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Banques de village et de bourg

1. D’ UNE MICROFINANCE SOCIALE À UNE MICROFINANCE COMMERCIALE

1.4. Banques de village et de bourg

Dans le monde, 17% des contractants de microcrédit sont clients dans des banques publiques (Guérin, 2015). Mais ce que Mme Tan peut affirmer concernant l’offre bancaire de microcrédit est qu’il y a 400 à 500 banques de village et de bourg (cunzhen

yinhang) susceptibles de proposer des microcrédits sur les 800 recensées en 2012. Les

banques de village et de bourg sont des nouvelles institutions financières rurales nées de la transformation de coopératives en banques rurales (Brillant, 2014). Les premières ont été créées en 2007 dans les provinces les plus pauvres de Chine (Fouillet et Pairault, 2010). Même si en Chine des données précises sur le secteur sont extrêmement difficiles à obtenir voire quasi inexistantes, choisir de s’implanter dans ces régions indique une volonté de se rapprocher des populations pauvres que le microcrédit, dans son orientation sociale, à vocation à soutenir. Toutefois, les banques de village et de bourg étudiées affichent une nette orientation commerciale.

1.4.1 Vtb-se

Fondée en 2008, Vtb-se est une banque de village et de bourg placée sous l’autorité d’une banque commerciale dont les activités portent sur l’ensemble de sa préfecture d’implantation. La brochure de présentation indique que Igbm et une banque de développement européenne s’apprêtent à investir dans Vtb-se pour donner naissance à

la première banque de village et de bourg en joint-venture en Chine. Vtb-se dispose d’un capital de 20 millions de yuans, qui atteindra 50 millions de yuans lorsque Igbm et la banque de développement européenne auront investi. J’ai appris, plus tard, que ces deux investisseurs avaient engagé leur responsabilité dans la limite de la phase pilote du projet menée sous la supervision de M. Dubois et M. Qiu, consultants mandatés par un cabinet d’audit et de conseil européen spécialisé dans les secteurs financiers et bancaires.

« Le principal objectif du programme est de fournir un service de conseil à la banque afin de renforcer ses capacités et son contrôle des risques pour ce qui est de l’offre de crédits aux petites et moyennes entreprises et de microcrédits. On intervient aussi dans la gestion des ressources humaines et dans la planification des stratégies» (extrait de l’entretien avec M. Qiu, consultant en microfinance pour Vtb-se).

Selon M. Fan, vice-président de Vtb-se, le portefeuille de microcrédits s’élève à 350 millions de yuans et le nombre de microcrédits accordés par la banque est d’une centaine environ par mois.

La brochure de Vtb-se indique que la banque est équipée d’un système informatique moderne directement relié à la Banque centrale, faisant d’elle une banque aussi efficace que n’importe quelle banque commerciale. Le caractère commercial de Vtb-se apparaît clairement dans les propos de Mme Qin qui souligne que son travail consiste à vendre un produit avec opiniâtreté.

« Quand on fait la promotion on ratisse le terrain, boutique par boutique. On vend notre produit » (extrait de l’entretien avec Mme Qin, responsable-clientèle chez Vtb-se).

Lorsque je demande à M. Qiu si les responsables-clientèle sont attentifs à l’impact social de leur activité, il me répond par la négative.

« Non, je ne le crois pas. Même la banque de manière générale n’y prête pas attention, parce qu’ils sont animés par un objectif commercial » (extrait de l’entretien avec M. Qiu, consultant en microfinance pour Vtb-se).

1.4.2 Vtb-ch

Vtb-ch est également une banque de village et de bourg qui a été créée en 2007 et dont la maison mère a 18 ans. Tout comme celui de Vtb-se, le dispositif de microcrédit de Vtb-ch est l’œuvre d’un partenariat avec un cabinet d’audit et de conseil européen. Bien qu’il ne s’agisse pas du même cabinet que celui impliqué dans le programme de Vtb-se,

tous deux ont néanmoins leur siège dans le même pays européen68. M. Dai explique que

ce partenariat, et le service de conseil qu’il implique, a été bénéfique en termes de gestion du dispositif.

