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convention européenne sur la transmission des poursuites

a. etats membres du conseil de l’europe

2. convention européenne sur la transmission des poursuites

Constatant que l’article 21 CEEJ ne permettait pas de régler suffisamment les cas de délé-gation de poursuite13, des travaux ont été menés au sein du Conseil de l’Europe visant à l’élaboration d’une convention portant uniquement sur ce mode de coopération.

En parallèle, un projet visant à régler les conflits de compétence entre les Etats membres du Conseil de l’Europe14 a été étudié. Il est vite apparu qu’une hiérar-chisation théorique et abstraite des principes de compétence n’était pas la solution adéquate. Une réponse au cas par cas s’est avérée plus judicieuse. La Convention européenne sur la transmission des procédures répressives15 (Convention 1972) a ainsi été élaborée.

La Convention 1972 couvre les délégations de poursuite vers un Etat originairement compétent16. La poursuite initiée dans l’Etat délégant peut en effet être déléguée à

12 Certains d’entre eux ont ainsi prévu des dispositions dans le cadre d’accords bilatéraux. Ainsi, la Suisse a conclu de tels accords avec l’Allemagne (Accord entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne en vue de compléter la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de faciliter son application, 13 novembre 1969 (état au 13 mai 2003), RS 0.351.913.61, art. XII), l’Autriche (Accord entre la Confédération suisse et la République d’Autriche en vue de compléter la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de faciliter son application, 13 juin 1972 (état au 13 novembre 2001), RS 0.351.916.32, art. XIII), l’Italie (Accord entre la Suisse et l’Italie en vue de compléter la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et d’en faciliter l’application, 10 septembre 1998 (état au 15 juillet 2003), RS 0.351.945.41, art. XXIV-XXVI), et la France (Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française en vue de compléter la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, 28 octobre 1996 (état au 13 novembre 2001), RS 0.351.934.92, art. XVI-XVIII). Sur les Accords avec l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, voir supra Chapitre 1 N 354 ss.

13 schutte in Bassiouni, p. 467.

14 Recommandation 420 relative au règlement des conflits de compétence en matière répressive du 29 janvier 1965. Le texte de cette Recommandation figure dans le Rapport explicatif à la Convention 1972.

15 Conclue à Strasbourg le 15 mai 1972, STE 073. Sur cette Convention, voir corstens/praDel, § 29 ss ; golsong in Centre d’études européennes, p. 118 ; klip, 2012, p. 406 ss ; schutte in Bassiouni, p. 647 ss.

16 thomas, p. 486 considère que le but de cette convention est de régler les conflits de compétence.

Il faut néanmoins nuancer cette affirmation, le regroupement de procédures parallèles n’étant pas le seul objectif de la Convention, qui permet également la délégation de compétence. Voir corstens/praDel, § 46 ss.

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un Etat qui n’a pas encore initié de poursuite17 ou qui exerce, en vertu d’une compé-tence originaire, une poursuite parallèle18. Lorsqu’un tel cas survient, l’Etat est libre de transmettre sa poursuite à l’autre Etat ou de l’abandonner, ce deuxième cas étant également considéré comme une transmission19. Si aucun des Etats ne décide de le faire, la Convention leur impose de s’entendre afin de déterminer quel Etat pour-suivra au nom des deux20.

Elle prévoit également une délégation de procédure vers un Etat qui ne serait pas originairement compétent21. Il s’agit alors d’un système de délégation de compétence, dont les modalités diffèrent sensiblement de celles régissant la coopération classique22. Ainsi, la délégation de compétence est effectuée en deux temps. Dans un premier temps, à partir du moment où un Etat partie est compétent23, une compétence déléguée est attribuée à tous les Etats parties du simple fait de l’entrée en vigueur de la Convention.

Chaque Etat partie doit donc reconnaître et établir dans son propre droit une compétence déléguée24, ou accepter que son fondement se trouve dans la seule Convention 1972.

L’établissement de cette compétence doit être distingué de la possibilité de l’exercer dans des cas concrets25. En effet, en vertu de l’article 2 chiffre 2 de la Convention 1972, la compétence déléguée reste lettre morte tant qu’une demande de poursuite n’est pas adressée par un Etat originairement compétent.

Sachant que tous les Etats faisant partie du système sont compétents pour pour-suivre, encore faut-il pouvoir déterminer quel est l’Etat auquel la poursuite sera déléguée. L’article 8 chiffre 1 établit une liste de critères à prendre en compte lors du choix de cet Etat : une délégation pourra avoir lieu vers un Etat concernant lequel au moins un des critères est rempli. Les critères en question ont trait à une bonne administration de la justice et au reclassement social de la personne. Ainsi, l’Etat délégataire peut par exemple être l’Etat de résidence de la personne26, l’Etat où se

17 corstens/praDel, § 31-33 ; praDel/corstens/Vermeulen, § 42 ss.

