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B - Des dépenses marquées par le poids des charges de personnel et une moindre priorité aux équipements

Le profil des dépenses des quatre grands établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) est assez similaire, avec une part très importante de dépenses de personnel (entre 63 % et 70,5 %), des dépenses de fonctionnement et d’investissement non programmé représentant entre 25 % et 35 % des dépenses, et une part très faible (entre 1 % et 8 %) de dépenses d'investissement programmé (qui couvrent principalement l'investissement immobilier).

67 L’analyse des engagements du CNES dans les programmes de l’Agence spatiale européenne a fait l’objet d’un rapport de la Cour adressé aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat en juin 2008.

Contrairement aux universités pour lesquelles les modalités de financement de l'activité de recherche ont fortement évolué depuis 2006, les modalités d'allocation des moyens aux EPST n'ont pas connu de changement majeur.

La négociation budgétaire avec l'État porte principalement sur l'évolution de la masse salariale. Elle ne prend véritablement en compte ni les priorités de la stratégie nationale de recherche et d'innovation ni la performance des opérateurs. Dans un contexte de restrictions budgétaires et d'alourdissement de la charge des retraites, les marges de manœuvre sont donc très réduites.

1 - La forte hausse des dépenses de personnel depuis 2006 Le nouveau cadre budgétaire et comptable des EPST distingue deux catégories de dépenses de personnel, selon l'origine des crédits qui les financent :

− les dépenses de personnel limitatives correspondant aux personnels fonctionnaires ou contractuels, rémunérés sur la subvention pour charges de service public ;

− les dépenses de personnel dites non limitatives correspondant aux agents non permanents dont la rémunération est financée par les contrats de recherche.

Pour l'ensemble des EPST étudiés, les dépenses de personnel ont fortement augmenté entre 2006 et 2011 : + 28,1 % pour l'INRA, + 37,7 % pour le CNRS, + 39,8 % pour l'INSERM et + 68,4 % pour l'INRIA, comme le montre le graphique ci-après.

Graphique n° 15 : dépenses de personnel des organismes de recherche (années 2006 et 2011)

En millions d'euros

Source : Cour des comptes d'après les données des organismes

La hausse des dépenses de personnel non limitatives est directement liée à l'augmentation, depuis 2006, des personnels non permanents recrutés au titre des contrats de recherche.

En revanche, mis à part l'INRIA, la hausse des dépenses de personnel limitatives n'est pas liée à une augmentation des personnels rémunérés sur la subvention pour charges de service public. Au contraire, les effectifs de personnels fonctionnaires sont relativement stables au sein des opérateurs. La hausse de la masse salariale est essentiellement due à la forte augmentation des charges patronales liées aux retraites des fonctionnaires (compte d'affectation spéciale Pensions).

Au CNRS par exemple, les dépenses de personnel limitatives ont augmenté de 323 M€ entre 2007 et 2012, soit + 18 %. Au sein de ces dépenses, le CAS Pensions a très fortement augmenté sur la période, passant de 356 M€ à 630,1 M€, soit + 274,1 M€, portant ainsi l'essentiel de l'augmentation de ces dépenses. Hors CAS Pensions, les dépenses limitatives (traitements bruts, primes et indemnités, autres charges patronales) n'ont augmenté que de 3 % en six ans, ce qui démontre une certaine maîtrise de la masse salariale.

Le graphique ci-après illustre l'augmentation des dépenses de personnel limitatives du CNRS entre 2007 et 2012, ainsi que celle de la subvention pour charges de service public sur la même période.

Graphique n° 16 : évolution 2007-2011 des dépenses de personnel limitatives du CNRS

En euros

Source : Cour des comptes d'après les données du Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

La progression de ladite subvention (+ 9,7 %) a été moindre que celle de l'ensemble des dépenses de personnel limitatives (+ 18,4 %). Il en résulte, une fois la masse salariale limitative financée, une baisse des crédits de fonctionnement et d'investissement disponibles sur subvention d'État entre 2007 et 2011 (- 99 M€ soit - 18 %).

