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etat, souveraineté, droit de punir et compétence pénale

Quatre éléments18 permettent de définir l’Etat19. Trois éléments de fait d’abord : l’Etat a un territoire, une population et un gouvernement. Le territoire est un espace géographique comprenant l’espace terrestre, maritime et spatial, tels que définis par le droit international public, une délimitation concrète n’étant toutefois pas une condition sine qua non de l’existence de l’Etat20. La population, « une collecti-vité humaine »21, peut être comprise de différentes façons : ensemble des habitants (excluant alors les nationaux vivant à l’étranger et incluant les étrangers vivant sur le territoire de l’Etat) ou ensemble des personnes liées par un lien juridique avec l’Etat. Dans cette deuxième acceptation qui est la définition généralement admise, il s’agit de l’« ensemble des nationaux »22. Le gouvernement (institutions, ou appareil politique) est l’ensemble des organes publics (politiques, administratifs et juridic-tionnels) qui expriment la volonté de l’Etat et le représentent. Le gouvernement doit être effectif, être en mesure de gouverner. Ce dernier élément doit être compris comme le pouvoir d’exercer un contrôle sur le territoire, les individus et les biens23,

« la capacité réelle d’exercer toutes les fonctions étatiques »24.

Le quatrième élément est la souveraineté25. Attribut exclusif de l’Etat, il s’agit d’une caractéristique que peut acquérir l’entité lorsque les trois éléments de fait sont

17 cassani in Roth/Moreillon, ad art. 5 N 39 arrive à la même conclusion.

18 Sur la question de savoir s’il s’agit de critères d’identification ou de véritables éléments constitutifs, voir VerhoeVen, Droit international public, p. 54.

19 En général sur l’Etat, voir entre autres carreau, p. 42 ss ; combacau ; Dailler/forteau/pellet,

§ 264 ss ; Dupuy/kerbrat, § 31 ss ; shaW 2008, p. 197 ss ; VerhoeVen, Droit international public, p. 49 ss ; Warbrick in Evans, p. 217 ss. Les « Etats », notion juridique, doivent être différenciés des

« pays », qui sont un élément de fait se définissant comme des « collectivités regroupées dans un espace déterminé », combacau in Combacau/Sur, p. 276.

20 Voir CIJ, Plateau continental de la mer du Nord, 20 février 1969, § 46. Voir aussi shaW 2008, p. 652 ss.

21 Dailler/forteau/pellet, § 266.

22 « La nationalité crée une allégeance personnelle de l’individu envers l’Etat national » Dailler/ forteau/pellet, § 266. Voir aussi Dupuy/kerbrat, § 95.

23 Voir VerhoeVen, Droit international public, p. 54. Voir aussi shaW, p. 138 ; eVans 2006, p. 231 ; craWforD, States, p. 37 (voir en particulier p. 89 pour ce qui est de la souveraineté).

24 Dailler/forteau/pellet, § 272.

25 Sur le concept en général, voir carrillo salceDo, Souveraineté ; Jackson R., Sovereignty, p. 432 et 446. Sur la notion de souveraineté et les divers emplois et finalités possibles de ce terme, voir beaulac. Pour une approche historique du concept, voir maogoto, p. 7 ss. Sur l’évolution du concept, voir besson in Balmelli/Borghi/Hildbrand, p. 7 ss.

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remplis26. La souveraineté a été définie par Bodin comme « la puissance absolue et perpétuelle d’une République »27. Selon l’approche traditionnelle du concept, parler de souveraineté revient alors à parler d’Etat et vice versa28 puisqu’il n’y a pas de souveraineté sans Etat et pas d’Etat sans souveraineté29. La souveraineté comporte deux aspects, l’un externe, l’autre interne.

Le premier aspect de la souveraineté concerne les relations externes de l’Etat. La souveraineté implique l’interdiction d’une quelconque immixtion dans les affaires tombant dans sa sphère souveraine. Il s’agit du principe de non-ingérence30. Les Etats sont indépendants31 et égaux32 en droit, sans que soit prise en considération leur taille ou leur puissance. Cet aspect de la souveraineté prend naissance dans le système westphalien, qui a mis en place un nouvel ordre mondial basé sur la coexistence d’Etats souverains33 dont les rapports sont réglés par le droit international public34. Le second aspect de la souveraineté est la maîtrise pleine35 et exclusive36 dont dispose l’Etat sur son territoire ainsi qu’à l’égard de ses nationaux. On parle alors de pléni-tude du pouvoir37. Lorsque la notion de territoire n’est pas définie de la même manière par deux Etats ou lorsqu’un fait a lieu sur le territoire de deux Etats en même temps, mais aussi lorsque les individus se déplacent d’un Etat vers l’autre, la souveraineté interne d’un Etat peut entrer en collision avec celle d’un autre, deux ou plusieurs Etats pouvant exercer leur pouvoir en même temps.

