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Formes cliniques de l'autisme

Dans le document tel-00730760, version 1 - 11 Sep 2012 (Page 59-65)

1.2. L'autisme : une maladie mentale, un trouble envahissant du développement, un

1.2.3. Formes cliniques de l'autisme

A partir du moment où l'on considère l'autisme tel que le décrivait L.Kanner, on mesure les  déplacements   subjectifs   potentiels   pouvant   se   produire,   si   le   sujet   n'est   pas   empêché   dans   la  construction   de  sa  défense.   Je  démontrerai  combien  l'évolution   de  la  position  du  sujet   autiste  s'observe, se structure et déroule une logique tout à fait spécifique, inassimilable  à la logique  psychotique. 

Mais fortement  hétérogène  en lui­même,  pour le rendre plus précis, on cherche, soit  à  différencier   des   « types »,   aussi   bien   cliniques   que   biologiques   (autisme   infantile,   syndrome  autistique, autisme avec troubles associés, autisme  atypique, syndrome d’Asperger, ou autisme  secondaire ou à capacité spéciale, autisme de haut niveau...), soit à diversifier l’appellation du côté  de la psychose (schizophrénie infantile, psychose symbiotique, psychose limite, dysharmonie…). 

Mais ne rend­on pas la question encore plus compliquée ? 

137 ROTHENBERG, Mira. Des enfants au regard de pierre (1977). Paris : Le Seuil, 1979. p.25.

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Assurément, ces dénominations posées par les chercheurs ont comme conséquence soit de  promouvoir un « autisme généralisé », selon l’expression de F.Ansermet138, soit de faire  exister  l’autisme en tant que structure, différencié des déficiences mentales et de la psychose mais inscrite  organiquement. Pour aider à définir l’autisme, des auteurs proposent d'en extraire les sujets qui  présentent des manifestations typiquement psychotiques comme des hallucinations.

Mais reste, indéniable, la variété d'autismes existants : autistes silencieux, sans paroles qui  sont parfois très ravagés, tourmentés, perdus et en détresse sur un mode déficitaire : la question du  trou, de la perte, de la séparation reste omniprésente, évoquant une insécurité et une terreur qu'ils  traitent   douloureusement,   de   façon   très   répétitive.   L'autiste,   dans   sa   position   particulière,  expérimente la vie, non à travers le langage qui donnerait un appareillage mais en testant par lui­

même les lois qui régissent le monde. Il étudie l'espace et le temps, vient interroger la place, la  raison et la garantie de l'Autre. Parfois, il semble refaire l'histoire de la science, en remontant le  temps, telle l'étude de la phylogenèse... C'est toujours un sujet au travail et en attente.

Il est donc important aujourd'hui de parler des autismes : étant donné le spectre autistique,  aucun autiste ne se ressemble, même si des points communs les rassemblent : par exemple, de  remarquables capacités inattendues dans un domaine bien particulier, mais aussi je l'approfondirai  l'aloneness et la sameness. Les premiers auteurs à se consacrer à l'autisme de haut niveau et à ce  syndrome sont H.Asperger bien sûr, puis U.Frith et E.Schopler et G­B.Mesibov.

Beaucoup   essayent,   en   vain,   d’établir   les   différences   entre   le   syndrome   d'Asperger   et  l’autisme de haut niveau, terme récent apparaissant dans les premiers articles en 1988. Dans les  années 1990, on pense ce syndrome comme une variante de l’autisme et on parle aussi d’autisme de  haut fonctionnement  ou  d’autisme à capacité spéciale. En 1993, la CIM­10, classe ce syndrome  dans  les   troubles   envahissants   du  développement,   alors   que  la   classification   française   situe   le  syndrome d'Asperger en équivalence avec les dysharmonies psychotiques. La schizophrénie, les  troubles   de   l’humeur,   des   conduites,   ou   les   états­limites   sont   alors   souvent   confondus   avec  l’autisme de haut­niveau ou le syndrome d'Asperger.   Actuellement, on se demande si, avec ce  syndrome, nous sommes en présence d’un type clinique particulier, d’une catégorie de l’autisme, ou  bien d’états particuliers de post­autisme ? Quelle validité nosologique du syndrome d’Asperger ?  Les questions qui reviennent toujours, dans les ouvrages, visent à savoir si le syndrome d'Asperger  est inclus dans l’autisme ou « dans le spectre autistique », ou s’il en est différencié, comme entité  clinique distincte ? Est­il utilisé pour le démarquer de « l’autisme » envisagé certainement comme  purement déficitaire ou symptomatique ? En conséquent serait­il différent de l’autisme de haut­

