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A - Le faible retour économique de l'effort de recherche

1 - Les composantes de la recherche en France

L’effort de recherche appréhendé au travers du manuel de Frascati de l'OCDE comporte trois grandes composantes : la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental.

Aux États-Unis dont les dépenses de recherche sont les plus importantes du monde (représentant selon l’OCDE plus de 35 % des dépenses mondiales), la répartition entre les composantes est de 63 % pour le développement expérimental et de 37 %, répartis pour moitié entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

Par rapport aux autres pays membres de l’OCDE, la France se caractérise par un fort taux de recherche fondamentale (26 %), un faible taux de développement expérimental (34 %), et une recherche appliquée de l’ordre de 40 %. Ces chiffres reflètent la faiblesse de la part de la recherche en entreprise, celle-ci étant majoritairement constituée de développements expérimentaux.

Graphique n° 19 : dépenses de R&D par composantes

Source : données de l’OCDE 2009 (Australie et Suisse 2008, Corée 2010)

À l’inverse, en Chine, près de 83 % de l’effort de recherche est concentré sur le développement expérimental et la place de la recherche fondamentale est très faible (moins de 5 %).

En analysant l’évolution de ces différentes composantes entre 2000 et 2009, on observe que la part du développement expérimental a décru en France. Parallèlement, la part de la recherche appliquée a augmenté, tandis que la part de la recherche fondamentale est restée stable.

Les composantes de la recherche

La recherche fondamentale est le travail théorique ou expérimental entrepris afin d’acquérir de nouvelles connaissances quant aux fondations sous-jacentes de phénomènes et faits observables, sans application ou utilisation particulière en vue.

La recherche appliquée est le travail entrepris afin d’acquérir de nouvelles connaissances, dirigé principalement dans un but ou un objectif pratique spécifique.

Le développement expérimental est un travail systématique, fondé sur des connaissances existantes acquises par la recherche et/ou des expériences pratiques, qui est entrepris afin de produire de nouveaux matériaux, produits ou appareils, d’installer de nouveaux processus, systèmes ou services ou d’améliorer de manière substantielle les éléments déjà produits ou installés.

Graphique n° 20 : évolution de la répartition des dépenses de recherche par composante et par secteur entre 2000 et 2009 en

France

Source : données de l’OCDE 2000 à 2009

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La baisse de la part du développement expérimental est en partie due à celle des montants qui lui sont consacrés par les opérateurs gouvernementaux : alors que le montant total de leurs dépenses exécutées a augmenté de 30,3 % entre 2000 et 2009, la part consacrée au développement expérimental a baissé de 31,3 %. La hausse des dépenses de recherche appliquée est, quant à elle, plus forte que la hausse moyenne des dépenses, quel que soit le secteur dans lequel cette recherche est réalisée.

Cette dynamique négative pose la question de l’efficacité de la transformation de notre recherche appliquée en développement expérimental.

2 - Une performance en innovation très insuffisante au regard de l’effort de recherche

L’OCDE définit l’innovation comme l’ensemble des démarches scientifiques, technologiques, organisationnelles, financières et commerciales qui aboutissent à la réalisation de produits ou procédés technologiquement nouveaux ou améliorés. Même si l’innovation ne dispose pas d'un cadre de mesure aussi structuré que la recherche et développement, certains travaux récents permettent de situer la France en la matière.

Ainsi, l’Innovation Union Scoreboard 2011, réalisé à l’initiative de la société PRO INNO Europe, analyse huit thèmes d’innovation dans les États membres de l’Union européenne à partir de 25 indicateurs. Elle situe la France dans la moyenne européenne, dans la catégorie des pays

« suiveurs en matière d’innovation » (« Innovation followers »).

Le Global Innovation Index 2012, publié conjointement par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l'Institut européen d'administration des affaires (INSEAD) et ses experts partenaires100, classe 125 pays en fonction de leur capacité d’innovation, en se fondant sur cinq champs et 80 critères. Dans cet index, la France se place au 24ème rang mondial. Elle recule de cinq places par rapport à l’index 2009, et se situe loin derrière le Royaume-Uni (5ème mondial), les États-Unis (10ème mondial) et l’Allemagne (15ème). Son rang (16ème sur 27)

100 Il s’agit de la quatrième édition de cet indice mondial. Pour l'édition 2012, les partenaires étaient Alcatel-Lucent, Booz & Company et la Confédération des industries indiennes (CII)). Depuis l’édition 2011, un comité scientifique composé d’experts est chargé de suivre ces travaux. Un audit, mené par le Joint Research Centre de la Commission européenne, confirme que la méthodologie utilisée par cet index est solide.

est tout aussi médiocre au sein de l'Union européenne. Cette approche distingue, d’une part, la capacité d’un pays à innover et, d’autre part, sa capacité à transformer l’innovation dans son économie. La France se situe au 22ème rang mondial pour le premier indicateur et au 26ème pour le second : elle est donc mieux placée pour produire de l’innovation que pour la transformer dans sa propre économie.

