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A Dialogue intertextuel entre la littérature coloniale et le roman africain

I : La littérature de l’immigration et l’historiographie du champ littéraire africain francophone

II. Les œuvres pionnières des voyages en littérature africaine : périodisation et constances narratives

II. 1. A Dialogue intertextuel entre la littérature coloniale et le roman africain

Dans un passage de son ouvrage De la littérature coloniale à la littérature

africaine, János Riesz pose un problème analogue à celui que nous avons soulevé sur

l’orientation biaisée de l’interprétation des textes littéraires africains :

Non seulement les historiens et les critiques, mais aussi les écrivains eux-mêmes […] se sont définis par leur « engagement » au sein d’un combat menés au nom de leurs peuples respectifs. C’était l’esprit du temps et les théories sartriennes, alors dominantes, ne leur laissaient certes pas le choix. Mais à cause de cette préférence quasiment exclusive pour la littérature « engagée », bon nombre d’ouvrages publiés entre 1920 et 1950 ont été marginalisés, sinon oubliés. Comme cet ouvrage pour la jeunesse, marqué par la doctrine coloniale : Les trois volontés de Malick (1920). De René Maran, on n’a longtemps retenu que Batouala (1921), roman qui a éclipsé aussi nombre d’œuvres du même auteur qui paraîtront par la suite. Force Bonté (1926) de Bakary Diallo a été considéré pendant des années comme une œuvre de propagande coloniale. Doguicimi (1938) de Paul Hazoumé, roman ethnographique qui prônait la « civilisation » française, ou encore Karim (1935) et Mirages de Paris (1937) d’Ousmane Socé, livres du « conflit de cultures » ou du « métissage culturel » ont été pareillement négligés.1

1 J. Riesz, De la littérature coloniale à la littérature africaine. Prétexte – Contextes –Intertextes, Paris,

136 Si la constatation de Riesz souligne une omission que nous avons également relevée chez Mouralis, elle pose en outre l’espace colonial ou mieux la question de la colonisation au centre des préoccupations littéraires de la première moitié du XXe siècle

français. En témoignent les noms, non moins significatifs dans l’institution que sont ceux de Jean-Paul Sartre et de René Maran. Il faut pourtant concevoir cet intérêt pour la question coloniale à deux niveaux qui se ressentent des œuvres africaines également ; une période de « culture coloniale »1, marquée par la grande ferveur et l’approbation de la mission civilisatrice qui connaît son apogée à la triomphale2 Exposition coloniale de 1931 à laquelle correspond l’intrigue du roman Mirages de Paris d’Ousmane Socé. Fara, le personnage principal de ce roman est médusé par la parure de l’avenue des Colonies à l’occasion de cette grandiose célébration : « L’avenue des Colonies était majestueuse des palais qui la limitaient ; on eût dit la cité magique d’un conte arabe dont l’architecture aurait été réalisée par des cubistes. La foule internationale s’y pressait, égayée par l’enchantement lumineux. »3 L’écrivain africain de ce premier quart du siècle, qu’il se

nomme Socé, Sadji ou Hazoumé, croit fermement aux valeurs culturelles occidentales ; en leur capacité à promouvoir l’espace africain, à le moderniser. Ainsi, sur le plan de la fiction, la colonisation apparaît moins comme une entreprise de domination que comme une rencontre culturellement féconde. Cet engouement pour la grande France est ensuite relayé par une phase de rejet de l’idée de la colonisation, de la fin de la deuxième guerre mondiale aux années 1960 qui, elle, est représentative des scénographies de Bernard

1 P. Blanchard et S. Lemaire (dir.) Culture coloniale. La France conquise par son empire, 1871-1931,

Paris, La Découverte, 2003.

