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C. M ETHODE D ’ ANALYSE

1. Fondements législatifs

1.1. Politique agricole et paysage

Davantage connu comme un des hauts lieux des paysages idylliques, sublimes ou bucoliques, la Suisse n’en est pas moins un pays où la recherche agronomique et les avantages de la mécanisation se sont rejoints au service du rendement et de l’organisation du travail agricole27. L’apparition de besoins nouveaux corrélatifs de la croissance de la population, l’élévation du niveau de vie et des convoitises du sol ont entraîné au fil des années nombre de dispositions juridiques et administratives, au niveau fédéral et cantonal, de protection et de redynamisation de l’activité agricole.

C’est principalement l’Etat fédéral qui mène la politique agricole et décide des orientations à prendre. Les cantons ne peuvent pratiquer une politique agricole propre à orienter la production et l’écoulement des produits. Ils n’ont la possibilité d’agir qu’en fonction de spécificités locales ou régionales (améliorations foncières, bâtiments agricoles, aménagement des chemins...) et des dispositions cantonales d’aménagement du territoire, en tenant compte des conditions naturelles.

Conserver une forte population paysanne en favorisant une forme d’exploitation de type familiale, assurer la productivité de l’agriculture et consolider la propriété rurale sont les trois piliers des objectifs de la politique agricole confédérale. L’approvisionnement alimentaire du pays et le ravitaillement en période de crise justifient, encore aujourd’hui, la définition des surfaces agricoles d’assolement exigées par la confédération.

Par ailleurs, « Ces dernières années, les critères qui servaient à définir l’espace rural, en terme de valeurs, de besoins ou de fonctions, et à décider de son aménagement sont devenus inadaptés. Le rôle tenu par l’agriculture se modifie dans un contexte de contraintes économiques et d’ouverture des marchés, alors que des activités aux exigences différentes prennent une ampleur qui va croissant. »28

A l’orée du XXIè siècle, où à la crainte de disette incitant à produire toujours plus succède une situation structurée par la mondialisation des échanges, la gestion des excédents croissants, des problèmes écologiques et de déprise des terres, une nouvelle politique agricole se met en place.

La politique agricole s’oriente alors vers des méthodes de production plus intégrées aux cycles naturels et préservant mieux la qualité des sols.

27 DEPARTEMENT DE LINTERIEUR ET DE LAGRICULTURE, Terres agricoles de l’an 2000, Genève 1985, 127 p.

28 DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS ET DE LENERGIE,DEPARTEMENT DE LECONOMIE PUBLIQUE,

C’est principalement parce que le sol est le fondement de l’exploitation agricole que les instruments de la politique agricole dépendent largement:

 de la législation sur l’aménagement du territoire: utilisation rationnelle du sol, affectation des meilleures terres à l’agriculture;

 du droit foncier rural: prévention du surendettement, protection contre la spéculation foncière et protection des fermiers

Une nouvelle orientation de l’agriculture fondée sur la « multifonctionnalité » du travail agricole est donc inéluctable. Celui-ci doit son seulement s’assurer et garantir l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires de qualité, mais aussi préserver le paysage et occuper le territoire de façon décentralisée. Le septième rapport du Conseil fédéral sur l’agriculture (1992) prévoit que, sur base d’une baisse d’environ 10% des prix du lait, des céréales, des oléagineux et des betteraves sucrières, les agriculteurs se verront accorder une compensation partielle des paiements directs non liés aux produits. En outre l’extensification des terres et des affectations à la culture de matières premières renouvelables, ou à la protection de la nature (jachère, entretien de lisière...) sera encouragée par la confédération.

Fondée sur le volontariat, les contributions écologiques incitatives récompensent les agriculteurs qui fournissent des prestations écologiques excédant le minimum fondé par la législation en matière de protection de l’environnement, des eaux, des animaux, de la flore, des sols... Ces contributions recouvrent différente formes:

 les compensations écologiques: prairies extensives, surfaces à litière, haies vives, bosquets champêtres, arbres fruitiers haute-tige....;

 la production intégrée: système agricole de production d’aliments et de matières premières de haute qualité, utilisant des ressources et des mécanismes naturels de régulation pour remplacer les apports dommageables à l’environnement (durabilité);

 la culture biologique:

 la détention contrôlée d’animaux en plein air.

