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Section 1 : Lookisme pur ou tres composé

B) Jurisprudence en faveur de l’employeur

1- Droit français

A) Jurisprudence en faveur du salarié

138. Dans un arrêt extrêmement intéressant de la Cour de Cassation957, un chef de rang dans un

restaurant gastronomique a été licencié en raison de son refus d’ôter ses boucles d’oreilles portées d’avril 2007 à mai 2007 (on l'a mis en congés afin qu'il réfléchisse et à son retour, on l'a affecté au bar avant d'entamer la procédure de licenciement). Dans la lettre de licenciement, il est énoncé que « Votre statut au service de la clientèle ne nous permettrait pas de tolérer le port de boucles d’oreilles sur l’homme que vous êtes ». Erreur grave ! Cela fait présumer que l'employeur ne tolère pas le port de tels bijoux chez un homme ; ce qui sous entend qu'il l'accepte parfaitement chez une femme, du fait que ses collègues féminines portaient effectivement des boucles d'oreilles sans que cela ne gêne ni l'employeur ni sa clientèle particulière. Ainsi exprimé, le motif du licenciement révèle une discrimination sur l’apparence physique rapportée au sexe958. C’est une discrimination directe par rapport aux autres membres du personnel de sexe féminin qui laisse entendre qu'il ne serait pas un homme en portant des boucles d'oreilles959. Dans ses écritures devant la Cour, l'employeur ne minimise pas cet élément mais insiste sur cette connotation sexuelle notamment quand il prétend que dans un restaurant d'une telle renommée,

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WILLIAMSON E., « Moving past hippies and harassment: A historical approach to sex, appearance, and the workplace », Duke Law Journal, vol. 56, 2006, p. 681, 699.

957 Cass Soc., 11 janvier 2012, Revue de Jurisprudence Sociale, 3/12, n° 214 ; JCP, S 2012, 1164, note BOSSU B. 958

Or, selon certains, cela peut laisser à penser que l'apparence physique, tout au moins lorsqu'on évoque les aspects de cette apparence sur lesquels l'individu peut exercer sa volonté, n'est pas un motif autonome de discrimination mais doit, pour pouvoir être retenu, être relié à un autre motif de discrimination, tel le sexe, l'origine ou la religion. Voir PERRIN L., « Discrimination en raison de l'apparence physique : port de boucles d'oreilles », Cass. Soc. 11 janvier 2012, n° 10-28.213, Dalloz Actualité, 8 février 2012.

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198 voir un salarié homme porter des boucles d'oreilles peut nuire à l'apparence de celui-ci et gêner la clientèle.

Ainsi, le motif du licenciement révèle une référence au sexe du salarié laissant supposer l'existence d'une discrimination directe par rapport aux autres membres du personnel de sexe féminin en laissant entendre qu'il ne serait pas un homme en portant des boucles d'oreilles. Or, dans son argumentation, l'employeur ne minimise pas cet élément mais insiste même sur cette connotation sexuelle.

La Cour d’Appel juge ce licenciement nul et condamne le restaurant au paiement de dommages- intérêts. Selon le pourvoi, il ne s’agit aucunement de discrimination car le pouvoir de l'employeur d'imposer des contraintes vestimentaires est possible si elles sont justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché. Comme le restaurant gastronomique recevait une clientèle attirée par sa réputation de marque, laquelle impose une tenue sobre du personnel en salle, cela pourrait gêner la clientèle, vu que le serveur était en contact direct avec elle. C’est pourquoi le port de boucles d'oreilles pendant sa durée de service était incompatible avec ses fonctions et ses conditions de travail. Il convient de noter que l’employeur apporte les éléments de preuve suivants : (i) des extraits des différents guides gastronomiques témoignant de la renommée de son restaurant, et (ii) des déclarations des trois clients, jugées purement subjectives et comme portant un jugement de valeur sur le port de boucles d'oreilles par un homme serveur dans un restaurant gastronomique960 ; qu'en conséquence, le licenciement du salarié fondé sur un motif discriminatoire doit être déclaré nul et de nul effet. Toutefois, la Cour de Cassation, en citant l’article L. 1132-1 du Code du Travail,

