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Chapitre II. Les récits de voyages en Arabie Heureuse au XVIII e siècle

II. 4 1 Grandpré : royaliste négrier

Louis-Marie-Joseph Ohier, comte de Grandpré, est un voyageur français, né à Saint- Malo le 7 mai 1761. Fils de Louis-Athanase Ohier, capitaine de navire, et de Nicole-Marie- Louise Merven, il a appris la navigation de son père qui servit sur le Chauvelin à destination des Indes à l’âge de neuf ans, et de son grand-oncle Louis qui avait onze ans quand il a effectué son premier voyage sur la Vierge de Grâce. Comme la plupart des jeunes malouins, il n’a pas reçu une bonne éducation : « Petite école primaire, cours d’hydrographie pour quelques-uns et surtout formation sur le tas à bord des navires comme mousse ou comme enseigne1. » Il est parti pour la première fois le 27 novembre 1776, à l’âge de quinze ans, avec son père Louis-Athanase Ohier sur le Sévère pour « faire la traite en Guinée2. » Il a donc appris tôt le métier de son père.

Au retour de son voyage volontaire sur le Sévère (1776-1778), Louis-Marie Joseph Ohier de Grandpré est resté à terre de mars 1778 à la fin de 1779. Il est reparti la deuxième fois avec son père pour le roi sur le Sévère le 15 janvier 1781 : le père était capitaine et le fils lieutenant. Il aurait obtenu le grade d’enseigne de vaisseau et aurait rejoint aux Indes l’escadre de Suffren. A son retour en France, il a quitté la marine royale et s’est livré au commerce. Il s’est marié deux fois : son premier mariage, avec Marie le Thérèse Jehannot de Penquer, a été célébré en 1783 en Ile de France. Le nom de Grandpré, qui ne figurait pas sur son acte de naissance, lui a posé un problème avec le notaire lors de son second mariage ; sur son acte de naissance, il était nommé Louis Marie Joseph Ohier. A la cinquantaine, il utilisait plus fréquemment le seul nom de Grandpré, qui lui avait été transmis de son grand- père Fabien Ohier Grandpré par son père Louis Athanase Ohier. C’est en utilisant le nom de Grandpré que nous allons parler de notre auteur.

En 1786, il a armé trois vaisseaux à La Rochelle pour « le commerce et la traite des noirs3 » qui, semble-t-il, lui ont rapporté beaucoup et il est revenu en France en 1787.

1 Alain Roman, Mes ennemis savent que je suis breton…, Saint-Malo, Editions Cristel, 2004, p. 63. 2 Ibid., p. 61.

3 Michel Prévost et Jean-Charles Roman d’Amat (dir), Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzey

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Pendant l’été 1788, il a acheté le Railleur1 et l’a rebaptisé la Jeune Créole, en hommage à

son épouse. Il a rejoint l’Île de France où il a conduit sa femme au début de la Révolution en 1789 sur la Jeune Créole. Il est reparti à Pondichéry, en Inde, au Bengale et en Arabie Heureuse en août 17902. Il est rentré en France en 1792. Il fut accusé, avec son équipage, d’avoir ramené une cargaison de nègres infectés de la petite vérole. Pour échapper à toute vengeance, il a gagné le Bengale où il a préparé par la suite la fuite du gouverneur de Pondichéry. Au Bengale, il a proposé ses services aux Anglais pour un projet de conquête de l’Île de France et il a émigré en Angleterre. A Londres, il était reconnu lieutenant de vaisseau parmi les Français qui y vivaient. Quand il a appris l’exécution de Louis XVI, il a rejoint Sainte-Hélène. Il est parti rejoindre l’armée de Condé entre 1795 et 1796, puis il a fait plusieurs missions secrètes en France. Il a vécu discrètement en Angleterre et, à son retour à Paris, il est arrêté comme royaliste. Mais on ne sait ni le temps qu’il a passé en exil en Angleterre, ni celui qu’il a passé en prison. Il est ensuite libéré par Fouché à qui il avait adressé ses ouvrages de voyages en Asie et en Afrique. Il est rétabli dans la marine en décembre 1814. Une grande partie de sa vie est mal connue. Qu’a-t-il fait de 1803, date de la publication du Dictionnaire universel de géographie, jusqu’en 1813 ? Ses attitudes ultraroyalistes pendant la Restauration étaient-elles les mêmes pendant le gouvernement de Bonaparte ? Deux questions dont on ignore encore les réponses.

En 1814, il a célébré son deuxième mariage à l’âge de cinquante-trois ans à Paris avec Adélaïde-Eugénie-Etiennette-Augustine Eynaud, qui avait vingt-deux ans. Fidèle au roi, il a été réintégré dans le service comme capitaine de frégate, puis capitaine de vaisseau à Toulon. Il est admis à la retraite le 1er novembre 1817. Grandpré a collaboré aux travaux des sociétés savantes (Société des antiquaires, Société de géographie) et il a inventé divers instruments, dont une boussole appréciée par les navigateurs. Ses ouvrages sont connus et sa personnalité aux multiples facettes mérite d’être étudiée. C’était un homme étonnant qui a vécu au temps de Beaumarchais, Napoléon, Chateaubriand et Voltaire. Il était à la fois

1 Le Railleur est un navire parti de La Rochelle en direction de l’Afrique pour rejoindre les deux navires Le

Comte d’Estaing, dont le commandant est de Grandpré, et le Plutus envoyés par la société rochelaise

Dumoustier de Frédilly et de Jarnac. A la rencontre des trois navires, on a procédé à l’échange des marins et officiers. De Grandpré est alors revenu en France sur le Railleur qu’il a acheté à son arrivée.

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ancien négrier, géographe, agent secret. Pour résumer la personnalité d’Ohier de Grandpré, on peut emprunter ces phrases à Alain Roman dans son épilogue :

Ohier de Grandpré est prétentieux, hâbleur, un peu mégalomane, avide de notoriété et d’argent. Il n’a pas hésité de fuir ses responsabilités en 1792, à trahir sa patrie, en 1794, à mentir effrontément en 1796 : l’épidémie de petite vérole, un plan d’attaque de l’Île de France et ses états de services adressés au ministre Truguet en sont les preuves.1 Grandpré est surtout publié plusieurs ouvrages de voyage et de géographie qu’on peut lire ci-après.

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