Le pouvoir de l’Etat couvre de nombreux domaines38 et il n’y a pas lieu ici d’en tenter une énumération. Cependant, le pouvoir le plus essentiel, celui qui semble

26 Sur le processus par lequel une entité disposant d’un territoire, une population et d’un gouvernement effectif est amenée à être souveraine, voir Dupuy/kerbrat, § 36 ss.

27 boDin, Livre premier, Chapitre VIII.

28 Selon ruiz fabri in Mélanges Fromont, p. 372-373, « [l]a souveraineté est la qualité consubstantielle de cet être bien particulier qu’est l’Etat, au point que parler de souveraineté, c’est en réalité parler d’Etat ». Dans ce sens aussi, même si plus modéré rousseaux/léVy, p. 13 ss et falk in Krieger, p. 789 ss.

29 Contra enDicott in Besson/Tasioulas, p. 259 selon lequel « [i]t is not necessarily right to treat all states as sovereign, or to pretend that an anarchic territory has a state ».

30 Selon cohen in Besson/Tasioulas, p. 273, la souveraineté ne doit pas être comprise comme un ensemble de compétences, mais dans sa définition négative à savoir la suprématie d’un ordre interne, avec une auto-détermination sur le plan international.

31 Arbitre Max Huber dans CPA, Ile de Palmes, 4 avril 1928, p. 838, et Dailler/forteau/pellet, § 265.

Pour reprendre les termes de combacau in Combacau/Sur, p. 236, « la souveraineté internationale n’est ainsi que la formalisation légale d’une indépendance de fait, ou, si l’on veut, le droit au maintien de l’indépendance ». Voir aussi mccorquoDale, p. 244.

32 C’est sur ce principe d’égalité souveraine qu’est basée la coexistence des Etats, notamment au sein des Nations Unies, voir Art. 2 § 1 Charte des Nations Unies. Voir aussi tomuschat, Obligations, p. 237.

33 Selon la formule de Jackson R., Sovereignty, p. 438 ss, ce qui était un ordre politico-théologique devient une société d’Etats souverains.

34 Traité de paix de Westphalie qui, après la guerre de trente ans, marque l’origine du droit international public, cassese/clapham in Krieger, p. 408.

35 Voir carreau, § 853 ss ; Dailler/forteau/pellet, § 305 ss ; Dupuy/kerbrat, § 88.

36 Voir Arbitre Max Huber dans CPA, Ile de Palmes, 4 avril 1928, p. 838 et carreau, § 856 ss ; Dailler/ forteau/pellet, § 308.

37 VerhoeVen, Droit international public, p. 128.

38 P. ex. enDicott in Besson/Tasioulas, p. 252-253 considère l’exemple du pouvoir de l’Etat d’émettre 17

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le plus intrusif dans la vie des individus, mais aussi celui sans lequel tout autre pouvoir n’aurait de sens, est le pouvoir de punir39. L’Etat, en tant qu’ordre social de contrainte40 bénéficie par définition de la capacité de punir les individus qui lui sont soumis41 afin d’assurer l’ordre public42. Le droit de punir implique celui de poursuivre, juger et le cas échéant infliger une peine, cette dernière n’étant qu’une étape successive du processus pénal. Cette expression, utilisée déjà par Grotius43 ou Beccaria44, le sera aussi, par commodité, dans ce travail.

Le droit pénal peut être divisé en droit pénal objectif (ou jus pœnale), à savoir l’en-semble des normes traitant des infractions et des peines, et le droit pénal subjectif (droit de punir ou jus puniendi) compris comme « la faculté ou le pouvoir de l’Etat d’interdire certains agissements de nature à créer un trouble grave dans la société et d’imposer des sanctions à leurs auteurs »45. Le droit de punir de l’Etat46 apparaît comme un de ses attributs majeurs, si ce n’est l’attribut majeur47, consécration par excellence de sa souveraineté.

