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Confusion dans la réglementation

2. D ES ACTIVITÉS MARQUÉES PAR CETTE ÉVOLUTION COMMERCIALE

2.2. Confusion dans la réglementation

2.2.1 Une lourdeur réglementaire

Comme l’indique le témoignage de Mme Tan, la réglementation sur les taux d’intérêt à laquelle sont soumis les organismes chinois de microcrédit demeure confuse pour nombre de promoteurs. Les principales contraintes à l’essor du microcrédit en Chine incombent en grande partie à l’instabilité de la réglementation, aux contraintes de l’environnement juridique et à l’absence d’un cadre légal adapté (Park et al., 2003). M. Dubois juge qu’en Chine les promoteurs autochtones ou étrangers de dispositifs de microcrédit sont soumis à une réglementation trop lourde en comparaison avec la réglementation en vigueur dans d’autres pays. Toutefois, bien que cette lourdeur réglementaire freine le développement de l’activité à l’échelle nationale, le consultant ne manque pas de relever qu’elle présente un avantage : celui de prévenir des crises du microcrédit.

« En Chine c’est très régulé. C’est bien car cela évite des crises de microfinance comme en Inde où les gens se sont retrouvés très endettés. Mais c’est un peu dommage parce que l’expansion est difficile. Si l’on est étranger, on est confronté à des complications en termes d’investissement. Et même les compagnies chinoises de microcrédit doivent faire face à des tas de contraintes réglementaires dans leur développement. Il n’est pas possible d’ouvrir une agence comme on veut où l’on veut, alors que dans d’autres pays, c’est plutôt le cas. Par conséquent le développement est ralenti et les débouchés sont moins attractifs. Mais bien évidemment, comme la Chine est grande et que la population est importante, il y a certainement des poches de débouchés. Mais avant d’aller en Chine il faut bien réfléchir à la clientèle que l’on veut viser pour ouvrir une compagnie de microcrédit ou une banque de village et de bourg » (extrait de l’entretien avec M. Dubois, consultant chez Vtb-se).

M. Dubois fait ici référence aux crises, largement médiatisées, survenues en Inde du Sud entre 2006 et 201073, incombant à un endettement massif des contractants de

microcrédit à la suite de quoi nombre d’entre eux se sont suicidés (Fouillet, 2006 ; Servet, 2011). Dans le même temps, le gouvernement local s’est saisi de ces crises pour interdire les organisations de microfinance en Andhra Pradesh afin de reprendre leurs activités à son compte (Picherit, 2013).

2.2.2 L’absence d’un cadre réglementaire spécifique

Une des raisons pouvant expliquer la lourdeur réglementaire dénoncée par M. Dubois tient à l’absence d’une instance de réglementation spécifiquement consacrée au secteur de la microfinance en Chine.

« En Chine, il n’y a pas d’instance de réglementation. C’est vraiment dommage pour le secteur de la microfinance chinoise qui ne peut pas faire l’objet d’une réglementation précise. On ne sait pas quelle instance réglemente et soutient la microfinance » (extrait de l’entretien avec Mme Tan, experte chez Igbm).

Le cadre législatif auquel les organismes de microcrédit sont tenus de se conformer dépend de leur statut : les banques de village et de bourg et les coopératives rurales de crédit sont soumises à la supervision de la Commission de réglementation bancaire de Chine ; les compagnies de microcrédit sont soumises à la supervision de la Banque centrale ; les ONG et les GONGO sont placées sous l’autorité du Ministère des affaires civiles. La reconnaissance du référent législatif est d’ailleurs une source de fierté pour !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

73 Des crises de surendettement ont éclaté ailleurs : en Bolivie dès la fin des années 1990, puis au

les organismes de microcrédit ne manquent pas de communiquer. Vtb-se se targue en effet dans sa brochure d’être la première banque de village et de bourg ayant obtenu l’aval de la filiale de la Commission de réglementation bancaire de Chine ayant autorité dans la préfecture.

Outre leur multiplicité, les référents législatifs se contredisent sur la base de désaccords qui bloquent le développement des organismes de microcrédit.

« La Commission de réglementation bancaire de Chine et la Banque centrale se disputent. C’est vraiment dommage pour la microfinance chinoise que ces deux instances soient incapables de s’accorder » (extrait de l’entretien avec Mme Tan, experte chez Igbm).

À cela viennent s’ajouter des spécificités régionales dont les autorités locales peuvent être à l’origine (Debéthune, 2010). La diversité des histoires et des trajectoires nationales en terme de réglementation de l’activité financière explique le développement différent qu’a connu le microcrédit à travers le monde (Fontaine, 2008 ; Guérin, 2015). Pour autant, si la littérature témoigne parfois de l’essor privilégié de tel type d’organisme de microcrédit par rapport à d’autres, selon le cadre législatif local74, elle ne fait pas mention d’un cas similaire à celui de la Chine. En effet la confusion du cadre législatif est telle qu’elle contraint le développement de l’ensemble des organismes de microcrédit, certains d’entre eux éprouvant notamment des difficultés à recevoir des investissements étrangers sans en connaître les raisons précises.

« Pour ce qui est des banques de village et de bourg, il est très compliqué d’investir pour les étrangers à cause des obligations réglementaires. Pour investir, les étrangers doivent faire un apport de capital de plus de 10 millions de yuans. […] Et même s’il me semble qu’il est plus aisé pour les étrangers d’investir dans une compagnie de microcrédit, il faut tout de même obtenir l’approbation des autorités locales, ce qui n’est pas non plus gagné d’avance » (extrait de l’entretien avec Mme Tan, experte chez Igbm).

Les complexités dans le processus d’approbation réglementaire expliquent que l’investissement d’Igbm et d’une banque de développement européenne attendu par Vtb-se soit bloqué.

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74 À titre d’illustration, fortement appuyé par des mesures législatives privilégiant ce type de statut, et

bénéficiant d’une tradition ancienne d’épargne, le modèle coopératif est aujourd’hui largement prédominant en Afrique de l’Ouest (Ouedraogo et Gentil, 2008). En Bolivie, l’évolution de la législation bancaire a très fortement favorisé les entités commerciales en marginalisant les autres, privilégiant l’offre de crédit au détriment de la collecte d’épargne (Bédécarrats et Marconi, 2009).

« Je ne sais pas précisément pourquoi cela bloque. Ils sont prêts à verser leur investissement. À ce niveau, il n’y a pas de souci. Le problème c’est qu’il n’y a pas d’approbation réglementaire pour qu’ils puissent en pratique envoyer l’argent. Il me semble que c’est la Commission de réglementation bancaire de Chine qui doit approuver l’investissement étranger. Jusqu’à aujourd’hui la Commission de réglementation bancaire de Chine n’a toujours pas donné son approbation et donc la banque n’a pas encore reçu l’argent » (extrait de l’entretien avec M. Dubois, consultant en microfinance chez Vtb-se).

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