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Les facteurs d'apprentissage rencontrés dans la formation des assistant(e)s socio-éducatif(ve)s : des affordances environnementales à l'engagement personnel

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Les facteurs d'apprentissage rencontrés dans la formation des assistant(e)s socio-éducatif(ve)s : des affordances

environnementales à l'engagement personnel

COUTURIER, Léa

Abstract

Qu'est-ce qui influence la construction des apprentissages au travail ? Comment articuler et utiliser différentes formes de savoirs ? Quelles stratégies les personnes utilisent-elles pour apprendre plus efficacement ? Comprendre ces mécanismes permettrait aux professionnels de la formation de mettre en oeuvre de façon explicite les conditions socio-organisationnelles les plus favorables à l'apprentissage. Dans un contexte sociétal l'apprentissage est permanent et où l'adaptation est une condition sine qua none pour évoluer dans son travail, il semble pertinent d'aborder cette thématique...

COUTURIER, Léa. Les facteurs d'apprentissage rencontrés dans la formation des assistant(e)s socio-éducatif(ve)s : des affordances environnementales à

l'engagement personnel. Master : Univ. Genève, 2014

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44070

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LES FACTEURS D’APPRENTISSAGE RENCONTRES DANS LA FORMATION DES ASSISTANT(E)S SOCIO-EDUCATIF(VE)S : des affordances environnementales à l’engagement personnel

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L'EDUCATION - FORMATION DES ADULTES

PAR Léa Couturier

DIRECTEUR DU MEMOIRE Laurent Filliettaz

JURY

Laurent Filliettaz Dominique Trébert Isabelle Bosset

GENEVE JUIN 2014

UNIVERSITE DE GENEVE

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RESUME

Qu’est-ce qui influence la construction des apprentissages au travail ? Comment articuler et utiliser différentes formes de savoirs ? Quelles stratégies les personnes utilisent-elles pour apprendre plus efficacement ? Comprendre ces mécanismes permettrait aux professionnels de la formation de mettre en œuvre de façon explicite les conditions socio-organisationnelles les plus favorables à l’apprentissage.

Dans un contexte sociétal où l’apprentissage est permanent et où l’adaptation est une condition sine qua none pour évoluer dans son travail, il semble pertinent d’aborder cette thématique. Plus spécifiquement, l’étude se centre sur trois apprentis assistants et

assistantes socio-éducatif(ve)s (ASE) en deuxième année, tous engagés dans un processus de formation en alternance de type CFC sur trois ans au total. Sur la base d’un dispositif méthodologique en deux temps, des entretiens pédagogiques entre les formateurs de terrain et les apprentis - suivis d’entretiens d’autoconfrontation avec les apprentis et le chercheur - ont été effectués en vue de comprendre comment évoluent les apprentissages avec le temps et quels sont les facteurs (environnementaux, sociaux, personnels) qui contribuent à leur apparition. A ce titre, quatre principaux facteurs ont été repérés, englobant tous de multiples sous-facteurs. Premièrement, on voit apparaître des facteurs d’influence sans rapport avec le dispositif de formation. Deuxièmement, des facteurs en lien avec les cours théoriques font également leur apparition. Troisièmement, nous trouvons des facteurs en lien avec

l’environnement de travail, où une place importante est accordée au rôle des tuteurs. Et finalement, des facteurs plus personnels sont démasqués, incluant des stratégies personnelles d’apprentissage. Au final, cette étude se veut être une contribution à

l’amélioration du dispositif de formation des ASE, en ce qu’elle propose plusieurs pistes de réflexion et d’ingénierie de formation.

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REMERCIEMENTS

Je souhaite exprimer mes remerciements à tous ceux qui, par leur soutien et leur enseignement, m’ont aidée dans la réalisation de ce mémoire.

En premier lieu je remercie infinement Monsieur Laurent Filliettez, directeur de mémoire, qui m’a soutenue avec efficacité et pragmatisme et ce tout au long de notre collaboration. J’ai particulièrement apprécié le temps accordé à mon suivi ainsi que la qualité de son travail. Je lui suis profondément reconnaissante pour cette aide ainsi que pour toutes ses qualités de professeur, son sens critique ainsi que son travail rigoureux.

Je remercie tout particulièrement les participants (apprentis et formateurs de terrain) qui ont chaleureusement accepté de m’ouvrir leur porte et qui ont participé avec bonne humeur et intérêt aux entretiens menés. Leur disponibilité, leur collaboration ainsi que leur ouverture d’esprit ont été fortement appréciés. Sans ces personnes, ce travail n’aurait pu aboutir.

Je remercie Henry Braun pour ses précieuses corrections et relectures, ainsi que mes amis et ma famille pour leur soutien respectif, leur curiosité sur le sujet et leurs nombreux encouragements. A ce titre, je remercie plus spécifiquement mon amie Laurence Flaction, qui a su me motiver dans la réalisation de ce mémoire ainsi que mon conjoint qui n’a cessé de me soutenir et ce depuis le début de mes études. Je leur adresse à tous mes plus sincères remerciements.

« Les opinions émises dans ce travail n’engagent que l’auteure »

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RESUME

Qu’est-ce qui influence la construction des apprentissages au travail ? Comment articuler et utiliser différentes formes de savoirs ? Quelles stratégies les personnes utilisent-elles pour apprendre plus efficacement ? Comprendre ces mécanismes permettrait aux professionnels de la formation de mettre en œuvre de façon explicite les conditions socio-organisationnelles les plus favorables à l’apprentissage. Dans un contexte sociétal où l’apprentissage est permanent et où l’adaptation est une condition sine qua none pour évoluer dans son travail, il semble pertinent d’aborder cette thématique. Plus spécifiquement, l’étude se centre sur trois apprentis assistants et assistantes socio-éducatif(ve)s (ASE) en deuxième année, tous engagés dans un processus de formation en alternance de type CFC sur trois ans au total. Sur la base d’un dispositif méthodologique en deux temps, des entretiens pédagogiques entre les formateurs de terrain et les apprentis - suivis d’entretiens d’autoconfrontation avec les apprentis et le chercheur - ont été effectués en vue de comprendre comment évoluent les apprentissages avec le temps et quels sont les facteurs (environnementaux, sociaux, personnels) qui contribuent à leur apparition. A ce titre, quatre principaux facteurs ont été repérés, englobant tous de multiples sous-facteurs. Premièrement, on voit apparaître des facteurs d’influence sans rapport avec le dispositif de formation. Deuxièmement, des facteurs en lien avec les cours théoriques font également leur apparition. Troisièmement, nous trouvons des facteurs en lien avec l’environnement de travail, où une place importante est accordée au rôle des tuteurs. Et finalement, des facteurs plus personnels sont démasqués, incluant des stratégies personnelles d’apprentissage. Au final, cette étude se veut être une contribution à l’amélioration du dispositif de formation des ASE, en ce qu’elle propose plusieurs pistes de réflexion et d’ingénierie de formation.

