• Aucun résultat trouvé

Comme le rappelle l’appel d’offre « ville, densité, nature », la rencontre entre la ville et l’écologie ne va pas de soi, elle est source de débats contradictoires au plan de l’analyse scientifique comme au plan de l’action. Si l’ambivalence du discours sur la ville - et à fortiori sur le rapport de celle-ci avec la campagne - est de tous les temps, de nos jours l’interpellation de la ville par la sensibilité écologique radicalise les propos sur les effets destructeurs de l’urbanisation en oubliant, derrière une obsession naturalisante, les fondements culturels de la territorialisation urbaine.

• Le problème de l’habitat (oïkos) s’est toujours posé: se retrouver, se protéger, corriger les effets des activités, utilisation des ressources... (ex: les chasseurs, les agriculteurs, la sédentarisation, l’irrigation, le déboisement, la crise du logement...).

• Pour chaque époque, « l’environnement » doit être abordé dans les trois sens suivants:

Nature

Homme Homme

Les rapports des hommes avec la nature doivent être pris en considération dans un système social donné.

Exploitation des ressources

Etablissements, habitat Organisation sociale

Protection de la nature

Chacun de nous entretient une relation au territoire. Au-delà des comportements, toutes ces pratiques individuelles et collectives constituent une sorte de savoir commun à tout être vivant en société.

Ces pratiques sont analysées par diverses disciplines scientifiques dont la géographie, la sociologie, la psychologie, l’anthropologie et l’économie mais également les sciences naturelles.

Elles forment la toile de fond de l’aménagement du territoire et dépendent à la fois:

 des valeurs sociales prédominantes à un moment donné;

 ainsi que de l’évolution des savoirs et des techniques qui y sont directement liés que ce soit au niveau de la construction, de la manière de cultiver, ou de disciplines techniques telles que le génie civil, l’agronomie, la sylviculture...

Production matérielle

Société Nature

Développement culturel Satisfaction des besoins

Beaucoup de ces activités touchant, d’une manière ou d’une autre, à l’utilisation du sol se sont peu à peu codifiées à travers des savoirs professionnels.

D’autres règles, relevant de l’anthropologie, du droit ou de l’économie concernent les relations entre les personnes (échanges de biens, différend de voisinage, partage entre héritiers, indemnisation de dommages...). Ces relations appartiennent également au registre des pratiques territoriales.

3.1. L’urbanisme et l’aménagement du territoire

Dès que l’homme s’est installé, dès qu’il a su cultiver, il a modifié le paysage et a procédé à un aménagement. Aujourd’hui l’homme est en mesure de créer des lacs artificiels, de modifier le climat local, de cultiver des zones désertiques. Dans les sociétés capitalistes, l’implantation industrielle, répondant au principe du libre-échange et à la recherche du profit, a tendance développer ses activités là où cela coûte le moins cher, où l’espace disponible est le plus grand et où l’accessibilité est maximale.

Privilégier cette forme d’implantation et de consommation du territoire a déjà soulevé de nombreuses impasses, allant de la destruction des sites naturels et agricoles périphériques, à la désertification des centre-villes ainsi qu’à la multiplication des nuisances et encombrements liés à l’accroissement des mouvements pendulaires, etc. Loger des gens n’est pas suffisant, il faut installer toute une infrastructure urbaine. Laisser aux promoteurs l’initiative de la création de cités et de villes nouvelles revient à entériner le sous-équipement de la zone, ces équipements n’étant pas considérés comme rentables. En aménagement du territoire s’entremêlent donc des besoins naturels et culturels : les conditions de travail et de logement, les besoins de repos, de calme et d’espaces verts, l’éducation, le désir esthétique. A partir de là, on peut se rendre compte des multiples contradictions qu’il faut résoudre pour faire aboutir un projet.

