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Nous faisons l’hypothèse générale, que la subjectivation de l’enfant, ou la manière dont il pourrait se saisir de lui-même grâce à son développement personnel n’est pas personnelle. Elle est dépendante du rapport que l’enfant sera en mesure d’avoir aux objets sociaux. Les objets sociaux étant eux-mêmes des produits complexes du développement socio-historique, c’est de leur facture sociale qu’aura tendance à partir le développement des enfants. Cela suppose que, les objets sociaux aient pu eux-mêmes, dans l’histoire du développement social, atteindre un certain niveau de développement. Nous ne pensons pas que l’enfant puisse se développer de lui-même si les objets sociaux ne sont pas développés, s’ils n’ont pas la forme de développement propice à son propre développement. Par ailleurs, la facture sociale des objets sociaux est d’une telle complexité qu’on ne peut attendre d’un enfant qu’il sache tout

158 seul s’y rapporter de manière convenable sans appuis de partenaires sociaux. Pour lui, et pour tout individu, le cadre social des interactions interpersonnelle par la médiation de quoi il se rapporte à l’objet, fait aussi partie de la réalité de l’objet social. Après nos développements, on ne pourra réduire l’eau ici à sa forme immédiate d’objet naturel et/ou isolé. D’où l’intérêt pour pouvoir donner à opérationnaliser et à vérifier nos hypothèses de saisir cet objet dans la complexité de sa forme sociale. Nous sommes parvenus, pour notre part, à trois aspects de la forme sociale de l’eau qu’il s’agira dans cette étude d’éprouver ; la forme sociale "naturelle", la forme sociale concertée et la forme sociale rémanente.

Caractéristiques immédiates et médiates la forme

sociale de l’eau.

Pour saisir la réalité sociale des formes de l’eau, il sera important de pouvoir distinguer deux aspects relatifs de celle-ci : les aspects immédiats et les aspects de médiation. Un aspect immédiat est toujours un aspect simple ou simplifié qui, précisément à cause de cela, peut encore se développer. En cela, nous pouvons considérer un aspect immédiat comme un point de départ. Nous savons aussi que, dans le procès cumulatif du développement social, un point de départ est aussi du déjà développé. Cet état de chose est un fait en vertu duquel il est impossible, qu’en société, le développement se constitue sans qu’aucun développement, lui- même, social ne lui ait servi d’antécédent ou de fondement. Aucune réalité, pour autant qu’elle soit le produit d’un développement social, ne peut vraiment être de facture immédiate étant donné que même un aspect immédiat comme point de départ procède lui-même d’un développement social antérieur. Il s’agit, dès lors, en introduisant et en conservant la dimension de l’immédiation dans nos travaux, de pouvoir situer tout produit social autant ;

Dans le prolongement des médiations qui le font advenir comme résultat Que

Dans la visée projective des réalités qu’il fonde en tant que point de départ complexe De fait, nous saisirons la réalité du développement des enfants entre le travail social d’objectivation à l’issue duquel ils seront immédiatement en rapport avec des produits ou objets sociaux plus ou moins développés, et la mesure dans laquelle partant de tels produits sociaux, ils pourront eux-mêmes se développer. Dans le temps de ce processus, ils seront nécessairement d’abord, dans un rapport immédiat aux objets sociaux. Ce n’est que dans la réalité des

159 médiations dans le rapport aux objets sociaux à quoi contribuent les adultes, qu’ils seront à même de réaliser leur développement. Notre dispositif expérimental ne permettra de saisir que, dans une certaine mesure, la réalité du travail social par lequel le cadre social sur la base des activités des hommes se produit et se reproduit. Cela parce que le lieu privilégié de la saisie de ce travail collectif de portée de universelle, c’est l’histoire du développement. Nous avons par conséquent produit dans notre partie théorique une ébauche synthétique de la situation des pays qui nous fournissent nos terrains d’étude. Cette situation est loin d’être complète et exhaustive. Elle nous semble pour autant déjà faite de façon à donner une idée de la complexité des processus de médiation pouvant s’y dérouler qui affectent le développement social et des individus. Il s’agira ensuite pour ce qui concerne la saisie du développement des enfants dans leur rapport à l’eau comme produit social, de rendre compte de la réalité de ces processus de médiation à au moins deux niveaux principaux.