MOTS-CLES

Apprentissage, alternance, langage, stratégies d’apprentissage, tuteurs, trajectoire, objets de savoir

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ... 1

RESUME ... 2

SOMMAIRE ... 3

INTRODUCTION ... 6

1. PROBLEMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE ... 8

2. CADRE THEORIQUE ... 10

2.1APPRENTISSAGE ET TRAVAIL ... 10

2.1.1 Workplace Learning ...10

2.1.2 Le rôle des tuteurs ...12

2.1.2.1 Les interactions langagières : de l’étayage à la mise en récit ... 12

2.1.2.2 Reconnaissance et identification au tuteur : construction du style professionnel ... 14

2.1.2.3 Accès aux experts et guidage : un accompagnement direct et indirect ... 15

2.1.3 Approche située ...15

2.1.4 Participation périphérique légitime et communauté de pratique ...16

2.1.5 Trajectoire d’apprentissage ...17

2.2ALTERNANCE EN FORMATION ... 19

2.2.1 Le statut des savoirs en tension ...19

2.2.2 Des identités en tension ...21

2.2.3 Un outil liant dans l’alternance : le langage...23

3. CADRE METHODOLOGIQUE ... 25

3.1LES PARTICIPANTS ET LEUR CONTEXTE ... 25

3.1.1 Présentation du dispositif de formation des ASE ...25

3.1.2 Présentation des participants ...28

3.1.3 Présentation des institutions d’accueil et des types d’encadrement ...30

3.2COLLECTE DES DONNÉES ... 32

3.2.1 Les données d’enregistrement audio d’entretiens pédagogiques ...33

3.2.2. Les données d’enregistrement audio d’entretiens d’autoconfrontation ...33

3.3TRAITEMENT DES DONNÉES ... 36

4. RESULTATS ... 38

4.1LES FACTEURS DAPPRENTISSAGE ... 38

4.1.1 Facteurs externes à l’environnement de travail et au dispositif de formation...38

4.1.1.1 Comparaison avec soi dans la vie privée ... 39

4.1.1.2 Comparaison avec des pairs apprentis ... 40

4.1.2 Facteurs liés aux cours théoriques et au dispositif de formation ...41

4.1.2.1 Mobilisation des cours théoriques ... 41

4.1.2.2 Référentiel de savoir différencié en fonction des domaines ... 42

4.1.2.3 Intégration d’un référentiel de savoirs dans le discours ... 44

4.1.2.4 Mouvement dialectique entre savoir théorique et savoir de terrain ... 45

4.1.2.5 Construction identitaire ... 46

4.1.3 Facteurs environnementaux liés au travail ...50

4.1.3.1 Importance du tutorat : le rôle des tuteurs ... 50

4.1.3.2 Accès à l’activité et progression ... 56

4.1.3.3 Expérience de type « épreuve » ... 58

4.1.3.4 Planifier et prescrire l’activité ... 60

4.1.3.5 Connaissance de ses limites et de son statut ... 62

4.1.3.6 Connaissance du contexte de travail et des résidants ... 65

4.1.4 Facteurs individuels et stratégies personnelles ...68

4.1.4.1 Inférences liées à la personnalité ... 68

4.1.4.2 Le rôle des émotions ... 69

4.1.4.3 Niveau de motivation et d’engagement ... 70

(7)

4.1.4.4 Stratégies personnelles d’apprentissage ... 71

4.1.4.4.1 Les stratégies dans l’activité de travail spécifique ... 72

a) Aline : rire avec les résidants ... 72

b) Gabriel : prendre le temps, se mettre en retrait ... 72

c) Clara : parler à haute voix aux enfants ... 73

d) Aline : s’adresser individuellement aux résidants ... 73

4.1.4.4.2 Les stratégies d’apprentissage généralisées ... 73

a) La stratégie de relativisation ... 74

b) La stratégie visant à se recentrer dans l’activité ... 74

c) La stratégie d’écriture et de lecture ... 75

d) La stratégie visant à se représenter mentalement l’écrit ou les conseils ... 75

e) La stratégie : voir et faire, résidant par résidant ... 76

4.2DES APPRENTISSAGES EN TRANSFORMATION ... 76

4.2.1 Le cas de Gabriel ...77

4.2.1.1 Etre responsable de l’administration des médicaments ... 77

4.2.1.2 Les repas avec Jeanne ... 78

4.2.1.3 La communication avec ses collègues ... 79

4.2.1.4 Prendre le temps avec une résidante ... 79

4.2.2 Le cas d’Aline ...80

4.2.2.1 La gestion du temps et des silences lors d’activités ... 80

4.2.2.2. S’adresser individuellement aux résidants... 80

4.2.2.3 Réflexe avant la réalisation d’une activité ... 81

4.2.3 Le cas de Clara ...82

4.2.3.1 Gérer les pleurs ... 82

4.2.3.2 La sieste aux soins continus ... 83

4.2.3.3 Le regard des autres et la confiance en soi : en route vers l’affirmation ... 84

5. SYNTHESE ET PERSPECTIVES ... 87

5.1RÉSUMÉ DES RÉSULTATS ... 87

5.2LIMITES DE LA RECHERCHE ... 90

5.3ANALYSE DE LACTIVITÉ ... 91

5.4PISTES DE TRAVAIL EN TERME DINGÉNIERIE DE FORMATION ... 92

5.5PERSPECTIVES DE RECHERCHE ... 95

BIBLIOGRAPHIE ... 97

ANNEXES 1) TABLEAUX SYNOPTIQUES ...102

TABLEAUX SYNOPTIQUES DE CLARA ... 102

Tableau entretien n°1 ... 102

Tableau entretien n°2 ... 104

TABLEAUX SYNOPTIQUES DE GABRIEL ... 106

Tableau entretien n°1 ... 106

Tableau entretien n°2 ... 108

TABLEAUX SYNOPTIQUES D’ALINE ... 110

Tableau entretien n°1 ... 110

Tableau entretien n°2 ... 112

ANNEXES 2) TRAMES DES ENTRETIENS D’AUTO-CONFRONTATION ...115

TRAMES DE CLARA ... 115

Trame n°1 ... 115

Trame n°2 ... 117

TRAMES DE GABRIEL ... 120

Trame n°1 ... 120

Trame n°2 ... 122

TRAMES D’ALINE ... 125

Trame n°1 ... 125

Trame n°2 ... 127

ANNEXES 3) TRANSCRIPTIONS DES ENTRETIENS ...130

TRANSCRIPTIONS DE CLARA ... 130

(8)

Transcription n°1 ... 130

Transcription n°2 ... 146

TRANSCRIPTIONS DE GABRIEL ... 161

Transcription n°1 ... 161

Transcription n°2 ... 180

TRANSCRIPTIONS D’ALINE ... 200

Transcription n°1 ... 200

Transcription n°2 ... 216

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INTRODUCTION

Ce travail de mémoire porte sur les facteurs et stratégies d’apprentissage dans la formation en alternance et plus spécifiquement dans la formation des assistants et assistantes socio- éducatif(ve)s. Aujourd’hui, s’intéresser aux facteurs d’apprentissage devient une nécéssité compte tenu de l’exigence professionnelle qui s’impose à chacun de s’adapter sans cesse au monde du travail, tout en mobilisant des compétences qui varient tout au long de la vie active (Billett, 2009). Par une connaissance supplémentaire sur les influences favorisant les apprentissages chez les apprentis, les formateurs de terrain et les concepteurs de formation sont toujours plus à même de mettre sciemment en place les conditions qui favorisent à la fois ces apprentissages et l’efficacité au travail. Aussi, lorsqu’un organisme de travail décide de mettre en place une formation pour ses travailleurs ou qu’une école professionnelle crée un dispositif en alternance, on s’attend le plus souvent à ce qu’il existe un lien étroit entre l’objet d’apprentissage et le travail. De par leur caractère dual, les formations en alternance offrent ce lien relativement étroit. Cependant, de nombreux apprenants intégrés à cette alternance n’ont pas accès à des aides leur permettant de tisser des liens entre ces deux contextes d’apprentissages (Veillard, 2012). De plus, cette dialectique « théorico-pratique » découle le plus souvent d’un modèle dit « applicationiste » encore très prégnant dans la formation. Ce modèle oppose « réflexion » et « action » comme s’il s’agissait d’éléments incompatibles (Merhan & al. 2007b). Pour Mayen (2002), « la priorité n’est pas à la maîtrise de savoirs scientifiques ou techniques (…), mais la maîtrise de ces unités particulières que sont les situations de travail, complexes, multidimensionelles, différentes d’une entreprise à une autre (…). » (p.106). En d’autres termes, cerner l’essence d’une situation d’apprentissage devient l’enjeu primoridal pour la formation mais n’en reste pas moins une difficulté pour les professionnels du domaine, qui manquent souvent d’outils pour penser et orienter l’analyse de l’activité ou pour créer les liens entre les savoirs académiques et l’activité de travail (Mayen, 2002). Bien sûr, sans omettre que la pratique comporte ses propres types de savoirs et qu’il ne s’agit donc pas « d’appliquer » des savoirs formels dans un lieu de travail (Geay, 2007).

