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Cet aménagement de la charge de la preuve existait en matière de discrimination sexuelle mais uniquement en matière civile, la réparation se faisant par le versement de dommages et

Section 3 : La charge et les moyens de preuve du lookisme, une protection améliorée

94. Cet aménagement de la charge de la preuve existait en matière de discrimination sexuelle mais uniquement en matière civile, la réparation se faisant par le versement de dommages et

intérêts. Il s'agit du rappel du principe de la nouvelle répartition de la charge de la preuve en

621HENRY M., « Le nouveau régime probatoire applicable aux discriminations », Droit ouvrier, mai 2001.

622 MINE M., « La discrimination dans l’emploi. Aperçu de la jurisprudence communautaire et française. Les apports de la nouvelle loi à la lumière du droit communautaire », Semaine Sociale, Lamy, n° spécial 1055 du 17 décembre 2001.

623 Voir le rapport Sénat, 1ere lecture, n° 155, p. 20 et s. 624

FRAISSINIER-AMIOT V., « La protection contre les discriminations en droit du travail », Petites Affiches, 20 juillet 2007, n°145, p. 4.

124 matière de discrimination telle qu'il a résulté d'un arrêt de principe du 23 novembre 1999625. Un arrêt qui avait apporté la précision suivante : « Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes et qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure, d'établir que la disparité de situation ou la différence de rémunération constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe ».

Dorénavant, en cas de litige, la charge de la preuve est partagée entre la victime, qui ne doit avancer que de simples allégations de discrimination et une différence de traitement, et l’employeur ou le chargé de recrutement, qui doivent ensuite établir que la raison de leur décision repose sur des critères extérieurs, objectifs et étrangers au critère avancé par la victime (tels l’intérêt ou la bonne marche de l’entreprise, l’essence même du travail, les diplômes, le marché du travail en matière de salaires, etc…). Par conséquent, le risque de la preuve incombe à l’employeur626

, quitte à perdre le procès627.

Dans la même lignée, dans un arrêt rendu le 28 septembre 2004628, la Cour de Cassation décide qu’en application de l’article 1315 du Code Civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

Dans l’affaire récente Meister v. Speech Design Carrier Systems GmH, la Cour Européenne de Justice629, a décidé qu’un candidat qui ne répond pas aux caractéristiques requises pour une offre de travail, qui est rejeté lors d’un entretien ou même préalablement à l’entretien, n’a pas le droit de demander à l’employeur de lui dévoiler des informations sur le processus de recrutement.

625

Cass. Soc. 23 novembre 1999 : Bulletin Civil, n° 447 ; CSBP 2000, n°116 S. 21, observations F.-J. Pansier ; Droit ouvrier, 2000-03, n° 619, p. 97, note MINE M., D. 2000, IR p. 46.

626

Arrêt CJCE, Handels-og Kontorfunktionærernes Forbund I Danmark c/ Dansk Arbejdsgiverforening, agissant pour Danfoss, dit « affaire Danfoss », du 17 octobre 1989, affaire n° 109/88.

627 Cass. Soc., 16 juillet 1998 n° 96-42.209, inédit; Cass. Soc.19 décembre 2000 n° 98-44.688, Inédit. Cass. Soc., 28 novembre 2000, n° 97-43.715 99-41.661, Bulletin 2000 V n° 395 p. 302.

628

Cass. Soc., 28 septembre 2004, 03-41.825 à 03-41.829 Bulletin 2004 V N° 228 p. 209, Societe STAVS Transport de Voyageurs c. Joarau.

629

Cour européenne de justice, Meister v. Speech Design Carrier Systems GmH, affaire C-415/10, 19 avril 2012. Dans cette affaire il s’agissait d’une offre à la recherche d’un software développer, pour laquelle Ms. Meister, de nationalité russe a postulé et a été rejetée à deux reprises, sans entretien, sans aucune justification. Elle forma donc une action devant la cour allemande de travail, sur les fondements de discrimination basée sur la race, le sexe, et l’âge.

125 Ainsi, en interprétant les directives européennes sur la discrimination630, la Cour conclut que les employeurs potentiels n’ont à leur charge aucune obligation positive de donner accès à toute information sur le processus de recrutement à des candidats refusés. Toutefois, la Cour ne s’arrête pas là. Elle poursuit en disant que ce refus par l’employeur de donner accès à des informations d’une telle nature pourrait être un des facteurs qu’une cour nationale pourrait prendre en compte afin d’établir une présomption de discrimination. En conséquence, la charge de la preuve de dénier toute discrimination sera déplacée vers l’employeur631

. Ainsi, dans l’établissement d’un cas de discrimination, le contexte factuel est d’une grande importance pour les juges nationaux. Ceci est une grande avancée dans le transfert de la charge de la preuve. Des arrêts de la Cour de Cassation632 ont rappelé que la victime doit apporter des éléments susceptibles d’établir qu’elle a été victime d’une discrimination. Si les éléments qu’elle apporte sont trop limités, elle risque fortement de perdre son procès. Si les éléments sont sérieux et si l’employeur ne parvient pas à démontrer l’absence de discrimination, elle gagne le procès. S’agissant des discriminations salariales633

, la solution est constamment réaffirmée et motivée avec netteté sur la question de l'identité de situation634 sexuelles635et syndicales636. Il incombe ainsi au salarié d'établir l'existence d'une distinction dans le traitement, mais également

630L’article 8 de la Directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 sur l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ; l’article 19(1) de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 concernant la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail et l’article 10 (1) de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail sur la discrimination sur d’autres fondements.