A Genève, malgré le fait que l’agriculture n’occupe plus que 0.8% de la population active résidente du canton, l’agriculture reste une source irremplaçable de denrées de premières nécessités. Il est assez remarquable que déjà en 1929 et plus tard dans les années 1950-60, les autorités se soient préoccupées de maintenir une zone agricole aussi vaste que possible alors que les pressions de l’urbanisation étaient très fortes. Au cours de la période 1960-90, une croissance démographique importante et un développement urbain intensif n’ont pratiquement pas grignoté la zone agricole (perte de 5.2% de surface agricole en 1965-80 alors que la population connaissait une croissance de plus de 30%).

L’application des mesures en matière de contributions écologiques est gérée et contrôlée par une équipe intitulée « Pool Agri-Nature Genève », réunissant des partenaires des milieux agricoles et de la protection de la nature (Production intégrée genevoise, Association genevoise des centres d’études techniques agricoles, Association genevoise de la protection de la nature, Chambre genevoise d’agriculture, Fédération genevoise des syndicats d’élevage bovin, Service cantonal de l’agriculture).

1.2. Politique forestière d’un canton-ville29

La loi fédérale de 1902 obligea tous les cantons à constituer un service forestier pour mettre en place la législation sur les forêts, la chasse et la pêche. Dans un petit canton fortement urbanisé la politique forestière s’est progressivement insérée dans un ensemble plus vaste comprenant la gestion de tous les espaces naturels. Deux adjonctions importantes sont apparues au cours des ans: les responsabilités confiées dans le domaine de la protection des arbres non forestiers et dans celui de la conservation de la nature.

Au siècle dernier et dans la première moitié du XXè siècle, Genève n’a pas développé une politique forestière très active. Ses petites surfaces boisées n’offraient alors presqu’aucun profit économique et étaient souvent considérées comme étant une entrave à l’utilisation des terres prônée par le mouvement de colonisation intensive de l’agriculture. Sur le plan paysager, la forêt genevoise et ses nombreux massifs boisés présentaient certes déjà un intérêt, mais on n’imaginait pas encore son rôle dans les domaines de l’agrément citadin et de la conservation de la nature. C’est dans cette optique qu’ont été progressivement mises en place toute une série de petites réserves biologiques forestières accompagnées de création d’étangs formant ainsi des riches biotopes.

Dès 1977, suite à l’entrée en vigueur de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, le Service des forêts, de la faune et de la protection de la nature est rendu responsable de l’application de toute la législation concernant la végétation sur le canton: la législation forestière s’applique à la gestion de la zone des bois et forêts. Cette législation s’inscrit dans le cadre d’une politique de conservation active touchant autant le maintien de la végétation que son renouvellement.

En 1981 déjà, dans « Le livre vert » édité par les autorités cantonales genevoises30, cette politique était déjà intentionnellement élaborée autour des axes suivants:

 assurer un renouvellement valable en réservant des espaces adéquats pour le remplacement de la végétation existante vieillissante;

 réorienter le développement urbain en réservant des espaces de verdure proportionnés à la densité de l’habitat;

 introduire la notion de gabarit de verdure afin d’assurer à la nouvelle végétation des conditions d’existence (air et sol) suffisantes pour lui garantir un avenir optimum;

 diversifier la végétation introduite afin de pallier à la banalisation constatée depuis de nombreuses années et due à de nombreux facteurs tels que l’aggravation des contraintes urbaines, le manque d’intérêt et de connaissances professionnelles pour les variétés propices, la recherche de l’effet immédiat, l’opposition de certains milieux à l’introduction d’exotiques;

29 Genève. Forêts, arbres et faune, 146e Assemblée annuelle de la Société forestière suisse du 14 au 16 septembre 1989, in: Journal forestier suisse, 140 (1989), pp 569-639.

 encourager l’entretien des arbres en subventionnant, dans le cadre d’opérations concertées, les interventions indispensables pour leur conserver vitalité et esthétique.

Les dispositions mises en place par le règlement sur la protection des arbres sont particulièrement intéressantes pour ce qui touche les autres zones qu’elles soient urbanisées ou agricoles. Ce règlement sur la protection des arbres porte la marque caractéristique de l’esprit forestier: il impose qu’aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie rasée ou défrichée, sans autorisation préalable. Il fixe les modalités de la procédure d’abattage et de défrichement, et précise les impératifs de conservation et de remplacement des arbres: il impose, en fait, des conditions aux abattages ainsi que des replantations ou autres contributions (taxes) compensatoires. La gestion du patrimoine arboré hors forêt recensé sur un inventaire géoréféré depuis 1978 intervient à plusieurs niveaux de procédure administrative.

 Dans le cadre de la planification cantonale, le Service de protection de la nature et des paysages intervient dans la planification directrice ainsi que dans la procédure des plans localisés de quartiers.