Au total, dans le périmètre de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, les dépenses de personnel représentent en 2011, 18,1 Md€ correspondant à l’équivalent des deux tiers des dotations.

2 - Une augmentation des crédits des laboratoires malgré une baisse de leurs dotations de base

Les parts respectives, dans les budgets des laboratoires, des ressources versées par l'organisme de recherche au titre de la subvention d'État et des ressources contractuelles obtenues par les équipes de recherche par appel à projets, ont été fortement modifiées sur la période.

Le graphique ci-dessous présente l'évolution des crédits de fonctionnement alloués à l'activité de recherche au CNRS de 2007 à 2011. Il illustre les tendances présentes dans les quatre établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) étudiés :

− une baisse des crédits de fonctionnement issus de la subvention d'État, accentuée au cours des dernières années ;

− une augmentation sensible des ressources externes des activités de recherche. Entre 2007 et 2012, celles-ci sont passées de 270,5 M€ à 394,9 M€, soit une augmentation de 46 %.

En prenant en compte l'ensemble des sources de financement, la dotation de fonctionnement dédiée à l'activité de recherche a augmenté de 18,8 % entre 2007 et 2011. Pour l'INRA, elle a augmenté de 21,6 % entre 2006 et 2011.

Graphique n° 17 : évolution 2007-2011 de la dotation globale non programmée de l'activité de recherche (Agrégat A1) du CNRS

En M€

Source : Cour des comptes d'après les données du Centre national de la recherche scientifique

Les crédits consacrés à l'activité de recherche couvrent différents types de dépenses des opérateurs, notamment la « dotation de base » des laboratoires (c'est-à-dire les crédits à la disposition du directeur de laboratoire qui permettent de financer notamment les achats, les petits équipements, les missions), des enveloppes réservées à des actions incitatives et des crédits d'équipement.

Les modalités d'allocation des moyens financiers aux unités de recherche par les organismes prennent en compte différents facteurs (nombre de personnels actifs en recherche, nature de l'activité notamment). La question du lien entre la performance de l'unité et le calcul de sa dotation reçoit des réponses diverses.

La plupart des universités ont augmenté les dotations de leurs laboratoires en prenant en compte différents paramètres, notamment les évaluations définitives réalisées par l’AERES.

L’allocation des moyens des laboratoires : exemples des universités Paris-Sud et Pierre et Marie Curie

Parmi les grandes universités de recherche, l'université Paris-Sud et l'université Pierre et Marie Curie ont suivi une démarche similaire et utilisent, pour définir les moyens d'une unité, les paramètres suivants : le nombre d'enseignants-chercheurs et de chercheurs jugés « produisants » par l'Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), un coefficient lié à la discipline ou au type de recherche expérimentale ou théorique menée, enfin un coefficient lié à la performance des unités. Les unités évaluées A reçoivent leur dotation théorique, les unités évaluées A+

reçoivent en outre un bonus de 20 % sur leur dotation théorique.

Pour l'université Pierre et Marie Curie, les unités classées B ont une dotation de base diminuée de 20 % et les unités classées C sont restructurées ou fermées. Pour Paris-Sud, 20 % du financement des unités classées B sont conditionnés au respect des recommandations de l'AERES (regroupement avec une autre unité par exemple). Les chercheurs de l’unique unité classée C ont été rattachés à une autre unité de recherche.

Ces deux universités ont par ailleurs fait évoluer leurs dispositifs de crédits incitatifs. L'université Paris-Sud met en œuvre des appels à projets pour l'achat et le fonctionnement d'équipements mutualisés entre plusieurs unités de recherche et pour allouer un « bonus attractivité » qui représente une dotation de fonctionnement pour les enseignants nouvellement recrutés.

Les crédits incitatifs mis en œuvre par l'université Pierre et Marie Curie prennent différentes formes : le programme « émergence » pour soutenir de nouveaux projets de recherche ou de nouvelles équipes en favorisant des thèmes fédératifs ou pluridisciplinaires ; le programme « convergence » pour initier des projets interdisciplinaires associant plusieurs laboratoires sur des thématiques données.

