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3.2- La fatalité et l’errance du corps

Chapitre II- La disqualification sociale du corporel

II. 3.2- La fatalité et l’errance du corps

démonstration d’une certaine homologie structurale entre la vision du monde béninois par notre romancier et la formulation de structures symboliques de la mort du corps des personnages Ahouna, du mari de la géophysicienne, du sorcier Djessou, de la fiancée du jeune lycéen africain, et d’Abalo qui connaîtront dans leurs histoires respectives le mauvais sort réservé à tous ceux qui ont une vie dissolue.

Ainsi, comme le pense F. Godeau, « le statut du personnage central évolue, l’expérience romanesque change de sens. L’aventure du héros allant dans le monde perd, précisément, son caractère aventureux, et apparaît désormais comme une tentative purement négative, subordonnée à des finalités spirituelles qui instruisent le procès de cette expérience même »323. Dans cette optique, tout problème lié à la conscience réelle des injustices sociales, tel que celui de l’élaboration d’une stratégie politique adéquate dans C’était à Togony, doit être relié à la conscience possible du groupe social sur lequel on entend agir. Ce qui rend nécessaire l’établissement d’une typologie des consciences possibles fondée sur leur contenu au moment historique où celui-ci atteint son maximum d’adéquation au monde qui l’entoure ainsi que des divers modes d’inadéquation : distorsions secondaires, fausse conscience, mauvaise foi des hommes politiques.

II.3.2- La fatalité et l’errance du corps

Si nous avons choisi de nommer ainsi cette sous-partie, c’est parce que la société africaine, décrite sous la férule de l’administration coloniale ou du monopartisme est une société assujettie et qui, à l’instar des personnages qui s’y trouvent vit dans un mutisme et une lassitude partout sensibles. Le fait de ne rien pouvoir contre cet état de chose fait de la vie des personnages décrits un enfer. On peut lire que

« dans l’Afrique éclatée d’aujourd’hui, disais-je, les humains que nous sommes supposés être ne prennent plus le temps pour la vraie vie, qu’il faudrait privilégier dans toute action, au lieu de quelques résultats à court terme visant le « moi d’abord ou moi tout seul » ; pour atteindre cette cible, des hommes politiques piétinent le primordial ».324

Cette existence est en proie à un profond malaise qui va aboutir à la déshumanisation de beaucoup de gens. C’est en tout cas ce qui ressort de la grille sociale des ouvrages centrés au cœur de l’Afrique profonde. Ainsi, « toute description littéraire, déclare R. Barthes, est une vue. On dirait que l’énonciateur, avant de décrire, se porte à la fenêtre, non tellement pour

323 Godeau (F), Les désarois du moi, Tübingen, Niemeyer, 1995. P.7.

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bien voir, mais pour fonder ce qu’il voit par son cadre même : l’embrasure du spectacle. »325

La fatalité et l’errance ont ainsi un rôle majeur dans le schéma narratif des romans que nous prenons pour référence. Le héros Ahouna d’Un piège sans fin, après une enfance idyllique et insouciante auprès de ses parents va connaître une succession de malheurs qui vont lui prouver que la vie n’est pas aussi rose qu’il l’a cru jusqu’à présent. Pour une banale histoire de corvée d’intérêt général, l’existence de ce jeune homme vouée à la richesse, à la quiétude, aux honneurs va basculer au point qu’il ne lui restera que de « vulgaires » souvenirs pour se prouver qu’il n’a pas été n’importe qui dans son enfance. Ces souvenirs semblent être le seul réel ancrage dans ce monde devenu hostile et inhospitalier pour lui. Pour avoir -semble-t-il- un peu de baume au cœur il s’efforcera de se souvenir pleinement des jours jadis meilleurs pour lui et toute sa famille. Ainsi il dira qu’

« un toubab faisait parti de notre famille !...Le soleil ne brillerait que pour nous, la lune serait à portée de nos mains ; ces étoiles qui perçaient les ténèbres épaisses des nuits, rivalisant d’éclat avec la lune elle-même, étaient nos étoiles ; Kiniba, le cours d’eau qui traverse notre pâturage, paraissait étonnamment pur, limpide jusqu’à la transparence (…) le moindre souffle d’air, faisait s’épanouir en nous, chaque fois que nous le regardions, la sensation de bien-être que nous éprouvions en pensant à Tertullien ; nous sentions augmenter, excessivement, l’illusion bête que nous nous faisions de notre bonheur »326.

