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en particulier : la délégation de compétence

d. etats nordiques

2. en particulier : la délégation de compétence

Une tendance marquée à ne déléguer que la compétence territoriale est à relever au sein de tous les espaces privilégiés étudiés. Dans les rares cas où la délégation peut

170 C’est également ce qui ressort des réponses des Etats au Questionnaire du Conseil de l’Europe, voir Synthèse des réponses au questionnaire sur la compétence judiciaire et la transmission des procédures, PC-OC (2011) 16rev, 24 octobre 2011, p. 2 et 12.

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porter sur une compétence extraterritoriale, un motif de refus est mis à la disposition des Etats.

Nous avons vu que la délégation de compétence peut intervenir au moment de la délégation de la poursuite. Ce système permet une certaine souplesse dans la mesure où l’Etat délégataire peut se prononcer au cas par cas sur le fait de savoir s’il recon-naît le principe de compétence exercé par l’Etat délégant et accepte une compétence déléguée qui en serait dérivée.

La compétence peut également être attribuée à tous les Etats parties au texte portant sur la délégation. Ce système plus contraignant force les Etats, au moment de la rati-fication, à s’engager à reconnaître tous les principes de compétence que connaissent les autres Etats. La doctrine émet des avis partagés sur ce système en deux temps : (trop) compliqué pour certains171, vivement salué par d’autres172, ce système permet, une fois l’infraction survenue, une délégation de poursuite facilitée par le règlement, en amont, des questions de compétence.

La délégation doit intervenir vers l’Etat le mieux placé pour mener les poursuites.

Limiter les délégations à un Etat compétent, même si cette compétence est étendue au lieu de résidence, ne remplit, selon nous, pas pleinement les objectifs poursuivis par ce mode de coopération. Ainsi, le système adopté par les Etats nordiques, bien qu’il soit un exemple en matière d’adaptation des critères de compétence aux réalités sociales actuelles, n’est pas suffisamment souple pour répondre à tous les cas de figure qui pourraient se présenter.

Il est incontestable qu’une poursuite dans l’Etat de résidence de la personne soit la plus à même de garantir un reclassement social. Cependant, l’objectif de la bonne administration de la justice doit également être pris en compte. Ainsi, les Etats doivent être libres de décider quel sera l’Etat auquel ils délègueront leur poursuite. Une liste de critères peut les guider dans ce choix, mais plus la flexibilité qui leur est octroyée est grande, plus la délégation de compétence répondra aux exigences de chaque cas.

ii. espace en construction : l’union européenne

a. introduction

La construction d’un espace européen173 n’est pas une idée nouvelle. Lancé pour la première fois par Valéry Giscard d’Estaing en 1977, selon lequel « [l]a construction

171 barbe in Jault-Seseke/Lelieur/Pigache, p. 85-86 ; Joutsen in Reichel, p. 269. Voir aussi Synthèse des réponses au questionnaire sur la compétence judiciaire et la transmission des procédures, PC-OC (2011) 16rev, 24 octobre 2011, p. 2.

172 VanDer beken et al., § 90.

173 Le terme « européen » sera utilisé ici pour désigner ce qui est, au 01.07.2012, l’Union européenne.

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de l’Europe devrait s’enrichir d’un nouveau concept, celui de l’espace judiciaire »174, le mouvement visant à transformer l’espace économique en un espace économique et judiciaire est en pleine effervescence175.

En effet, l’espace unique de libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux176, bien que périodiquement remis en question177, implique le développement de l’espace de liberté, de sécurité et de justice178. Pour réaliser ce dernier, une coopération des plus rapprochées est nécessaire.

L’idée d’espace judiciaire s’est concrétisée en matière pénale par un projet en cinq points179. Il s’agissait de l’élaboration d’une convention d’extradition simplifiée, l’as-souplissement d’une procédure d’entraide, la mise en œuvre d’une procédure de transmission des poursuites pénales, la reconnaissance des décisions étrangères et la facilitation de leur exécution ainsi que la simplification des procédures de trans-fèrement des personnes condamnées.

Pour concrétiser ce projet, il a été jugé indispensable180 d’établir le principe de la confiance mutuelle, qui s’est traduit tout d’abord par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires entre Etats membres181.

Cette reconnaissance se traduit déjà par des aménagements importants en droit procédural et matériel182, dont nous allons citer quelques exemples. L’instru-ment-phare de l’Union européenne, le Mandat d’arrêt européen, qui consiste en une simplification de la procédure d’extradition entre les Etats membres, est « la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnais-sance mutuelle »183.

Dans le cadre du MAE, la coopération se fait désormais entre les autorités judi-ciaires184. De plus, une volonté de restreindre les cas de refus de la coopération a

174 Déclaration du Président de la République française au Conseil européen de Bruxelles des 5 et 6 décembre 1977.

175 Sur la progression, voir De kerchoVe/Weyembergh, Espace pénal ; Weyembergh, p. 11 ss.

176 Voir les Titres II et IV de la Première partie du TFUE.

177 P. ex. voir, lors de l’afflux massif d’émigrés depuis le Maghreb, principalement la Tunisie, vers l’Italie, les désaccords italiens qui ont suivi (avril 2011) et la proposition franco-italienne, soutenue par l’Autriche, mais très questionnée par l’Allemagne, de réintroduire exceptionnellement des frontières internes pour contrôler cet afflux dans l’Espace Schengen (voir l’article « Bruselas avala la reforma del acuerdo de Schengen » dans El Pais du 28 avril 2011, disponible sur http://www.elpais.com/articulo/internacional/Bruselas/avala/reforma/acuerdo/

Schengen/elpepuint/20110428elpepiint_3/Tes (consulté le 01.07.2012).