2 Dans le premier tome des Lieux de mémoires, l’ouvrage collectif que coordonne Pierre Nora, Charles-

Robert Ageron montre, dans un article intitulé « L’exposition coloniale de 1931. Mythe républicain ou mythe impérial ? »2, la manière dont la tentative de mise en échec de cet événement a été vaine. L’auteur

envisage d’interroger précisément la pertinence de la valeur commémorative associée à l’exposition coloniale tenue à Vincennes en 1931 qui s’inscrit par ailleurs dans une longue tradition d’expositions des hommes et des objets de l’Empire français au cours de l’histoire de la troisième République. Des institutions comme le Comité national des expositions coloniales créé en 1906 et destiné à intervenir dans toutes les expositions européennes associées à une ferme volonté politique menée par des personnages de renom en affaire de la colonie comme l’ancien ministre des colonies, Léon Béart, ont tenu en échec l’action détractrice des partisans des thèses anticolonialistes dont les écrivains Aragon, Breton, René Char, Paul Éluard et Georges Sadoul, pour organiser cette fête mémorable, sacrifiant à la tradition du spectacle, de la fête, voire de la falsification des styles artistiques prétendument locaux des objets exposés au lieu de faire un sérieux inventaire, un bilan des progrès consécutives à l’action coloniale.

137 Dadié, de Sembène Ousmane, de Camara Laye, d’Aké Loba ou de Cheikh Hamidou Kane. Le colonisé ayant perdu ses illusions sur l’assimilation, redécouvre sa culture et s’emploie à la défendre en décidant « en connaissance de cause, de lutter contre toutes les formes d’exploitation et d’aliénation de l’homme »1 alors que "l’occupant à cette époque

multiplie les appels à l’assimilation, puis à l’intégration, à la communauté". Dans une telle perspective, la colonie dans ses représentations littéraires n’est sans doute pas restée en marge des débats inhérents à cette époque, puisque les écrivains africains de la première génération sont avant toute chose des émules des écrivains coloniaux dont les textes leur sont parvenus par le truchement de l’école coloniale.2 Leurs œuvres ne peuvent se lire indépendamment des liens qui les rattachent à cette littérature inspiratrice. Une des confirmations de cette relation d’hypertextualité, en référence à la terminologie proposée par Gérard Genette, tient à la mention d’œuvres de romanciers coloniaux dans certains romans africains. Ainsi, dans Mirages de Paris, Socé décrit la bibliothèque d’un personnage africain étudiant à Paris en ces termes :

Outre les maîtres français de la littérature contemporaine, Sidia avait les écrivains marquants de la littérature coloniale : Les Nègres de Maurice Delafosse… Paris-

Soudan-Tombouctou de R. Delavignette, Le livre de la brousse de René Maran, Terre d’ébène d’Albert Londres, Oiseau d’ébène d’André Demaison… Il possédait

aussi des ouvrages de littérature étrangère ; les Russes étaient représentés par Dostoïevsky et Tolstoï, la littérature nègre américaine par Cl. Mc Kay (Home to

Harlem, Banjo) et des poésies de Langston Hugues… On remarquait encore des

livres imposants de volumes aux dos desquels se lisaient : Durkheim (Du suicide) ; Adolph Hitler (Mein Kampf), et d’autres où il n’était question que de physiologie de

l’Intelligence, Raisonnement Inductif, La Métaphysique jugée par la physique…3

1 F. Fanon, « Racisme et culture » dans Présence Africaine, no 8-9-10, juin-nov. 1956, p. 130.

2 J. C. Blachère, « Du chaînon manquant » dans J. F. Durand (dir.), Regards sur les littératures coloniales.

Afrique francophone : Découverte, Tome 1, Paris, L’Harmattan, 1999, pp. 85-101. Il rétablit le lien, voire les « continuités » entre ses deux sphères littéraires ordinairement présentées dans un antagonisme insurmontable aussi bien du côté africain que français. Une étude menée sur les occurrences des auteurs coloniaux dans le manuel d’André Davesne et Joseph Gouin, Mamadou et Bineta sont devenus grands (1951), unique outil de lecture, donc seule voix d’accès de l’écolier africain de l’entre-deux-guerres à la littérature, donne les statistiques suivantes : 19 occurrences d’André Demaison, 18 textes d’André Davesne, 14 de René Maran (dont 5 seulement de Batouala), 9 de Joseph Gouin et 7 textes pour chacun des écrivains coloniaux comme les frères Tharaud, Oswald Durand ou Gaston Joseph. À cela il faut ajouter les incitations à l’écriture dans les institutions de formation intellectuelle des indigènes comme à l’école normale William Ponty où les travaux de recherches d’orientation ethnologique soumis aux apprenants ont donné naissance aux premières écritures africaines comme celle de Paul Hazoumé.

