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4. RESULTATS

4.1 L ES FACTEURS D ’ APPRENTISSAGE

4.1.1 Facteurs externes à l’environnement de travail et au dispositif de formation

Ce type de facteurs s’est avéré mineur dans les entretiens d’autoconfrontation mais il semble toutefois jouer un rôle important dans l’acquisition ou la conscientisation d’un apprentissage.

Il s’agit du facteur de comparaison qui, manifestement, aide l’apprenant à se situer dans des situations de la vie professionnelle. Ces facteurs n’entrent ni dans le dispositif de formation à proprement parler, car ils ne sont pas formellement proposés, ni dans l’environnement de travail, car ils font référence à d’autres systèmes de signification que ceux directement possibles sur le terrain.

4.1.1.1 Comparaison avec soi dans la vie privée

Ce facteur est caractéristique du domaine social dans lequel évoluent les apprenants. En effet, il semblerait que la référence et la comparaison à soi (réelle ou imaginée) dans des situations de la vie quotidienne et privée permettent à l’apprenant de mieux saisir les enjeux d’une situation de travail, le plus souvent en lien avec des résidants ou personnes en difficulté. Bien que les comparaisons soient en rapport avec la vie personnelle des apprenants, ce facteur n’entre pas dans la catégorie des facteurs « individuels » parce qu’il s’agit d’un type de mécanisme comparatif, qui n’est pas une composante interne à l’individu, telle que peuvent l’être le niveau de motivation, les émotions ou encore les stratégies personnelles d’apprentissage.

L’apprenant fait référence à sa vie privée ou imagine des exemples de vie privée pour comprendre la douleur ou la situation des personnes qu’il accompagne. Ainsi, Gabriel émet un discours teinté de compréhension à l’égard des résidants souffrant de handicap et ne pouvant faire seuls leur toilette intime :

« Je pense que si moi j’étais à leur place en tout cas c’est ce que j’aimerais. J’aimerais d’abord pouvoir créer quelque chose au niveau des repas, une affinité, voir comment il fonctionne, voir son odeur, son regard, voir comment enfin tout plein de trucs avant qu’il me voie… qu’il me voie tout nu. Sans rien, si je peux pas me protéger, je peux rien faire, c’est lui qui va le faire, donc il faut quand même que je lui fasse confiance.

Et que cette confiance soit rendue. » (Gabriel entretien 1 [G1], Lignes [L] 482-487).

Les apprenants usent de leur faculté d’empathie, compétence dont ils sont pourvus a priori, avant d’entrer en formation, pour saisir le sentiment des résidants. Aline, qui anime certains ateliers pour des personnes âgées, vient confirmer cette qualité empathique par l’expression sincère, avec une pointe de révolte, à propos du sentiment d’individualité que devrait ressentir tout être humain : « parce que moi, personnellement, des fois je me mets souvent à la place et, si tout le temps on est en classe et que la prof s’adresse à tout le monde, j’aurais envie de lui dire "mais est-ce que au moins vous savez comment on s’appelle ? Individuellement ? " » (Aline entretien 2 [A2], Lignes [L] 354-357). Ce mécanisme de comparaison avec soi pour interpréter et saisir une situation de travail est propre aux métiers en relation avec l’humain et semble être possible via l’acquisition d’une faculté d’empathie, indispensable dans l’exercice de tels métiers.

4.1.1.2 Comparaison avec des pairs apprentis

Un autre facteur relevant d’un mécanisme comparatif est celui de la comparaison de situations de travail avec des pairs apprentis. Ce mécanisme de comparaison servirait les apprentis sur deux plans. Le premier est de pouvoir se situer, soit en tant qu’apprenti par rapport aux autres et de valider ou d’invalider sa position d’apprenant ou de professionnel. Le second sert l’enrichissement d’informations ou d’idées, naissant dans les interactions avec les pairs et pouvant s’appliquer dans les situations des apprenants. Ainsi, en illustration du premier plan, l’individu situe ses pratiques de travail ou les pratiques de travail de l’établissement en lien avec celles d’autres apprenants et établissements :

« Par exemple, dans les autres établissements si ils font quelque chose que je vais trouver bizarre qu’ils font dans un établissement, je vais demander pourquoi est-ce qu’on fait pas ça, ouais c’est l’influence des personnes de l’école qui me disent "ah ben nous on fait comme ça et nous on fait pas du tout ça". (A1, L195-199).

Pour illustrer le second plan, l’individu se sert de ses pairs pour en retirer des idées nouvelles pouvant éventuellement s’appliquer dans sa propre pratique de travail et contribuer de fait à un enrichissement à la fois personnel et institutionnel : « C’est vrai qu’on parle beaucoup avec mes collègues de classe et voilà, par exemple, quand on parle des activités on fait un petit tour de table, qui fait quoi, il y a en a qui racontent comment c’est dans leur garderie et puis c’est vrai que ça peut donner des idées » (C1 L545-548). Certaines comparaisons peuvent même encourager l’apprenant à remettre en cause certaines règles institutionnelles qui auraient perdu leur signification, et l’inciter à proposer de nouvelles procédures, comme le montre l’exemple d’Aline :

« Par exemple nous on les lève assez tôt les résidants et puis peut-être dans un EMS ils les lèveront à 10h30 et puis moi je vais demander mais pourquoi aussi tard ? Alors que nous on les lève à 8h par exemple. Alors ils vont me dire, je sais pas : "ils ont envie de se reposer, le temps que après on les douche… " et puis nous on les lève pour qu’ils déjeunent et pour qu’ils dînent donc après, enfin… savoir comment aussi, c’est intéressant aussi d’avoir plus d’idées. » (A1 L 207-212).

A ce stade de l’analyse, nous pouvons déjà repérer l’importance capitale des interactions, lesquelles générent du conflit socio-cognitif et incitent en fait chaque apprenant à la découverte et à l’apprentissage.