3 - La France, exportateur net de propriété intellectuelle, peine à transformer les résultats de la recherche

Les indicateurs composites de l’INSEAD montrent que la France est meilleure pour la « diffusion de la connaissance » (21ème rang mondial) que pour l’« absorption de la connaissance »101 (47ème rang). Ces indicateurs composites s’appuient sur la base de données de la Banque mondiale102. Une analyse de ces données montre en effet que la balance technologique103 de la France affiche, depuis l’année 2000, un solde positif, en croissance continue (alors qu’il était négatif précédemment) : la France est donc un « exportateur net » de propriété intellectuelle. En 2011, cette balance était de 5,75 Md$ (4,44 Md€). À l’inverse, la balance commerciale totale104 de la France est depuis 2005 négative, en dégradation continue, sauf en 2009 et atteint -77,92 Md$ (60,14 Md€) en 2011.

101 Il s’agit de deux indicateurs composites calculés en pondérant quatre sous-indicateurs. Cf Global Innovation Index 2012.

102 World Development Indicators database.

103 Différence, en M$, entre les royalty and license fees receipts et les royalty and license fees payments. Ces échanges technologiques comprennent quatre grandes catégories : transferts de technologie (cessions de brevets et de licences, communication de savoir-faire) ; transfert (vente, cession de licences et de franchises) de dessins, marques ou modèles ; prestations de services techniques, comprenant les études techniques et d'ingénierie ainsi que l'assistance technique ; recherche-développement à caractère industriel.

104 External balance on goods and services, World Development Indicators database.

Graphique n° 21 : balance technologique et commerciale sur 15 ans

Source : Cour des comptes à partir des données de la Banque mondiale

L’OCDE explique un excédent de balance technologique comme suit : « Si la balance est excédentaire, cela peut être le résultat d'une très grande autonomie technologique, de la modicité du volume d'importations de technologie ou d'une incapacité à assimiler les technologies étrangères. Par ailleurs, la plupart des transactions correspondent à des opérations entre sociétés mères et filiales. Il est donc important de disposer d'informations qualitatives et quantitatives complémentaires pour analyser correctement la position déficitaire ou excédentaire d'un pays pendant une année donnée ».

Si les États-Unis sont certainement dans la position d’une grande autonomie technologique qui nécessite moins d’importations de technologies (le ratio entre le montant des importations de propriété intellectuelle et le PIB est effectivement inférieur entre un tiers et la moitié à celui de la France, du Royaume-Uni, du Japon ou de l’Allemagne) et d’un marché intérieur très important, la France n’est pas

-6,00 -4,00 -2,00 0,00 2,00 4,00 6,00

Balance technologique * 1 000 / PIB

Moyenne 1997-2001 (BT/PIB) Moyenne 2002-2006 (BT/PIB) Moyenne 2007-2011 (BT/PIB)

-60,00 -40,00 -20,00 0,00 20,00 40,00 60,00 80,00

Balance commerciale * 1 000 / PIB

Moyenne 1997-2001 (BC/PIB) Moyenne 2002-2006 (BC/PIB) Moyenne 2007-2011 (BC/PIB)

dans cette situation. Le faible niveau d’importation de propriété intellectuelle (un quart de moins, rapporté au PIB, que le Royaume-Uni), ainsi que le faible niveau d’investissement direct étranger reflètent une difficulté à assimiler les technologies étrangères en France.

De nombreuses études permettent aujourd’hui d’éclairer la diversité des déterminants et processus d’innovation. Elles montrent la multiplicité des formes d'innovation des entreprises, dont l'innovation technologique ne constitue qu'une partie. Dans le rapport « Pour une nouvelle vision de l'innovation »105, M. Pascal Morand et Mme Delphine Manceau ont rappelé ainsi que l'innovation ne se limite pas à la R&D, mais intègre un travail sur les usages, les modèles économiques, le design et le marketing.

Pour autant, une des finalités de la recherche, avec le progrès des connaissances, est l'amélioration des technologies afin de pouvoir produire de l'innovation.

La production de l'innovation n'est plus considérée aujourd'hui simplement comme un processus linéaire et séquentiel, permettant, à partir de résultats obtenus par des organismes publics en recherche fondamentale, de mener des recherches de plus en plus appliquées aboutissant au développement d'un nouveau produit par le secteur privé.

Le processus innovant, guidé par les besoins du marché, comprend de nombreuses interactions entre les différents acteurs aux différentes étapes. L’étude de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services(DGCIS), publiée en mai 2011, portant sur « L’innovation dans les entreprises, moteurs, moyens et enjeux », montre notamment, comment les coopérations en R&D, permettant l’acquisition des connaissances externes et l’articulation entre compétences internes et externes aux entreprises, sont des moyens essentiels pour innover aujourd’hui.

Dans ce cadre, le lien entre la recherche publique et les entreprises est un enjeu majeur pour la création de valeur et l'innovation.

105 MORAND Pascal et MANCEAU Delphine. Rapport Pour une nouvelle vision de l'innovation. La Documentation française, mai 2009.