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Exécution des décisions étrangères

La coopération interétatique peut intervenir à la dernière phase du processus pénal, à savoir une fois qu’une décision a été prononcée. L’exécution des décisions étrangères91 est une forme de coopération par laquelle l’Etat requis met en œuvre une décision sentencielle ou pré-sentencielle prononcée dans l’Etat requérant92. L’exécution de la peine emporte avec elle le prononcé de toute décision nécessaire à cette exécution. La peine sera considérée avoir été prononcée dans l’Etat d’exécu-tion, et c’est aussi cet Etat qui se chargera des éventuelles modifications en cours d’exécution, d’une remise de peine ou encore d’une libération conditionnelle93. La délégation de l’exécution peut prendre différentes formes94. Lorsque la décision prononcée à l’étranger prévoit une peine, elle est exécutée telle quelle, après avoir été adaptée. Lorsque qu’en revanche seule la culpabilité est établie, le prononcé de la peine devra se faire dans l’Etat d’exécution, en application des règles de ce dernier.

Cette deuxième forme, rare en pratique, permet d’éviter la problématique de l’adaptation, voire la conversion de la peine95. Une peine prononcée à l’étranger peut ne pas être assimilable telle quelle dans l’Etat d’exécution. Tel peut être le cas

Offences Act (1957:668) portant sur l’extradition vers les Etats tiers.

88 Art. 5 Lov om nordisk arrestordre a contrario ; romanDer, p. 561 ; stranDbakken, p. 369-370.

89 foDe in Schermers, p. 64 ; stranDbakken, p. 368-369.

90 Voir les informations données au sujet du MAN par le gouvernement suédois, disponibles sur http://www.regeringen.se/sb/d/2710/a/15435 (consulté le 01.07.2012).

91 En général, voir alt-maes, Délégation, p. 28 ss et surtout 39 ss ; DaViD, Eléments, § 571 ss ; DonneDieuDe Vabres, Principes modernes, p. 302 ss ; garDocki in Eser/Lagodny, p. 321 ss ; plachta, Cooperation, p. 322 ss (dans les Etats du bloc soviétique) ; praDel/corstens/Vermeulen, § 69 ss ; thomas, p. 482 ss (en particulier sur les Conventions du Conseil de l’Europe) ; zimmermann, § 754 ss.

En droit suisse, voir gauthier, p. 82 ss ; markees, FJS 425 et 425a ; moreillon, EIMP, ad art. 94 ss ; schouWey in Knoepfler.

92 Voir hulsman, p. 118 ss ; romanDer, p. 562 ss (sur le système d’exécution des décisions judiciaires entre les Etats nordiques) ; zimmermann R., § 7. Voir aussi roth in Braum/Weyembergh, p. 132 ss.

93 leVasseur, Nouvelles orientations ; michaux, p. 57 ss. Voir aussi la Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition, conclue à Strasbourg le 30 novembre 1964, STE 051.

94 Voir alt-maes, Mélanges Levasseur, p. 374.

95 Sur la question de la conversion et l’adaptation de la peine, voir alt-maes, Délégation, p. 116 ss ; colombini, § 167 ss.

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lorsque le type de peine prononcé n’existe pas dans la législation de ce dernier, auquel cas la peine devra être convertie, ou du moins adaptée lorsqu’un type de peine s’en rapproche96.

Dans certains domaines, l’exécution des décisions par un Etat étranger est fréquente.

Il en est ainsi pour les infractions de la circulation routière pour lesquelles les Etats limitrophes ont un intérêt non négligeable à simplifier l’exécution des peines (prin-cipalement de nature pécuniaire) dans un but dissuasif, afin d’éviter de devenir des espaces où les conducteurs étrangers en manque de sensations fortes pourraient agir impunément. Les procédures d’exécution ont ainsi été sensiblement simplifiées97. C’est également un domaine privilégié pour la délégation de poursuite, alternative pouvant être utilisée en amont du prononcé de la décision de condamnation98. L’exécution des décisions étrangères, témoin d’une certaine confiance entre les Etats, se développe principalement dans les espaces de coopération rapprochée, notam-ment au sein du Conseil de l’Europe99, du Benelux100 et surtout de l’Union européenne sur la base du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires101. Dans le cadre de l’exécution des décisions étrangères, un transfèrement de la personne condamnée peut s’avérer nécessaire. Alors que l’extradition aux fins d’exécution consiste en la remise de la personne à l’Etat où elle a été condamnée, le transfèrement des personnes condamnées102 est un transfert depuis l’Etat de condam-nation vers l’Etat dans lequel une meilleure réinsertion sociale peut être escomptée103.

96 Pour illustrer la difficulté qui survient parfois lorsqu’une peine doit être convertie, voir ATF 118 IV 305, JdT 1995 IV 66, cons. 3.

97 Voir p. ex., dans le cadre de l’espace Schengen, l’Accord sur la coopération dans le cadre des procédures relatives aux infractions routières et de l’exécution des sanctions pécuniaires y relatives, 28 avril 1999 (cet Accord n’est pas applicable en Suisse, parce qu’il n’a pas été inclus dans les conventions bilatérales sur l’acquis de Schengen), en particulier les art. 34 ss, ou encore l’Accord entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et judiciaire, 27 avril 1999, RS 0.360.136.1.