La dotation financière (hors masse salariale) allouée par ces deux universités à l'activité de recherche a globalement augmenté depuis le passage à l’autonomie. L'université Pierre et Marie Curie consacrait 7,9 M€ à l'activité de recherche en 2009 et 10,9 M€ en 2011, ce qui a permis la mise en place des crédits incitatifs et une augmentation de 160 000 € de la dotation de base des laboratoires. De même, l'université Paris-Sud a augmenté de 0,5 M€

la dotation de base des laboratoires (+ 7,4 %).

Cependant, les difficultés financières récentes de ces universités leur ont imposé de réduire les crédits alloués à la recherche. Les critères de répartition du système SYMPA sont en effet contestés par les universités de recherche intensive68 qui considèrent que leurs contraintes particulières ne sont pas suffisamment prises en compte par le système.

Parmi les établissements publics à caractère scientifique et technologique, l'INRA, qui avait instauré un dispositif d'encouragement de ses départements à moduler la dotation des unités selon la performance, a abandonné ce dispositif au profit des méta-programmes, qui constituent depuis 2011 un nouveau mode d’allocation sur projet des crédits à la recherche.

À l'INSERM, la performance des unités fait partie des critères pris en compte. Pour le budget 2013, la dotation des unités a été ainsi modulée selon la performance scientifique des équipes, en prenant en compte, au-delà de la notation de l'AERES, une analyse de leurs publications scientifiques. Pour autant, le calcul de la dotation intègre différents éléments, et la performance n'a pas d'effet automatique.

Selon les EPST, il existe ainsi des mécanismes permettant de lier performance et dotation, mais ceux-ci ne sont en général pas clairement affichés.

En conséquence des réductions de marges de manœuvre liées à l'augmentation de la masse salariale, les dotations de base des laboratoires versées par les EPST ont diminué au cours des dernières années.

Au CNRS, l'enveloppe qui finançait les dotations de base, les crédits incitatifs et les équipements mi-lourds a baissé de 14 % entre 2008 et 201269. À l'INRA, la baisse de l'enveloppe des dotations de base est de

68 Une quinzaine d’universités françaises, très actives en recherche, se sont regroupées depuis 2008 au sein de la coordination des universités de recherche intensive françaises (CURIF).

69 L’analyse porte sur la période 2008-2012, car les évolutions du régime de la TVA pour les EPST sur la période 2006-2007 pourraient fausser l’interprétation des données.

5 %. Cette baisse sensible des dotations de base a fait l'objet de critiques des chercheurs largement relayées lors des assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un rééquilibrage des crédits de l'ANR au profit des organismes de recherche a été opéré dans le budget 201370.

Si cette baisse de la dotation de base des laboratoires est réelle, pour l'ensemble des quatre EPST, les crédits consacrés à l'activité de recherche ont globalement augmenté grâce aux contrats de recherche obtenus par les équipes.

3 - Un défaut de programmation, de suivi et de coordination dans le financement des équipements scientifiques

L'équipement scientifique des établissements de recherche est un élément crucial de compétitivité internationale, comptant à la fois pour la qualité des recherches menées et pour l'attractivité des laboratoires vis-à-vis des chercheurs étrangers.

Le ministère a mis en place des modalités de financement spécifiques des grandes plates-formes sous la forme des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) qui font l'objet d'une programmation budgétaire et d'un suivi particulier.

À l'exception des TGIR, les crédits d'équipement des laboratoires ne font pas, pour l'essentiel, l'objet d'une programmation particulière et sont globalisés avec les crédits de fonctionnement.

Les très grandes infrastructures de recherche (TGIR)

Les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) sont des installations de recherche susceptibles d’assurer une mission de service pour une ou plusieurs communautés scientifiques de grande taille. Leur coût de construction et d’exploitation est tel qu’il justifie un processus de décision et de financement concerté au niveau national, voire européen ou international, et une programmation pluriannuelle des crédits.

Il existe ainsi des structures de dimension internationale telles que le collisionneur LHC du CERN ou le réseau de 64 radiotélescopes ALMA de l'ESO (European Southern Observatory), des structures de dimension européenne comme l'Institut Laue-Langevin ou le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), enfin des structures de dimension nationale comme le synchrotron SOLEIL.

