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5.1. La question de l’intentionnalité

5.1.2.2. De l’objet déterminant le sujet comme "sujet actif"

Le sujet individuel ne peut rien organiser de lui seul. En effet, d’où lui viendrait seul et le temps d’une vie, l’expérience millénaire nécessaire à organiser l’immense présence d’une nature sauvage ? En revanche les hommes en société s’activent et organisent le monde en tant qu’individus liés les uns aux autres par médiation de toute sortes d’objets interposés entre eux, mais ces objets doivent être présents et répondants à l’activité organisatrice. Pas de sujet donc comme manifestation active, comme activité intentionnelle sans objet14. Pas d’intention de

douche si les objets nécessaires à la réalisation concrète de cette intention font défaut ou sont hors de portée. L’ordre social, loin d’être anodin, est fondamental à envisager la réalité d’un objet à la fois comme participation active du sujet à l’élaboration de l’objet mais aussi disponibilité nécessaire de l’objet à l’activité subjective. Disponibilité par quoi, parlant métaphoriquement, l’objet encourage par renforcement positif la saisie subjective qui le pense

comme tel et pas autrement. La réalité de l’objet dans un ordre social est donc une composition fonctionnelle et pratique par laquelle la différence de l’homme à l’objet doit se résoudre15.

14 En un sens qui n’est pas sans pouvoir faire échos à notre propos, bien qu’apporté après des

développements plus étendus et plus détaillés que nous ne pouvons faire ici, Lucien Sève formule : « « L’homme », c’est inséparablement le « monde de l’homme » et les hommes en leur monde : le « monde de l’homme » sans les hommes, c’est le cimetière muet d’une civilisation éteinte ; les hommes sans le « monde de l’homme », c’est Homo

sapiens à ses origines ». (2008, 103-104).

15 De ce point de vue, signalons en passant que nous ne comprenons pas grand-chose à ce que Marková

(2007), appelle dialogicité qu'elle définit comme : « la faculté de l'esprit de concevoir, de créer et de communiquer à propos des réalités sociales du point de vue de l'Ego-Alter » (op.cit., 139). De la dialogicité selon elle, serait issu la dialectique hégélienne, et la dialogicité concernerait l'existence humaine dans le cadre du dialogue sans prendre

77 Mais, et là réside un autre point important, le tout n’est pas dans la résolution sociale de l’opposition à priori de l’objet et du sujet, car à vrai dire, cette résolution n’est pas une tâche devant nous à réaliser. Elle est déjà effective et à l’œuvre que nous sachions le voir ou pas. Dans le cas où nous ne la voyons pas, elle fonctionne par-dessus nous toute seule pour ainsi dire et le plus souvent mal. Ce fonctionnement du monde comme laissé à lui-même, est visible à chaque fois par exemple qu’une idéologie partisane réalise unilatéralement une politique partielle au seul profit d’un groupe, d’une partie et au détriment du reste du monde comme société universelle. Les questions environnementales, par exemple, ne cessent de mettre sous nos yeux un tel fonctionnement où la résolution concrète de l’opposition sujet-objet prend la forme partielle et hégémonique où un morceau particulier du monde devient réellement le monde viable existant.

Nous avons plus haut cité ces formes partielles du hutu, du riche du jeune de l’orthodoxe de l’homme à quoi viennent à se réduire l’universalité du monde. Partialités et uni modalités ontologiques à quoi il vaut mieux se réduire ou se voir réduire pour pouvoir réellement vivre ; à l’opposé de quoi les formes sociales alternatives pourtant elle aussi existantes du tutsi, du

pauvre, du vieux de l’hétérodoxe, de la femme, se sont souvent trouvées condamnées à ne plus

ou à moins vivre. Loin donc que la question puisse tenir dans la simple résolution de l’opposition sujet-objet, elle tient surtout dans la manière de résoudre cette opposition. Au-delà du questionnement général au propos du processus objectivation, nous engageons ainsi la question d’un abord maitrisé rationnel voire humaniste des objectivations. Voilà ce qui commence par imposer la préhension avisée de la manière dont des aspects divers et à priori distincts deviennent une et seule même réalité, pour dès lors pouvoir résoudre ces immédiates oppositions de la plus profitable des manières pour chaque individu de la société et pour toute la société.

en compte les objets physiques et naturels autrement que ce dont on peut communiquer, car ces objets n'étant pas dans une relation communicative avec les êtres humains. Nous pensons au contraire qu'on ne peut pas réduire la communication à la seule modalité du dialogue langagier fût-il présenté comme "concret". C’est encore un réductionnisme, une abstraction problématique au moment même où l’on reproche à tort à Hegel et Marx l’abstraction de ne pas avoir pris en compte dans leurs élaborations la communication. Les objets physiques et "naturels" de toutes sortes sont et ont toujours été des médiateurs directs et/ou indirects des relations et rapports qui s'instaurent entre les êtres humains. Ne serait-ce qu’à penser que pour dialoguer il faut avant ne pas être mort de faim, de froid, de maladie, de guerre et ainsi de suite, ou encore qu’aucun dialogue ou groupe de discussion ne se tient immédiatement sous le vent, la neige ou la pluie. Nous ne faisons même pas encore entrer en ligne de compte ces objets modernes médiateurs développés par excellence que sont les portables et les réseaux sociaux

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