niveau, est­ce une manifestation totalement différente ? Ou continue­t­il d’exister parce qu’on ne  sait   plus   comment   étiqueter   des   enfants   présentant   des   symptômes   d’allures   autistiques   ou  psychotiques, avec un développement « normal » du langage et de l’intelligence ? 

Afin d’éclaircir  mon point de vue sur le problème des limites de ce syndrome, je vais  reprendre le pourquoi de son existence et les critères de diagnostic que des auteurs dégagent. En  1944,   H.Asperger,   médecin   et   pédiatre   autrichien,   ancré   dans   l’organogenèse,   parle,   dans   sa  publication Les psychopathies autistiques, de l’atypie de certains enfants qu’il reçoit depuis plus de  vingt ans. Il rapporte ainsi plusieurs cas, dont les traits sont proches des tableaux cliniques que fait  L.Kanner, mais en même temps contrastés. Avant de donner son nom à ce syndrome, H.Asperger  récuse l’idée de maladie,  « c’est  une façon d’être,  qui porte une limitation  des relations  avec  l’environnement ». Inspiré de la classification datant de 1934 de Schneider, il appelle dans un  premier temps ce trouble de la personnalité psychopathie autistique. Il ne présente que des garçons 

138 ANSERMET, François. Autisme et clinique périnatale en contre-point. Bulletin du groupe petite enfance, 1997, No 10, p. 94.

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atteints de ce syndrome, V.Fritz139,  L.Harro, K.Ernst, L.Helmut et pense, de fait, qu’il appartient  spécifiquement à la lignée paternelle.

Il écrit en 1944 que « les enfants autistes réfléchissent sur eux­mêmes, (…) s’observent eux­

mêmes, et sont un problème pour eux­mêmes ». H.Asperger décrit la pensée de ces enfants comme  tout à fait inhabituelle, les modalités de raisonnement sont pseudo­logiques, complexes, rigides et  peu perméables aux idées d’autrui. Ils sont « égocentriques, ils ne connaissent que leurs désirs,  leurs intérêts ; ils suivent leurs impulsions spontanées sans se soucier des lois et des interdits du   monde extérieur » et « il leur manque le sentiment pour ressentir du respect (… ) mais aussi le  sentiment   pour  avoir   une   distance   personnelle  »140 ;   il   parle   ensuite   d’une   « dysharmonie   des  sentiments   et   de   sensibilité   pleine   de   contradictions   surprenantes   (…)   à   l’origine   de   leur   perturbation   d’adaptation »141.   H.Asperger   relève   leur   manque   d’humour   et   leur   susceptibilité  comme traits caractéristiques de ces enfants « soit ils ne s’intéressent pas du tout aux objets qui les   entourent ; ils ne jouent pas avec les jouets par exemple ; soit ils ont une relation anormale très  forte avec certains objets (amas d’objets, collections diverses…) ou animaux (les deux souris   blanches d’un des garçons décrits) (…). Ils ne peuvent pas vivre par exemple sans une cravache, un   bout de bois, une poupée de chiffon, ne peuvent ni manger, ni dormir s’ils ne l’ont pas avec eux et   se défendent avec vigueur si l’on veut les en séparer »142. J'étudierai combien avec la question de  l’objet et du double, les autistes peuvent rendre vivable leur monde. 