La formation profesionnelle initiale (type CFC) s’appuie sur un dispositif mis en oeuvre par diverses instances de formation : l’école professionnelle, les cours interentreprises et le lieu de travail. Toutes ces instances ont un fonctionnement différent et obligent l’apprenant à s’adapter sans cesse à ces lieux et à articuler les différents types de savoirs entre eux. Ainsi, les processus d’apprentissage en formation professionnelle sont envisagés comme une

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dynamique collective, articulant différentes formes d’accompagnement des novices par les experts (formateurs-terrain, professeurs, professionnels) (Filliettaz, 2012b). A noter que la formation professionnelle possède deux finalités, l’une didactique, l’autre productive (Petit, 2007). Cette double finalité est donc à considérer dans l’apprentissage d’un métier en formation duale, car elle peut être vécue comme une « rupture » dans les apprentissages. Lors de ruptures, des problèmes d’ordre identitaire peuvent émerger. L’apprentissage par alternance, au-delà des savoirs issus de l’école, permet l’apprentissage des savoirs-faire issus du contexte singulier du travail, en d’autres termes, cela permet l’acquisition des « savoirs d’action » (Geay, 2007). A noter que l’alternance produit un rapport au savoir qui n’est pas seulement « juxtapositif » entre des savoirs dits « théoriques » et d’autres dits « pratiques », mais revêt également une dimension « intégrative » (Geay, 2007).

Cette recherche met la focale sur la formation professionnelle de type CFC des apprenti(e)s assistant(e)s socio-éducatif(ve)s (ASE). Cette formation est récente et fonctionne en alternance entre une partie en entreprise, une partie à l’école et une partie en cours inter- entreprise. L’aspect récent de la formation est à prendre en compte dans le sens où l’étude peut mener à cerner davantage ses points forts ou points faibles en vue d’une perpétuelle amélioration. En ce sens, l’étude s’adresse également aux professionnels de la formation ASE, à travers laquelle des pistes sur les conditions de travail les plus favorables aux apprentissages pourraient être exploitées. Ainsi, même si la thématique des apprentissages au travail est abordée en abondance par la littérature scientifique, la thématique analysée dans le contexte de la formation des ASE peut apporter des spécificités sur les apprentissages au travail, notamment sur les conditions d’apprentissage propres aux métiers de l’humain.

Le choix de cette problématique repose également sur une dimension personnelle. En tant qu’éducatrice j’ai vécu une expérience avec une apprentie ASE qui m’a fait réfléchir sur les conditions d’apprentissage en milieu de travail. En effet, c’est en travaillant avec elle sur les apprentissages en situation de travail que je me suis rendu compte qu’il aurait été plus efficace de connaître toutes les conditions favorisant l’émergence des apprentissages, afin de maximiser les opportunités d’apprendre au travail. J’ai moi-même été aussi formée dans un dispositif en alternance et j’ai réalisé que certain savoirs « théoriques » acquis durant les cours n’avaient peu – voire pas – de lien avec la réalité du terrain. A cet égard, je me suis souvent sentie démunie dans mes apprentissages.

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1. PROBLEMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE

Le courant principal sur lequel repose cette recherche est celui de l’interactionnisme social.

Le rôle du langage tient donc une place capitale, tant par le dispositif méthodologique utilisé que par les réponses et les pistes d’action proposées. Aussi cette recherche comporte-t-elle, de par son dispositif méthodologique, une dimension dynamique et longitudinale.

Les questions de recherche auxquelles tente de répondre ce travail sont de trois ordres :

La première question traite de la thématique des affordances environnementales et de l’engagement personnel en formation. Les questions qui en découlent peuvent être formulées ainsi : qu’est-ce qui, en terme de facteurs, favorise les apprentissages au travail chez les apprentis ASE ? Et quelles sont les stratégies d’apprentissage utilisées par les formés lorsqu’ils se trouvent en situation de travail?

La seconde question aborde la thématique de l’alternance en formation. La question est la suivante : dans quelle mesure une formation en alternance offre-t-elle (ou non) la possibilité d’une remobilisation et d’une articulation des savoirs (d’action et théoriques) entre eux ?

La troisième question a trait à la dimension du temps nécessaire à un apprentissage. La question est la suivante : quels sont les facteurs qui favorisent l’évolution ou la transformation des apprentissages ?

A noter que ce travail vise également, dans une certaine mesure, à comprendre en quoi les interactions avec le chercheur ou avec le tuteur contribuent aux apprentissages professionnels.

En lien avec ces questions, différentes hypothèses structurent le travail. La première considère qu’à travers le discours des apprentis sur leur travail, ces derniers dévoilent des éléments liés à leurs apprentissages sur le terrain, qu’il s’agisse d’éléments de stratégies d’apprentissage ou d’éléments liés aux conditions (environnementales, personnelles) les plus favorables pour développer un apprentissage. La seconde hypothèse est liée au rôle du langage ; l’apprenant éclaircit et construit des liens entre les différents types de savoirs dont il dispose lorsqu’il doit parler de sa pratique. La troisième hypothèse met en avant le rôle du temps dans les

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apprentissages en soulignant qu’il y a évolution d’un apprentissage entre deux périodes de temps différentes.

Cette recherche a pour objectif de cerner ce qui favorise la construction des apprentissages

« pratiques » chez les apprenti(e)s ASE en termes de facteurs environnants et personnels et de comprendre quelles sont les éventuelles stratégies mises en place par les apprenants dans ce processus d'apprentissage. Cette étude a pour finalité d'extraire les particularités de ces apprentissages relatifs à la formation, en vue d’appréhender un dispositif d'ingénierie de formation toujours plus adapté à la population bénéficiant de la formation et à ses besoins.

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2. CADRE THEORIQUE

Cette partie présente les concepts théoriques sur lesquels s’appuie cette recherche. Mon cadre théorique est divisé en deux parties principales, toutes deux étayant les principales questions et hypothèses de recherche présentées ci-dessus. La première partie s’attardera sur les facteurs favorisant l’apprentissage au travail où un point sera consacré à l’influence du temps dans des dynamiques d’apprentissage, tandis que la seconde portera sur l’alternance en formation.

2.1 Apprentissage et travail

Ce chapitre vise à mieux cerner la question des stratégies d’apprentissage ainsi que celle des conditions et ressources environnementales et personnelles favorisant le développement d’un apprentissage.

2.1.1 Workplace Learning

Le concept de Workplace Learning apparaît comme le pilier que l’on se doit de mentionner lorsqu’on parle des conditions d’apprentissage et plus spécifiquement d’apprentissage en contexte de travail. La formation des assistants et assistantes socio-éducatif(ve)s se déroule la majeure partie du temps sur le lieu de travail, d’où l’importance de prendre en considération ce concept. Selon Billett, il existe différents facteurs agissant et permettant l’apprentissage en situation de travail (Mornata & Bourgeois, 2012) :

- Les facteurs individuels - Les facteurs interpersonnels

- Les facteurs organisationnels ou situationnels

Les facteurs individuels relèvent des caractéristiques personnelles de l’apprenant. Il s’agit là du niveau d’engagement des personnes, de leur motivation à s’engager ou non dans l’activité et dans l’environnement de travail. Pour Billett, « l’individu utiliserait ainsi ses valeurs et croyances culturelles pour déchiffrer l’environnement et déterminer ce qu’il considère comme le définissant et le motivant dans son environnement » (Mornatat & Bourgeois, 2012, p. 2).

