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Introduction `a la seconde partie

Nous nous tournons dans cette partie (les chapitres 5 `a 12) vers la diffraction d’une onde atomique par l’onde ´evanescente stationnaire. C’est parce que l’intensit´e lumi-neuse pr´esente alors une modulation spatiale que le miroir `a atomes se transforme en un r´eseau de diffraction en r´eflexion. Comme dans la partie pr´ec´edente, nous al-lons supposer que les atomes incidents sont suffisamment lents pour qu’ils puissent ˆetre r´efl´echis par un champ lumineux `a grand d´esaccord, dans le r´egime de satura-tion faible. Le mouvement de l’atome est alors d´etermin´e par un potentiel scalaire, le potentiel dipolaire qui correspond au d´eplacement lumineux de l’´etat atomique fonda-mental. Le probl`eme de la diffraction de l’onde atomique constitue ainsi un exemple de la th´eorie quantique de la diffusion par un potentiel p´eriodique planaire.

D’un point de vue historique, la th´eorie de la diffraction en r´eflexion d’une onde de mati`ere par un potentiel p´eriodique remonte aux ann´ees trente de ce si`ecle. Elle fut d´evelopp´ee suite aux exp´eriences de O. STERN, F. KNAUER et R. FRISCH `a Hamburg (Allemagne), o`u un jet atomique thermique fut r´efl´echi et diffract´e par une surface cris-talline [96, 97]. En 1932, J. M. JACKSONet N. F. MOTT´etudi`erent l’´echange d’´energie entre la surface et l’atome incident [68] ; ils furent les premiers `a se servir d’un po-tentiel r´epulsif avec une forme exponentielle pour d´ecrire l’interaction de l’atome avec la surface. En 1936 et 1937, A. F. DEVONSHIRE et J. E. LENNARD-JONES cal-cul`erent l’efficacit´e de la diffraction d’une onde atomique dans l’approximation de BORN [56, 57], en utilisant un potentiel de MORSE pour tenir compte `a la fois de l’attraction de VAN DER WAALS `a longue distance et de la r´epulsion par la surface

`a courte distance. La formulation moderne de la th´eorie de la diffraction d’un atome par une surface fut donn´ee en 1970 par N. CABRERA, V. CELLI, F. O. GOODMAN et R. MANSON (hhScattering of atoms by solid surfacesii1), une fois que des exp´eriences plus fines de diffraction d’atomes par des surfaces furent possibles. Dans la suite, de nombreux mod`eles th´eoriques simplifi´es furent introduits et confront´es aux observa-tions exp´erimentales (voir l’article de revue par H. HOINKES [55] pour davantage de r´ef´erences). Un aspect important de la diffraction par une surface cristalline est qu’il faut g´en´eralement tenir compte du mouvement thermique de la surface, en introduisant des moyennes appropri´ees dans la th´eorie.

Revenons maintenant aux travaux sur la diffraction d’atomes par un champ lumi-neux ´evanescent. C’est en 1989 que J. V. HAJNAL et G. I. OPAT de l’Universit´e de

1Surface Science 19, 67–92 (1970).

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82 Diffraction Melbourne (Australie) proposent d’utiliser l’onde ´evanescente stationnaire comme un r´eseau de diffraction en r´eflexion pour un jet atomique (hhDiffraction of atoms by a standing evanescent light wave – a reflection grating for atomsii2). Ils s’int´eressent en particulier au cas d’un jet thermique en incidence rasante et d´eveloppent une th´eorie

`a partir d’´equations d’ondes coupl´ees pour un atome `a deux niveaux. Des populations diffract´ees importantes sont pr´edites pour l’´etat excit´e et pour l’´etat fondamental dans l’ordre+2. Quelques mois plus tard cependant, il fut impossible d’observer la diffrac-tion dans l’exp´erience du groupe de G. I. OPAT [98]. Cet ´echec fut attribu´e aux im-perfections exp´erimentales qui ne permirent pas de r´esoudre l’ordre de diffraction+2 parce que l’angle de diffraction se trouve alors entre le faisceau r´efl´echi sp´eculairement et la surface du di´electrique. La recherche de la diffraction d’un jet thermique en inci-dence rasante se poursuivit en 1993 et 1994 lorsque des r´esonanceshhDoppleroniifurent observ´ees dans la r´eflexion par une onde ´evanescente partiellement stationnaire par les groupes de J. BAUDON `a l’Universit´e de Paris-Nord (Villetaneuse) [18, 99] et de H.-A. BACHOR et K. G. H. BALDWIN de l’Universit´e Nationale d’Australie (Canberra) [100]. Les Dopplerons sont des processus `a plusieurs photons o`u l’´etat fondamental de l’atome est coupl´e de fac¸on r´esonnante `a l’´etat excit´e ; la r´eflectivit´e du miroir est alors r´eduite parce que l’´etat excit´e est attir´e vers la surface. Par contre, aucune trace d’atomes diffract´es ne put ˆetre d´ecel´ee. En 1993 ´egalement, la th´eorie de R. DEUTSCH