Au niveau de ce qui commence à se jouer avant l’enfant, au sein de son

l’environnement social dans le rapport des autrui significatifs ou adultes aux objets sociaux.

Au niveau de l’enfant, en cherchant à voir comment, par la médiation des adultes,

la prise en compte de leur implication, dans la forme de l’objet social, détermine la mesure dans laquelle l’enfant pourra lui-même se développer.

Précisons alors que lorsqu’il s’agira de produire une objectivation de l’eau, l’enfant étant encore le moins rompu aux pratiques sociales, sera le sujet le plus à même de produire des objectivations immédiates. En revanche, sa saisie même en une objectivation immédiate d’un objet social développé le mettra déjà sur la voie de son propre développement. L’instrumentation même inexperte par l’enfant d’un objet social développé, dans le sens où cet objet serait socialement disposé en sa faveur déterminera et orientera déjà son développement subjectif et donc sa subjectivation. En ce sens, l’objectivation toute immédiate qu’elle soit, n’en demeure pas moins une objectivation immédiate propice au développement de l’enfant.

Les hypothèses sur les objectivations de l’eau comme objet social par les

enfants.

Notre dispositif de recherche nous permettra notamment :

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 de produire l’occasion propice à l’exercice d’une médiation entre l’enfant et une eau dont la forme sociale n’est plus isolée ou "naturelle" mais renforcée de l’implication de l’autrui significatif.

 de remettre l’enfant à la tâche d’objectiver l’eau après avoir fait cette expérience de la forme socialement améliorée du rapport à l’eau.

Nous produirons donc, après nous être fait une vision du contexte social d’objectivation de l’eau, au moyen d’une situation expérimentale, des modifications affectant la forme sociale de l’eau pour voir comment s’y produisent les objectivations des enfants, et nous examinerons en quoi la forme sociale de l’eau a pu déterminer les modes d’objectivation par l’enfant. HA : Nous faisons l’hypothèse que les enfants seront plus à même de produire des objectivations immédiates d’eau que d’en produire des objectivations de médiations.

Ainsi formulée cette hypothèse ne va pas, à vrai dire, dans le sens de prédire que les enfants feront mieux usage d’"eau bleue" ou d’"eau brune", mais dans le cas de figure où le contexte aura pu produire une eau comme produit social plus ou moins développé, les objectivations immédiates chez les enfants correspondront aux usages d’"eau bleue". C’est dans une telle optique que nous nous situons pour formuler cette hypothèse. Dès lors, elle revient à s’attendre globalement à de meilleures objectivations d’"eau bleue", c’est-à-dire d’eaux potables que d’eau de seconde qualité "eau brune" par les enfants d’Afrique subsaharienne si le contexte social dispose d’une eau de forme sociale développée. Si tel était le cas, cela se manifesterait par des objectivations immédiates propices au développement de l’enfant en nombre supérieur aux objectivations de médiation.

Ha 1 : Les scores d’objectivation immédiate d’eau seront supérieurs aux scores

d’objectivation de médiation chez les enfants d’Afrique subsaharienne.

HB : La forme sociale de l’eau déterminera des modes d’objectivation que l’enfant pourra en faire.

Cette hypothèse mettra en relation la forme sociale de l’eau, en tant que réalité des activités sociales ou parentales qui se déploient autour de l’eau comme objet, et la qualité des objectivations (ou des instrumentations ou encore des usages) que l’enfant pourra en faire. L’hypothèse permettra de faire dépendre les usages d’eau par l’enfant des implications sociales au propos de l’objet en question. Les formes sociales de l’eau ne seront rien d’autre que des façons pour la société de participer ou de ne pas participer de la réalité de l’eau telle qu’elle se

161 présente à l’enfant qu’au moment où celui-ci doit en faire l’objectivation. Mais encore plus que cela l’hypothèse permettra de voir dans quelle mesure l’implication sociale et positive d’autrui significatifs à l’objet (l’eau) fait de ce dernier un objet propice au développement subjectif de l’enfant.

Hb 1 : Les objectivations que les enfants feront d’une eau de forme sociale "naturelle"

seront les moins propices à leur développement.