« Quand en 2007 [le cabinet d’audit et de conseil européen] est arrivé dans notre banque nous avons obtenu l'aide et les compétences des consultants. Cela nous a permis d’améliorer notre niveau de gestion pour ce qui est du microcrédit » (extrait de l’entretien avec M. Dai, président de Vtb-ch).

Le caractère commercial de Vtb-ch est, tout comme pour Vtb-se, clairement affirmé. Leur offre de microcrédit n’a donc pas vocation à aider la population.

« Notre microcrédit est un microcrédit commercial. Nos conditions reposent sur les conditions du marché, ce qui veut dire que nous nous concentrons sur la capacité à rembourser des emprunteurs, et sans nous préoccuper d'aider la société » (extrait de l’entretien avec M. Dai, président de Vtb-ch).

M. Xue, qui a été à l’initiative du programme de microcrédit de Vtb-ch, différencie l’activité de cette dernière de celle créée par Muhammad Yunus, la Grameen Bank. Il justifie l’attachement de Vtb-ch à des préoccupations commerciales par sa structure d’actionnariat qui nécessite d’engendrer du profit.

« La structure de l'actionnariat est complètement différente. Yunus a des idéaux, il veut réaliser l'inclusion financière. […] Mais notre principal objectif n'est pas de venir en aide aux pauvres, nous avons des objectifs commerciaux, nous devons gagner de l'argent avant de nous soucier d'autres choses, car nous sommes une banque commerciale » (extrait de l’entretien avec M. Xue, cadre chez Vtb-ch).

Toutefois, la mise en place d’un programme de microcrédit orienté vers le marché a été, selon les mots de M. Dai, un processus très douloureux en raison même de la recherche de profit.

« Cela a été un processus très douloureux, très douloureux ! J'ai eu beaucoup de mal, et nos cadres ont aussi eu beaucoup de mal, et nos responsables-clientèle ont aussi eu beaucoup de mal. Pourquoi cela s'est passé ainsi? Selon moi, si je me place du point de vue de l'activité, la recherche de profit est la première chose à laquelle nous devons penser » (extrait de l’entretien avec M. Dai, président de Vtb-ch).

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68 Par soucis d’anonymat le nom du pays ne peut être précisé, sinon savoir de quels cabinets il s’agit

À l’instar de nombre d’experts de la microfinance qui défendent l’évolution commerciale de l’activité dans le monde (Armendariz et Morduch, 2010), M. Dai explique que cette difficulté repose en partie sur les coûts de fonctionnement importants que génère la gestion d’une multitude de crédits de petits montants par rapport aux produits traditionnels, à savoir des crédits certes moins nombreux mais de montants plus élevés.

« Quand on a commencé à proposer ces microcrédits, à ce moment là le montant de crédit maximum était fixé à 100 000 yuans et en théorie un responsable- clientèle ne peut gérer que 150 clients, et 150 x 100 000 cela fait 15 millions. Et si je propose les produits traditionnels, un crédit s'élève à 50 millions, il n'y avait pas de problème lorsqu'un responsable-clientèle gérait six clients, cela fait 300 millions. Ce qui veut dire que pour 300 millions on a seulement besoin d'employer un responsable-clientèle. Pour les microcrédits, on a besoin de 20 responsables-clientèle. Nos coûts de personnel et nos coûts de promotion sont très importants, donc c'est quelque chose de très onéreux du point de vue des ressources humaines. Nous avons dû beaucoup investir dans le personnel. Donc se lancer ou non était un choix très pénible. […] Mais pourquoi avons-nous continué? En fait du point de vue du gestion le plus haut c'est une pratique orientée vers le marché » (extrait de l’entretien avec M. Dai, président de Vtb- ch).

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