138 Cette imprégnation littéraire caractérise d’une part l’espace métropolitain comme un lieu de rencontre d’expressions littéraires hétérogènes, un espace ouvert à ce que l’on peut appeler aujourd’hui une « littérature mondiale », en même temps qu’un endroit exempt d’interdiction en matière de lecture ; contrairement à ce qui se passe à la même époque dans la colonie où la lecture de certains ouvrages est interdite aux indigènes.1 Un

personnage de Mirages de Paris par exemple, celui notamment du Syrien qui "s’était révélé gros mangeur d’oignons pendant le déjeuner", soutient l’idée de « laisser les Noirs dans l’ignorance »2, pour des besoins de rentabilité du négoce. D’autre part, cette mention établit les ouvrages de référence en matière de culture dans l’espace social représenté. En effet, dans le contexte de la métropole de l’entre-deux-guerres, une importante littérature tirée à plusieurs exemplaires met en scène des personnages africains en Afrique ou en France. Entre autres titres, citons les œuvres comme celles des frères Tharaud, La

Randonnée de Samba Diouf ou encore celle de René Maran comme Batouala, qui valut à

son auteur « le premier Goncourt »3 qui soit décerné à un écrivain de couleur, mais aussi

qui entraîna une querelle sur le plan institutionnel.4

La relation d’influence entre le texte africain et la littérature coloniale se vérifie de même à travers la circulation de certains patronymes entre romans d’aventures coloniales et romans africains. On se souviendra à cet effet de la séquence du roman

Mirages de Paris où Jacqueline, la compagne blanche de Fara, évoque ses souvenirs

d’enfance, et principalement l’attachement de cette dernière pour « Fatou Gaye »5, sa

poupée préférée, qui, précise-t-elle, était « noire. »6 Cette référence nous ramène à Pierre

Loti dont Le Roman d’un spahi7 se construit aussi sur des problèmes d’amour entre un

1 B. Dadié, Climbié, op. cit., p. 64.

2 O. Socé, Mirages de Paris, op. cit., p. 23.

3 C. Onana, René Maran. Le premier Goncourt noir 1887-1960, Paris, Duboiris, 2007.

4 Au nombre des débats engendrés par cette œuvre, une importance mérite d’être accordée à celui relatif à

la légitimité de parler de l’Afrique parmi les administrateurs coloniaux. Charles Onana cite par exemple le cas d’un certain René Trautmann, qui en sa qualité de médecin colonial, écrit en 1922 un ouvrage intitulé Au pays de Batouala pour démentir la peinture de l’espace colonial faite par Maran. Dans la même perspective, Jean-Claude Blachère dans son article « Du chaînon manquant », op. cit. p. 95, relève l’opposition entre Batouala de René Maran et Koffi, roman vrai d’un nègre de Gaston Joseph ; cet administrateur de la colonie qui, de même que le Trautmann d’Onana, entreprit d’écrire cet ouvrage pour démentir la représentation que René Maran fit des colons dans l’espace africain.

5 O. Socé, Mirages de Paris, op.cit., p. 85. 6 Idem.

139 personnage blanc et un personnage noir, créant des similitudes de situations entre les deux textes. En effet, dans ce roman, Fatou gaye (avec minuscule chez Loti) désigne la maîtresse noire de Jean, le spahi. Dans le même texte de Socé, un récit enchâssé énonce un nom que l’on retrouve dans le roman des frères Tharaud. Il s’agit d’une narration au second degré qui fait état des questions d’amour et de sacrifice. En effet, entre autres préoccupations auxquelles s’adonne Fara, le protagoniste du roman Mirages de Paris, pour égayer sa compagne enceinte, il y a un conte africain dont Jacqueline se souviendra avant son trépas. Ce conte est celui relatif à Penda et à son maigre cheval Nélavane1.