18 Plusieurs faits qui constituent tous des infractions pénales à la loi de chacun des Etats et qui sont imputés soit à une seule personne, soit à des personnes ayant agi de manière concertée (art. 32 let. a Convention 1972), soit un fait unique imputé à plusieurs personnes ayant agi de manière concertée (art. 32 let. b Convention 1972).

19 Art. 33 Convention 1972.

20 Art. 31 et 32 Convention 1972.

21 Voir corstens/praDel, § 33.

22 Une compétence déléguée sur la base de cette Convention a ainsi été introduite dans les législations des Etats parties. Voir p. ex. la loi néerlandaise, Act of 6 March 1985 amending the Criminal Code and the Code of Criminal Procedure with a view to the transfer of proceedings to and from the Netherlands, and implementation of the relevant European and Benelux Conventions, entrée en vigueur le 19 juillet 1985. Sur cette loi, voir VanDer beken et al., § 93.

23 Art. 2 ch. 1 Convention 1972.

24 schutte in Bassiouni, p. 648 parle alors de « secondary jurisdiction » et de « deputization principle ».

schultz, Collaboration, n 10 qualifie, à tort selon nous, cette situation de « réalisation, dans une mesure assez large, du principe de l’universalité ».

25 schutte in Bassiouni, p. 649.

26 Art. 8 ch. 1 let. a Convention 1972.

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situent les moyens de preuve27 ou encore l’Etat où une poursuite a lieu contre cette personne pour d’autres faits28, sans pour autant que ces infractions soient nécessai-rement plus graves que celles couvertes par la poursuite déléguée.

La Convention 1972 établit un nombre restreint de motifs de refus obligatoires29, et un certain nombre de motifs de refus facultatifs30. Tel est le cas notamment lorsque l’Etat délégataire estime que le motif fondant la demande n’est pas justifié31. Ce motif de refus laisse une marge de manœuvre très importante à l’Etat requis, surtout lorsque la délégation est motivée par des considérations subjectives, tel le reclassement social.

L’Etat requis peut également refuser la délégation lorsque l’infraction n’a pas été commise sur le territoire de l’Etat délégant32. Ainsi, bien que toutes les compétences puissent être déléguées33, l’Etat requis peut refuser d’exercer une compétence déléguée basée sur une compétence originaire extraterritoriale. La Convention 1972 va, sur ce point, au-delà de la délégation prévue en droit suisse qui ne porte que sur une compé-tence territoriale, mais cette évolution est limitée par la mise en place du motif de refus.

Si la délégation de poursuite est acceptée par un Etat dont la compétence est délé-guée sur la base de la Convention, la compétence exercée par l’Etat requis sera étroi-tement liée à celle de l’Etat requérant. Ainsi, si cette dernière venait à disparaître, la seconde ne pourrait plus être exercée34. La Convention prévoit également une application du principe de la lex mitior uniquement dans les cas où la délégation de poursuite a lieu vers un Etat qui n’est pas originairement compétent35.

En revanche, il n’est pas certain que la Convention prévoie la subsidiarité de la compétence déléguée à l’existence d’une compétence originaire. Elle se limite à imposer la nécessité d’une demande de délégation pour que la compétence déléguée puisse être exercée, mais n’empêche pas les délégations de compétence et l’exercice de cette compétence par un Etat qui serait en même temps originairement compétent.

La Convention 1972, par son système de délégation en deux temps, crée un espace de compétence commune. Accepter de ratifier la Convention implique donc reconnaître, du moins en théorie, tous les principes de compétence qui peuvent être établis par les autres Etats, raison qui empêche de nombreux Etats de ratifier cet instrument.

Il est à noter que ce même système de délégation de compétence en deux temps aurait dû être inclus dans la Convention (européenne) générale sur la coopération

27 Art. 8 ch. 1 let. e Convention 1972.

28 Art. 8 ch. 1 let. d Convention 1972.

29 Art. 10 Convention 1972.

30 Motifs de refus facultatifs, art. 11 Convention 1972.

31 Art. 11 let. a Convention 1972.

32 Art. 11 let. h Convention 1972.

33 L’art. 6 Convention 1972 prévoit que la délégation est possible à partir du moment où « une personne est prévenue d’avoir commis une infraction à la loi d’un Etat contractant ».

34 Art. 4 Convention 1972.

35 Art. 25 2e phrase Convention 1972.

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interétatique dans le domaine pénal36. Afin d’améliorer la coopération au sein du Conseil de l’Europe, l’idée de regrouper toutes les conventions portant sur différents modes de coopération37 a été étudiée38, mais elle a dû être abandonnée au vu de la disparité des Etats parties à chaque convention.

3. convention européenne pour la répression