• Aucun résultat trouvé

Chapitre III. Les récits de voyages de la première moitié du XIX e siècle

III. 1 1 Botta et le voyage scientifique

Paul-Emile Botta est un voyageur et archéologue français, fils de Carlo-Giuseppe- Guglielmo, politicien et historien, né à Turin le 6 décembre 1802 et naturalisé français. Il commence ses études de médecine à Paris puis, en 1826, s’embarque comme chirurgien sur un navire de commerce, Le Héros, qui entreprend un voyage d’exploration autour du monde. Il parcourt toutes les côtes de l’Amérique depuis le Brésil jusqu’à la Californie et visite les îles Sandwich et la Chine. Il revient à Paris en juillet 1829 et y soutient sa thèse de doctorat le 5 janvier 1830. De ce voyage qui dure quatre ans, le jeune Botta rapporte des collections d’histoire naturelle du plus haut intérêt qui enrichissent le Muséum de Paris et fixent sur lui l’attention des administrateurs de cet établissement scientifique. Engagé comme médecin militaire par Khédive, il se rend au Liban et assiste à plusieurs opérations dans la Péninsule Arabique. Il est familiarisé avec les dialectes de cette région et, admis au nombre des voyageurs naturalistes, il est désigné au début de 1836 par le Muséum pour explorer les rives de la Mer Rouge, depuis le mont Sinaï jusqu’aux montagnes de l’Arabie Heureuse. Sa connaissance de la langue arabe et des mœurs des contrées visitées lui ont permis de pénétrer dans des endroits inaccessibles à ses prédécesseurs européens. Sa relation de voyage est encore l’ouvrage où l’on peut s’initier à connaître cette partie de l’Arabie, jugée par les

Nouvelles annales des voyages, « si intéressante et peu connue1 ». La Revue de critique,

d’histoire et de littérature considère la Relation d’un voyage dans l’Yémen (1841)

« intéressante, après quarante ans, et elle a toujours son prix, parce que les mœurs des Arabes, surtout dans l’Yémen, sont fixes et invariables2 ».

Paul-Emile Botta parcourt plusieurs villes et villages en Arabie Heureuse tels que Hodeïda, Haïs, Djebel-Ras, Moka, Zabid, Taïz et le mont Saber. Il passe quelques jours à Taïz puis à Djennât où il rencontre Cheikh Hassan avec qui il rend visite à l’Imam du Yémen à Taïz, qui lui fournit des accompagnateurs pour aller explorer le Mont Saber. Cette excursion au sommet du mont de Saber comble les vœux de M. Botta. C’est là où il passe le

1 Victor-Adolphe Malte-Brun (dir.), « Notices nécrologique sur P.-E. Botta, voyageur et orientaliste », in

Nouvelles annales des voyages, Paris, Chalamel Ainé, avril 1870, p. 173.

2 Revue de critique d’histoire et de littérature, sous la direction de Graux, Charles Henri, Guyard, Stanislas,

87

plus de temps à récolter des plantes et visiter des sites archéologiques. Botta revient à Djennât, très heureux de cette première ascension du Mont Saber et de la récolte de plantes qu’il avait pu y faire. Il revient à Hais (une petite ville côtière du Yémen). Il explore quelques villages aux environs de Hais et il arrive à Moka où il est tourmenté par la fièvre qui l’y retient trois mois :

Je ne puis, écrit Botta, décrire longuement cette ville, dont je ne connais presque que l’air mal saint et l’eau détestable, désavantages causés par les environs marécageux et salants1.

Il va ensuite essayer de retrouver la santé à Hodeïda dont le climat est beaucoup moins pernicieux. C’est à Hodeïda qu’il termine la relation de ses voyages à laquelle il ajoute seulement quelques éléments intéressants sur la géographie physique et l’ethnographie du Yémen. Tout son récit est rempli de faits curieux que l’on a plaisir à lire. Il raconte bien, sans emphase, sans prolixité, avec un accent de vérité qui persuade. Il présente avec netteté les différences qui distinguent les Arabes du Yémen de ceux du Hedjaz. Il rend pleine justice à Niebuhr et à Burckhardt, dont il reconnaît hautement l’exactitude et la sagacité :

Le but que je me suis proposé, dit-il dans sa préface, a été principalement de compléter les renseignements de ces voyageurs ; aussi me suis-je attaché à décrire ce qui a rapport à l’Arabe de l’Yémen, ce qui peut servir à faire connaître sa vie, ses passions, son caractère, de préference aux faits matériels, au sujet desquels je n’aurais presque rien à ajouter aux obsérvations de Niebuhr2.

