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Conclusion générale

Un rang scientifique maintenu

Avec 3,9 % des publications scientifiques mondiales en 2010, la France occupe le sixième rang, derrière les États-Unis, la Chine, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Elle représente 6,4 % des brevets européens, soit le quatrième rang derrière les États-Unis, l'Allemagne et le Japon et est au huitième rang pour l'obtention de brevets aux États-Unis.

La France semble donc tenir son rang en matière de recherche, d'autant que la visibilité des publications françaises, mesurée par leur indice d'impact à court terme, est supérieure à la moyenne et tend à croître.

Ces résultats ont été favorisés par le traitement réservé au secteur de la recherche dans le budget de l'État : la programmation des moyens budgétaires annexée à la loi de 2006 a été respectée dans ses grandes lignes, et la recherche a été exemptée des mesures de réduction des effectifs et de la dépense qui ont affecté la plupart des autres départements ministériels. Il y a aujourd’hui davantage de financement pour la conduite des activités de recherche dans les organismes et les universités, ce qui se traduit notamment par une augmentation des effectifs.

Si les financements apportés par l’État ont crû sensiblement depuis 2006 pour atteindre un niveau estimé de 20,8 Md€ en 2013, y compris la dépense fiscale associée au crédit d’impôt recherche (CIR), la part du PIB consacrée à la recherche est restée stable sur dix ans, autour de 2,2 %.

Cette situation tient principalement à la faiblesse de la dépense de R&D des entreprises, qui mérite d’être caractérisée précisément.

Excepté pour les entreprises de taille intermédiaire, cette faiblesse ne tient pas à une intensité en R&D des entreprises, insuffisante ou insuffisamment dynamique, mais à une spécialisation sur des secteurs faiblement intensifs en R&D, liée en particulier à la baisse de la part de l’industrie dans le PIB. Si elle peut favoriser le renouvellement du tissu économique à partir de secteurs de pointe, la politique de la recherche n’a pas toutes les clés de cette situation. Se pose en outre la question de la crédibilité et de la pertinence de l’objectif que s’est assignée la France d’abord pour 2010, puis pour 2020, de consacrer 3 % de son PIB à la recherche et développement.

Des priorités nécessaires

La conjoncture ne permet pas d'envisager des flux budgétaires nouveaux significatifs de la part de l'État, à la différence de l’Allemagne, dans un contexte où, par ailleurs, la France tient son rang en termes de publications et de dépôts de brevets. La croissance des avantages fiscaux découlant du crédit d’impôt recherche (CIR) pour les entreprises imposera toutefois de prévoir dans l'équilibre de la loi de finances pour 2014 un ressaut de l'ordre de 1,8 Md€, après un effort de 1,05 Md€ déjà intégré dans la loi de finances pour 2013. Dans les années à venir, il sera difficile de concilier la croissance attendue de la dépense fiscale associée au CIR et le maintien d’une priorité en matière de crédits budgétaires alloués à la recherche. La Cour consacrera à l'été un rapport spécifique à l'évolution et aux conditions de maîtrise du CIR, à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Maintenir des performances scientifiques d'excellence et en améliorer les retombées économiques supposent de rendre le système de financement public de la recherche plus efficace. Il importe à cet égard que les financements apportés par l'État reposent sur des bases plus lisibles et des priorités clairement affichées, que les instruments soient simplifiés et fassent l'objet d'un pilotage plus transparent. Dans tous ces domaines, il existe d'importantes marges de progression.

Le pilotage assuré par le ministère chargé de la recherche sur les dépenses se réalise pour l'essentiel dans le cadre d'une négociation opérateur par opérateur, sans reposer suffisamment sur une vision de synthèse et sur des priorités financières par grands secteurs de recherche.

La France a rapproché son système de financement de la recherche des pratiques de ses principaux partenaires, en renforçant le rôle des universités et en augmentant le niveau des financements sur projets. Sur ces deux plans, le système français de recherche reste encore singulier. Le rôle des universités dans le financement et l'intégration de la recherche ne progresse que lentement. Les financements sur projets n'occupent en France qu'une place quantitativement modeste. Il est donc essentiel de ne pas la réduire mais, bien au contraire, de l’augmenter.

Le rôle bénéfique des financements sur projets

La création de l'Agence nationale de la recherche (ANR), sa réorganisation puis la réduction de ses moyens d'intervention se sont réalisées sans qu'un contrat d'objectif soit conclu avec l'État, alors qu'il serait nécessaire pour arrêter des choix de programmation stables et cohérents, et pour progresser sur la mesure de l'impact des aides de l'agence.

Le programme des investissements d'avenir apporte des financements sur dix ans sur la base de critères d'excellence permettant de développer des projets de recherche sur une longue période et soutenant des projets difficiles à financer dans le cadre budgétaire classique (équipements d’excellence, cohortes de patients en recherche médicale).