Pour sceller le sort qui attend Ahouna avant son immolation sur un bûcher, l’auteur utilise la narration antérieure ; ce procédé lui permet de raconter avant ce qui va se passer car les dieux et les génies vont prédire la fin brutale du meurtrier de Kinou. La narration et la description des derniers moments du personnage d’Ahouna permettent à l’auteur d’utiliser la narration simultanée car il raconte directement ce qui se passe ; le lecteur semble vivre la chose au moment même où elle a lieu. Dans l’histoire qui fait du personnage principale un fugitif, le narrateur raconte le pourquoi et le comment de cette déchéance sociale. Il utilise donc la narration intercalé dans la mesure où il mélange présent et passé. La narration intercalée permet à Olympe Bhêly-Quenum d’allier la narration ultérieure et la narration simultanée pour donner du sens à son histoire. L’auteur montre qu’après ces beaux moments qui se sont écoulés sans qu’il ne s’en rende compte, ce sera le début de la descente aux enfers qui ne connaîtra plus de limite. A croire que le destin qui a été jusque-là magnanime a décidé de lui « faire porter le chapeau » des malheurs de l’existence. Ahouna le jeune homme n’étant pas préparé à toutes les vicissitudes de la condition humaine va commencer à devenir le héros problématique décrit dans tout le roman et ce, jusqu’à son immolation finale, signe de son destin fatal.

325 Barthes (R), S/Z, Paris, Seuil, 1970. p .61.

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Dominique Maingueneau dira à juste titre que « pour écrire un tel livre, pour peindre les comportements cruels et dérisoires (…), il faut être de ce monde et ne pas en être. Parodie qui n’est pas celle de l’ethnologue, observateur et participant, mais celle d’un homme qui doit à la fois adhérer pleinement à ce monde insupportable et s’en détacher non moins pleinement »327. Tel est le cas de notre auteur béninois qui a vécu des faits similaires de l’occupation territoriale en Afrique occidentale française (A.O.F) du temps où son pays s’appelait jadis encore le Dahomey. Depuis la nuit des temps, le personnage appelé à juste titre héros problématique connaît un destin qui se lit dans sa personne et qui lui est propre parce qu’il est en conflit avec tout ce qui veut se dresse devant lui. Telle une boîte de pandore qui vient de s’ouvrir, sa vie est un enfer ; tout son être est imprégné de maux qui le guettent dans son existence quotidienne. La déshumanisation se lit donc aussi bien sur le plan physique, psychologique, moral, psychique, social, marital et sentimental ; Ahouna et Koudjègan, à l’instar des autres héros romanesques qui subissent leur destin, vont se contenter « d’encaisser » les coups et les revers à défaut de les conjurer ou de les juguler. Koudjègan affirmera que

« (…) derrière l’escouade on matraquait torturait portait des coups même de haches retentissaient les hurlements de bêtes en égorgement des être humains garrottés étouffés ont rendu l’âme en se vidant de leurs déchets certains emmenés n’ont jamais été de retours de ce côté de « La Maison » d’arrêt central je demande un jour à un chanceux ramené deux semaines plus tôt totalement brisé œil crevé gueule à l’envers ensanglantée le sort de ses six camarades de malheur « ils ne sont plus ; tête fracassées à coups de marteau asphyxie par bâillonnement trop résistants les subtilités de la torture ont eu raison de l’endurance des autres pourquoi je suis encore en vie au lieu d’être achevé moi aussi j’en sais rien plus de deux cent cinquante suppressions ont eu lieu pendant mon incarcération pas de jugement secret d’Etat »328

Etant le propre narrateur de son « royaume d’enfance » paradisiaque et de son statut d’homme problématique, on constate que le narrateur ne cesse lui non plus d’accabler les personnages principaux devenus adultes au fil de la lecture de ces œuvres. Les malheurs de Bakary par exemple, père du héros problématique Ahouna du roman Un piège sans fin vont par la suite inconsciemment ou non interférer dans son jugement ainsi que dans ses futurs rapports avec la société tout entière. La notion de droit, de justice, d’équité, de soumission aux lois et règles ne seront plus les mêmes pour le jeune homme qui a assisté, petit et impuissant, au sacrifice de son père. Cette étape tragique marquera à jamais le début de sa remise en question de la société des hommes comme elle se présente. Malheur à lui car comme le manifeste R. Barthes, « Il est dérisoire de vouloir contester notre société sans jamais penser les limites mêmes de la langue de laquelle (rapport instrumental) nous prétendons la contester : c’est vouloir détruire le loup en se logeant confortablement dans sa gueule ».329