H.Asperger   note   qu’ils   « n’ont   en  général   pas   de  bonnes   relations   envers  leur   propre   corps »143. Il repère que, créatifs dans les jeux de mots et d’esprit, il n’existe cependant ni délire, ni  syndrome schizophrénique et soutient que l’autisme n’est pas une maladie progressive, bien que  permanente et constante dans ces traits. Il préconise la méthode éducative, à partir de leurs intérêts  particuliers   dans   ces   domaines   précis   à   caractère   souvent   technique.   Il   écrit   que   le   manque  d’intégration dans le groupe social peut être « compensé par une originalité particulière de la  pensée et du vécu, qui peut mener par la suite à des capacités exceptionnelles ». Il repère ces modes  de compensation comme une « sorte d’hypertrophie compensatoire »144 de leur infirmité. C’est ainsi  qu’un don parfaitement hors du commun peut les amener à devenir de véritables génies, musiciens,  mathématiciens purs, techniciens ou chimistes prodiges. 

En effet le syndrome d'Asperger est caractérisé par le fait que ces sujets accumulent un  nombre incroyable de connaissances dans un domaine ou thème particulier à chacun. Ainsi, il  différerait   de   l’autisme,   en   ce   sens   que   le   sujet   est   parvenu   à   cette   « sorte   d’hypertrophie  compensatoire », comme l’écrit Asperger, ou comme le note J­C.Maleval à la « construction d’un  Autre de suppléance », en compensant « la carence de l’identification primordiale »145

Les critères de diagnostic du syndrome d'Asperger ont d’abord été discutés par L.Wing dès  1981.   Notons   que   c’est   cet   auteur   qui   a   fait   sortir   H.Asperger   de   l’ombre146.   Elle   opère   une  distinction en identifiant ces sujets comme des actifs, mais bizarres, qui se distinguent de l’autisme  classique par leur langage et leur désir de nouer des relations. Plus  tard, en 1983, L.Wing et  E.Burgoine ont décrit les principaux signes cliniques : manque d’empathie, interaction unilatérale,  naïve, inappropriée, capacité restreinte à établir des relations amicales, langage pédant, répétitif, 

139 « Fritz a beaucoup de traits qui évoquent la schizophrénie : la réduction des contacts, les automatismes, les stéréotypies (…) l’état du garçon est stable, il n’y a pas de caractère évolutif, il manque le début caractéristique de la schizophrénie d’enfants avec des symptômes inquiétants comme les angoisses et les hallucinations puis il n’y a pas de manies » (ASPERGER, Hans. Les psychopathes autistiques pendant l’enfance, op.cit, p.73).

140ASPERGER, Hans. Les psychopathes autistiques pendant l’enfance, op.cit, p.128.

141Ibid, p.132.

142Ibid, p.128.

143Ibid, p.129.

144Ibid, p.142.

145 MALEVAL, Jean-Claude. Une sorte d’hypertrophie compensatoire : ou la construction d’un Autre de suppléance. Du changement dans l’autisme ? op.cit., p.43.

146WING, Lorna. Asperger's syndrome: a clinical account. Psychological Medecine, 1981, No 11, p.115-129.

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faiblesse de la communication non verbale, préoccupation intense pour certains sujets, maladresse  et mauvaise coordination des mouvements, attitudes bizarres147. En 1989, C.Gillberg et I.C.Gillberg  identifient une altération qualitative des interactions sociales (extrême égocentrisme), des intérêts  restreints, l’adhésion à des routines, appliquées à soi et imposées aux autres, des particularités du  langage et du discours, des difficultés de communications non verbales, mais aussi une maladresse  motrice148. La même année, d’autres chercheurs, Szatmari, Bremner et Nagy identifient la solitude,  l’altération de l’interaction sociale, de la communication non­verbale, et le langage inhabituel, mais  il ajoute à la liste précédente le manque de cohérence de la conversation, l’usage idiosyncrasique  des mots, des répétitions de certaines expressions et le fait que l’enfant parle trop peu ou trop149