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Un déclarant que la qualité de l établissement est incompatible avec un service effectué par du personnel affublé de ces percings et autres boucles d'oreilles et allant jusqu’à dire que le salarié qu'il connaissait par ailleurs pour avoir été son assureur traversait un période trouble et que cet incident n'était que la suite logique que de ses errements notamment le retrait de son permis de conduire,

- le second, dirigeant de société précisant qu' « il comprend que la présentation de l’employé qui porte des boucles d'oreilles et qui est en contact avec la clientèle puisse être préjudiciable à l'image et aux valeurs de l' établissement de renom car peut choquer certains de vos clients » ;

- le dernier déclarant apporter tout son soutien au gérant et penser que le fait d être servi par une personne dont la présentation et la tenue ne seraient pas adéquates et conformes, constituerait une faute dans la gestion du personnel fort dommageable, et « si je devais dans l'avenir être servi par l'un de vos collaborateurs ( masculin) porteur de piercing ou autres pendants , je demanderais bien évidemment que ce collaborateur soit attaché au service d'une autre table que la mienne ».

- un courrier de Jean PLOUZENEC Président des Toques Blanches du Roussillon indiquant que dans les écoles et centres de formation ainsi que dans tous nos établissements est respecté un certain rigueur dans la tenue du personnel, rigueur quant au port de bijou ou autre boucle d'oreille en présence des clients et rigueur vestimentaire.

199 retient qu’il s’agit bien d’une discrimination sur l’apparence physique rapportée à son sexe, à défaut pour l’employeur de justifier le traitement par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination (et que le moyen est inopérant en ce qu'il se fonde sur l'article L. 1121-1 du Code du Travail dont la Cour d'Appel n'a pas fait application)961.

Par conséquent, on ne saurait invoquer au titre des exigences professionnelles essentielles et

déterminantes les préférences de la clientèle.

Cet arrêt est une preuve éclatante du rôle primordial du juge, ministre de l’équité et garant des

droits des salaries.

De la meme façon, a été jugé légitime le refus d’un serveur d’ôter son piercing au sourcil dès lors que son employeur exploitait une chaîne de restaurants dans des centres commerciaux et ne pouvait se situer dans un créneau haut de gamme impliquant de la part du personnel une tenue vestimentaire particulièrement stricte962. En l’espèce, les juges ont décidé que le port du piercing n’était pas contraire aux bonnes mœurs, ni aux règles d’hygiène applicables en restauration. Aussi, un employeur ne saurait légitimement interdire à une hôtesse d’accueil d’un bowling le port d’un piercing nasal discret, car aucune violation des règles d’hygiène n’avait lieu, et ce port n’était pas de nature à la gêner dans ses fonctions en occasionnant des désagréments vis-à-vis de la clientèle963.

De même, un employeur ne peut exiger d’un vendeur en équipement auto-son d’ôter pendant son travail le petit diamant qu’il porte à l’oreille gauche, car aucune justification des considérations de présentation vis-à-vis de la clientèle n’était apportée, sachant qu’il s’agissait d’un bijou discret, couramment porté par les hommes de sa génération964.

Dans une affaire intéressante, antérieure à la loi de 2001, la Cour d’Appel de Toulouse décide que « porter un bijou » ne saurait être par principe interdit à une salariée dans l’exercice de ses fonctions, si ledit bijou ne paraît pas incompatible avec la nature des tâches qui lui sont confiées. De même, le port d’un anneau inséré dans l’arcade sourcilière, « illustration d’une mode actuelle dite piercing ne saurait être regardé en lui-même comme procédant d’une attitude contraire ou incompatible avec l’activité de serveuse de restaurant qui était la sienne au moment des faits

961Cass Soc., 11 janvier 2012, Revue de Jurisprudence Sociale, mars 2012, n° 214 ; JCP, S 2012, 1164, note BOSSU B.

962Cour d’Appel de Toulouse, 28 février 2003, n° 2-3428. 963Cour d’Appel de Metz, 7 avril 2008 n° 08-262.

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