327 Maingueneau (D), Le discours littéraire, Paris, Armand Colin, 2004, p. 91.

328 As-tu vu Kokolie ? op. cit, p. 247.

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C’est à cause de cela que nous pensons que la déshumanisation du physique fera des personnages des romans d’Olympe Bhêly-Quenum des inadaptés sociaux, des fugitifs, des hommes et femmes traqués, des hors-la-loi pour certains, des criminel pour ceux qui ont commis l’irréparable. Ainsi, atteste Hippolyte Taine dans Histoire de la littérature anglaise, « à proprement parler, l'homme est fou, comme le corps est malade, par nature ; la raison comme la santé n'est en nous qu'une réussite momentanée et un bel accident »330. La mise en exergue d’autres facteurs qui ont également contribué à la perte du personnage bhêly-Quenumien va peut-être manifester que ce héros était sans nul doute déjà un paria, un incompris avant la matérialisation concrète de ses propres déboires. Ainsi, atteste Stéphane Chauvier, « le même être peut donc être conçu comme une simple hypostase d’une certaine sorte, si l’on ne prête attention qu’à l’individualité de son corps (et de son âme), mais aussi comme une personne si l’on prête cette fois attention aux pensées égologiques qui sortent de sa bouche et au style propre de son comportement, le comportement typique d’un être capable de former des pensées de soi »331.

Le thème de la jalousie dans les romans comme Un piège sans fin, L’initié, As-tu vu

Kokolie ? et C’était à Togony est capital dans la mesure où c’est celui-là qui va précipiter le

sort et la portée des œuvres vers un tragique social typiquement africain dans la forme. La jalousie décrite dans ces romans est une véritable déshumanisation du corps des personnages en leur donnant une consonance d’objet possédé. C’est une véritable chosification qui ne dit pas son nom En effet, pour certains Africains, la jalousie de la personne aimée est un signe d’amour car elle permet de se sentir aimé et considéré. Selon eux, sans elle, les partenaires engagés pour la vie n’auraient pas de preuve d’amour lorsqu’ils sont confrontés à un dilemme mettant en jeu une tierce personne. C’est cette notion qui va pour la deuxième fois préciser les choses chez le héros Ahouna déjà meurtri par la mort de son père qu’il n’a toujours pas encore digérée. Ahouna donnera à son épouse sa façon de voir la jalousie positive dans une union matrimoniale. Cette façon de voir est totalement aux antipodes de cette jalousie qui déshumanise la personne et le corps du compagnon ou de la compagne. Le roman nous montre l’impact des accusations infondées comme suit :

« Une humeur âcre semblait s’être mêlée à mon sang et circulait dans mes veines ; le dégoût de la vie s’emparait de moi par à-coups quand je fus revenu au bercail. Je tâchais de dominer les sentiments obscurs que j’éprouvais (…)

-J’espère que tu n’iras pas te poser devant tout le monde.

-Je suis une victime à cause de mon innocence, mais rassure-toi (…) je ne suis homme à m’en vouloir de voir heureux les gens autour de moi », dis-je à voix basse, mais sèchement ».332

330 http://www.evene.fr/citations/mot.php?mot=corps; Hippolyte Taine Extrait de Histoire de la littérature anglaise

331 Stéphane Chauvier, Qu’est-ce qu’une personne ? op.cit, pp.24-25.

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La déshumanisation du corps par le pourrissement du climat de confiance se fait sentir lorsque la sérénité et le respect ne sont plus, après l’amour, le ciment d’une relation, et la notion même de couple disparaît. Sans le respect, l’amour doit mourir. Si une femme ridiculise son mari ou le mène par le bout du nez, c’est une autre forme de castration comme c’est le cas dans les romans C’était à Togony et dans Un piège sans fin. Pour Ahouna ou pour le mari trompé de C’était à Togony, « cette cruelle chute, selon F. Berthelot, en sonnant le glas de ses espoirs, change le cours de l’action, axée jusque-là sur la possibilité d’un rétablissement, et provoque le désastre final : la fuite. »333 La critique sociologique actuelle de l’esthétique bhêly-quenumienne considère l’œuvre comme un produit qui sera remis dans le contexte social et historique en amont et en aval. En amont nous trouvons en l’auteur Bêlhy-Quenum, un homme dont l’existence est déterminée par des conditions historiques précises, concrètes dont le critique devra rendre compte. L’œuvre, sa production est un fait social qui résulte des conditions matérielles, sociales et institutionnelles de l’écriture. En aval, nous pourrions aborder la question de la réception de l’œuvre, du rôle que jouent les critiques littéraires dans la constitution des « belles lettres » reçues comme telle par le lectorat cultivé.