70 Le CEA n’a pas bénéficié de cette mesure, qui n’a concerné que les établissements publics à caractère scientifique et technologique. Par ailleurs, le ministère a annoncé que les universités allaient profiter de la création de 5 000 postes sur cinq ans.

Le financement des TGIR est assuré, soit par les opérateurs de recherche, soit par des structures dédiées. Pour les infrastructures portées par des organisations internationales comme l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (pour le CERN) ou l'Organisation européenne pour la recherche astronomique (pour l'ESO), la participation de la France est apportée directement par le ministère chargé de la recherche.

En 2010, les TGIR ont été financées par la mission MIRES à hauteur de 464,96 M€ sur le programme 172 et de 65,52 M€ sur le programme 187.

En 2011, elles ont été financées à hauteur de 480,82 M€ sur le programme 172 et de 63,14 M€ sur le programme 187.

En termes de programmation, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a adopté un nouveau schéma de gouvernance et de pilotage des TGIR pour élaborer la nouvelle feuille de route française.

Les modalités de programmation budgétaire de ces achats sont variables selon les opérateurs. Au CNRS, une ligne budgétaire

« équipements mi-lourds » était identifiée jusqu'en 2010. Depuis 2011, les crédits sont inclus dans la dotation des laboratoires et ne sont plus suivis de façon centralisée. De 2007 à 2010, les crédits destinés à l'équipement mi-lourd n'ont cessé de décroître, de 26 M€ à 23 M€.

Les procédures d'acquisition des équipements sont aussi caractérisées par un émiettement des sources de financement : universités, organismes de recherche, collectivités territoriales, associations. Les régions financent des équipements et des travaux immobiliers au titre des contrats de projet État-régions : 10 % des dépenses d’intervention des collectivités territoriales (soit 110 M€/an sur la période 2007-2010) concernent l’équipement des laboratoires.

Si les grands laboratoires peuvent trouver les moyens de financer des équipements dans le cadre actuel, tel n’est pas le cas des laboratoires plus petits. Cette quasi-obligation de cofinancement dans un contexte de restrictions budgétaires rend par ailleurs particulièrement complexe, longue et périlleuse l'achat de matériel scientifique. La multiplicité des financeurs est source de délais de coordination et de retards administratifs qui peuvent pénaliser l’activité de recherche. Elle présente également le risque que le désengagement d’un des partenaires fasse échouer le projet d’investissement.

Par ailleurs, même si des solutions de cofinancement sont trouvées pour acquérir un équipement, les coûts de fonctionnement et de maintenance ne sont en général pas systématiquement identifiés.

Du fait même de cette complexité, l’action « équipements d'excellence » du programme des investissements d'avenir a rencontré en

2010 et 2011 un succès important auprès de la communauté scientifique, matérialisé par un très grand nombre de projets de qualité soumis aux deux vagues d’appels à projets. Le succès de ces appels à projets montre les attentes qui existent en la matière et l'absence de couverture satisfaisante du système actuel de financement public.

Enfin, les modalités de suivi des crédits effectivement destinés à l'investissement scientifique dans le budget diffèrent en fonction des organismes et des universités, ce qui obère le suivi des crédits destinés à l'équipement des laboratoires publics. Pourtant, le niveau d’équipement des laboratoires publics situés sur un même territoire devrait constituer un indicateur de pilotage compte tenu de son importance stratégique pour leurs avancées scientifiques et pour la compétitivité des entreprises à travers la mise en place de collaborations adaptées à leurs besoins. En outre, un meilleur suivi permettrait de rechercher des mutualisations.

Un moyen pour remédier à cette situation consisterait à élargir les conditions dans lesquelles les financements de l’ANR couvrent les dépenses d’équipement scientifique, et à ouvrir régulièrement des appels à projets de type Equipements d’excellence (Equipex), en agrégeant éventuellement des financements partenariaux, notamment avec les collectivités territoriales. Il conviendrait également que les acteurs de la politique de la recherche se dotent, par exemple au niveau des alliances, de moyens de suivi consolidé de l’investissement scientifique.