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Dans l’exécution du contrat de travail, la bonne foi contractuelle est présumée et il n’appartient pas au juge de rechercher si la décision de refus de l’employeur de faire bénéficier

Section 3 : La charge et les moyens de preuve du lookisme, une protection améliorée

93. Dans l’exécution du contrat de travail, la bonne foi contractuelle est présumée et il n’appartient pas au juge de rechercher si la décision de refus de l’employeur de faire bénéficier

un salarié d’une promotion est conforme ou non à l’intérêt de l’entreprise614

.

En matière de discrimination, sachant que la victime n’a pas en général accès aux informations utilisées et est donc privée de moyens d’établir le principe d’égalité615

, la tâche se révèle très difficile.

Selon l’article 1315 du Code Civil, il appartient à celui qui allègue un fait d’en apporter la preuve. Or, la directive 97/80/CE du conseil du 15 décembre 1997616 a modifié ce principe en matière de discrimination à raison du sexe. Désormais, le système est clair : « Le salarié établit, l’employeur prouve »617

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La preuve peut être avancée par un agent de la HALDE, spécialement assermenté et habilité à cet effet par le procureur de la République peut, via un procès-verbal de constat du délit de discrimination, (loi 2004-1486 du 30 décembre 2004, art. 2 modifié) avancer cette preuve.

612

Cass. Crim., 11 juin 2002, n° 01-85559. 613

À titre d’exemple, un testing révèle qu’au niveau de la sélection sur CV, les plus discriminés sont l’homme de 50 ans, la jeune femme d’origine maghrébine habitant en banlieue, et la personne obèse.

614

Cour d’Appel de Dijon, ch.soc., 25 janvier 2007, n° 06-1066, Chiaoui c/ SA Adt France.

615 MINE M., Droit du travail, La discrimination femme/homme, collection dirigée par Bertrand Gauthey, 2001. 616 Directive 97/80/CE du conseil du 15 décembre 1997, JOCE, 20 janvier 1998, L. 14, p. 16.

617 LANQUETIN, M.T., « Discriminations à raison du sexe: Commentaire de la directive du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans des cas de discrimination à raison du sexe », Droit Social, 1998, p. 690.

122 En 2000, les réflexions des législateurs se sont orientées dans le sens d’une protection plus large et facilitant les actions en justice, sans toutefois renverser l’adage ci-dessus.

L’article 8 de la directive européenne 2000/43/CE du 29 juin 2000, a été source de grands changements en droit européen618 : « Dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement ». L’un des apports fondamentaux de cette directive est le rééquilibrage de la charge de la preuve, venant compléter l’ancien article L. 122-45 du Code du Travail, devenu l’article L. 1132- 1 du Code du Travail posant le principe de non-discrimination. Ce rééquilibrage prévoit que le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction utiles619

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Quelle est la portée de la loi française n°2001-1066 du 16 novembre 2001620 ? Celle-ci est moins exigeante. L’article L. 1134-1 du Code du Travail fut élargi afin d’étendre aux litiges nés des comportements discriminatoires de la part de l’employeur, le régime de la preuve applicable au licenciement et à la sanction disciplinaire. Cet article dispose que « En cas de litige relatif à l’application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement ou à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Toute disposition ou acte contraire à l’égard d’un

618 L’article 8 de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 sur l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique lit ce qui suit:” Member states shall take such measures as are necessary, in accordance with their national judicial systems, to ensure that, when persons who consider themselves wronged because the principle of equal treatment has not been applied to them establish, before a court or other competent authority the fact from which it may be presumed that there has been direct or indirect discrimination, it shall be for the respondent to prove that there has been no breach of the principle of equal treatment”. L’article 19(1) de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 concernant la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail et l’article 10 (1) de la Equal Treatment Framework Directive 92000/78/EC) sur la discrimination sur d’autres fondements, vont dans le même sens.

619 GARNER-MOYER H., « Apparence physique et GRH: entre choix et discrimination ». 620

Loi n°2001-1066 du 16 Novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, Gazette du Palais, Bulletin Legislatif, 2001, p 448.

123 salarié est nul de plein droit ». Donc, la victime supposée peut étayer ses accusations par des faits qui vont être portés à l’appréciation du juge.

Ainsi, la différence entre le droit français et la directive du 29 juin 2000 est évidente. La loi française est moins exigeante que la directive en ce qu’elle impose au salarié, non pas d’établir les faits qui créent une présomption de discrimination, mais uniquement de soumettre au juge des éléments de fait. Il s’agit donc d’invoquer des faits mais non de les prouver621

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Désormais, le droit français amorce la transposition de directives communautaires et vise à assurer une « égalité de traitement sans discrimination » dans les relations de travail622.

Quelles ont été les réactions à l’encontre de ce changement du régime de preuve ?

Cette rédaction de l’Assemblée nationale a été fortement critiquée par les sénateurs, et l’expression « éléments de fait laissant supposer… » jugée fortement floue et sujette à interprétation.

La contre-proposition des sénateurs était de retenir une définition proche de celle édictée par l‘article 8 de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000.

Elle pourrait même selon certains aboutir à une attribution de la charge de la preuve à l’employeur, ce qui rendrait sa défense impossible en lui imposant d’apporter la preuve d’un élément négatif623 ; d’autant que l’on redoutait de transformer l’employeur en « bouc-émissaire » et d’engorgement des tribunaux624

. Toutefois, la jurisprudence suivant 2001 a démontré que cela n’a pas été le cas.

§ 3: Le contentieux de la preuve de discrimination et le pouvoir d’appréciation du juge

94. Cet aménagement de la charge de la preuve existait en matière de discrimination sexuelle

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