L’OMS   (CIM­10,   1992)   et   l’Association   américaine   de   psychiatrie   (DSM­IV,   1994)  identifient, pour le syndrome d'Asperger, le déficit de l’interaction sociale, de la communication  avec l’absence de réciprocité sociale et émotionnelle (1er critère), le caractère restreint et répétitif  des comportements, des activités et des intérêts (2ième  critère). Ces  perturbations entraînent une  altération  dans  le  fonctionnement  social   et  professionnel   (3ième).  Cependant,  à  la  différence  de  l’autisme, le troisième symptôme, les troubles du langage (4ième) est absent. Il n’existerait pas de  retard cliniquement significatif du langage, du développement cognitif, ou encore des capacités  d’autonomie et du comportement adaptatif et de la curiosité (5ième). Il est aussi noté la présence de  déficits moteurs et le début du trouble est reconnu plus tardivement. Si les critères d’un autre  trouble,   schizophrénique   ou   autre   sont   présents,   on   ne   peut   faire   le   diagnostic   du   syndrome  d'Asperger (6ième). Sa ressemblance avec les troubles obsessionnels compulsifs n’a en commun que  les intérêts et  modes de comportement répétitifs et stéréotypés, mais ni le plaisir, ni le caractère  solitaire. Cependant, on peut l’observer en association avec d’autres affections médicales. 

A noter qu’en annexes du livre de T.Attwood, une grille des critères appelés « Aspies »150 est  présentée. Des échelles d’évaluations sont aussi établies afin d’informer parents et professeurs.

Pour les psychiatres et psychologues, il semble que le syndrome d'Asperger se distingue  donc de l’autisme par son meilleur pronostic, mais aussi par un développement cognitif normal sans  retard   sévère   du   langage,   ni   comportement   stéréotypé,   avec   en   plus   une   importante   capacité  d’introspection. Mais la distinction du syndrome d'Asperger avec l’autisme de haut niveau est une  question compliquée. Le syndrome d’Asperger n’est­il pas un autisme de haut niveau ? Assurément,  ce terme a introduit un certain désordre conceptuel. Est­il différent de l’autisme ? Sur quels critères  les auteurs s’appuient­ils pour les distinguer ?  De nombreuses études, rapportées par T.Attwood  dans son ouvrage, ont tenté d’établir une distinction, mais en vain, puisqu’il ne ressort que des  similarités. Cependant, pour certains  auteurs, la distinction autisme et Asperger est fondée car la  différence essentielle se situe au niveau du développement du langage, la phonologie et la syntaxe  étant acquises. Pourtant,  l’utilisation de la parole n’est pas simple pour ces sujets. La pragmatique,  la sémantique et la prosodie sont tout à fait particulières et conservent des traits caractéristiques du 

147BURGOINE, Eyrena & WING, Lorna. Identical triplets with Asperger’s Syndrome. Britisch Journal of psychiatry, 1983, N°143.

148 GILLBERG, Carol & GILLBERG, Lars Christopher. Asperger syndrome – some epidemiological considerations : a research note. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 1989, N°30.

149 ATTWOOD, Tony. Le syndrome d'Asperger et l'autisme de haut niveau (1999), op.cit., p.64.

150 Critères : avantage qualitatif dans les interactions sociales (loyauté absolue, fiabilité, franchise, absence de sexisme, verbalisation de la pensée, sens moral aigu, absence de jugement, poursuit son idée même en présence de contradictions apparentes, difficulté à évaluer l’effet de ses paroles sur les autres, désir d’avoir tout contrôle sur l’activité, recherche d’un auditoire, ou d’amis sincères, évite certaines conversations…). Le sujet parle

« l’aspergerois », un langage social particulier (caractérisé par une élocution précise, une étrangeté de la voix, une recherche de la vérité, un aspect pédant, un intérêt pour les mots, un vocabulaire étendu, une fascination pour l’humour basé sur les jeux de mots, une utilisation perfectionnée de métaphores imagées, une conversation exempte d’équivoques dont les expressions sont prises au pied de la lettre, utilisation du prénom au lieu de