Le contexte de travail est considéré comme « accès potentiel » à l’engagement et ce de manière identique pour tous les apprenants d’un même lieu. C’est la faculté qu’ont ces apprenants à s’approprier le contexte et à s’engager dans les activités de travail (ou non) qui fera la différence. En d’autres termes « il n’est pas possible de considérer un environnement comme motivant en soi, mais il ne peut l’être que pour une personne, dans une situation à un

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moment donné » (Mornata & Bourgeois, 2012, p. 2). Un autre type de facteur entre en étroite combinaison avec ce premier constat ; l’engagement de l’apprenant est possible s’il a accès à des ressources sur son lieu de travail. Une négociation entre le facteur personnel lié à l’engagement de l’apprenant et l’accès à des opportunités d’apprentissage apparaît comme inéluctable. L’apprentissage est donc un processus qualifié d’« interpsychique » selon Billett, dans la mesure où il résulte de conditions à la fois individuelles (valeurs, croyances, intérêt, capacités individuelles, motivation, autonomie, etc.), matérielles (type d’environnement, artefacts) et sociales (interactions, opportunités, accompagnement). Ces facteurs combinés vont déterminer la manière dont les personnes vont interpréter les ressources pertinentes mises à leur disposition mais, au final, malgré les facteurs propres à l’environnement, « ce sont les individus qui médiatisent la construction de leurs savoirs » (Billett, 2009, p. 50).

Les facteurs interpersonnels mettent en avant le statut des interactions comme source d’apprentissage, générant du conflit socio-cognitif et permettant d’entrer dans une forme de régulation psychique ouverte à la découverte et à l’apprentissage. D’autre part, « le sentiment de sécurité psychique qui concerne le crédit que les autres peuvent nous accorder en cas d’erreur (…) » (Mornata & Bourgeois, 2012, p. 7) aurait un certain impact sur l’apprentissage. Ce sentiment semble être l’un des facteurs essentiels qui jouent un rôle dans la régulation des apprentissages parce qu’il prend en charge quatre risques concernant l’image du formé et apparaissant comme des freins potentiels à l’apprentissage. Ces risques recouvrent la sensation « d’être perçu comme une personne ignorante, incompétente, négative ou perturbatrice » (Mornata & Bourgeois, 2012, p. 6). A l’inverse, lorsque le contexte de travail est perçu comme « positif », le formé aura plus de facilité à chercher de l’aide auprès des collaborateurs ou à demander un feedback. La construction d’un sentiment positif de sécurité psychique au sein de son environnement dépend en grande partie des relations interpersonnelles, de la qualité et de la quantité de ces interactions. Nous trouvons également dans les facteurs interpersonnels les modalités d’accompagnement et d’encadrement des formés ainsi que l’accès (ou non) aux experts, les observations des travailleurs en activité, les interactions verbales. En référence aux théories du soutien organisationnel perçu, lorsque le contexte de travail est perçu comme positif ou négatif par l’apprenant, ce dernier ajustera son comportement en fonction de la manière dont il a estimé être reçu et perçu par ses interlocuteurs. Cette norme de réciprocité génère une stabilité du système social qui lui-même dépend des échanges et félicitations reçus de part et d’autre des protagonistes (Gouldner, 1960). Un autre facteur attribué au soutien organisationnel perçu est celui de la

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communication du management ; plus les travailleurs sont informés par les responsables des événements liés à leur travail, plus ils se sentent rassurés et estimés dans leur travail. Ainsi, si l’organisation lui offre son soutien, le travailleur ou le formé se sentira impliqué affectivement envers son entreprise et/ou ses responsables et fera preuve d’un engagement fort dans la formation en vue d’enrichir l’entreprise et ce, tant que la personne perçoit le soutien continu de l’entreprise. Comme le souligne Eisenberger & Huntington (1986), un soutien accompagné d’éloges et d’approbations développe chez les travailleurs un attachement affectif envers l’entreprise : « To the extent that the perceived support also met needs for praise and approval, the employée would incorporate organizational membership into self-identity an thereby develop a positive emotional bond (affective attachment) to the organization » (p. 501).

Enfin, les facteurs organisationnels ou situationnels se situent à plusieurs niveaux ; « la qualité du management, le soutien organisationnel et le rôle de l’environnement matériel et technique » (Mornata & Bourgeois, 2012, p. 9). En plus d’un environnement psychologiquement sécurisant, des espaces physiques et temporels doivent permettre les échanges formels ou informels. A noter que la possibilité de participer à des activités ou à certains types d’activités est une des composantes favorisant l’apprentissage. Les ressources sur la place de travail dépendent du type d’environnement auquel l’apprenant a affaire ; ainsi l’environnement est considéré comme expansif lorsqu’il y a un large répertoire de connaissances à explorer et d’expériences novatrices à tester (Fuller & Unwin, 2004). Aussi le novice est-il reconnu comme étant « apprenant », a-t-il la possibilité d’exprimer ses intentions et son sens critique, est-il accompagné progressivement et a-t-il la possibilité d’expérimenter des changements de posture identitaire. A l’inverse, un environnement considéré comme restrictif limitera les opportunités d’apprentissage et d’évolution, l’apprenant y sera considéré comme un travailleur, souvent comme un exécutant passif. Il bénéficiera alors d’un accompagnement peu marqué et ne pourra donc pas expérimenter des changements de posture identitaire (Fuller & Unwin, 2004).

2.1.2 Le rôle des tuteurs

2.1.2.1 Les interactions langagières : de l’étayage à la mise en récit

Tout comme l’environnement de travail, les interactions peuvent, selon leur fréquence et leur qualité, revêtir un aspect soit expansif, soit restrictif. Les interactions qui ont lieu durant

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l’action du novice permettent une mise en visibilité des savoirs professionnels (Filliettaz, 2012). Pour Olry & Cuvillier (2007), demander à l’apprenti ce qu’il fait lui permet de s’interroger sur le sens de son action entre l’activité qu’il mène et les savoirs qu’il possède.

Mais l’efficacité des interactions langagières dépend également de l’engagement de l’apprenant vis-à-vis de ces ressources et savoirs. La manière dont il écoute son tuteur, dont il valide ou non ses commentaires ou la façon dont il répond aux questions qui lui sont posées, sont autant d’éléments favorisant et enrichissant les interactions avec l’expert. Il s’agit alors d’une construction située entre l’expert et l’apprenant. Nous reviendrons ci-après sur cette notion d’approche située.