98 Pour un exemple de délégation de poursuite en matière d’infractions de la circulation routière, voir infra N 422 ss en droit suisse et au sein du Conseil de l’Europe, infra Chapitre 2 N 480 ss.

99 Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs, conclue à La Haye le 28 mai 1970, STE 070, art. 1 ss. Voir conseilDel’europe, Valeur internationale.

100 Convention entre la Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et les Pays-Bas relative à la coopération en matière de douanes et d’accises, conclue à Bruxelles le 5 septembre 1952, art. 12 par. 3.

101 Voir Décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil du 24 février 2005 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires ; Décision-cadre 2006/783/JAI du Conseil du 6 octobre 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation ; Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures aux fins de leur exécution dans l’Union européenne ; Décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution. Sur ce principe, voir bot, p. 67 ss ; De kerchoVe/Weyembergh, Reconnaissance mutuelle ; flore, p. 365 ss.

102 DaViD, Eléments, § 9.1.1 ss ; praDel/corstens/Vermeulen, § 82 ss ; scalia, Exécution ; zimmermann R.,

§ 756 ss.

103 Convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, conclue à Strasbourg le 21 mars 1983, STE 112, Rapport explicatif, § 9 et Décision-cadre 2008/909/JAI du 187

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Ainsi, l’Etat désigné a d’abord été l’Etat national104, à l’exclusion de tout autre Etat, en particulier l’Etat de « résidence habituelle »105. Avec l’augmentation des déplacements dans l’espace européen, la réflexion106 au sein de l’Union européenne s’est tournée vers l’Etat où la personne « vit »107, par lequel il faut comprendre « le lieu avec lequel cette personne a des attaches en raison du fait qu’elle y a sa résidence habituelle et d’éléments tels que des liens familiaux, sociaux et professionnels »108.

Tout comme pour une exécution de décision classique, une fois le transfèrement effectué, le droit applicable est celui de l’Etat d’exécution109. C’est aussi cet Etat qui se chargera d’une éventuelle conversion de la peine110 et de toutes les déci-sions ultérieures liées à l’exécution111.

Le transfèrement des personnes condamnées est prévu dans différents instru-ments internationaux. Les accords bilatéraux sur cette matière sont souvent

Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, art. 3 ch. 1. La Convention du Conseil de l’Europe prévoit ainsi la nécessité d’obtenir le consentement de la personne condamnée (art. 3 ch. 1 let. d, à l’exception des cas couverts par le Protocole additionnel, art. 3 ch. 1) pour que le transfèrement favorise effectivement son reclassement, condition qui a été abandonnée dans la Décision-cadre (voir considérants préliminaires, § 5).

104 Art. 3 ch. 1 let. a Convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, aux termes duquel l’Etat visé est l’Etat national à l’exclusion de tout autre Etat, notamment celui où la personne a sa « résidence habituelle ».

105 Expressément exclu par le Rapport explicatif relatif à cette Convention, § 20.

106 Voir Programme de La Haye : Dix priorités pour les cinq prochaines années. Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice (COM/2005/0184 final), point 4.2 ; Mesure n° 16 du Programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, JO C 12/10, 15 janvier 2002, point 3.1.3, p. 17 ; Initiative de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède en vue de l’adoption d’une décision-cadre du Conseil concernant l’ordonnance d’exécution européenne et le transfèrement des personnes condamnées entre les États membres de l’Union européenne, JO C/150/01, 21 juin 2005 (sur cette initiative voir saJonz) ; Résolution législative du 16 juin 2006 du Parlement européen sur l’initiative de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède en vue de l’adoption d’une décision-cadre du Conseil concernant l’ordonnance d’exécution européenne et le transfèrement des personnes condamnées entre les États membres de l’Union européenne (7307/2005, C6-0139/2005, 2005/0805(CNS)).

107 Art. 4 ch. 1 let. a et art. 15 Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures aux fins de leur exécution dans l’Union européenne. En général sur cette décision-cadre, voir flore, p. 398 ss et praDel/corstens/Vermeulen, § 609 ss. La Décision-cadre remplace, entre les Etats membres, la Convention du Conseil de l’Europe, voir art. 26.

108 Considérants préliminaires, § 17 Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures aux fins de leur exécution dans l’Union européenne.

109 Convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, art. 9 ch. 3 et Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, art. 17.

110 Convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, art. 9 ch. 1 let. b et 11.

111 Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, art. 19.

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conclus entre des Etats dont les systèmes juridiques diffèrent fortement112. Des accords régionaux portent sur ce sujet113. Certaines conventions spécifiques à une matière prévoient également cette forme de coopération114.

Finalement, les décisions étrangères peuvent faire l’objet non pas d’une exécution, mais d’une prise en compte lors d’une procédure subséquente115 afin d’assurer le respect du principe ne bis in idem.

La prise en considération des décisions est prévue dans la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs116, et dans le droit de l’Union européenne117. Alors que les législations nationales ne la prévoient, en général, que lorsque l’Etat exerce une compétence extraterritoriale118, le droit suisse pose le prin-cipe de la prise en compte systématique des décisions antérieures, y compris pour des infractions commises en Suisse119.