Hb 2 : Les objectivations que les enfants feront d’une eau de forme sociale concertée

seront les plus propices à leur développement.

Hb 3 : Les objectivations que les enfants feront d’une eau de forme sociale rémanente

seront moins propices à leur développement que les objectivations qu’ils feront d’une eau de forme sociale concertée.

Hb 4 : Les objectivations que les enfants feront d’une eau forme sociale rémanente

seront plus propices à leur développement que les objectivations qu’ils feront d’une eau de forme sociale "naturelle".

HC : L’objectivation par les enfants de l’eau sous forme "naturelle" répliquera en Afrique subsaharienne la réalité des zones géographiques dans lesquelles vivent ces enfants.

L’eau sous forme sociale "naturelle", n’est en définitif qu’une eau envisagée de manière à ce qu’elle contienne le moins des implications sociales possibles. En d’autres termes elle se réduirait à une eau disponible à l’enfant tel que l’environnement géographique et physique là déterminerait. Une telle représentation de l’eau ne correspond pas à la réalité du développement social, et semble relever d’une vision qui n’est pas la nôtre de l’eau comme objet isolé. Un développement social sans objets sociaux n’est non seulement pas réel, mais correspond en vrai à la réalité d’un développement produisant de mauvais objets sociaux. De fait, hypothèse ci- dessus tentera d’associer eau "naturelle" à la réalité d’un mauvais développement social et à son inefficacité à soutenir le développement subjectif des enfants en l’occurrence dans le rapport à l’eau. De ce point de vue, l’eau envisagée comme "naturelle", ne pourrait fournir comme réalité de l’eau qu’une plate répétition des contraintes climatiques et géographiques de la localisation des trois pays entre le Sahel et l’Afrique tropicale.

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Hc 1 : Il n’y aura pas de différence entre les objectivations que les enfants feront d’une

eau de forme sociale "naturelle" sur les terrains ruraux sahéliens, c’est-à-dire entre la localité de Bogué (Mauritanie) et la localité de Bakel (Sénégal).

Hc 2 : Les objectivations que les enfants feront d’une eau de forme sociale "naturelle"

seront différentes des terrains ruraux sahéliens au terrain rural tropical, c’est-à-dire entre la localité de Bogué (Mauritanie) et la localité de Tomè (Togo). Il en sera de même entre la localité de Bakel (Sénégal) et la localité de Tomè (Togo).

HD : Les objectivations que les enfants feront d’une eau de forme sociale concertée seront fonction du rapport des parents à l’eau qui, lui-même, sera lié à la réalité du développement social de l’objet au sein des pays.

Nous tenterons par cette hypothèse de mettre à jour le lien entre l’implication des parents dans la réalité de l’eau, et la réalité du développement social de l’eau dans chacun des pays. Nous n’allons pas vous engager ici dans la reconsidération de l’état de développement de chaque pays, comme il se devrait, en considérant les réalités géopolitiques et économiques des pays. C’est certes un travail qui compléterait utilement le nôtre, et il y aurait intérêt ici même à faire. Mais un tel travail excéderait les limites du travail pour lequel nous sommes à ce moment compétent. Nous nous contenterons donc, saisissants la réalité de ce développement social dans le cadre de ce que nous aurons noté sur le terrain comme activité sociale autour de l’eau, d’établir des liens entre l’investissement social des parents dans la réalité de l’eau et les pays faisant montre d’un tel investissement social des parents. Nous tenterons ainsi d’établir un classement par pays en fonction des formes sociales qui y seront effectives et de l’aptitude des enfants à objectiver l’eau dans un sens qui participe au mieux de leur développement subjectif.

Hd 1 : Les objectivations immédiates les plus propices au développement des enfants

en Afrique subsaharienne seront les objectivations concertées de la localité de Bakel (Sénégal).

