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C. L' ESPACE PUBLIC

2. Analyse comparative des espaces publics des centres des deux communes de part

Deux centralités villageoise sur la « mappe sarde » qui perdurent, deux structures comparables par la taille. Les mêmes bâtiments d'origine rurale, agglomérés le long de deux routes secondaires, toutes conditions identiques qui autorisent la comparaison de traitement opéré sur les deux tissus après deux siècles d'histoires indépendantes.

L'analyse à laquelle nous nous sommes livrés relève d'une observation et d'une description ethno-spatiale appuyée par un matériel cartographique et photographique. «Ouvrons les yeux»

était déjà le titre du bel ouvrage de G. Fatio de 1909 sur le patrimoine villageois suisse.

Ouvrir donc les yeux, hiérarchiser les observations, esquisser les interprétations causales multicritères et enfin évaluer, c'est à dire définir les critères de qualité architecturale, écologique, environnementale. Nous nous sommes, pour ce travail, appuyés sur la cartographie et des documents photographiques.

2.1. Le centre et la place de Puplinge

La «place» a été construite à l'extrémité nord du village-rue, à proximité de la mairie ancienne.

Elle est à l'intersection du tissu ancien et du tissu récent des années soixante-dix. Une place nouvelle à l'entrée du village ancien construite lors de la construction des logements HLM en R+4 en 1975. Puplinge se dote alors d'une nouvelle église qu'on déplace en face de la mairie.

Quelques commerces viennent alors prolonger la rue. Le trafic sur l'ancienne route (devenue rue) est modéré grâce à la route de contournement.

La route de contournement conçue en simultanéité avec l'opération de construction ne présente pas de caractère routier lourd. Elle est bordée

d'une haie basse arbustive qui protège la piste cyclable en site propre. Les routes de contournement (dites de déviations en France) des villages sont soigneusement réalisées en Suisse, la construction de leurs bordures, comme la publicité, est interdite, préservant la «silhouette

« extérieure du village.

Le village-rue qui s'étendait le long de la route cantonale reliant Thônex à Jussy a été préservé.

Le nouveau quartier s'est implanté côté Jussy à la sortie du village ancien et on a profité de la juxtaposition de deux tissus d'âge différent pour créer une place-jardin.

Dans la rue règne une atmosphère de tranquillité : calme, verdure, voix d'enfants. Tout est propre à retrouver le charme des anciennes places de villages. Le trafic étant modéré, il y a beaucoup de deux-roues. La chaussée, au niveau des carrefours, est surélevée, protégeant le passage des piétons.

Les places de parking, environ quarante-cinq, sont disposées par petits groupes de cinq, pas plus, le long des rues, évitant d'être focalisés en un espace unique. Seul un parking d'une trentaine de voitures a été aménagé discrètement dans le paysage campagnard (pavé-pelouse, pas de bitume, sous des platanes centenaires,

à proximité de l'arrêt des lignes de bus qui relient la place au centre de Genève.

La place a été conçue comme un espace de pelouse plantée attenante aux HLM. Elle est, à l'instar des squares ou «commons» anglais, traversée par des diagonales piétonnes et des cheminements périphériques. Ce dispositif ancestral est sans prétention à la pseudo-animation.

Le mobilier urbain est réduit au minimum. Le mobilier de voirie est standardisé, le même à travers toute la Suisse (soin et discrétion des panneaux de signalisation et des poubelles).

L'éclairage public est réalisé par des lampadaires «classiques» de quatre mètres de haut qui donnent une lumière douce, agréable et mesurée, la nuit,

illuminant les chemins piétons. Il n'y a nul besoin d'éclairer la chaussée, d'éclairages pour automobiles! Le mobilier spécifique de la place «date» un peu mais il est discret et minimum (bancs, poubelles et bacs réalisés avec des pavés de grès). Les lignes électriques ont été enterrées, toutes les

«émergences» techniques (coffres, etc.) sont discrètes ou intégrées.

Les trottoirs sont larges, la bordure en granit très surbaissée selon la norme suisse participe à l'humanisation de la

ségrégation trottoir/chaussée. Les carrefours sont légèrement surélevés, une légère pente (pas un cassis brutal) est réalisée par un damier de béton et de pavés.

Quelques commerces nouveaux de première nécessité : boulangerie, pâtisserie tea-room, boucherie-charcuterie, banque, pharmacie. Les commerces favorisent leur entrée plutôt sur la rue que sur la place. De même l'église n'est pas un bâtiment ostentatoire, mais assez discret, disposé comme la poste derrière une arborisation arbustive non-sophistiquée. Les enseignes des commerces sont discrètes et de taille raisonnable ; une enseigne par commerce suffit.

On pourrait faire l'histoire comparée de l'ambiance des centralités communales françaises et suisses à partir de l'observation comparée de trois institutions «civiles» la Poste, la Mairie, l’école. Leur aspect, leur environnement, leur signalétique diffèrent profondément Les trois sont présentes sur la place de Puplinge :

 La Poste qui est souvent établie en Suisse dans des rez-de-chaussée de bâtiments anciens est ici neuve et sans ostentation, signalée seulement par son discret logo-calligraphique jaune et noir (cf. l'esthétique graphique en général).