631

Voir aussi Kelly v. National University of Ireland, affaire C-104/10, 21 juillet 2011. Dans cette affaire, un candidat dont l’admission universitaire en master, a été refusée, la Cour européenne de justice estime que le refus de donner accès aux informations ne viole pas les règles de l’Union européenne sur la charge de la preuve. D’autant plus que les cours nationales doivent prendre en compte, dans la considération d’applications universitaires, les lois de l’Union Eeuropéenne sur la protection des informations.

632 Cass. Soc., 16 juillet 1998, Cass. Soc., 19 decembre 2000, Cass. Soc., 28 novembre 2000, Cass. Soc 23 novembre 1999.

633

Cass. Soc. 10 octobre 2000, Bulletin Civil n° 317 ; CSBP 2001, n° 126 S. 47, observations S. Dugué ; Gazette du Palais, recueil 2000, somm. p. 2795 ; Cass. soc. 9 avril 2002 : inédit, n° 99-44.534 - Cass. soc. 7 mai 2002 : inédit, n° 99-41.594.

634Cass. Soc., 26 novembre 2002, Bulletin Civil n° 354. 635 Cass. Soc., 19 décembre 2000, Bulletin Civil n° 436. 636

Cass. Soc., 28 février 2000, n° 98-45.680 ; Cass. soc. 24 octobre 2001, n° 99-45.011 - Cass. soc., 27 novembre 200, n° 00-44.736. Discrimination syndicale «Attendu, cependant, qu'en présence d'une disparité de traitement non contestée, il appartient au juge, sans se substituer à l'employeur, de vérifier si celui-ci justifie d'éléments d'objectifs, étrangers à l'exercice d'un mandat syndical, qui ne sauraient résulter du seul exercice d'un pouvoir discrétionnaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Cass. Soc. 28 septembre 2004.

126 d’identifier les salariés contre lesquels la discrimination est opérée637

à charge pour l'employeur d'apporter des éléments permettant de contester cette identité de situation638.

Les deux arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de Cassation639 en date du 28 septembre 2004, reflètent le rôle du juge par rapport à la marge d’appréciation de l’employeur. Le juge n’a pas la faculté de se substituer à l'employeur dans le cadre du contentieux sur la discrimination. Seul l'employeur ou le chargé de recrutement décide in fine en matière de recrutement, d’augmentation et de promotion ; et l'employeur est tenu de justifier objectivement sa décision. À titre d’exemple, il n’appartient pas au juge de rechercher si une décision de refus de l’employeur de faire bénéficier un salarié d’une promotion est conforme à l’intérêt de l’entreprise ; car il incombe au salarié de fournir des éléments de fait laissant supposer que cette décision a été prise en considération du critère illégitime640. L’employeur doit pouvoir avancer les arguments matériels permettant d'étayer sa décision, à défaut de quoi, la décision est purement subjective et présumée discriminatoire641.

Enfin, s’agissant des commentaires, des propos tenus par un employeur « Depuis que tu es embauchée, le chiffre d’affaires a baissé de 20% et les clients quand ils voient par la porte que c’est toi, ils ne rentrent pas »642

, ont été estimés déplacés et désobligeants mais ne permettent pas de caractériser des faits de discrimination du fait de la race, sexe ou physique643.

637

Cass. Soc., 16 octobre 2002, n° 00-44.860. 638 Cass. Soc., 13 janvier 2004, Bulletin Civil, n° 1.

639 Cass. Soc., 28 septembre 2004, Viel-Teneux c. SCS Idex et compagnie, Cassation partielle (Cour d’appel Aix-en- Provence, 18e Ch., 18 décembre 2002 - Pourvoi n° T 03-42.624 - Arrêt n° 1698 PB).

640

Chiaoui c/ SA Adt France. CA, soc., Dijon, 25 janvier 2007, n° 06-1066.

641

Voir Cass. Soc., 28 mars 2000, Bulletin Civil n° 126 ; CSBP 2000, n° 121 A. 26, observations C. Charbonneau ; RJS 2000 p. 350, n° 498 ; Droit social, 2000 p. 589, observations. Lanquetin ; JCP édition Entr. 2001, p. 233, note T. Aubert-Monpeyssen «Attendu, cependant, qu'il appartient au salarié syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au syndicaliste, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que, d'une part, si le juge n'a pas à se substituer à l'employeur, il lui appartient de vérifier, en présence d'une discrimination syndicale invoquée, les conditions dans lesquelles la carrière des intéressés s'est déroulée, et alors, d'autre part, que la preuve de la discrimination n'incombait pas au salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

642 Cour d’Appel de Chambéry 17 octobre 2006, n°05-2439. 643

En l’espèce, Aicha avait eu recours à l’aide bénévole apportée par des tiers. Voila donc une faute dans l’exécution du travail.

127 En matière de harcèlement moral, le régime probatoire est similaire à celui des discriminations au sens strict. Selon l’article L.1154-1 du Code du Travail, « Le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

Le mode opératoire a été précisé par la Cour de Cassation : « Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement »644.

Autrement dit, le juge doit statuer sur l’ensemble des éléments de fait apportés par le salarié et vérifier leur matérialité. Il doit ensuite qualifier les faits retenus.

Qu’en est-il du droit américain ?

Sous-Section 2 : Droit américain

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