La politique urbaine nous amène à la question des transports qui non seulement génèrent du bruit et polluent l’air (explosion des transports individuels) et qui, malgré leur caractère de service public (transports collectifs), sont devenus un facteur aggravant la précarisation de la santé de nombreux citadins.

Il faut encore que l’urbanisme tienne compte des dimensions paysagères et d’un tourisme ouvert à tous, sans que les lieux d’accueil ne deviennent des lieux sinistrés.

A cette présentation sommaire, il faut bien sur ajouter les questions relatives aux réglementations, aux financements, aux rôles des industriels, du secteur public et des citoyens.

C’est à partir des sites, de la conception des agglomérations, de la répartition des activités, de la qualité des centres urbains... que l’on peut le mieux approcher la question du cadre de vie.

L’objectif global de la politique urbaine est de réduire les écarts excessifs de la croissance que le libéralisme développe entre les villes mais également de promouvoir une répartition hiérarchisée et coordonnée des équipements urbains et des ressources à l’intérieur des régions de façon à offrir la meilleure couverture possible des besoins sociaux, économiques et écologiques.

Dans cette perspective, l’aménagement du territoire a pour objectif de définir ou de fixer des conditions et des limites aux diverses utilisations du sol. En matière d’aménagement, la protection de la nature est encore souvent synonyme de classement en zone à protéger. Ces mesures se révèlent progressivement insuffisantes eu égard à une conception plus dynamique de la protection de la nature qui fonde sa stratégie – au-delà de la seule délimitation d’espaces vitaux - sur plusieurs fronts:

- une agriculture plus extensive et proche de la nature;

- une exploitation plus durable de la forêt;

- un accroissement des surfaces proches de l’état naturel dans les agglomérations;

- l’élaboration de planifications directrice, impérative et contractuelle dans le domaine de la protection de la nature et des paysages.

L’aménagement du territoire interfère avec la protection de l’environnement, de la nature et des paysages, avec l’urbanisme et avec l’agriculture, de par son rôle privilégié dans régulation de la pesée des intérêts en présence (utilisation, protection, revitalisation) en fonction du développement souhaité. L’exercice de cette pesée des intérêts développé dans le système confédéral suisse - dont le principe de subsidiarité et la démocratie directe sont deux piliers importants - considère qu’utilisation, protection et revitalisation ne sont pas forcément diamétralement opposés. Ce travail de mise en évidence des intérêts en présence contribue à améliorer l’approche globale de l’aménagement du territoire.

3.2. Protection de l’environnement, de la nature et du paysage

Enfin, de même que les restes de civilisations passées et les documents de l’histoire humaine doivent être conservés comme éléments de propagation de la connaissance, des écosystèmes caractéristiques doivent eux-aussi être mis à l’abri d’intervention humaines ou revitalisés pour permettre à l’homme de suivre leur évolution, de comprendre leur histoire et de prévoir comment il peut, au mieux, concilier son nécessaire développement avec les exigences de la biosphère. Lutte contre le bruit, contre la pollution de l’air, de l’eau, des sols, la gestion des déchets, la protection des espaces verts et autres lieux de nature sont plus que jamais à l’ordre du jour.

Et pourtant la pollution n’est pas une chose nouvelle, mais aujourd’hui c’est la qualité et l’échelle des pollutions qui changent. C’est pourquoi ce n’est pas simplement par sentimentalisme que se développent les politiques de protection de la nature et de l’environnement, mais surtout parce, au-delà de leur aspects purement normatifs, elles révèlent une dangereuse ignorance des interactions entre les organismes, la sous-estimation de l’unité et de la complexité d’un milieu habitable.

Le paradoxe est qu’aujourd'hui il est difficile d'admettre une dégradation supplémentaire de notre environnement naturel, que le motif relève de l'intérêt particulier ou de l'intérêt général, mais il n'est pas non plus envisageable d'imposer sans les justifier des limites à la croissance, des abandons de projet ou des revitalisations de régions dénaturées. Tout projet devrait désormais passer par une phase de négociation au cours de laquelle toutes les parties concernées respecteraient un certain nombre de règles fixant les limites d'acceptabilité d'un projet, de manière à ce qu'il n'entraîne pas de pertes de potentialité, ni de perte de la valeur globale de notre territoire1.