Le rôle du tuteur est de favoriser la verbalisation des apprenants et plus spécifiquement par rapport à une expérience de travail significative vécue. Il doit d’abord préparer les conditions propices à l’expérimentation du choc du réel pour en faire une situation expérientielle porteuse d’apprentissage pour le formé. L’apprenant va donc vivre une expérience qui comporte tout d’abord une face active de confrontation directe avec la réalité qui devient pour lui une épreuve au sens où il y a rupture de représentation et où il tente de construire des significations nouvelles pour cerner les nouvelles données de la situation (Geay, 2007). Par la suite, le formé entre dans la face passive suite à l’expérience vécue, c’est-à-dire qu’il est capable de remobiliser le savoir extrait de son expérience antérieure pour mieux appréhender les situations nouvelles et similaires qui se présentent à lui (Geay, 2007). Mais pour que l’expérience soit formatrice, le tuteur va favoriser les échanges de pratique dans la situation vécue par l’apprenant et la prise de conscience par un travail de verbalisation. Ainsi, comme le souligne Filliettaz (2012), les apprentissages et le développement ont lieu dans des situations posant problème et, du fait qu’il y a interaction, cela permet à l’apprenant de mettre en ordre sa pensée et de développer des apprentissages. Pour Vanhulle (2012), les interactions avec le formateur par la mise en récit de l’activité expérimentée est un outil permettant l’explication de son travail par une description de la situation, par la compréhension de la situation de travail et, enfin, par la constitution objective du travail. L’expert accompagne le novice également par un étayage visant la conduite de l’activité. Lorsque l’apprenant se situe dans une situation difficile, l’expert lui vient en aide par des interactions d’assistance et par la transmission d’un savoir nécessaire à la réalisation de la tâche. L’expert va attirer l’attention sur les éléments non perçus par l’apprenant et qui pourtant permettent l’accomplissement de la tâche (Filliettaz, 2012). Ce concept d’étayage développé par Bruner, s’articule à la zone proximale de développement de Vygotsky dans le sens où cette zone « caractérise un mode

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d’accompagnement de sujets inexpérimentés par des sujets connaissant, dans le but de rendre les premiers capables et autonomes » (Kunégel, 2005, p.129).

2.1.2.2 Reconnaissance et identification au tuteur : construction du style professionnel Le tuteur possède également un rôle de « modèle » professionnel permettant à l’apprenant de s’identifier à cette personne experte. Or, si l’apprenant ne reconnaît pas le maitre en position d’expert, la transmission ne peut se faire. Dans le même temps, l’apprenant est à la recherche de reconnaissance vis-à-vis de ses pairs (collègues, tuteurs). Ainsi, « le développement des compétences est donc tributaire des signes de reconnaissance échangés dans le couple apprenti-maître » (Olry & Cuvillier, 2007, p. 52). Dans une telle dynamique, l’apprenti sera à même de revendiquer son appartenance au métier ainsi que ses qualités professionnelles pour

« dépasser les attributions d’identité venant d’autrui » (Olry & Cuvillier, 2007, p. 54).

Lorsqu’il aura acquis suffisamment d’assurance dans la place qu’il occupe, l’apprenant qui s’est initialement identifié à l’expert, sera capable de se distancier progressivement de cet autrui significatif pour s’en affranchir complétement et devenir « lui ». En d’autres termes,

« apprendre en situation suppose donc que chaque apprenti introduise une distance au modèle pour devenir lui-même, passant de l’identification à l’identisation, capacité "à se défaire d’une histoire d’identifications successives […] pour se faire soi" » (Olry & Culvillier, 2007, p. 59, cité par Tap, 1986). C’est aussi de cette manière que se développe l’autonomie au travail qui peut être comparée au style professionnel. Le style professionnel se construit à travers cette phase préalable de « dépendance sociale » où l’apprentissage est le fruit d’une pratique sociale et d’une communauté de pratique spécifique représentant, le genre professionnel (Durand, 2012a). En effet, « le genre est en quelque sorte la partie sous-entendue de l’activité, ce que les travailleurs d’un milieu donné connaissent et voient, attendent et reconnaissent, apprécient ou redoutent ; ce qui leur est commun et qui les réunit sous des conditions réelles de vie » (Clot & Faïta, 2000, p. 11). Tandis que le style professionnel est la manière personnelle de s’affranchir du travail qui, à son tour, pourra influencer les genres professionnels par des transformations réciproques. Et l’apprenant établit son propre style dans la mesure où il a la possibilité de verbaliser son activité de travail, ce qui lui permet dès lors son développement personnel et professionnel.

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2.1.2.3 Accès aux experts et guidage : un accompagnement direct et indirect

Un autre facteur relevant du tutorat est celui de l’accès aux autres et aux activités sous la forme d’accompagnements directs ou/et indirects. L’accompagnement direct regroupe les interactions verbales ou non verbales avec les autres qui peuvent prendre diverses formes (entretiens, feedback, consignes, guidage) tandis que l’accompagnement indirect englobe les observations des pairs en activités ou la participation passive à des conversations (Filliettaz, 2008b). L’accompagnement direct par ses situations potentielles de développement, incite le novice à réfléchir et à répondre à des questions auxquelles il n’aurait pas pensé seul. De nouveau, nous pouvons souligner l’importance des interactions langagières et de la mise en récit de l’activité (Filliettaz, 2012). Le rôle des autres va alors aider à agir et à orienter l’action du novice (Mayen, 2002). En ce sens, les moments de guidage avant et après l’action semblent constituer des maillons essentiels à l’apprentissage. En effet, le moment de guidage avant l’action sert à définir les buts de celle-ci et le moment de guidage en aval sert à établir un bilan sur l’action menée à travers l’évocation des difficultés rencontées, les manières de faire divergentes, les conséquences à en tirer. A noter que ces échanges sont tributaires d’un environnement fournissant des espaces physiques et temporels puisque « ces échanges s’effectuent dans et par une mise à distance spatiale et temporelle de l’action » (Mayen, 2002, p.88).

2.1.3 Approche située

Lorsqu’un apprenant intègre un savoir issu du travail, celui-ci est imprégné d’une valeur

« strictement locale » dans le sens où c’est l’action entreprise qui donne au sujet un point de vue sur le monde de par la réalité matérielle et sociale environnante avec laquelle il se doit de composer. En ce sens, l’activité est située (Olry & Cuvillier, 2007) et l’apprentissage prend forme à travers l’action d’autant plus lorsque l’apprenant est engagé (Filliettaz, 2008b). C’est la situation spécifique vécue qui va permettre l’apprentissage car elle est porteuse de savoirs acquis et propres au contexte de travail. L’environnement de travail fournit ainsi, soit des contraintes, soit des ressources (matérielles, humaines, sociales) par les objets et artefacts déposés. C’est alors au formé de saisir ces opportunités et de construire l’action à partir de celles-ci (Olry & Cuviller, 2007). En ce sens, la cognition humaine est à la fois contextualisée du fait de sa valeur locale et matériellement ancrée à travers les objets environnants, constitutifs de la situation ; « les processus cognitifs sont en ce sens indissociables de l’action

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et des situations dans lesquelles ils prennent place » (Duc, 2012, p. 59). Puisque c’est à l’individu de saisir ces opportunités de construction de l’action, le facteur d’engagement est alors sollicité et apparaît comme primordial dans le processus d’apprentissage. L’apprenant va analyser la situation dans laquelle il se trouve et activer un raisonnement de type « cognition située » où ses décisions seront prises en fonction des activités réelles et propres à la situation de travail en vue de « régler » de manière « pratique » la situation en cours (Filliettaz, 2008b).

Il va s’engager dans un processus réflexif en lien avec l’activité particulière ; il y a donc couplage entre l’apprenant et son contexte de travail dans l’élaboration du savoir.

2.1.4 Participation périphérique légitime et communauté de pratique

Du rôle des tuteurs découlent aussi des stratégies d’accompagnement basées sur la progression et sur la participation périphérique légitime. Ainsi, le formé qui débute dans un milieu de travail ne commencera pas par effectuer les tâches complexes et propres au métier.