-MANN, W. ERTMER et H. WALLIS, alors `a l’Universit´e de Bonn (Allemagne), pr´edit de faibles populations diffract´ees dans les ordres−2,−4pour un jet atomique ralenti [78], Dans leur approche, ils utilisent les niveaux habill´es dans l’onde ´evanescente

`a titre de potentiels adiabatiques ; l’atome est diffract´e lorsqu’il passe d’une courbe de potentiel `a une autre par une transition non adiabatique. Cette image a ´et´e uti-lis´ee par J. E. MURPHY, L. S. HOLLENBERG et A. E. SMITH de l’Universit´e de Mel-bourne (Australie) pour interpr´eter les r´esultats qu’ils ont obtenus par une simulation num´erique de l’exp´erience du groupe de H.-A. BACHORsur les r´esonances Doppleron [101].

La premi`ere observation exp´erimentale de la diffraction d’atomes par l’onde

´evanescente stationnaire fut rapport´ee par le groupe de W. ERTMER de l’Universit´e de Bonn en 1994 [12]. L’on utilisa alors un jet d’atomes ralenti et collimat´e par re-froidissement laser en incidence rasante. Le jet fut diffract´e dans l’ordre−2, avec un rendement de quelques pour cent. En 1996, le groupe de V. LORENTde l’Universit´e de Paris-Nord `a Villetaneuse put observer des populations diffract´ees atteignant jusqu’`a 40 % pour un jet d’atomes thermique [13]. Dans cette exp´erience, le plan d’incidence du jet a ´et´e tourn´e par rapport au plan d’incidence de l’onde ´evanescente stationnaire, de fac¸on `a r´eduire la vitesse atomique dans le plan du r´eseau. Le groupe de C. M. SA

-VAGE de l’Universit´e Nationale d’Australie (Canberra) a publi´e des r´esultats de si-mulations num´eriques, en accord avec les exp´eriences de H.-A. BACHOR [80] et de W. ERTMER [81]. Pour obtenir la diffraction dans les conditions de l’exp´erience de W. ERTMER, il fallut tenir compte de la structure magn´etique des ´etats atomiques

2Optics Communications 71, 119–124 (1989).

Introduction 83 fondamental et excit´e. Notons que R. DEUTSCHMANN et ses coll`egues `a Bonn ont propos´e une s´eparatrice atomique analogue en 1993 [79], o`u un atome avec plusieurs sous-niveaux magn´etiques est r´efl´echi par une onde ´evanescente progressive `a laquelle se superpose un champ magn´etique.

Quant `a la diffraction d’atomes en incidence normale, notre groupe `a Orsay a tout r´ecemment obtenu de premiers r´esultats.3 La diffraction hhdans le tempsii par un mi-roir `a onde ´evanescente avec une modulation temporelle fut r´ealis´ee en incidence nor-male par le groupe de J. DALIBARD du laboratoire KASTLER–BROSSEL de l’Ecole Normale Sup´erieure (Paris) [14, 85], suite `a une proposition th´eorique de C. H., A. M. STEANE, R. KAISER et J. DALIBARD [102]. L’onde atomique r´efl´echie par lehhmiroir vibrantiiest alors modul´ee en fr´equence et ses bandes lat´erales ont des vi-tesses diff´erentes dans la direction perpendiculaire au miroir. Des transferts de vitesse discretis´es de plusieurshκ/M¯ ont ´et´e observ´es.

Notons finalement qu’`a part l’onde ´evanescente stationnaire, d’autres r´eseaux de diffraction d’atomes ont ´et´e propos´es. Citons les propositions du groupe de G. I. OPAT

de 1992 [11] o`u figure en particulier un r´eseau de diffraction en r´eflexion bas´e sur un champ magn´etique p´eriodique. L’interaction du moment dipolaire magn´etique de l’atome avec le champ conduit `a un potentiel p´eriodique r´epulsif pour des sous-niveaux magn´etiques particuliers. Du point de vue math´ematique, un tel r´eseau magn´etique est d´ecrit par un potentiel de forme similaire au potentiel dipolaire de l’onde ´evanescente stationnaire, mais `a des ´echelles spatiales diff´erentes. Rappelons que la r´eflexion d’atomes sur un tel miroir magn´etique, sans diffraction, a ´et´e observ´ee par le groupe de E. A. HINDS, alors `a l’Universit´e de Yale (Etats-Unis), en utilisant une bande magn´etique [24], ainsi que par les groupes de P. HANNAFORD et G. I. OPAT de l’Universit´e de Melbourne (Australie) o`u le miroir est r´ealis´e par une disposition p´eriodique d’aimants permanents [25].