Jeune fille adulée et dont l’enfance ne fut encombrée par aucune tâche domestique, Penda est une princesse qui ne voulut épouser aucun homme portant une cicatrice sur le corps. Aussi repoussa-t-elle tous les valeureux prétendants de sa contrée pour consentir à épouser un soi-disant prince venu d’ailleurs. Après la noce il sera décidé que Penda suive le nouveau venu dans sa contrée lointaine. Pour les besoins du voyage, la mère de la mariée lui confie Nélavane, le petit cheval frêle que d’ailleurs la princesse ne prend que pour contenter sa génitrice. Toutefois, au fur et à mesure de leur avancée sur le chemin de retour au royaume du nouvel époux, la procession s’amenuise. En contrepartie, ce sont les arbres en bordure de route qui s’accroissent. C’est alors que Penda demande à son compagnon les raisons de telles métamorphoses. Celui-ci lui répond sans ambages que les hommes qui naguère faisaient partie de leur escorte étaient redevenus, sous son charme, ce qu’ils étaient avant ; des arbres. Sur ces entrefaites, l’ensorceleur révèle sa vraie nature : « Je suis Lion-Fée. J’ai su qu’il existait une jeune fille capricieuse qui ne voulait pas épouser d’homme qui eût de cicatrices »2 et il se

transforme en un lion à queue nerveuse et agitée qui intime à Penda l’ordre de le suivre. Ainsi séquestrée par l’horrible créature, la princesse Penda vit à ses dépens, mangeant de la viande crue que lui rapportait son époux-lion, jusqu’au jour où, à cause des trombes d’eau causées par l’hivernage, le gibier vient à manquer dans les parages. Le lion conçoit alors le projet de se repaître de sa chère épouse, qui heureusement avait été avisée des intentions du lion par Nélavane. Penda est sauvée de justesse mais au prix du sacrifice de sa monture.

1 O. Socé, Mirages de Paris, op.cit., pp.135-143. 2 Ibid., p.138.

140 Sur le plan du pacte de lecture induit par la narration, si l’on s’arrête sur le lectorat potentiel de ces premières écritures africaines de voyage, en contexte de faible alphabétisation en Afrique, cette anecdote insérée dans le tissu du récit imprime une téléologie à la question des mariages mixtes entre personnages africains et français, qui traverse encore les écritures de voyage actuelles, en même temps qu’elle souligne l’hétérogénéité culturelle du texte de Socé.1 Cependant, en ce qui nous concerne ici,

précisément au sujet des constructions anthroponymiques, le rapprochement des noms Nélavane, à consonance occidentale et de Penda qui sonne africain mérite d’être interrogé. D’un côté ce rapprochement se présente en abyme à l’histoire d’amour entre l’Africain Fara et la Française Jacqueline Bourciez ; amour qui ne porte de fruit que par le trépas en couches de Jacqueline. Le nom de Penda en outre est dû à un texte très représentatif de la littérature coloniale, celui des frères Tharaud intitulé La Randonnée de

Samba Diouf (1922). Le narrateur l’utilise comme le nom générique d’une dulcinée

africaine à qui les tirailleurs du 113e bataillon sénégalais chantent des mélopées

nostalgiques pour se délasser, au retour de leur labeur dans une carrière du bois de l’Argonne, où ils sont campés avant leur mobilisation pour le front : « Les Toucouleurs s’accompagnaient eux-mêmes avec leur violon monocorde, et chantaient, en dansant, des mélopées nostalgiques sur Penda, sur Dénané ou quelque autre belle fille de leur pays. »2

Dans le sillage de Socé, Aké Loba dans son roman Kocoumbo, l’étudiant noir, attribue à un personnage africain le patronyme Durandeau, qui renvoie au roman de Philippe Soupault, Les Frères Durandeau (1924). Voici comment le narrateur du roman remonte à l’origine de cette désignation, à travers la mise en scène d’un épisode où Durandeau réprouve le fait que Nadan, un de ses camarades, l’ait désigné par son vrai nom Koukoto :

Durandeau, c’est un nom qui m’a toujours plu, disait-il avec emportement. Tu te rappelles, à l’École Supérieure, notre professeur de français s’appelait Durandeau. Il m’aimait, cet homme-là. Il voulait que je sois instituteur, mais j’ai préféré être

1 V. Magri-Mourgues, « Hétérogénéité, cohésion et cohérence : le statut de l’anecdote digressive dans un

récit de voyage », dans Anna Jaubert (dir.), Cohésion et cohérence. Études de linguistique textuelle, Lyon, ENS, 2005, pp.157-173. L’auteure de cet article soutient que l’insertion d’une anecdote dans la narration est caractéristique de l’hétérogénéité constitutive du récit de voyage.