Aujourd'hui la législation en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement commence à être bien armée pour protéger les espèces et leurs milieux. Le

1 Cf. La conception de la zone agricole selon CL.RAFFESTIN, in: La construction sous contrôle,

cadre d’un travail pluridisciplinaire est notamment défini par les lois LAT et LPE. En Suisse particulièrement, la prise en compte des caractéristiques du milieu naturel dans la planification de l'utilisation du sol constitue, pour les militants de la protection de la nature, un des acquis importants de ces dernières années. Selon principe de la planification écologique du paysage, les buts de la protection des biotopes sont clairement motivés par la protection de la nature et du paysage. Selon cette loi, il s'agit de protéger les derniers restes des différents types de biotopes naturels avec leur faune et leur flore : les tourbières hautes, les bas-marais, les forêts alluviales, etc. bref, les milieux peu ou pas influencés par l'homme.

Actuellement, les biotopes semi-naturels qui composaient autrefois le paysage agricole sont également en danger: les prairies maigres, taillis et forêts buissonnantes qui abritent une faune et une flore typique sont menacées. La protection des espèces menacées et des restes de

Le paysage et l’espace agricole ont des fonctions multiples. En Suisse, ils ne constituent pas une zone de réserve foncière à consacrer au développement de l’urbanisation. L’espace rural sert non seulement au renouvellement des ressources naturelles et à la production alimentaire, mais également à la mise en forme et à l’entretien des paysages dans lesquels les citadins aspirent à se détendre. Cette dernière fonction a pris énormément d’importance durant ces cinquante dernières années et s’est accompagnée d’un développement de l’accessibilité campagnarde (infrastructure de transports et de loisirs, résidences secondaires....).

La protection de la nature c’est aussi celle des sols et de leur restauration, c’est aussi une qualité meilleure de la production agricole et alimentaire. Jusqu’à présent, on a souvent considéré que le développement de l’agriculture permettait de garantir la diversité des fonctions du paysage. Cependant un siècle de développement de l’agriculture intensive a contribué à la disparition de cette diversité. Aujourd’hui les pressions politiques nationales et internationales plus que jamais fondées sur le concept de libre-échange favorisent cette logique de l’intensification et de l’accroissement des grandes exploitations, au détriment des plus petites.

La déprise agricole, limitée à un simple retrait des surfaces qui lui sont habituellement réservées ouvre la porte à une colonisation sans frein de l’urbanisation et de l’euphorie touristique. L’alternative de l’« extensification » semble encore avoir peu de poids aujourd’hui, mais peu à peu on y découvre qu’elle peut par contre contribuer à créer des espaces de compensation écologique et à relier des réseaux de biotopes entre eux.

En Suisse, cette volonté est aujourd'hui largement renforcée et précisée dans la législation, en ce qui concerne les milieux. Il est notamment précisé que des compensations écologiques devront être définies par les cantons dans les régions où l'exploitation est intensive à l'intérieur et à l'extérieur des localités tout en tenant compte des besoins de l'agriculture. La compensation écologique a notamment pour but: a) d'intégrer des habitats naturels isolés dans des réseaux de biotopes; b) d'encourager une utilisation aussi naturelle que possible du sol; c) d'animer le paysage.