Botta regrette beaucoup que la fièvre l’ait empêché d’aller à Sanaa. Il aurait donné des détails sur cette ville et il aurait ajouté à ce que nous ont laissé les autres voyageurs. Malgré la modestie de sa relation (à peine 150 pages), celle-ci contient des connaissances plus exactes de ces contrées, de leur géographie physique, de leurs productions et de leur état social. L’auteur ne communique pas au monde, à travers sa relation, l’histoire de ses courses mais il se contente de leurs résultats. La description du Yémen dans cette relation décèle la main d’un maître. Simple, libre, gracieuse et expressive, elle présente la nature dans sa fraîcheur tout entière et avec une vérité facilement reconnue, en dépit du costume étranger et des particularités locales. Dans l’esprit des Européens, le nom de l’Arabie s’associe toujours au désert sans bornes et à ses populations nomades. Mais le Yémen offre

1 Botta, p. 134. 2 Ibid., p.5.

88

des contrastes à la fois géographiques et sociaux. L’auteur reconnaît que l’épithète d’« heureuse », donnée à cette partie de l’Arabie n’est pas sans fondement puisqu’il éprouve de vifs regrets en quittant sa demeure dans un village du mont Saber.

Après ce voyage dans l’Arabie Heureuse, il est nommé, le 30 août 1841, agent consulaire à Mossoul, poste créé pour lui, et reçoit mission de la Société asiatique de retrouver la ville de Ninive. Il revient à Mossoul le 25 mai 1842 où il exploite les environs et commence à fouiller les ruines de Koyoundjik, près du village de Niniouah. A peine commence-t-il le travail qu’un indigène lui signale un autre site plus productif, le tell de Khorsabad, qu’il attaque en mars 1843. C’est là qu’il découvre les ruines du palais Sargon, le Dour Sayoukin, monument du VIIIe siècle. Aidé par le peintre Eugène Flandin1, qui lui

est adjoint le 4 mai 1844, et muni de fonds extrêmement réduits, Botta ne peut mettre au jour qu’une faible partie de l’énorme bâtisse, environ 15 salles, dont une partie des briques et des bas-reliefs monumentaux fut rapportée par lui à Paris (1845-1846) et se trouve actuellement au Louvre. Le reste est enfoui de nouveau et le résultat de ces fouilles est présenté à l’Académie des inscriptions et diffusé dans les 5 volumes des Monuments de Ninive, 1849- 1850. Ces découvertes, qui ont un retentissement énorme, préparent la voie au déchiffrement des inscriptions cunéiformes.

Botta se prépare à reprendre ses fouilles lorsqu’il est nommé, le 14 août 1848, consul à Jérusalem. Il relève le prestige de la France et des catholiques. Combattu par la Russie et les orthodoxes, par ses réclamations, il déclenche l’intervention de Louis Bonaparte aux Lieux Saints en mai 1851. En juin, il participe aux négociations avec la Porte pour l’établissement du statut des chrétiens d’Orient. Nommé consul général à Bagdad le 24 mai 1852, il ne rejoint pas ce poste, mais demeure à Jérusalem avec le grade de consul général à partir du 23 avril 1853. Consul général à Tripoli le 13 juin 1855, il fait valoir ses droits à la retraite le 3 février 1869, se retire à Achères où il meurt le 29 mars 1870.

1 Eugène Flandin est un voyageur et peintre français, né en 1809 à Naples et mort en 1876 à Paris. Il a laissé

de ses voyages en Algérie, Perse, Iraq, Arménie, Turquie, une œuvre iconographique descriptive réalisée à des fins scientifiques pour laquelle il reçoit la Légion d’Honneur en 1842.

89

Sa Relation d’un voyage dans l’Yémen1 est publiée pour la première fois en 1841

chez Benjamin Duprat et se compose d’une introduction et de 12 chapitres (145 p.). La deuxième publication a eu lieu en 1880, chez E. de Soye, et contient le récit, précédé d’une notice sur l’auteur par Charles Levavasseur. Celui-ci est né à Rouen en 1802 (la même année que Paul-Emile Botta). C’est un négociant-armateur et il est élu député en 1842. Il a pris part au mouvement réformiste de 1847 et il a assisté au banquet de Rouen. Il a publié un livre intitulé Esclavage de la race noire aux colonies françaises2.

Documents relatifs