Cette volonté de démontrer les revers d’un mariage jusque-là équilibré témoigne chez notre auteur d’un certain scepticisme à l’égard du modèle monogamique qui, finalement, fait de la femme au foyer la véritable dépositaire d’une ligne de conduite qui frise la possession du conjoint. Dès lors, comme Anatou l’épouse qui contribue à tendre le piège sans fin, la femme du régime monogamique en Afrique semble dormir sur ses deux lauriers prétextant « la messe dite » ou « la cause entendue » par rapport à l’entretien du couple, à sa féminité, à sa prestance. Ahouna déclarera que

« pendant quatre mois, nous avons vécus dans cette atmosphère de tragi-comédie : rire devant la maisonnée, manger dans la joie parce que nous étions avec ma mère, ma sœur, Camara et les enfants ; coucher ensuite dos à dos, chacun au bout du lit commun, sans oser échanger un mot ».334

Parallèlement, force est de constater que dans un régime matrimonial polygamique, chaque épouse fait de son mieux pour être et pour rester toujours belle et désirable face au mari. Rester désirable afin de demeurer la préférée du mari est pour elles une tâche aussi harassante que l’entretien du ménage. Ces femmes sont plus enclines à lutter de toutes leurs forces dès lors qu’elles sentent une menace, une baisse d’attention du mari. Ici, en Afrique noire, disons-le avec R. Barthes que « la forme littéraire peut désormais provoquer les sentiments existentiels qui sont attachés au creux de tout objet : sens de l’insolite, familiarité,

333 Berthelot (F), Le texte à l’œuvre- le corps du héros,Paris, Nathan, 1997, p.124.

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dégoût, complaisance, usage, meurtre »335

dans la mesure où le côté sombre de la femme est toujours sollicité pour s’imposer devant les coépouses. Loin de nous l’idée de faire une apologie de la polygamie en Afrique mais cet état de fait nous paraît important à souligner dans la mesure où le personnage du roman Un piège sans fin n’a qu’une femme et que cette dernière va volontairement et sadiquement lui rendre la vie amère. N’est-on pas en droit de se demander ce qui aurait pu advenir si et seulement si Ahouna avait fait le choix de la polygamie ? Anatou sa compagne pour la vie aurait-elle eu assez de temps à perdre avec ses suppositions erronées ? Ahouna confesse son refus de cette expérience de la polygamie qui aurait pu être salutaire pour lui en ces termes :

« Aucune loi coranique ne m’interdit d’avoir deux femmes. Mon père n’en eut qu’une, le tien n’en a pas davantage, Camara est le mari de Séitou et non de quelqu’une d’autre. Comme ceux-là, je n’ai nullement l’intention de m’embarrasser – pardon- d’avoir une autre femme ».336

L’auteur a délibérément choisi le camp de la monogamie qui ne marche pas pour battre en brèche –entre autres- les supputations des tenants du féminisme ainsi que tous ceux qui croient à tort ou à raison que seule une conjointe peut rendre un homme heureux. Comme le malheureux Ahouna, beaucoup d’hommes sont de par le monde victimes de la mauvaise foi et de la méchanceté de leurs compagnes au point de vouloir leur mort. Cette démission et cette capitulation démontrent bien que la situation du tragique social africain commence à se dessiner dans notre œuvre et peut prendre d’autres formes. De ce fait, « Les obstacles à l’amour et au bonheur conjugal, témoigne Ossito Midiohouan, ne proviennent pas toujours d’une différence raciale ou du conflit Afrique/Occident. Entre Africains, les préjugés ethniques et régionalistes peuvent constituer un handicap au mariage. »337 Or, malgré les accusations injustes et mesquines d’Anatou, sa femme, ainsi que sa volonté presque palpable de mettre fin aux jours de cette dernière, Ahouna a tenu bon ne voulant pas commettre l’irréparable. La fuite en avant a été la décision la plus sage qu’il ait trouvée devant cette alternative. L’histoire dira :

« Non, je ne te tuerai jamais, Anatou : tu es ma femme, la mère de mes enfants. Adieu ! » dis-je.

Puis, je m’avançai vers la porte, l’ouvris, sortis et la refermai doucement. Je sortis ensuite de l’agglomération et disparu dans la nuit alors jonchée d’étoiles sans savoir exactement où j’allais ».338

Le tragique issu de la déshumanisation de la personne humaine est une mise en perspective du tragique social africain lequel rappelle une tonalité issue du théâtre racinien. Cette tonalité qui met en scène la mort des personnages est très explicite dans le corpus qui nous sert de données d’analyse. Ce corpus nous emmène dans les dédales d’une vie de misère

335 Barthes (R), Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1953, p. 10.

336 Un piège sans fin, p.124.

337 Ossito Midiohouan, L’idéologie dans la Littérature Négro-africaine, op. cit, p.204.

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morale et de bassesse comportementale qui ne connaîtront plus de limites pour les personnages. L’auteur semble inviter le lecteur à se faire une opinion personnelle de la condition humaine sur la terre africaine. On peut y comprendre que

« les journaux faisaient des allusions à des « lettres de cachet », dénonçaient l’arbitraire (…) mais les méthodes qu’utilisent certains Européens pour embastiller des Noirs, sans qu’il y ait eu de jugement, doivent être combattues, même si les victimes appartiennent à de grandes et vieilles familles aristocratiques.

Paul incarcéré sans jugement passa huit mois de détention avant d’être libéré ; un des principaux détracteurs africains avaient été