signification du nom du personnage prend une plus grande acuité si l’on met en parallèle son parcours avec celui du personnage de Charles Moki, celui par qui le projet de Massala-Massala a pu se réaliser. Il faut ici rappeler que le prénom Charles est dû à l’attachement du père de ce personnage au charisme du général De Gaulle. Comme ceux de Massala-Massala, les parents de Moki sont pauvres, du moins au début du récit. Son père, un retraité, a dû abandonner les travaux de construction de la maison en dur qu’il projetait de bâtir, faute d’argent. Cependant, au fil des voyages que Moki effectue chaque année, d’importants changements se remarquent dans leur concession. Moki reprend les travaux de construction abandonnés par son père et fait sortir de terre une villa imposante, qui par surcroît est électrifiée, sans compter l’installation d’une pompe à eau courante qui permet à tout le quartier de s’approvisionner en eau chez les Moki, moyennant une somme d’argent. Ce sont ensuite des voitures que Moki ramène de France pour que ses parents les rentabilisent en en faisant des taxis. De ce point de vue, le clivage entre la famille du Parisien et le reste du quartier est indéniable au point d’éveiller le goût de l’aventure chez Massala-Massala : « Il y avait deux mondes. Celui de la famille Moki et celui du reste du quartier. »3

Quant à Massala-Massala l’indigence de ses parents n’est pas que matérielle. Il tient aussi à la disgrâce atavique de sa famille. Son père est également retraité comme

1 Ibid., pp. 37-38. 2 Idem.

87 celui de Moki. Cependant, tandis que le père de ce dernier a été successivement boy, puis facteur, puis réceptionniste à Victoria Palace, un hôtel français de la ville de Pointe- Noire, celui de Massala-Massala a quant à lui été cantonné dans un poste de planton qui ne lui a par ailleurs pas permis d’épargner suffisamment d’argent étant donné les difficultés pécuniaires engendrées par la santé fragile de sa femme. Ce passé est rappelé au narrateur lorsqu’il fait part à son géniteur de son besoin d’émigrer en France :

Il me retraça sa jeunesse. Il avait tout fait pour notre bonheur. Quand il avait connu notre mère, celle-ci était souvent malade. Elle avait des maux d’estomac chroniques. Elle ne pouvait donner la vie. Lui ne voulait pas l’abandonner ainsi. Sa conscience ne le lui aurait pas pardonné. Il avait dépensé toutes ses économies de planton pour avoir des enfants. Ils allaient d’hôpital en hôpital, de sorcier en sorcier – jusqu’à ce que le hasard fit qu’elle tombe enceinte. Hélas, elle accoucha d’un mort-né, ce qui