« je » ou de « moi »…). Il a des compétences cognitives spécifiques (façon originale de penser, bonne imagination, pense en image, préférence pour les détails plutôt que pour l’ensemble, perspective originale d’aborder les problèmes mais manque de souplesse intellectuelle, cette rigidité de la pensée ne lui permet pas de s’adapter au changement ou à l’échec, mémoire exceptionnelle, connaissance encyclopédique, persévérance avide pour recueillir et classer l’information sur un sujet qui l’intéresse, désir manifeste de maintenir l’ordre et la précision, valeurs claires…). Les auteurs notent la présence de traits additionnels éventuels (sensibilité aiguë à des stimulus sensoriels, capacité à se distinguer dans des sports individuels ou des jeux, optimisme confiant, probabilité élevé de faire des études supérieures…) (ATTWOOD, Tony. Le syndrome d'Asperger et l'autisme de haut niveau (1999), op.cit.).

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langage   autistique,   c'est   à   dire  sans   le   risque   d’erreur   qu’entraîne   le   penchant   de   tout   être  névrotique pour l’équivoque151. Est­ce donc quand le sujet autiste cesse d’être verbeux, qu’il est  désigné   syndrome   d'Asperger,   soit   lorsqu’il   peut   « prendre   position   d’énonciateur ».   Ou   leur  discours   reste­t­il   verbeux   dans   tous   les   cas,   mais   non­incompatible   avec   une   position  d’énonciateur ? 

P.Szatmari pense que la différence provient des conséquences pour l’enfant Asperger,  de  disposer du langage plus tôt152. Les études montrent que chez 50% des enfants Asperger, le langage  se développe tardivement, mais qu’à 5 ans, ils parlent couramment153 . Toutefois, le diagnostic pour  ces  enfants   ne   se   fait   pas  avant   la   quatrième   année.   Ainsi,   le   syndrome  d'Asperger   peut   être  diagnostiqué chez des enfants n'ayant jamais été considérés comme autistes. La distinction actuelle  utilisée,  syndrome  d’Asperger, suggère­t­elle  qu’un sujet  atteignant  un tel niveau, ne peut pas  présenter une forme de trouble identique à celle que produit l’autisme ? Pourquoi l’autisme est  nommé, là où il y a seulement du déficit ?  L’autisme serait­il finalement ramené à un syndrome  d’Asperger dans le cas où l’évolution est favorable ? Y aurait­il ainsi, d’un côté les autismes  invalidants, de l’autre les autismes de haut niveau, et au­delà les Asperger ? Ou ces distinctions  sont­elles établies dans l’espoir de spécifier celles déterminées organiquement ? 154.

T.Attwood   pense   que   l’appellation   autisme   de   haut   niveau   ne   se   maintient   que   pour  conserver et  justifier  l’accès  aux services  d’aide  financière,  le  syndrome  d'Asperger  étant  mal  connu, quoique de plus en plus médiatisé ! 

J'identifierai les caractéristiques des sujets dits Asperger par la mise en place des nouages,  compensations ou suppléances, par l'entremise d'un intérêt, d'un objet ou du double,  rendant leur  relations avec les autres moins problématiques, et leur permettant d'habiter le monde. En effet,  prenons l'exemple de Gilles Tréhin, autiste de haut niveau, qui dessine à main levée, sans règle  (« travailler avec une règle ça me perturbe tellement que je perds toutes mes capacités ») une cité  imaginaire du XIème siècle avant notre ère155. Ces fixations, obsessions incessantes et insolites156,  ne sont pas sans rapport avec une fascination pour l'ordre, la symétrie, le détail (la « pensée en  détail   échelonné »   que   décrit   Donna   Williams   et   H.   de   Clercq   chez   son   fils   Thomas)   ou   la  perspective. Souvent ces sujets se décrivent comme différents, étrangers. Ils ne cherchent pas à faire  de place à autre chose que leur passion. Aussi est­ce que les sujets Asperger ne peuvent pas comme  le proposent certains, assumer une position intellectuelle claire par la voie du désir ? Par ailleurs,  on peut se demander comment ils se positionnent par rapport aux discours ?