 En ce qui concerne la procédure d’autorisation de construire, tout abattage ou élagage d’arbre, tout défrichement de haie nécessite l’obtention d’une autorisation expressément délivrée assortie de conditions. Cette autorisation est publiée dans la Feuille d’avis officielle cantonale et la date de publication fixe ainsi le début du délai de recours des tiers (citoyens, associations...) de trente jours. Chaque requête fait généralement l’objet d’une visite des lieux par un forestier du service qui fixe les conditions d’abattages servant de bases à la définition de la contribution compensatoire. Chaque requête d’abattage est examinée en fonction de critères tels que la beauté et l’intérêt du sujet, son état sanitaire, son espérance de vie, l’estimation des risques liés à sa conservation en fonction des interventions projetées à sa proximité.

Pour ne pas anéantir tous les projets de constructions nouvelles, la démarche de conservation se veut dynamique et part du principe qu’un bon renouvellement est toujours préférable à un maintien problématique. Une valeur de replantation ou une taxe compensatoire sont ainsi fixées. En cas de replantation, le contrôle de l’emplacement et de la qualité des prestations compensatoires est effectué par le service une fois le projet réalisé.

Le Service de la protection de la nature et du paysage joue également un rôle important de conseil portant sur le rappel de la législation s’appliquant à la végétation dans le cadre de constructions et de plantations nouvelles, la position politique, administrative et technique du service en matière de conservation des arbres et des plantations compensatoires et la manière présenter un plan d’aménagement paysager dans le cadre du dépôt des enquêtes administratives, enfin les mesures à prendre lors de travaux à proximité des arbres.

1.3. La politique paysagère

En Suisse, la protection de la nature et des paysages fait l’objet d’une réglementation fédérale et cantonale complexe.

 Au niveau de la confédération, les deux articles constitutionnels les plus importants pour notre problématique sont les articles 24 sexies et septies. L’article 24 sexies de la constitution précise que « la protection de la nature et du paysage relève du droit cantonal ». La Loi de protection de la nature (LPN) délimite toutefois un certain nombre de droits et de devoirs qui incombent à la Confédération. La LPN (1.07.1966) a comme objectif

la protection des aspects caractéristiques des paysages et des localités, des sites évocateurs du passé, de la faune et de la flore ainsi que de leur biotope. Le principe des compensations écologiques y figure également. L’article 24 septies confère la responsabilité d’élaborer la législation en matière de protection de l’environnement à la Confédération. En revanche, sa mise en œuvre reste pour l’essentiel, une tâche qui incombe aux Cantons.

Cette loi est un instrument de coordination des nombreuses législations qui ont comme but de protéger le milieu naturel des atteintes qui pourraient perturber son équilibre.

 Au niveau du canton de Genève, c’est la loi L 4 1 (4.06.1976) et son règlement général d’exécution qui représente le texte législatif principal. Son objet est la protection des monuments, de la nature et des sites. Elle est complétée par le Règlement d’application transitoire de la loi fédérale sur la protection de l’environnement, K 1 26.5 (1.07.1989), et par la LAT (loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire). Une loi cantonale, ayant pour but, l’encouragement de l’implantation, de la sauvegarde et l’entretien de surfaces de compensation écologique en agriculture est en consultation. Des mesures ayant une force légale, d’autres ayant une force indicative s’ajoutent aux lois et règlements précités.

Le paysage genevois a été transformé par l’extension de l’urbanisation et des infrastructures qui l’accompagnent ainsi que par les remaniements parcellaires accompagnant l’intensification de la production agricole. Au niveau cantonal genevois, la préoccupation de la sauvegarde des paysages est déjà présente dans diverses lois édictées dès le début du siècle31.

 La loi genevoise pour la conservation des monuments et la protection des sites de 1920 fait explicitement référence à la beauté des sites et vise définir une procédure et des actions de classement. Des sites ou des portions de paysage sont ainsi sauvegardés d’une manière relativement figée.

 La loi sur les constructions et installations diverses de 1929 (LCI) introduit la notion d’une division du territoire en cinq zones de construction en précisant le type de construction et les gabarits autorisés.

 En 1952, en vue de l’application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété rurale, le canton de Genève introduit la notion de zone agricole dans la LCI en distinguant clairement la zone villa de la zone destinée aux activités agricoles. A la suite du plan d’assolement alimentaire qui a prévalu durant la seconde guerre mondiale (Plan Wahlen), cette disposition a essentiellement pour but de favoriser la production de denrées alimentaires alors que le sol cultivable se raréfie et que la population s’accroît rapidement. Cette définition de zone agricole aura également pour effet de contenir la dispersion de l’habitat et limitera ainsi le mitage sur territoire cantonal.