D’une part, le droit de punir découle d’un besoin. Il peut s’agir de la mise en œuvre du contrat social par lequel les individus renoncent à leur pleine liberté à la condi-tion que le souverain garantisse leurs droits. Selon Beccaria, la nécessité a contraint les individus à céder une partie de l’entière liberté dont ils bénéficiaient à l’état de nature, chacun ne voulant sacrifier à la disposition de la communauté que la plus petite fraction possible de sa liberté, « mais qui suffise à engager les autres à le défendre ». Ainsi, « [l]’ensemble de ces plus petites portions possibles constitue le droit de punir »48. Le droit de punir est ainsi directement lié au contrat social49 et fondé sur le besoin de protection « contre les usurpations particulières le dépôt constitué pour le salut public »50. Si l’on n’adhère pas à la théorie du contrat social, la justification du droit de punir réside dans le besoin de faire régner l’ordre : l’Etat ne peut obliger un individu à se soumettre à ses règles que s’il garantit que les autres

les passeports, donc détient un pouvoir administratif sur ses nationaux, leur permettant ou non de quitter le territoire.

39 Comme le dit roth: « Tout étudiant en droit de première année sait que le droit de punir est, avec celui de prélever l’impôt, un des attributs essentiels de l’Etat. « L’Etat c’est le flic et le fric » disait Michel Rocard lors d’une mémorable conférence donnée à Genève ». » roth in Morand, p. 131.

40 kelsen, Théorie, p. 70.

41 ambos in Henzelin/Roth, p. 310 et ascensio in Marguénaud/Massé/Poulet-Gibot Leclerc, p. 603.

42 lombois, p. 1.

43 P. ex. grotius, Livre II, Chapitre XX, II, 3.

44 P. ex. beccaria, § II.

45 rico, p. 115. Voir aussi henzelin in Henzelin/Roth, p. 78 et foucharD, p. 18.

46 En général sur le droit de punir de l’Etat, voir gabuzzi, p. 15 ss et cartuyVels in Henzelin/Roth.

47 castella, p. 5 parle à ce titre de « clé de voute, rouage essentiel ».

48 beccaria, § II, Droit de punir, p. 64. Sur le droit de punir tel que vu par Beccaria, voir DelgaDo ocanDo, p. 161-162.

49 Préface de baDinter R., Préface, in Beccaria, p. 19: « Le contrat social fonde la société, les lois définissent les conditions de ce contrat social, les peines en assurent le respect. ». Voir aussi raDica, p. 93 et porret, p. 46 qui parle du « contrat social du droit de punir » de Beccaria.

50 beccaria, § II, p. 63.

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s’y soumettront également, et s’il sanctionne ceux qui ne s’y plient pas. Le droit de punir découle ainsi directement de la demande de sécurité51 par des individus dans un territoire donné et est caractéristique de la souveraineté étatique52.

D’autre part, le droit de punir est la conséquence de la criminalisation de certains comportements. L’Etat, en tant qu’ordre social, établit des normes de comportement, et sa capacité à légiférer ne serait pas complète s’il ne disposait pas de moyens pour imposer le respect de ces normes et en sanctionner la violation. La Cour européenne des droits de l’homme, dans le cadre de son interprétation du droit à la vie prévu par l’article 2 CEDH, a considéré que les dispositions de la Convention prévoient « des droits concrets et effectifs, et non théoriques et illusoires »53. Ainsi, « [l]’obligation de protection pénale des droits et libertés conventionnels les plus essentiels ne peut par évidence se résumer à l’édiction de normes incriminatrices vouées à demeurer lettre morte : encore faut-il que celui qui y contrevient soit effectivement poursuivi, jugé et puni »54. Une norme protégeant un intérêt, ici le droit à la vie, implique l’obligation pour les Etats d’en criminaliser la violation et de punir les individus responsables d’une telle violation55. Une norme interdisant un comportement implique donc le droit de réprimer les actes allant à l’encontre de cette norme56, et l’Etat dispose d’un droit de punir les individus pour tous les actes qu’il érige en infractions57.

L’adage nulla poena sine lege montre la corrélation qui existe entre l’adoption d’une norme répressive d’un comportement et le droit de punir. Lu dans un sens, cet adage impose la criminalisation d’un comportement pour que celui-ci soit réprimé, donc que le droit de punir soit exercé. Lu dans un deuxième sens, il permet à l’Etat de réprimer les comportements faisant l’objet d’une norme répressive.

Un autre indice de cette corrélation peut également être trouvé dans l’absence, dans les codes pénaux, de termes comme « compétence » ou « exercice du droit de punir », au profit de l’expression « application de la loi pénale »58. L’Etat peut exercer le droit de punir dès le moment où la norme criminalisant le comportement s’applique.