Il lui sera assigné des tâches qualifiées de « simples » et en marge de la communauté de pratique à laquelle il tend à appartenir. Par la suite, plus il participera, plus il sera considéré comme un membre de la communauté de pratique et aura accès à des tâches de plus en plus complexes. Ainsi, la participation ou l’engagement est l’élément essentiel pour accéder à la fois à la communauté et aux savoirs la régissant (Filliettaz et al., 2008a). Une transformation identitaire aura lieu en fonction de la place qu’occupe l’apprenant et en fonction de la place donnée par la communauté de pratique, ce qui est possible par un jeu de mouvement vers le centre de la communauté (Filliettaz et al., 2008a).

La participation périphérique légitime recense six formats types de progression allant d’un mode d’organisation en tandem à un mode d’organisation autonome: 1. La familiarisation, 2.

La familiarisation avancée, 3. La transmission, 4. La mise au travail assistée, 5. La mise au travail semi-assistée, 6. La mise au travail autonome (Kunégel, 2005). Chaque format situe le niveau de l’apprenti en fonction de sa zone proche de développement, soit les zones d’apprentissage possibles en « ce qu’un individu est capable de faire avec l’aide de quelqu’un et qu’il pourra faire seul par la suite » (Mayen, 2002, p. 90-91).

Un autre élément découlant de la participation périphérique légitime et en lien avec l’apprentissage au travail est celui de communauté de pratique. Ce concept a été développé dans le champ de l’anthropologie culturelle par Lave et Wenger en 1991. Pour ces auteurs, il

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existe des rapports entre l’existence des savoirs et l’existence de la communauté dans laquelle s’exercent ces savoirs. Ces communautés représentent les groupes sociaux qui partagent la même activité. C’est à travers la participation à des pratiques sociales d’une communauté que le nouveau membre développe des apprentissages faisant partie intégrante des pratiques de la communauté (Duc, 2012). Pour ces communautés, il n’existe pas de savoir sans la pratique, car l’apprentissage est situé, il est alors assimilé à une construction de pratiques socialement valorisées et approuvées par la communauté (Charlier, 2012). Cependant, le fait d’apprendre transforme la position du sujet au sein du groupe car il acquiert des savoirs légitimes qui vont être perçus d’une certaine manière par le groupe, ce qui va engendrer un déplacement de la position identitaire (Filliettaz, 2008b). Il y a donc un lien étroit entre processus d’apprentissage et dynamique identitaire puisque c’est en progressant dans les types d’activités confiées que l’apprenant se rapproche de la communauté de pratique et devient un

« professionnel ». La notion de « périphérie » émise par le concept de participation périphérique légitime renvoie à cette évolution dans le temps des rapports de l’apprenant avec la communauté de pratique et de sa position au sein du groupe (Duc, 2012). C’est à travers des expériences que la participation de l’apprenant progresse vers le centre de la communauté, traçant une trajectoire en évolution constante (Duc, 2012), ce qui nous amène au concept de trajectoire d’apprentissage.

2.1.5 Trajectoire d’apprentissage

Comme on a pu le voir précédemment, il existe un lien étroit entre les processus d’apprentissage et la dynamique identitaire de l’individu en formation. Dans ce chapitre, nous nous pencherons sur le concept de « trajectoire » pour comprendre comment les apprentissages se forgent et les identités se modifient au fil du temps et des interactions. Ce concept englobe la notion de « temps » nécessaire dans la construction d’un apprentissage.

Cette approche par la trajectoire a l’avantage de cerner les dynamiques de changement et l’évolution des modalités de participation des apprentis par rapport aux activités de travail dans lesquelles ils sont engagés (Duc, 2012). Analysé dans l’optique de Strauss, ce concept de trajectoire prend en considération à la fois la notion de temps et les interactions qui contribuent directement à l’évolution d’un phénomène dans le temps (Duc, 2012). A ce titre, Wortham ajoute la dimension supplémentaire qu’est la construction identitaire possible à la fois grâce au temps écoulé et grâce aux interactions émergentes dans les contextes d’apprentissage (Duc, 2012). A noter qu’une trajectoire permettant la construction identitaire

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des individus n’est pas fixe et qu’un événement influençant la position (identitaire) de l’individu peut venir offrir une nouvelle orientation à sa trajectoire (Duc, 2012). Ce qui signifie que les trajectoires sont de nature « modulaire » et « imprévisible », puisqu’elles émergent dans le temps selon les interactions et les évènements. Mais l’individu aussi est un des facteurs qui contribuent à façonner sa trajectoire et à la transformer en établissant des liens entre les ressources environnantes qu’il puise (de Saint-Georges, 2008). Si l’individu possède un « pouvoir » sur la façon de faire évoluer sa trajectoire d’apprentissage, il semble que les apprentissages considérés comme « durables » aient le « pouvoir » de façonner l’individu dans sa personnalité et sur ses modes d’action (de Saint-Georges, 2008). On observe alors un effet rétroactif de l’individu changeant dans et par ses apprentissages. Mais comment un apprentissage devient-il durable et comment contribue-t-il à façonner l’individu ? De Saint-Georges (2008) s’interroge alors sur les effets que les expériences passées ont sur le présent ; en quoi certaines expériences antérieures permettent d’appréhender la réalité pour le « ici et maintenant » ? Pour cette auteure, « la signification d’une action (A) résulte simultanément de la relation qu’elle entretient avec d’autres actions passées ou à venir (…) » (de Saint-Georges, 2008, p. 163). En d’autres termes, l’activité vécue dans le présent est possible parce qu’elle découle à la fois d’activités passées ayant permis cette transition vers celle du présent et représente en même temps le point de départ pour l’élaboration de futures activités. A cela s’ajoute la dimension des différents empans temporels venant constituer l’entier d’une activité ou d’un apprentissage. A ce titre, de Saint- Georges (2008) se questionne ; « comment des rencontres sur le temps court ou très court s’additionnent-elles pour constituer la somme des apprentissages de toute une vie ? » ou encore « comment des formes de participations locales peuvent être à l’origine de dynamiques identitaires plus générales ? » (p. 171). L’individu intègre différents évènements

« microscopiques » ou « situés », qui permettront de forger sa trajectoire identitaire sur le long terme. Nous parlons alors de « trajectoire située » au sens où l’individu exerce une activité dans un contexte spécifique et au sens où elle s’inscrit dans une unité temporelle large impliquant la compilation successives d’actions locales (de Saint-Georges, 2008). Enfin, le concept de « trajectoire située d’apprentissage » regroupe « différents épisodes et passe par différentes phases au cours desquelles les apprenants s’engagent avec des objets de savoir » (de Saint-Georges, 2008, p. 177). A nouveau nous pouvons faire le lien avec la participation périphérique légitime qui englobe un certain nombre de « phases », elles-mêmes englobant différents « épisodes » locaux qui sont autant d’occasions pour le formé d’expérimenter différents rôles dans l’activité (observateur, acteur, relais de l’explication) en fonction des

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étapes relatives à l’activité endossée (temps de l’explication, temps de l’expérimentation, temps des échanges entre pairs) (de Saint-Georges, 2008).

2.2 Alternance en formation

Dans ce chapitre, il s’agira de cerner en quoi un dispositif de formation dual, tel que l’on retrouve dans la formation des assistant(e)s socio-éducatif(ve)s, peut être générateur de tensions de part les différents types de savoirs qui sont mobilisés dans les différentes sphères du système (école et lieu de travail). Pour ce faire, il apparaît comme indispensable de définir ce que l’on entend par « savoir » et d’en déterminer les fonctions dans un dispositif de formation. Ensuite, il s’agira de comprendre de quelle façon évolue l’identité de l’apprenant en rapport à ce dispositif dual et quelles représentations de soi il est à même de se faire par les différents champs d’activités qu’il traverse. Enfin, des pistes interactionnelles seront présentées comme outil permettant la liaison entre les deux pôles de l’alternance. Au final, l’idée est de dépasser le clivage « théorie – pratique », encore prégnant dans le modèle

« applicationniste » de la formation, et d’explorer en quoi ce hiatus génère une mise en tension à la fois dans les savoirs et les identités (Merhan & al., 2007b).