 D’autres lois cantonales sur les forêts publiques privées (1954), sur les eaux (1961 et 1975) ont également contribué à la protection du paysage cantonal. En 1961, une révision de la LCI introduit le concept de village protégé pour sauvegarder le caractère villageois des localités rurales et contenir la défiguration de celles-ci par l’apparition de nombreux bâtiments locatifs. La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites de 1976 (LPMNS) - révision de la loi de 1920 - introduit la notion de « plan de site », un outil

d’aménagement s’inspirant techniquement du Plan localisé de quartier qui intègre les abords des périmètres à protéger ainsi que les ensembles paysagers et écologiques.

 Enfin en 1987, la loi cantonale d’application de la loi fédérale d’aménagement du territoire va intégrer la notion de « zone » à protéger en renvoyant d’une manière systématique aux articles des différentes lois évoqués que ce soit en ce qui concerne les eaux publiques et privées, les rives du lac ou des autres cours d’eau importants, les sites et paysages, les réserves naturelles, les secteurs de vieille-ville, les villages protégés ou les zones de verdure.

En complémentarité avec cette intégration législative, la gestion du paysage - autant au niveau national que cantonal - passe par la mise en place d’instruments de connaissances tels que les inventaires. A titre d’exemple le canton de Genève dispose depuis 1983 de l’inventaire des sites construits à protéger en Suisse (ISOS); l’Atlas du territoire genevois permet par la cartographie issue de relevés cadastraux de prendre conscience de l’évolution de nos paysages périurbains depuis le début du XIXè siècle. L’inventaire des voies de communications historiques de la Suisse (IVS) joue un rôle important dans la compréhension des réseaux ou « mailles » qui structurent le territoire.

Sur base d’une politique paysagère qui s’efforce de maintenir la végétation existante et de reconstituer dans des sites propices les éléments de structure paysagère (cordons, réseaux, allées d’arbres, arbres isolés...), un plan de mesures paysagères est élaboré sur base d’études menées au cours des années 1980-90 au niveau communal en détaillant et chiffrant la végétation existante ainsi qu’en formulant des propositions de replantation.

Face à la persistance des dégradations paysagères dans le canton et malgré les dispositifs légaux de protection existants, une application du projet fédéral de la Conception du paysage suisse sous la forme du « Module genevois » s’efforce de redéfinir un outil de protection, de gestion et de conservation du paysage plus intégré, et visant à mieux comprendre le fonctionnement de la région pour ensuite mieux définir les priorités politiques et les actions à entreprendre.

Le canton de Genève est, en effet, caractérisé par la présence d’une multitude de petites zones écologiquement favorables (bois, marais, cours d’eau...). Le nouveau concept part de ce constat pour favoriser leur liaison en réseaux et ainsi éviter un processus d’insularisation. A cette particularité biogéographique, s’ajoute l’interdiction légale de la chasse votée et inscrite dans la constitution cantonale en 1974. Cette recherche de définition du nouveau concept met l’accent sur l’aspect transfrontalier du paysage genevois et préconise la mise en place d’une gestion concertée. L’intérêt régional genevois de la protection paysagère se porte ainsi sur des sites qui ne retiennent pas forcément une attention soutenue en France voisine tels que la tourbière de Cranves-Sales, le Salève... Dans la mise en application de cette stratégie, les intentions politiques sont loin d’être clairement affirmées et, plus encore que dans le domaine de l’aménagement du territoire, on a de la peine à trouver des possibilités de partage des instruments légaux.

Par rapport à la complexité des dispositions législatives suisses en matière de protection de la nature et des paysages et son effort d’intégration, en France, la protection de la nature et des paysages est régie par une réglementation très composite qui s’efforce de refléter les inscriptions des directives européennes dans les lois nationales. La loi française sur la protection de la nature est la référence fondamentale en la matière (10.07. 1976). Le livre II du

code rural « Protection de la nature » (1989) réglemente la protection de la nature, de la chasse et de la pêche. Les modalités de protection varient en fonction du champ d’application de la mesure: tantôt celle-ci est limitée aux terrains appartenant à l'État, à des milieux déterminés (forêts, montagne, littoral, etc.); tantôt elle est inscrite dans un document d’urbanisme (zone ND des POS par exemple) ou applicable partout !

2. Analyse du paysage péri-urbain: études de cas (avec le concours de François