Le droit de punir de l’Etat est le pouvoir principal que lui attribue son caractère souverain. Néanmoins, il est d’actualité aujourd’hui de soulever la question de savoir si l’Etat est toujours souverain59. Il est incontestable que la place que prennent

51 Du pasquier, p. 26: « L’Etat, dont la mission essentielle est d’assurer la paix et la sécurité, en punit les auteurs » (en parlant des infractions pénales), p. 27: « c’est l’Etat lui-même, en sa qualité de protecteur de la société, qui poursuit la punition des criminels ».

52 Voir à ce propos spencer, p. 639 ss.

53 Parmi d’autres CEDH, Airey, 9 octobre 1979, § 24, et les références citées.

54 tulkens/Van Drooghenbroeck, p. 133.

55 Voir capus, p. 355 ; tulkens/Van Drooghenbroeck, p. 129, en particulier n 16, et les références citées, et p. 133 ss ; gaggioli/kolb, p. 8 et CEDH, McCann et al., 27 septembre 1995, § 161.

56 Dans ce sens carreau, § 841.

57 grotius, Livre II, Chapitre XX, II-3 : « celui qui punit doit, pour punir légitimement, avoir le droit de punir : lequel naît du crime du coupable ».

58 Voir, à titre d’exemple, les notes marginales des art. 2, 3 ss et 9 CP suisse.

59 La notion est en effet en pleine contestation, voir Walker/menDloVitz in Walker/Mendlovitz, p. 1 ss.

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les organisations internationales, les entreprises multinationales, les organisations non-gouvernementales, les individus et la communauté internationale en général sur l’arène internationale est de plus en plus importante. Certaines règles s’imposent à l’Etat sans sa volonté expresse et limitent sa capacité d’agir ou le forcent à adopter un certain comportement, ou encore visent directement les individus sans nécessiter l’approbation de l’Etat. Une remise en question de la notion de souveraineté s’impose.

Nombreux sont les auteurs qui se sont penchés sur la question de la souveraineté de l’Etat. Certains d’entre eux vont jusqu’à affirmer que l’Etat ne l’est désormais plus60. Deux théories différentes ont été explorées dans le sens de l’inadéquation du terme « souverain » en rapport avec l’Etat. Selon la première, il faudrait aban-donner ce qualificatif parce qu’au sens strict ce terme implique que l’entité concernée n’est soumise à aucune règle sans son consentement. Les partisans de cette théorie refusent la théorie du contrat social au niveau international61 et affirment donc que l’Etat n’a jamais été souverain en tant qu’il a toujours dû se soumettre à certaines règles ne serait-ce que pour assurer la cohabitation avec les autres Etats62. Selon une autre approche, l’Etat a été souverain, mais le droit international et la réalité économique tels qu’ils se présentent aujourd’hui ne permettent plus ce qualificatif63. D’autres auteurs, bien que critiques du concept, sont plus nuancés64. D’autres encore défendent fermement la position selon laquelle c’est précisément parce qu’il est souverain que l’Etat a la possibilité, dont il a largement fait usage, de renoncer à certains pouvoirs au profit d’autres entités, sans pour autant altérer sa souveraineté65 établie dans le système westphalien.

Cette dernière vision, conservatrice, n’est à notre avis plus soutenable. Il n’est plus envisageable de concevoir la souveraineté étatique comme l’exclusivité du pouvoir et l’indépendance face à toute ingérence. Les règles impératives de droit international sont le parfait exemple d’une soumission de l’Etat à des règles auxquelles il n’a pu adhérer expressément, règles qui lui sont imposées par la volonté de la communauté internationale dans son ensemble, malgré le prétendu pouvoir suprême de l’Etat.

60 P. ex. Van staDen/VollaarD in Kreijen, p. 166 selon lesquels le terme « souverain » n’est plus adéquat parce que, dû à la mondialisation, l’Etat n’a plus le contrôle sur les entreprises agissant sur son territoire. Ceci dit, les auteurs eux-mêmes arrivent à la conclusion que cette position doit être nuancée. falk in Walker/Mendlovitz, p. 63 ss considère, quant à lui, que l’Etat n’est plus le seul à être souverain et que la souveraineté « s’évade », à trois niveaux : entre les frontières, à l’intérieur des frontières ainsi qu’au-delà des frontières, falk in Walker/Mendlovitz, p. 70 ss.