2.2.1 Le statut des savoirs en tension

Apprendre en situation de travail génère bien souvent des tensions marquées par le clivage entre « théorie » et « pratique ». D’un côté les capacités cognitives de l’apprenant sont stimulées par la production d’un discours orienté vers l’objectivation et de l’autre, le rapport à la réalité du métier ancré dans l’expérience singulière est sollicité (Vanhulle, 2012). Or, cet écart à priori problématique devrait être repensé comme une particularité du dispositif favorisant le rapport dialectique entre ces deux sphères plutôt que comme un « gouffre » ou un « écart » inéluctable à la formation duale (Vanhulle, 2012).

Pour comprendre en quoi cet écart peut être perçu comme problématique, il convient de définir les différents types de savoirs régissant ces sphères. Pour Mialaret (2011), qui étudie les savoirs théoriques, scientifiques et d’action en éducation, le savoir théorique pour les éducateurs se réfère aux textes, aux idéologies pédagogiques, à l’ensemble des réflexions ou des savoirs d’actions liés à la pratique. Le savoir empirique est, quant à lui, perçu comme un savoir particulier et local. Pour Barbier (2011), l’acquisition d’un savoir passe par les

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discours, qu’ils soient d’action ou théoriques. La différence réside dans l’aspect situé ou général ; les discours d’action s’adressent à des auditeurs situés contrairement aux discours théoriques qui, eux, s’appuient sur des concepts généralisateurs. Barbier use des concepts de modèle « déictique » pour décrire l’action renvoyant à une situation concrète et du modèle

« universel » renvoyant à l’élaboration d’un discours construit hors de toute situation et s’appuyant sur des concepts (Barbier, 2011). Geay (2007) apporte un éclairage sur ces savoirs d’action qui renvoient à la situation de travail concrète. En effet, les savoirs transmis sur le terrain sont d’une nature telle qu’ils ne peuvent être directement transmissibles du fait qu’ils revêtent un caractère ambigu relevant de l’expérience, des savoirs de sens commun, des savoirs ordinaires et « produits pour soi dans l’action » (Geay, 2007, p. 31). Ces savoirs ont un statut implicite, tacite, voire caché et ne sont que peu verbalisés. Pour sa part, Durand (2012b) distingue les savoirs déclaratifs des savoirs procéduraux. Les savoirs déclaratifs sont de nature consciente tandis que les savoirs procéduraux sont moins conscients et sont le plus souvent « stockés » sous forme de règles ou de programmes. Ce sont eux qui par la suite deviennent des « automatismes ». A noter que Mialeret (2011), distingue l’acquisition d’un automatisme de celle d’un savoir ; pour cet auteur, toute action produit un savoir, excepté dans le cas des automatismes qui, selon lui, sont du ressort des expériences, lesquelles représentent elles-mêmes « l’ensemble d’informations, de connaissances, d’attitudes acquises par un individu au cours de son existence par l’observation spontanée de la réalité et de ses pratiques, le tout intégré progressivement à sa personnalité » (Mialaret, 2011, p. 165). Quant aux différentes fonctions des savoirs, Durand (2012b) les décrit en corrélation avec sa définition des savoirs déclaratifs et procéduraux; les fonctions des savoirs peuvent être de deux types : une fonction de connaissance ou de représentation du monde ainsi qu’une fonction de structuration et de régulation de l’action. Cette distinction de fonction des savoirs peut être directement reliée à la distinction de finalités des sphères de l’alternance ; d’un côté nous trouvons une finalité didactique reliée à la sphère « théorique » et, de l’autre, une finalité productive reliée à la sphère du travail (Veillard, 2012), les types de savoirs ayant d’une part une finalité de compréhension sur le monde et, d’autre part, une finalité pragmatique orientée vers l’efficacité pour l’action (Veillard, 2012). Ces deux dimensions de l’activité génèrent un écart et une tension entre les savoirs orientés vers « l’agir versus l’analyse de cet agir » (Merhan et al., 2007a, p. 8). Or, si cet écart peut être perçu comme un problème par le décalage qu’il impose, certains auteurs proposent de le voir comme une particularité du système de formation en alternance et de prendre en compte ce hiatus pour permettre de générer de l’apprentissage. A ce titre, Merhan et al. (2007a), proposent d’appréhender le

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dispositif dual comme ayant pour fonction de relever ces écarts entre « travail prescrit » et

« travail réel » afin de les utiliser comme potentiel d’apprentissage. Pour ces auteurs, l’idée est de tisser des liens et de « permettre la construction autonome de compétences par

"couplages auto-organisateurs" entre acquisitions scolaires ou académiques et les apprentissages du travail » (Merhan et al., 2007a, p. 27). Ce décalage entre « théorie » et

« pratique » semble indispensable pour saisir les tensions ; parce qu’il est porteur de savoirs, eux-mêmes fondés sur le dépassement de ces tensions affectives et cognitives (Vanhulle &

al., 2007). Pour Vanhulle (2012), le problème n’est donc pas cet écart entre les deux pôles de l’alternance, mais le rapport dialectique qui devrait s’établir entre ces deux sphères de la formation. Mialaret (2011) vient confirmer cette idée car, pour lui, c’est en confrontant savoir empirique et savoir scientifique qu’il y a enrichissement pour le formé. Les types de savoirs étant l’un et l’autre nécessaires par leur mouvement réciproque à la construction de compétences; « je sais donc j’agis et j’agis parce que je sais » (Merhan et al. 2007a, p. 13).

Nous reviendrons plus loin sur ce qui peut permettre une articulation forte entre les deux pôles du système de formation. Toutefois, un système basé sur l’alternance offre à l’apprenant la possibilité de se connaître et de développer son identité professionnelle (Merhan et al., 2007a). Comme le souligne Petit (2007), l’alternance s’apparente comme étant la base d’une articulation entre dynamique cognitive et identitaire, ce qui nous amène à présent à développer la question suivante : dans quelle mesure l’identité en construction de l’apprenant se forme via cette mise en tension du dispositif de formation en alternance ?

2.2.2 Des identités en tension

Précédemment, nous avons évoqué de quelle manière la particularité d’un dispositif dual génère à la fois de l’écart et possède les ressources nécessaires pour dépasser ce clivage et le transformer en une spécificité du système permettant l’enrichissement du savoir et de la posture du formé. Dans ce système, l’identité de l’apprenant est mise à l’épreuve par les tensions découlant du dispositif en alternance. En effet, selon Cohen-Scali, la formation en alternance alimente deux cultures différentes qui obligent les apprenants « à concilier en permanence des valeurs très différentes, à développer tour à tour des rôles sociaux opposés et à adopter des statuts variés » (Kaddouri, 2008, p. 177-178). Des sentiments contradictoires peuvent alors apparaître pour les jeunes engagés dans un tel dispositif et générer des conflits de rôles. Ainsi, l’alternance contraint les apprenants à se confronter à une double transition : une transition « fonctionnelle » liée aux deux lieux de formation, dans une temporalité différente et avec une logique formative distincte, et une transition « identitaire » liée à ces va

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et vient entre ces deux lieux dont les cultures sont diamétralement différentes, voire opposées.

