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Les fonds des organismes de microcrédit : intérêts débiteurs et collecte de l’épargne

2. D ES ACTIVITÉS MARQUÉES PAR CETTE ÉVOLUTION COMMERCIALE

2.1. Les fonds des organismes de microcrédit : intérêts débiteurs et collecte de l’épargne

2.1.1 Des ressources d’épargne réservées aux institutions bancaires

Prêter implique bien évidemment de disposer de fonds. De manière générale, les institutions prêteuses participent au financement de l’économie en collectant des ressources monétaires et des ressources d’épargne. Toutefois, en Chine, seules les institutions financières publiques et bancaires ont le droit de collecter l’épargne des citoyens chinois. La publication, le 4 mai 2008, des « Orientations relatives aux expériences de compagnies de microcrédit » (Guanyu xiao’e daikuan gongsi de zhidao

yijian) par la Banque centrale spécifie que de telles compagnies ne sont autorisées à

prêter à leurs clients que leurs fonds propres émanant de personnes physiques ou morales, et qu’elles ne peuvent recevoir de dépôts. Le « code prêteur » (fangdairen

tiaoli) réaffirme l’interdiction du prêteur d’ouvrir des comptes de dépôt. Par conséquent,

contrairement à Mcc-se, Mcc-ch, Gongo-om et Gongo-cr, Vtb-se, Vtb-ch et Rcc sont autorisées à collecter des ressources d’épargne.

La brochure introductive de Mcc-se indique que contrairement à leurs homologues implantées à l’étranger, les compagnies chinoises de microcrédit ont la particularité de ne pas avoir le droit de collecter des ressources d’épargne. Cette interdiction induit alors une problématique de financement pour les organismes de microcrédit non enregistrés en tant qu’institutions financières publiques ou bancaires. La brochure de Mcc-se explique ainsi que de nombreux organismes chinois de microcrédit font face à des difficultés de financement, certains allant jusqu’à cesser leurs activités en raison de cette contrainte. En revanche, les organismes chinois de microcrédit ne sont pas les seuls dans ce cas. De nombreux pays interdisent en effet la collecte des ressources d’épargne par les organisations de microfinance (Servet, 2006). Ainsi, même si plus des trois quarts d’entre elles dans le monde bénéficient de subventions, elles sont nombreuses à prétendre pallier cette difficulté en appliquant des taux d’intérêt élevés sur les microcrédits qu’elles distribuent et qui peuvent parfois excéder 100%, ce qui ne manque pas de susciter de nombreuses polémiques (Roodman, 2012 ; D’Espallier et al., 2013 ; Hudon et Sandberg, 2013). Pour autant, une étude menée à l’échelle mondiale révèle qu’en valeur constante, les taux d’intérêt médians71 sont de 25% pour les ONG. Même !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

si le souci de rentabilité est moindre pour les ONG, celles-ci sont de plus en plus soumises à la nécessité d’atteindre un équilibre financier (Guérin, 2015). Par conséquent, les taux pratiqués par ce type d’organisation ne sont pas inférieurs à ceux des organisations commerciales (Ehrbeck et al., 2011). Les taux d’intérêt médians sont en moyenne de 20% pour les institutions financières non bancaires et de 13% pour les banques, ce qui permet, selon les auteurs, de couvrir les coûts engendrés par la gestion des petites transactions (Armendariz et Morduch, 2010) évoquées plus haut par M. Dai.

2.1.2 Des taux d’intérêts limités par la Banque centrale

Le taux de base qui d’après M. Dubois est soumis à des révisions très fréquentes, oscillait entre 4% et 8% au moment de mes enquêtes de terrain. Selon M. Liao, responsable-clientèle chez Vtb-se, le taux de base n’excède jamais 10%. Lorsqu’elles interviennent, les réévaluations de ce taux de base font l’objet d’une justification par le gouvernement. Pour la réévaluation à laquelle j’ai assisté, le gouvernement avait invoqué une volonté de relancer l’économie72.

La règle selon laquelle les organismes de microcrédit ne doivent pas pratiquer des taux supérieurs au quadruple du taux de base oblige les organismes à pratiquer des taux que M. Qiu juge très bas. Dans la Chine impériale, le prêt à intérêt n’a jamais fait l’objet de condamnation morale reposant sur des interdits religieux ou philosophiques (Gipouloux, 2009). La seule règle qui s’imposait était que les intérêts ne devaient pas dépasser le capital emprunté (Zelin, 2009). Ainsi, entre le XVIIe et le XXe siècle, les taux d’intérêt s’élevaient à 36% en moyenne alors qu’ils dépassaient rarement 11% en Europe (Van Zanden, 2009). Un regard sur l’histoire indique que les taux autorisés à être pratiqués par les institutions financières chinoises apparaissent particulièrement bas.

L’interdiction de collecter l'épargne cumulée à la limite du taux d'intérêt constitue ainsi la double difficulté que les organismes chinois de microcrédit non bancaires doivent surmonter pour atteindre un niveau de viabilité économique. Mcc-se indique, dans sa brochure, qu’elle a été la première compagnie chinoise de microcrédit à emprunter de l’argent à des banques locales. Pour autant, plus de 80% de ses recettes proviennent des intérêts sur les microcrédits qu’elle distribue. En revanche, les organismes de microcrédit bancaires ne sont quant à eux aucunement gênés par cette limite du taux de base, leurs ressources étant gratuites. M. Dubois explique en effet que l’épargne est rémunérée à un taux égal voire inférieur au taux d’inflation. Par conséquent, Vtb-ch, Vtb-se et Rcc ont accès à des ressources gratuites.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! montants sur les taux n’ont guère de signification.

« Dans les autres pays les taux d’intérêt peuvent être de 20% à 30%. Mais dans les autres pays, les banques et les organisations de microfinance se financent à un taux qui est bien plus important. Elles vont emprunter à des taux avoisinant 10 à 12%. En Chine, […] les banques ont des ressources gratuites, c’est-à-dire que l’épargne est à un taux 0, voire même parfois -1 par rapport à l’inflation. En effet, le taux nominal est peut-être aux alentours de 3, 3,5%, mais l’inflation étant de 4 à 5%, les banques ont des ressources gratuites. Donc si l’on prend en compte le fait qu’elles empruntent à 0%, alors qu’ailleurs leurs homologues empruntent à 10%, on se retrouve à des taux qui sont à peu près similaires » (extrait de l’entretien avec M. Dubois, consultant en microfinance chez Vtb-se).

Néanmoins, même si une large part des promoteurs présente cette règle du taux de base comme une obligation légale, seule Mme Tan souligne qu’un taux d’intérêt quatre fois supérieur au taux de base n’est pas illégal. Mme Tan affirme qu’il s’agit d’une interprétation traditionnelle de ce qu’est l’usure. Même si l’usure n’a jamais fait l’objet de condamnation morale dans la Chine impériale, il en a été tout autre à partir de la période collectiviste (Sun Xiaoshan, 1986 ; Gipouloux, 2009 ; Zelin, 2009).

« Il s’agit d’une interprétation traditionnelle de ce qu’est l’usure. Si vous pratiquez un taux qui excède les quatre fois du taux de base, cela ne veut pas dire que vous faîtes quelque chose d’illégal. Non, il n’y a rien d’illégal. Cela signifie seulement que vous n’êtes pas protégé par la loi en cas de défaut de paiement » (extrait de l’entretien avec Mme Tan, experte chez Igbm)

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