61 Voir p. ex. kelsen, Théorie, p. 103.

62 kelsen, Théorie, p. 84 et 200.

63 On parle notamment de l’apparition de l’individu dans le concept classique du monde formé d’Etats souverains. Voir à ce titre TPIY, Tadić, 2 octobre 1995, § 97 : « Une approche axée sur la souveraineté de l’Etat a été progressivement supplantée par une approche axée sur les droits de l’homme ». Voir à ce sujet besson in Balmelli/Borghi/Hildbrand, p. 10 et n 17.

64 P. ex. besson in Balmelli/Borghi/Hildbrand, p. 16 ss, qui admet le caractère contestable du concept de souveraineté, mais en refuse une mise à mort définitive. Voir aussi Jackson R., Sovereignty, p. 434 selon lequel il est envisageable qu’un arrangement différent de l’ordre mondial doive se faire, mais que ce n’est pas encore le cas bien que l’on s’en approche.

65 Jennings in Kreijen, p. 35, qui reprend là la formulation d’Elihu Lauterpacht.

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La solution réside sans doute dans une interprétation différente du terme, interpré-tation conforme au but qui lui était fixé à l’origine. La souveraineté telle que définie par Bodin ne pouvait prendre en compte l’émergence des nouveaux acteurs sur la scène internationale, mais consistait uniquement en un règlement des relations entre Etats. C’est aussi à cette vision qu’il faut se tenir. Selon cette approche, tant qu’un Etat ne se soumet pas au droit d’un autre Etat, il demeure souverain : égal et indé-pendant face à cet autre Etat. L’exercice du pouvoir d’un Etat n’est pas une immix-tion dans les affaires souveraines d’un autre tant que cet exercice ne consiste pas en un pouvoir sur l’autre. Ainsi, en ce qui concerne le droit de punir les individus, deux Etats peuvent exercer leur droit de punir sur la même personne pour les mêmes faits commis sur le territoire de l’un des deux, sans pour autant qu’il y ait une atteinte à la souveraineté de celui-ci. D’autre part, si l’on conçoit la souveraineté sous cet angle, il est envisageable qu’une entité autre que l’Etat puisse bénéficier du droit de punir, question qui sera abordée dans la seconde Partie de ce travail.

Que le droit de punir de l’Etat découle ou non du contrat social conclu avec les indi-vidus, quelle que soit la définition que l’on donne à la souveraineté ou, si l’on remet en cause cet attribut, au fondement des pouvoirs étatiques, qu’il appartienne exclu-sivement à l’Etat ou pas, il est incontesté que l’Etat peut exercer un certain pouvoir sur les individus et est détenteur d’un droit de punir.

La compétence en matière pénale se définit comme l’exercice du droit de punir. Elle permet de faire un rattachement entre l’infraction et l’Etat66, qui sera en droit de punir l’individu responsable. Tout comme le droit de punir, elle englobe toutes les phases du processus pénal, de la poursuite jusqu’à l’exécution de la peine : la compétence pénale regroupe celles de poursuivre, juger et punir67. A titre de simplification, nous dirons d’un Etat qu’il est compétent pour punir un individu ou encore réprimer une infraction, étant bien entendu que cela implique toutes les phases susmentionnées.

Dans un monde constitué de quelques 194 Etats68 et autant d’entités disposant concurremment du droit de punir, il apparaît comme essentiel de déterminer sur quelle base un Etat exerce son droit. Les principes de compétence sont ainsi des justificatifications de l’exercice du droit de punir. Certains d’entre eux sont plus largement reconnus et soulèvent moins de controverse que d’autres.

Les principes de compétence (ou « principes de juridiction ») se définissent comme les « idées directrices et abstraites qui fournissent une légitimation à l’application de la loi pénale nationale dans l’espace. Une légitimation qui trouve son fondement dans le droit international. Il s’agit surtout de justifications de nature générale »69. Il

66 Voir oxman, p. 56.

67 henzelin, Universalité, § 52.

68 193 Etats membres des Nations Unies (après l’adhésion du Soudan du Sud le 14 juillet 2011), ainsi que le Vatican. Ce chiffre n’englobe pas les Etats reconnus par un faible nombre d’autres, ni les

68 193 Etats membres des Nations Unies (après l’adhésion du Soudan du Sud le 14 juillet 2011), ainsi que le Vatican. Ce chiffre n’englobe pas les Etats reconnus par un faible nombre d’autres, ni les