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3.2 « L’Acte illocutionnaire de feindre » selon Searle

4. Effet de subjectivisation

4.2. Les notions d’empathie, de sujet de conscience et de focalisation

4.2.3. Focalisation chez Genette

Nous allons maintenant examiner la notion de focalisation introduite par Genette (1972), dont l’objet est exclusivement la narration littéraire. Il introduit la notion de focalisation afin de montrer la diversité de la perspective narrative, c’est-à-dire le mode de « régulation de l’information qui procède du choix (ou non) d’un “point de vue” restrictif » (Genette, 1972 : 203). Genette fait d’abord la distinction entre l’étude de la voix, liée à la question qui parle ? et celle du mode, liée à la question qui voit ?, c’est-à-dire entre la question qui est le narrateur ? et la question quel est le

personnage dont le point de vue oriente la perspective narrative ? (Genette, idem). En

effet, Genette estime qu’il est important de distinguer les problèmes liés au point de vue narratif et ceux liés à l’instance narrative. Le problème auquel nous nous intéressons ici, à savoir celui du point de vue à partir duquel les énoncés s’interprètent, est donc lié au mode. La focalisation est le terme employé par Genette afin de distinguer différents types de récits qui contiennent (ou ne contiennent pas) différentes restrictions en fonction du point de vue orientant la perspective narrative. D’après Genette, nous pouvons distinguer principalement trois types de focalisation : la focalisation zéro (ou récit non-focalisé), la focalisation interne et la focalisation externe. Le premier type, la focalisation zéro, correspond aux récits à narrateur omniscient dans lesquels le narrateur en dit plus qu’aucun des personnages ne sait ou ne dit. Il s’agit de la focalisation interne lorsqu’un récit contient des restrictions dues au fait que le point de vue d’un (des) personnage(s) est adopté. Par contre, dans le cas de la focalisation externe, l’action est vue du dehors sans que le lecteur ne soit admis à connaître les pensées ou sentiments des personnages décrits. Le narrateur en dit donc

moins que les personnages en savent ou en disent. Le premier type de récits (à focalisation zéro) représente généralement le récit classique. Sthioul (1995) donne un excellent exemple de ce type de récit, séquence où l’absence de focalisation apparaît clairement :

(27) Le capomafia alla tranquillement au lit à minuit. Il ne se doutait pas qu’il se couchait sur une bombe qui exploserait six heures plus tard.

(Sthioul, 1995 : 33, repris de Kamp & Rohrer, 1983 : 266) Dans cet exemple, c’est à travers le narrateur omniscient que les informations dépassant les connaissances du personnage sont transmises. Quant au deuxième type, c’est-à-dire la focalisation interne, son exemple prototypique est le type de récits dans lesquels le héros raconte lui-même son histoire. Autrement dit, l’identification narrateur-personnage et la coïncidence temporelle entre l’histoire et la narration donne lieu à la focalisation interne. Toutefois, il est possible que la focalisation interne apparaisse lorsque le récit est à la troisième personne et que la narration s’effectue au passé. C’est le cas des énoncés au style indirect libre qui s’interprètent en général à travers le point de vue d’un personnage, bien qu’ils soient à la troisième personne et à l’imparfait dans la plupart des cas. Dans le cas du troisième type de focalisation (la focalisation externe), comme le narrateur raconte l’histoire de l’extérieur et que le lecteur ne peut donc pas connaître les pensées et les sentiments des personnages, l’auteur peut recourir à la focalisation externe pour produire un effet particulier comme le suspense. Genette (1972 : 207) cite Raimond (1967), qui remarque que « dans le roman d’intrigue ou d’aventure, “où l’intérêt naît du fait qu’il y a un mystère”, l’auteur “ne nous dit pas d’emblée tout ce qu’il sait”, et de fait un grand nombre de romans d’aventures, de Walter Scott à Jules Verne en passant par Alexandre Dumas, traitent leurs premières pages en focalisation externe ; (...) ». Sthioul (Idem) cite l’exemple suivant tiré de Hammett dans lequel « le compte-rendu des événements est livré à travers les perceptions d’un témoin hypothétique, personne n’assistant explicitement à la scène » :

(28) Une petite forme féminine – celle d’une jeune fille de vingt ans, vêtue de flanelle marron – venait de s’engager sur la chaussée. La Ford emballée la manqua de quelques centimètres, mais uniquement parce que la jeune fille

avait bondi en arrière avec une exceptionnelle agilité. Ses dents blanches s’imprimèrent dans sa lèvre, une lueur indignée apparut dans ses yeux sombres tandis que la voiture s’éloignait.

(Hammett, Cauchemar ville, cité par Sthioul, 1995 : 34) D’après nous, les trois modes de focalisation ne sont pas toujours clairement distinguables. Comme le remarque Genette (1972) lui-même, « la focalisation ne porte donc pas toujours sur un récit entier, mais plutôt sur un segment narratif qui peut être bref » (Genette, 1972 : 208), et donc différents modes de focalisations peuvent coexister dans un même texte ou un même paragraphe. Nous sommes d’accord avec Genette concernant le fait qu’il existe différentes possibilités de restriction de l’information véhiculée par des énoncés en fonction de point de vue à travers lequel des événements sont racontés. Ce qui nous intéresse particulièrement est la focalisation interne qui permet au lecteur de s’approcher de la subjectivité de personnages. Comme nous venons de le mentionner en discutant le cas de la focalisation externe, nous considérons que le résultat de la focalisation consiste dans la production d’un effet particulier que le locuteur, ou l’auteur, a l’intention de provoquer chez son destinataire. En ce sens, la notion d’effet de subjectivisation peut être considérée comme étroitement liée à la notion de focalisation interne de Genette.

Nous pouvons maintenant nous demander quels sont les déclencheurs de focalisation et quels sont les critères pour la détermination d’une éventuelle focalisation. Genette lui-même ne touche pas en profondeur ce sujet. Nous tenterons de répondre à cette question en traitant des déclencheurs de l’effet de subjectivisation dans le paragraphe suivant et en décrivant le fonctionnement de trois temps verbaux du passé dans la deuxième partie et trois adverbes temporels dans la troisième partie de cette thèse.

4.2.4. Similarité et différence entre perspective de l’empathie, sujet

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