Hd 2 : Les objectivations de médiation les plus propices au développement des enfants

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Analyse des résultats

Notre méthodologie nous permettra de donner à nos résultats une expression mixte mettant à profit, des analyses qualitatives et quantitatives. Nous commencerons par identifier quelques grandes thématiques qui nous semblent importantes pour saisir la réalité de l’eau sur nos divers terrains d’étude en mettant en avant les matériaux que nous aurons recueillis à partir des entretiens menés avec les adultes significatifs. Ces thématiques tourneront autour des sources d’eau, des éventuelles difficultés pour les adultes eux-mêmes à y accéder, de l’accès des enfants à ces sources, et enfin, des usages faits de l’eau par les enfants tels que l’expriment les adultes. Nous avons mené les adultes dans les entretiens à traiter des sources disponibles dans leurs cadres de vie et leur permettant d’accéder à l’eau. Nous pensons pouvoir déceler, dans leurs propos, outre la réalité des sources pour elles-mêmes, leurs factures en tant que produit sociaux plus ou moins développés, puis la manière dont, en s’impliquant dans le rapport à ces sources, ces adultes eux-mêmes sont en mesure de disposer la réalité de l’eau à l’égard de leurs enfants.

En vue de mieux saisir la manière dont l’implication des adultes dans la réalité de l’eau contribue à la disposer à l’égard des enfants, nous nous intéressons ensuite à leurs propos sur la manière dont les enfants peuvent accéder aux sources d’eau. Nous ferons des liens entre la source d’eau elle-même, et la manière dont les adultes conçoivent l’accès qu’y ont les enfants. Nous pensons que le plus souvent, les adultes auront tendance à réguler l’accès à l’eau des enfants à en fonction du type de source d’eau envisagé. Une thématique liée aux distances à parcourir pour y accéder contribuera à faire de la question de l’accès à l’eau des enfants le prolongement d’une question plus générale renvoyant à la réalité sociale de l’accessibilité aux eaux en contexte global d’Afrique subsaharienne. De ce point de vue, l’accès à l’eau des enfants pourrait être envisagé comme l’expression particulière dans ces derniers de la forme générale de l’état de développement des formes sociales de l’eau. La réalité de l’état de développement des formes sociales d’eau, sera aussi en cause dans la vision que les adultes auront des usages d’eau par les enfants. Le logiciel NVivo 10 d’analyse de contenus thématiques nous assistera dans le traitement qualitatif que nous ferons des entretiens. Notre analyse qualitative aura plutôt un aspect descriptif nous donnant à saisir plus finement la pluralité et la complexité des formes sociales de l’eau, même si nous n’en retiendrons que trois pour mener nos analyses quantitatives

164 Étant donné les caractéristiques de l’outil qui nous servira à évaluer les objectivations des enfants nous utiliserons pour nos analyses quantitatives des tests non paramétriques à l’aide du logiciel Statistical Package for the Social Sciences 21 (S.P.S.S.). Les variables à partir

desquelles nous mesurons les objectivations ne suivent pas une distribution normale pour deux principales raisons (Dancey, Reidy, & Gauvrit, 2007) ; la première est que nous les avons conçues de manière catégorielle. A ce titre les variations qu’elles offrent à saisir, à travers des scores, la diversité des formes d’usage d’eau dans notre contexte, sont relativement limitées à quelques valeurs non continues. Ensuite, la taille d’échantillon qui conviendrait à mener une telle étude avec les méthodes des tests statistiques paramétriques devait être plus importante que celle que nous avons pu mettre en œuvre. Il y a, de fait, une certaine réalité de notre étude à laquelle nous ne pensons pas pouvoir donner une expression quantitative sur la base des présupposés que l’usage des tests paramétriques implique. Cela parce qu’au regard d’une telle problématique, les conditions nécessaires à l’expression quantitative et paramétriques des résultats, n’ont pas toujours été atteintes. C’est à cet égard qu’il nous paraîtra de grande importance de pouvoir rendre nos résultats pour une part sous une forme qualitative. Les résultats des tests statistiques seront interprétés comme tendant à la significativité lorsqu’ils atteindront un seuil correspondant à p < 0.1, et significatifs à partir de p < .05. Nous prendrons soin de diviser le seuil de significativité en cas de tests multiples. Dans nos analyses quantitatives, nous commencerons par présenter les résultats relatifs au contexte général des enfants en Afrique subsaharienne. Ces résultats nous donneront un aperçu global du rapport à l’eau des enfants à partir de quoi nous chercherons en nous situant à des niveaux particuliers (contextes nationaux, sous régionaux) à voir de quoi l’aperçu global rend compte comme réalités particulières.

4.1.

Les sources d’eau en Afrique rurale