Dans un tel contexte, l’apprenant se voit forcé d’assumer successivement de nouveaux rôles (Kaddouri, 2008). C’est justement dans ces transitions « fonctionnelles » que l’apprenant va opérer des changements sur la représentation de lui-même et du monde, initiant dès lors des remaniements identitaires (Kaddouri, 2008). Ainsi et comme le résume Cohen-Scali, l’alternance est une période de transition identitaire nullement aisée parce qu’elle est « une période difficile faite de ruptures et de contradictions induisant des sentiments d’inconfort psychologique, de dissonances entre différentes représentations de soi » (Kaddouri, 2008, p.

177, cité par Cohen-Scali, 2000). C’est la rencontre de ces différentes cultures qui va permettre la construction de la représentation de soi à travers les multiples identités endossées Aussi et selon Martucceli (2008), l’individu dispose de plusieurs identités qu’il « endosse ».

Ces identités sont issues des multiples positions et peuvent se révéler parfois contradictoires.

Ainsi, pour des apprenants en formation duale, ces derniers vont mobiliser des dimensions identitaires en fonction du champ d’activité dans lequel ils se situent. A noter qu’en fonction des enjeux identitaires émergents, il peut y avoir tension identitaire (Kaddouri, 2006). Mais les représentations de soi permettant l’évolution identitaire dépendent également du niveau de motivation des formés. Chaix (1996) distingue les stagiaires dits « déterminés » des stagiaires dits « indéterminés ». Les stagiaires déterminés possèdent un projet qui a lui-même une influence directe sur la manière dont ils vont utiliser l’alternance et en tirer du savoir. Ces types de stagiaires « ont hâte d’être utiles et d’avoir une activité finalisée socialement » (Chaix, 1996, p. 114). Pour ces apprenants, l’écart perçu entre les deux pôles du dispositif de formation est un élément dont ils vont pouvoir tirer un apprentissage, à l’inverse des stagiaires

« indéterminés », qui eux perçoivent l’écart comme un « handicap » les empêchant d’affronter la réalité du terrain (Chaix, 1996). Les représentations de soi dans l’identité dépendent aussi de la manière dont l’apprenant va négocier son identité en rapport aux autres ; « cette perception de soi est constamment médiatisée par le regard d’autrui (réel ou intériorisé), par le discours de l’autre » (Lipiansky, 2008, p. 37). En effet, l’identité de la personne se définit dans la relation à autrui aidée par les stimuli qu’apportent les interactions, en vue de se définir (Lipiansky, 2008). Pour construire son identité, l’apprenant va activer des stratégies complexes à la fois basées sur la valorisation de soi en vue de se distinguer du groupe et en même temps des stratégies de reconnaissance sociale en vue de s’affirmer comme

« similaire » au groupe (Lipiansky, 2008). Le jugement que portent les autres sur l’apprenant est également un élément influençant la construction identitaire, puisque l’apprenant va évaluer le jugement des autres à son égard en fonction de la perception qu’il a de lui-même,

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perception elle-même développée via la comparaison avec les autres (Lipiansky, 2008). Dans le même sens, la personne s’imagine dans le regard des autres et, par cet exercice, anticipe les jugements que l’on peut porter sur elle. On parlera alors de « soi reflété dans un miroir » ; jugement projeté de l’image de soi dans les yeux d’autrui et influençant directement les sentiments liés à la conscience de soi (fierté, gêne, honte…) (Lipiansky, 2008).

Les tensions qui émanent du dispositif de formation dual doivent viser la construction identitaire des individus et ce, d’autant plus que ce dispositif possède la particularité d’articuler trois pôles formatifs (Ecole, cours interentreprise, lieu de travail). Ainsi, comme le souligne Merhan :

« in fine, il s’agit de penser et de mettre en œuvre un modèle de formation susceptible de stimuler les étudiants à combiner un parcours de vie, une logique de trajectoire sociale et une logique d’apprentissage, au-delà même d’une finalité adaptative. La visée formative s’inscrit ici dans une intentionnalité privilégiant des fins d’émancipation et de construction d’une identité sociale et professionnelle » (Kaddouri, 2008, p. 184).

2.2.3 Un outil liant dans l’alternance : le langage

Ci-devant, nous avons développé la question de savoir dans quelle mesure les différents types de savoirs exploités dans les sphères du système généraient un hiatus dont le dispositif d’alternance devrait s’emparer pour permettre le rapport dialectique entres ces deux sphères.

En effet, pour Veillard (2012), « très nombreux sont encore les apprenants, dans différents pays, qui vivent une alternance faite de successions de périodes d’enseignement académique et de travail, sans rien pour les aider à tisser des liens entre ces deux contextes d’apprentissage » (p.158-159). A l’inverse, un rapport logique entre les deux sphères favorise la confrontation entre les différents savoirs et de fait permet l’enrichissement pour le formé.

Suite à cela, nous avons souligné le rôle primordial de l’alternance dans la construction des identités. A présent, il est nécessaire de revenir sur ce qui organise une articulation dialectique entres les deux pôles du système. Pour ce faire, il convient de se demander ce qui favorise un enrichissement à travers l’exploitation de l’écart entre ces deux pôles de l’alternance. Nous retrouvons à nouveau la perspective interactionnelle dans l’apprentissage, puisque c’est le langage qui va permettre la mise en forme de ces apprentissages. Pour Pastré (2005), « le langage rend la perception objective, il organise l’informe. En construisant des significations,

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il permet de sortir de "l’ici et maintenant" » (Petit, 2007, p. 93 cité par Pastré, 2005). Merhan et al., (2007a) valident ce point de vue puisque pour ces auteurs il s’agit de repérer les écarts par la description des situations vécues, ce qui permet de donner un sens à ce vécu. Vanhulle (2012) quant à elle, use de la notion d’expérience pour inviter le formé à mettre en récit son activité expérienciée, dans un esprit de co-construction avec le formateur, le tout orienté vers un objectif d’explicitation, de compréhension et d’objectivation du travail. Une nouvelle fois, l’expérience racontée semble primordiale dans l’élaboration des savoirs, comme le souligne Durand (2012b) ; « les savoirs se construisent de et par une mise à distance cognitive de l’expérience, dans des rapports complexes entre action et réflexion » (p.74). C’est ainsi que le retour sur l’action réalisée offre la possibilité pour le formé de transformer ses actions puisqu’il développe une « connaissance sur son action » (De Terssac, 2011). A noter que cette prise de conscience de sa propre pratique développée grâce à la verbalisation de l’expérience, sera intégrée différemment par les individus en fonction de la façon dont ils s’approprient, analysent et comprennent la situation vécue. La compétence de « savoir-dire » devient alors une condition sine qua non pour construire les savoirs pour et sur l’action. Cette compétence est possible à travers les activités d’échange qui, elles-mêmes, « supposent la production et la mobilisation de savoirs d’action "langagière" ou "d’interaction" : stratégie d’influence, gestion de la parole, etc. » (Galatanu, 2011, p. 116). Par exemple, les méthodologies d’explicitation du travail, telles que les entretiens d’autoconfrontation où l’on demande au travailleur de décrire sa situation de travail par le biais d’un matériel (audio, sono) récolté, ou encore par les entretiens d’explicitation où l’apprenant est guidé par un ensemble de questions visant à se souvenir des déclencheurs sensoriels liés à l’action vécue (Clot, 1999), ont pour point commun de favoriser les mécanismes de prise de conscience et d’apprentissage via une posture réflexive (Filliettaz, 2008b). Ces techniques permettent alors d’exploiter le langage comme ressource de l’apprentissage et de donner un sens direct à l’alternance en formation et au décalage généré: « alors, le langage, loin d’être seulement pour le sujet un moyen d’expliquer ce qu’il fait ou ce qu’il voit, devient un moyen d’amener autrui à penser, à sentir et agir selon sa perspective à lui » (Paulhan, 1929, cité dans Clot & al. 2001, p. 23).

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