178 Voir le Titre V de la Première partie du TFUE.

179 Voir De gouttes, p. 5.

180 Sur l’interdépendance entre confiance mutuelle et espace unique, voir De kerchoVe in de Kerchove/

Weyembergh, p. 114.

181 Sur la naissance et l’évolution de ces principes, voir Jégouzo. Voir aussi amalfitano, p. 331 ss ; suominen.

182 Voir asp in Husabø/Strandbakken ; flore, p. 365 ss.

183 Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, Considérants préliminaires, § 6.

184 Art. 9 ch. 1 Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt 582

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mené à la suppression de motifs de refus comme ceux fondés sur la nationalité de la personne ou la nature politique de l’infraction, et supprime le contrôle systématique de la double incrimination pour certaines infractions185.

Par ailleurs, une circulation des casiers judiciaires186 et des aménagements importants en matière de moyens de preuve187 ont notamment été réalisés.

En matière de rapprochement des législations188, autant les règles nationales maté-rielles189 que procédurales sont désormais concernées190.

Finalement, des autorités visant à faciliter les échanges entre les Etats membres ont été mises en place. Il en est ainsi d’Eurojust191, des Magistrats de liaison192 et des points de contact désignés dans le cadre du Réseau judiciaire européen193.

A l’observation de ces aménagements, deux conclusions s’imposent : d’une part, le processus de mise en place d’un espace judiciaire européen est déjà considérable-ment engagé. Une base importante en matière de coopération pénale est ainsi dispo-nible. Néanmoins, des cinq objectifs établis à la suite du discours de Valéry Giscard d’Estaing, seuls quatre sont aujourd’hui véritablement en cours de développement.

européen et aux procédures de remise entre Etats membres.

185 Voir Décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, art. 2 ch. 2. Voir aussi aprile/spiezia, p. 182 ss ; bot, § 198-202 ; flore, p. 417 ss ; kuczyńska, p. 154 ss ; praDel/corstens/Vermeulen, § 556.

186 Décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres ; Décision du Conseil 2009/316/JAI du 6 avril 2009 relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS), en application de l’article 11 de la décision-cadre 2009/315/JAI.

187 P. ex. Equipes communes d’enquête, Décision-cadre 2002/465/JAI du Conseil du 13 juin 2002, relative aux équipes communes d’enquête ; Directive concernant la décision d’instruction européenne en matière pénale (DIE) (au 01.07.2012, les travaux sont en cours. Voir Initiative en vue d’une directive du Parlement européen et du Conseil concernant la décision d’instruction européenne en matière pénale, 9145/10, 29 avril 2010) pour pallier les défauts du MOP (Mandat européen d’obtention des preuves), Décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales ; Décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve), et en général l’échange d’informations (par exemple dans le cadre du Système d’Information Schengen (SIS), aujourd’hui SIS II, voir Règlement (CE) n° 2424/2001 et Décision 2001/886/JAI du Conseil du 6 décembre 2001 relatifs au développement du système d’information de Schengen de deuxième génération (SIS II).

188 En général, voir manacorDa in Giudicelli/Manacorda.

189 A titre d’exemple, en matière de terrorisme, voir Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, avec les modifications ultérieures (Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme ; Décision-cadre 2008/919/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme).

190 P. ex. la récente Directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales.

191 Décision 2002/187/JAI du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité.

192 Action commune 96/277/JAI, du 22 avril 1996, adoptée par le Conseil sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, concernant un cadre d’échange de magistrats de liaison visant à l’amélioration de la coopération judiciaire entre les États membres de l’Union européenne, Journal officiel L 105 du 27.04.1996.

193 Action Commune 98/428 JAI du 29 juin 1998 conformément à la recommandation n° 21 du programme d’action relatif à la criminalité organisée du 28 avril 1997.

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L’Union européenne est ainsi un espace en pleine construction, où la réflexion doit toujours porter sur la mise en place de nouveaux instruments.

Le principe de reconnaissance mutuelle implique un degré très important de confiance entre les Etats membres. Cette confiance peut être envisagée comme la cession, au profit d’un autre Etat, de la capacité à accomplir des actes qui normale-ment devraient être faits par le premier Etat, sans contrôle particulier et en recon-naissant les conséquences des actes ainsi entrepris.

Lorsque cet Etat n’est pas en mesure d’accomplir ces actes, il faudra lui transmettre les outils nécessaires. La délégation de poursuite, avec, le cas échéant, une délégation de compétence, est le processus qui permet à un Etat d’agir au nom d’un autre. Elle apparaît donc comme un outil reposant pleinement sur la confiance mutuelle, mais également allant de pair avec celle-ci.

Le dynamisme de l’Union européenne ainsi que la nécessité de coopérer qui s’im-pose aux Etats membres permettent le développement rapide de cet espace privi-légié. Dans sa construction, bien que des différences majeures subsistent, les Etats de l’Union européenne ont l’avantage de la proximité géographique194 et culturelle, de la préexistence d’un espace économique considérablement développé, ainsi que d’une base commune en matière de droits fondamentaux offerte par la CEDH195. Les possibilités offertes par cet espace permettent, à notre avis, d’envisager l’adop-tion d’un instrument régissant la délégal’adop-tion de poursuite196.