Est­ce   cette   pensée   visuelle,   dont   parle   Temple   Grandin,   qui   permet   à   ces   sujets   de  développer leurs remarquables talents ? En effet, ils sont capables d’apprendre toute une série de  choses qui ne fait pas sens... Donna Williams explique très clairement à quoi lui sert de lire les 

151 MALEVAL, Jean-Claude. Une sorte d’hypertrophie compensatoire : ou la construction d’un Autre de suppléance. Du changement dans l’autisme ? op.cit..

152 SZATMARI, Peter. Autisme, syndrome d’Asperger et troubles envahissants du développement : complexité et pièges diagnostiques. Revue-prisme – Approcher l’énigme de l’autisme, 34, 2001.

153 ATTWOOD, Tony. Le syndrome d'Asperger et l'autisme de haut niveau (1999), op.cit., p.49.

154 En se servant de la définition de la CIM 10, Klin en 1995 montre que le syndrome d'Asperger est un profil neuropsychologique plus proche des troubles des apprentissages non verbaux que de celui des autistes de haut niveau. Cependant, les auteurs établissent qu’à l’inverse des autistes, ces troubles sont liés au fonctionnement de l’hémisphère droit. L’approche neuropsychologique cherche une étiologie commune, qui pourrait rendre compte des différentes expressions phénotypiques (ROGE, Bernadette. Préface. In ATTWOOD, Tony. Le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau, op.cit). Dans ce sens, l’Asperger et l’autisme de haut niveau « pourraient renvoyer au même diagnostic s’exprimant différemment en raison d’atteintes neuropsychologiques différentes, comme c’est le cas pour les autistes de haut niveau comparés aux autistes déficitaires » (ROGE, Bernadette, op.cit).

155De la ville de légos qui dépassait les limites de sa chambre, il occupe son temps, depuis plus de vingt ans, à élaborer Urville, cité de 11 millions d’habitants, située au large de Cannes. Il en décrit ses lieux et monuments jusqu’aux noms de ses salles de théâtre. Il cherche aujourd’hui à publier un livre qui retrace l’histoire, la politique sociale et économique de la ville.

156Leur intérêt peut se porter sur les annuaires téléphoniques, les calendriers, les horaires ou trajets de bus, de train, d’avion, les indicateurs de rues, le graphisme, les chiffres, les opérations arithmétiques, les sciences, les statistiques, la physique, l’astronomie, l’électronique, les échecs, le billard, les animaux, oiseaux, insectes, la météorologie, les arbres généalogiques des familles royales, les programmes TV, l’architecture, les hauteurs de monuments, de montagnes, la cartographie….

tel-00730760, version 1 - 11 Sep 2012

annuaires et les indicateurs de rues : à établir une communication et à mettre de l’ordre dans son  monde  (deux   des   fonctions   majeures   du   langage,   rappelle   J­C.Maleval,   qui   explique   que   par  l’intermédiaire de tels textes, elle recherche un accès à l’ordre symbolique157) : « Je me pris alors  d’une passion pour les mots et les livres et m’acharnai à compenser mon chaos intérieur par une   mise en ordre maniaque du monde environnant »158. J­C.Maleval souligne ici la différence entre les  autistes   de   Kanner   et   les   élaborations   plus   complexes   de   ceux   qui   présentent   le   syndrome  d’Asperger : tous ces sujets pensent avec et à partir des choses, les seconds parvenant à quelque 

annuaires et les indicateurs de rues : à établir une communication et à mettre de l’ordre dans son  monde  (deux   des   fonctions   majeures   du   langage,   rappelle   J­C.Maleval,   qui   explique   que   par  l’intermédiaire de tels textes, elle recherche un accès à l’ordre symbolique157) : « Je me pris alors  d’une passion pour les mots et les livres et m’acharnai à compenser mon chaos intérieur par une   mise en ordre maniaque du monde environnant »158. J­C.Maleval souligne ici la différence entre les  autistes   de   Kanner   et   les   élaborations   plus   complexes   de   ceux   qui   présentent   le   syndrome  d’Asperger : tous ces sujets pensent avec et à partir des choses, les seconds parvenant à quelque 

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