 La Mairie est un bâtiment ancien qui ne se distingue des autres maisons du vieux village que par quelques signes discrets, comme l'affichage municipal. Son abord est délimité par un petit enclos constitué d'un muret bas sur la rue. Un arbre centenaire a été conservé dans l'enclos. dispositifs favorables à l'accueil; de même des jeux de plein air de l’école ont été placés sur l'esplanade publique devant celle-ci.

Les espaces extérieurs se caractérisent par l'importance des espaces de transition entre espace public et privé. Les espaces privés attenant au bâti sont le prolongement de la fonction des rez-de-chaussée. Sur la place, les logements de rez-de-chaussée ont de petits jardins de trente mètres-carrés.

La qualité des matériaux nous rappelle que la qualité architecturale et matérielle du bâti est supérieure en Suisse qu'en France à tous les niveaux : les menuiseries plus épaisses donnent une impression de solidité dans le temps, une impression de confort et de sécurité. La même impression domine lorsqu'on examine corps d’Etat par corps d’Etat la consistance du bâti (gros œuvre, couverture, menuiserie, revêtements de sols, etc.), les matériaux des bâtiments comme ceux de l'espace public, de la gouttière en cuivre à la bouche d'égout en fonte insérée dans un bloc de granit.

A travers une politique de préservation ancienne du village et de ses abords, la «greffe»

moderne a su s'insérer en toute harmonie.

2.2. La place de Ville-La-Grand

A Ville-La-Grand, la centralité s'affirme le long de l'axe Thonon-Annemasse. La place de l'église la ville a aménagé en face de l'église, de l'autre côté de la route, une place servant de parking et parfois de marché.

En l'absence d'une route de contournement, une artère de type départemental coupe la place en deux avec un trafic dense liant la frontière suisse à la route de Thonon. Les moyens de ralentissement sont inexistants. Un rond-point directionnel de deux mètres cinquante de diamètre seulement au carrefour juste devant la place ne ralentit rien : sa décoration est squelettique : trois rochers et un lampadaire «routier» de quinze mètres.

L'aménagement de la place, actuellement en fin de travaux est typique des projets d'espaces

destructions derrière l'église ont été immédiatement occupés, saturés par tout le catalogue habituel : plots, bacs à fleurs autour d'un bassin...

Le dessin formaliste et hâtif des cercles de pavage donne une impression d'artificialité totale, d'indifférence aux traces anciennes de ce centre villageois. Les dispositifs empêchent toute liberté de mouvement et flexibilité sur la place. Les textures du sol révèlent les normes standards des aménagements voirie-VRD et multiplient les différences: bitume, dallette calcaire rose pâle, pavé classique, dallette de granit anthracite, aires de gravillon de béton, etc.

Le décor simulé d'un portique en bordure de l'aire marché-parking se réduit à l'assemblage au moyen de tubes métalliques de lampes-boules sur poteau-béton préfabriqué.

Tous ces dispositifs compliqués d'image rapportée ne font que souligner l'indigence des espaces et des objets qu'ils doublent ou côtoient:

lampadaires routiers de quinze mètres équipés d'halogènes, poteaux électriques et leur toile d'araignée de fils aériens archaïques qui sont encore le véritable décor des villages français!

Les dispositifs de sécurité anti-automobile qui n'ont pas lieu d'être en Suisse, sont au nombre de sept. potelet de béton coloré de soixante-dix centimètres, cube de ciment blanc, bloc de rocher du Salève, barrière garde-corps, borne camouflée en bac à fleur, tubulaire acier et garde-corps, main-courante de soixante centimètres. Ajoutons-y trois reliques parachutées qui ont échappé aux antiquaires: une meule et deux éviers taillés dans la pierre qui font office de bac à fleurs.

L'ancien centre du village de Ville-La-Grand, éventré par les percées routières et les destructions, abandonné faute de soin et d'entretien dans ses structures bâties, à moitié en ruine, est ainsi ridiculement relooké par un projet coûteux et inutile sans égard aux anciens tracés. Il présente un aspect totalement déstructuré, le visage blême et désespéré de bien des villages français d'aujourd'hui.

Le même type d'observation serait à effectuer pour un diagnostic de l'environnement naturel. Celui-ci est largement dégradé et livré à l'abandon sur le territoire communal. Le routier, le béton et les aires arides gagnent partout du terrain sur les haies et les champs abandonnés;

les bords de la rivière du Foron ouverts au public comme parc municipal sont ravinés par les piétinements et remplis de détritus.

A l'inverse, les moyens financiers de la ville sont focalisés sur des «lieux-projets»

délimités : jardin municipal, enclos ou «aire de détente» qui tranchent par leur côté artificiel, exotique et parachuté, avec le reste de l'environnement qui ne pense pas globalement un paysage urbain mais par

«petits ou grands projets» sur les seuls territoires qu'elle contrôle et qu'elle veut signer du sceau de ses «réalisations».

D. INDICATEURS MORPHOLOGIQUES POUR LAMENAGEMENT: OCCUPATION DU SOL ET ESPACE