2 Cf. B.CRETTAZ, La beauté du reste. Ed. Zoé, coll. Histoire/paysages, Genève 1993, 198 p.

L’agriculture et la sylviculture interviennent ainsi dans la pesée des intérêts que s’efforce de gérer l’aménagement du territoire. Dans le contexte de pression de l’urbanisation et l’intensification des méthodes de production agricole, on ne peut parvenir à restaurer la diversité naturelle par le seul biais de l’aménagement du territoire. La nature, à savoir, les espèces, les biotopes et les paysages, n’est pas non plus la seule à avoir besoin d’être protégée. La politique agricole doit jouer un rôle clé dans la préservation et la restauration de la diversité biologique et de la multiplicité des fonctions du paysage. En jouant sur le niveau des revenus et en abaissant certains coûts de production, certaines mesures étatiques ont ralenti l’exode économique des agriculteurs. Certes, ces mesures d’incitation économique sur les revenus et les coûts de production sont insuffisantes pour donner à l’agriculture une mission paysagère cohérente avec la diversité des intérêts. Par suite d’une votation populaire, l’Etat confédéral doit étendre ses prestations par la promotion directes de mesures - même partielles - de compensation écologique en faveur de la production agricole intégrée ou à l’agriculture biologique

3.4. L’interpénétration de ces champs

Avec l’accent mis de manière toujours plus dramatique sur les enjeux de l’environnement naturel (conférence de Stockholm en 1972 et de Rio en 1992), l’aménagement du territoire se trouve chaque jours plus impliqué dans ses relations avec les facteurs naturels, le paysage, mais aussi toutes les formes de patrimoine (culturel, construit, monumental...). Le mérite de l'aménagement du territoire helvétique est d'avoir institutionnalisé la consultation et la coordination, horizontale (géographique) et verticale (institutionnelle), entre départements et services, ainsi qu'entre les niveaux d'aménagement. L'équipe pluridisciplinaire s'est progressivement imposée comme étant le modèle pour l'étude de tout problème touchant l'utilisation du sol.

Les nouvelles exigences légales, appliquées aux problèmes d'aménagement modifient le processus de planification selon les axes suivants :

- consultation de toutes les parties concernées, - analyse des projets par une équipe pluridisciplinaire, - identification des conflits d'intérêt,

- identification des possibilités d'amélioration des sites répondant aux critères légaux.

Selon ce principe d’intégration, il est inutile d'investir beaucoup de temps et d'argent dans l'une des phases du processus, si l’on n’a pas l'intention d'investir autant dans les autres phases:

 Une analyse détaillée de la valeur des sites ou des conflits existants n'apportera rien à un projet de planification, si l'on n'a pas étudié, avec autant de soin, toutes les possibilités d'améliorer une situation prévisible après réalisation du projet (étude d’impact).

 Un excellent projet de planification peut très bien aboutir à un échec, ou à des oppositions virulentes, s'il n'a pas été élaboré et finalement compris par toutes les parties intéressées (pesée des intérêts).

 Une autre cause importante d'échec dans la planification du territoire est l'absence de motivation réelle pour sauvegarder le bien des collectivités, dont les milieux naturels font

Il n’en reste pas moins que, dans la réalité, certaines critiques persistent:

 Il manque un promoteur qui ait intérêt à faire passer un projet acceptable du point de vue de l'environnement.

 La planification du territoire est tout au plus une obligation légale de conserver des éléments paysagers qui méritent de l'être.

 Les inventaires de sites ont trop souvent pour seule utilité de nécessiter quelques mesures de compensation ou des précautions particulières.

Trois questions fondamentales devraient alors aider l'aménagiste dans ses décisions :

 La qualité écologique des sites peu touchés peut-elle être améliorée par un entretien, une gestion ou un aménagement approprié ?

 La capacité des sites naturels existants peut-elle être augmentée par un changement d'affectation localisée et des aménagements ?

 Les fonctions de ces sites peuvent-elles être améliorées par des aménagements adéquats?

En conclusion, l’aménagement du territoire insiste sur le fait que qu'une évaluation du patrimoine ne doit jamais avoir pour but d’imposer une modélisation réductrice du paysage.

Elle doit rester, au contraire, un processus de discussion et de travail dont le but est de trouver une bonne solution pour une utilisation parcimonieuse du sol.