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Section 2 : Les tempéraments au principe de non-discrimination ou les motifs légitimes ou faits justificatifs

B) Les préférences de la clientèle Existe-t-il un lien avec la productivité ?

2- Conséquence : la productivité

122. Beaucoup de types de discriminations peuvent être « économiquement efficaces »846. D’un

point de vue économique et du sens des affaires847, l’argument des préférences de la clientèle semble être le plus valable, s’il mesure la rentabilité par rapport à l’apparence physique. En effet, l’apparence physique semble être un indicateur valide de productivité, sachant que cette dernière se mesure par la satisfaction des clients ou des usagers, des collègues et des employeurs, à l’origine des profits. Certains estiment que la satisfaction des collègues serait la « seule légitime mesure de productivité » et un critère de qualification « aussi légitime que l’intelligence, l’agilité, l’expérience professionnelle et la personnalité »848

; notamment dans le cas où l’apparence physique est directement liée aux gains engendrés par les industries telles que celles du divertissement ou de l’hospitalité849

.

Selon Madame Naomi Wolf, sous un angle purement économique, l’apparence physique devrait être toujours considérée comme une BFOQ, tant que les clients ainsi que les collègues la considèrent comme étant essentielle850. En outre, selon certains, il est évident que les personnes attractives contribuent à la réalisation de profits, et il est par conséquent logique qu’ils aient droit à des rémunérations supérieures851.

846

« Facial discrimination: extending handicap law to employment discrimination on the basis of physical appearance », vol.100, Harvard Law Review, 1987, p. 2035.

847 GREENHOUSE S., « Going for the look, but risking discrimination », New York Times, 13 juillet 2003, p. 12. 848

116 P.3d 1123, 1145 (California 2005).

849

HAKIM C., Honey money: The power of erotic capital, Publication Allen Lane, 2011. 850

BERRY B., The power of looks: Social stratification of physical appearance, Cornwall, MPG Books, 2008, p. 25.

851

171 L’arrêt Craft v. Metromedia852

fut déterminant en matière de « Professional Beauty Qualification » et a provoqué la montée en flèche du métier de consultant de l’image853. Une présentatrice de télévision de trente-six ans fut reclassée à un poste derrière la caméra car l’équipe lui reprochait sa manière de s’habiller, son maquillage et son apparence physique générale. Elle intente une action en justice sur le fondement de discrimination fondée sur le sexe, unique recours qu’elle détient, en affirmant avoir été reclassée en raison de son apparence non attractive (elle fait l’objet du commentaire suivant «Too old, too unattractive, and not deferential to men »). Malgré le fait d’avoir été humiliée devant ses ex-collègues et les médias, elle n’obtiendra pas gain de cause. La Cour du District de Missouri considère qu’il ne s’agit pas de discrimination sexuelle car les standards étaient similaires entre femmes et hommes et poursuit en affirmant que la discrimination sexuelle ne doit pas interférer dans les régulations de l’apparence physique imposées par les employeurs privés. D’après la Cour, il ne s’agit pas de discrimination sexuelle mais de « logique de marché ». Comme elle n’aurait pas pu attirer une audience suffisamment grande, elle n’aura pas pleinement rempli sa fonction. Voilà une bonne illustration du lien manifeste entre le BFOQ et les préférences des « clients », en l’occurrence les téléspectateurs. Cette solution, que certains jugeraient injuste, émane indiscutablement de la taille, la couleur de ses cheveux, la forme de visage et de le sexe de Craft854. De manière implicite, la Cour reconnaît les préférences de la clientèle ou audience en tant que justification de régulations spécifiques adressées aux femmes uniquement855. La Cour, ne distingue pas entre la fonction de communiquer les informations et celle de générer une large audience.

Cette Cour considère que l’employeur a pleinement le droit de se fonder sur des stéréotypes sexuels s’agissant des belles femmes étant donné le marché conservateur à Kansas City856

. La Cour conclut que les exigences en question n’étaient pas guidées par des notions ‘stéréotypiques’ du rôle des femmes. Les standards en question sont le produit de considérations techniques et professionnelles, et par suite, des qualifications raisonnables des affaires

852

Craft v. Metromedia, 766 F.2d 1205, 1215 (8th Circuit 1985) (« As television is a visual medium, television networks and local stations clearly have a right to require both male and female anchors to maintain a professional appearance while on camera »).

853

De plus, il convient de mentionner l’organisation “Dress for Success”, « Dress for Success, a charity that supplies low-income women with donated suits and office attire for job interviews » http://www.dressforsuccess.org/whatwedo_pwgprogram.aspx.

854

NAOMI W., The beauty myth: how images of beauty are used against women, New York: Harper perennial, 2002, p. 57.

855

HYDE A., Bodies of law, Princeton University Press, 1997. 856

172 (reasonable business qualifications). La Cour estime par conséquent que l’employeur a un « besoin légitime » et a pris une décision « raisonnable ».

La question qui se pose est celle de savoir pourquoi le fait de refuser une présentatrice de télévision en raison de son style démodé, son look ‘banal’ ou de son maquillage ne serait pas illégal ; alors même que licencier une présentatrice en raison de sa peau noire est qualifié de comportement raciste et par suite sujet à sanction. Si le dernier cas est une forme intolérable de discrimination, pourquoi le premier cas devrait-il être admis ?

En revanche, il est intéressant de noter qu’une étude sur l’impact de la beauté dans l’industrie de la publicité par Caballero démontre que bien que des groupes spécifiques réagissent de manière plus positive envers des promoteurs attirants, l’aspect physique de ces derniers n’est nullement suffisant à inciter les clients à acheter davantage le produit en question857. En effet, bien que des mannequins très séduisants aient une productivité satisfaisante dans la vente de produits de beauté, les individus à l’apparence physique ‘moyenne’ n’en sont pas moins compétents858

. Cela est également vérifiable en matière de vente de produits de beauté859.

En conclusion, de manière générale, les tribunaux admettent la légalité d’une pratique de discrimination justifiée par les préférences de la clientèle ou par l’image de la compagnie dans des cas précis860, toutefois les résultats sont parfois inconsistants.

L’examen des droits français et américain reflète une similarité d’analyse de la discrimination, et implicitement du lookisme. En effet, la notion de BFOQ est très similaire à celle de l’exigence professionnelle essentielle et proportionnée à la nature du métier, ou essence of the business. En outre, la notion de business necessity est très similaire à celle d’intérêt ou de bonne marche de l’entreprise.

857

CABARELLO MJ., HUMPKIN JR., MADDEN CS., « Using physical attractiveness as an advertising tool: an empirical test of the attraction phenomenon », Journal of Advertising Research, vol. 16, 1989, p. 20-21.

858 GORDON P., Looks, why they matter more than you ever imagined, New York: AMACOM, 2008, p. 140. 859 GORDON P., Looks, why they matter more than you ever imagined, New York: AMACOM, 2008, p. 149. 860

« The only meaningful measure of productivity is the amount a worker adds to customer satisfaction and to the happiness of coworkers.” BARRO R., « So you want to hire the beautiful. Well, why not? », Business Week, 1998, p.18.

173 § 5: Les autres arguments avancés

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