Il n'en présente pas moins des risques, plus particulièrement sur les programmes initiatives d’excellence, sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT) et instituts de recherche technologique (IRT).

Pour les projets qui ne répondraient pas aux conditions des conventions de financement, les conséquences devront être tirées et les financements, ainsi libérés, réaffectés. Il serait en effet dommageable que les investissements d'avenir ne viennent figer pour dix ans le périmètre d'excellence de la recherche française.

La dynamique de croissance qu’ont connue les financements sur projets par rapport aux financements récurrents, depuis 2006, ne doit pas être arrêtée, car elle a montré son efficacité en dépit de certains effets pervers qui doivent être corrigés.

Il importe dans le même esprit d’être également vigilant quant au niveau de participation de la France aux programmes européens.

Une réforme nécessaire du cadre de gestion des établissements La montée en puissance des financements sur projets s'est accompagnée d’une prise en compte trop faible des frais généraux. Il en est résulté des charges fixes supplémentaires pour les établissements, réduisant ainsi leurs marges de manœuvre financières. Les modalités de gestion attachées aux financements sur projets, bénéficiant directement aux laboratoires, ont ainsi accentué leur autonomie vis-à-vis de leurs organismes d’appartenance et diminué la qualité du pilotage de ces derniers.

Le système de recherche repose sur les unités mixtes de recherche, associant des partenaires - universités, grandes écoles, organismes - dont chacun n'a qu'une vision partielle des financements de l'unité et dont la gestion se trouve de ce fait même fragmentée. La part plus importante prise par les financements sur projets et la multiplication des structures de coopération, notamment pour la gestion du programme des investissements d’avenir, ont accru la complexité de la gestion. Pour remédier à cette situation, la mise en place d’une unicité de gestion des unités mixtes est indispensable. L’interopérabilité des systèmes d’information en est une condition.

Les financements sur projets sont concentrés sur le fonctionnement des laboratoires et les dépenses de personnel occasionnel, tandis que la

ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a accru la part représentée par la masse salariale des personnels sous statut dans les charges financées par la subvention globale versée par l'État. Ces mécanismes délaissent les dépenses d'équipement scientifique, alors que celui-ci joue un rôle déterminant dans la compétition internationale en matière de recherche.

Le financement apporté par l'État à ses opérateurs dans le domaine de la recherche doit correspondre à une vision à moyen terme de l'emploi scientifique par grands champs du savoir. C'est à ce niveau que se détermine l'orientation future de nos forces de recherche. En la matière, la fonction de gestion prévisionnelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, comme celle des organismes de recherche, reste insuffisante.

Des retombées économiques insuffisantes

Enfin, les retombées économiques de l'activité de recherche sur le territoire national n'ont pas fait l'objet d'une attention suffisante. La culture du transfert reste peu développée chez la plupart des acteurs publics de la recherche. Les dispositifs de soutien à la recherche des entreprises sont multiples, et doivent être simplifiés.

Dans ces conditions, la France n'est pas en mesure de tirer le meilleur parti, en termes de croissance et d'emplois, de l'effort de recherche qu'elle finance, en dépit de résultats en matière de publications qui attestent que la recherche française continue de se situer à un excellent niveau dans les comparaisons internationales.

Les nécessaires contreparties à la priorité budgétaire : une sélectivité et une évaluation accrues

La priorité accordée à la recherche a justifié que, depuis près de dix ans, ce secteur soit exempté des mesures les plus contraignantes de régulation de la dépense publique telles que la norme de dépense de l’État ou le non-remplacement d’un agent sur deux. De fait, les dépenses de l’État en faveur de la recherche ont continué de progresser au-delà de la crise de 2008, à un rythme moins soutenu, il est vrai, après 2010.

Cette exception à la politique budgétaire nationale doit avoir des contreparties. Faute d’une sanction par le marché ou d’une performance directement perceptible par des usagers, cette contrepartie doit consister en un double effort de sélectivité et d’évaluation de ceux auxquels elle bénéficie. La montée des financements compétitifs et l’amélioration des procédures d’évaluation, décidées en même temps qu’était formalisée la priorité budgétaire accordée à la recherche, en ont été deux traductions complémentaires.

Quelle qu’en soit la forme, le maintien de cette double exigence, une sélectivité des financements qui les fasse attribuer en priorité aux meilleures équipes et aux projets les plus prometteurs, et une fonction d’évaluation qui éclaire ces choix et en mesure les résultats, restent indispensables si l’on veut justifier, dans la durée, la priorité budgétaire dont a bénéficié la recherche. Une telle priorité doit également pouvoir s’appuyer sur une vision consolidée des financements par grands secteurs scientifiques, une gestion prévisionnelle des emplois et une attention renforcée aux retombées économiques des résultats de la recherche sur le territoire national.

Afin d'améliorer l'efficacité du système de financement public de la recherche, la Cour formule les 20 recommandations ci-après.