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commis expéditionnaire. Tu sais pourquoi ? Je suis malin. Dans les bureaux, on côtoie plus les Blancs qu’à la campagne. Un instituteur est souvent seul dans une école de brousse avec des enfants sales, malappris et stupides.1

Ce personnage adopte le nom de Durandeau par mimétisme, en voulant sans doute se distancier des siens, étant donné sa superbe et sa mise occidentale qu’il tient à montrer aussi bien en Afrique qu’en France, dans une attitude qui ne voile pas sa propension à la parade. En outre, il considère les sonorités rugueuses des noms africains comme la marque d’un primitivisme auquel Durandeau ne veut pas s’identifier. Ce choix est aussi à mettre en rapport avec son séjour à l’École Supérieure, une structure mise en place par l’administration coloniale pour « former les agents de l’administration et préparer aux concours d’entrée dans des Écoles Normales, situées à l’échelon fédéral. »2 Cependant, on ne peut s’empêcher de constater la raillerie des attitudes bourgeoises ou du moins de cette morgue que le personnage partage avec le trio fraternel mis en scène par Philippe Soupault dans son roman Les Frères Durandeau, bien que dans ce dernier roman il ne s’agisse pas à proprement parler d’un texte de littérature coloniale. Du reste, les questions du Nègre ou du Noir dans l’espace de l’empire, que celui-ci soit français ou anglais, ne sont pas totalement absentes des préoccupations littéraires de Soupault comme en témoigne son roman Le Nègre (1927).

Or, le texte de littérature coloniale, à quelques exceptions près3, répond à une

visée idéologique, celle de légitimer ou du moins d’accompagner la mission civilisatrice de la France. Celle-ci conditionne la scène d’énonciation de l’œuvre de littérature dans le choix des contenus thématiques comme dans la construction des catégories génériques.4

1 A. Loba, Kocoumbo, l’étudiant noir, op. cit., p. 70. 2 B. Mouralis, Littérature et développement, op. cit., p. 66.

3 Un théoricien comme Roland Lebel, par exemple dans ses ouvrages, entre autres, L’Afrique occidentale

dans la littérature française, Paris, Larose 1925 ; Les Établissements français d’outre-mer et leur reflet dans la littérature, Paris, Larose, 1952 ou encore Études de littérature coloniale, Paris, J. Peyronnet, 1928 conçoit le corpus de littérature coloniale avec beaucoup de bienveillance et en fait un terreau où vont bourgeonner les premiers talents littéraires indigènes.

4 J.M. Seillan, « Littérature coloniale et contraintes génériques », dans Jean-François Durand, Jean-Marie

Seillan et Jean Sévry (dir.), Le désenchantement colonial, Paris, Kailash édition, 2010, pp.28-50. Dans cet article l’auteur, au-delà de l’hétérogénéité des visions qui inspirent l’écriture de l’œuvre de littérature coloniale, s’attache à la mise en lumière de la relation entre le discours du romancier et la modalisation de ce discours par le genre. Ainsi Jean-Marie Seillan pose le genre comme un support contraignant qui configure la vision du monde colonial que l’écrivain dégage dans son œuvre. Sur un corpus étendu et nuancé, l’auteur démontre la dissension de la représentation de l’objet colonie en fonction du genre choisi

142 Son énonciation se présente souvent comme une construction discursive de la colonie. La tâche de l’écrivain africain, dans l’imitation de cette littérature s’associe, dans ce cas, à la question de la posture à adopter, à la fonction à assigner à cette absorption de la littérature coloniale pour mieux se situer dans les débats initiés par les textes sources qui constituent l’archéion1 discursif de l’espace social dans lequel naît les écritures

pionnières de cette littérature africaine de voyage. Les thèmes de la littérature coloniale vont ainsi être repris et plus que des thèmes, une profonde intertextualité2 va se tisser entre ces deux aires littéraires autour de la question des mobilités de personnages de part et d’autre de l’empire. En effet, à l’époque où paraît le roman Mirages de Paris ou Le

Docker noir, l’écrivain africain, bien que dilettante dans le champ littéraire, n’est pas sans

connaissance de la littérature coloniale française et de l’image que celle-ci construit majoritairement de l’Afrique et des Africains ; image relayée par d’autres supports picturaux. Par exemple dans Climbié, le roman autobiographique de Bernard Dadié,