Dans cette partie du pr´esent m´emoire, nous ´etudions la th´eorie de la diffraction d’une onde de mati`ere par un potentiel exponentiel p´eriodique scalaire. Par rapport

`a l’interaction d’un atome `a deux niveaux avec une onde ´evanescente stationnaire, nous nous limitons ainsi au r´egime de faible saturation o`u le mouvement de l’atome est d´etermin´e par le potentiel dipolaire; nous supposons que l’´emission spontan´ee est n´egligeable. L’onde lumineuse sera d´ecrite par un champ classique externe. Dans la plupart des cas, notre approche th´eorique sera motiv´ee par une exp´erience o`u les atomes sont incidents au voisinage de la normale, telle qu’elle est r´ealis´ee dans les groupes de J. DALIBARD et de A. ASPECT. Nous emprunterons n´eanmoins volontiers des approches d´evelopp´ees dans d’autres domaines de la physique, comme la diffusion d’atomes par des surfaces cristallines ou encore l’optique lumineuse.

Du point de vue th´eorique, la diffraction d’atomes dans le r´egime de faible satura-tion repr´esente une situasatura-tion mod`ele pour la th´eorie quantique de la diffusion. Elle per-met donc d’´etudier plusieurs limites diff´erentes et compl´ementaires. Des exemples sont le r´egime perturbatif o`u la figure de diffraction contient seulement de faibles ordres non

3A. LANDRAGIN, G. HORVATH, L. COGNET, communication priv´ee (1996).

84 Diffraction sp´eculaires, ou encore la limite semi-classique o`u la longueur d’onde des atomes est beaucoup plus petite que la profondeur de p´en´etration de l’onde ´evanescente. Dans la limite semi-classique, l’on peut s’attendre `a ce que la figure de diffraction s’approche de la distribution des vitesses pour des particules classiques ; nous pouvons alors com-parer la th´eorie quantique `a une approche purement classique o`u les atomes sont d´ecrits par des points mat´eriels. Nous verrons que la diffraction d’atomes lents par une onde

´evanescente stationnaire permet de mettre en ´evidence des ph´enom`enes divers li´es `a des r´egimes physiques compl´ementaires.

Rappelons tout d’abord que l’apparition mˆeme des ordres de diffraction pour un atome r´efl´echi par l’onde ´evanescente stationnaire d´emontre que l’atome est une onde de mati`ere de DE BROGLIE. En effet, les angles de diffraction discrets ne peuvent ˆetre interpr´et´es qu’en invoquant des interf´erences constructives et destructives entre les ondes atomiques hhsecondairesii rayonn´ees par les diff´erentes p´eriodes du r´eseau.

Par rapport `a la r´eflexion sur une onde ´evanescente simple, o`u nous avons vu que le r´egime quantique correspond `a une vitesse incidente des atomes en-dessous de la vitesse de recul, la diffraction pr´esente l’avantage exp´erimental que l’on peut la r´ealiser avec des vitesses incidentes beaucoup plus ´elev´ees ; il est seulement n´ecessaire que la collimation du faisceau atomique dans la direction transverse soit meilleure que la vitesse de recul, pour que l’on puisse r´esoudre les ordres de diffraction.

Une autre propri´et´e importante de la diffraction est qu l’onde atomique diffract´ee se trouve dans une superposition d’´etats externes qui ont des vitesses diff´erentes. L’onde

´evanescente stationnaire r´ealise alors une s´eparatrice coh´erente pour l’onde atomique, elle constitue ainsi un ´el´ement-cl´e pour l’interf´erom´etrie atomique.

Finalement, nous voudrions attirer l’attention sur une diff´erence significative entre les r´eseaux en r´eflexion de l’optique lumineuse, d’une part, et le r´eseau de diffraction `a atomes que r´ealise l’onde ´evanescente stationnaire, d’autre part : g´en´eralement, l’onde

´evanescente varie lentement `a l’´echelle de la longueur d’onde des atomes incidents.

Par cons´equent, nous ne pouvons trouver les populations des ordres de diffraction de la mˆeme fac¸on que dans la th´eorie de la diffraction de la lumi`ere, en imposant, `a la sur-face du r´eseau, des conditions aux limites appropri´ees. La diffraction d’un atome par une onde lumineuse stationnaire ressemble plutˆot `a la diffraction de la lumi`ere par une onde acoustique4, et les descriptions th´eoriques de ces deux ph´enom`enes contiennent en effet de nombreux analogies. Cette analogie se limite cependant `a une g´eom´etrie de transmission, alors que dans l’onde ´evanescente stationnaire, la trajectoire de l’atome est renvers´ee et sa vitesse s’annule au point de rebroussement. Le fait que la longueur d’onde atomique devient alors infinie, d’un point de vue semi-classique, complique ap-paremment la th´eorie de la diffraction d’atomes en r´eflexion. Or, nous avons constat´e que les fonctions d’onde atomiques exactes qui d´ecrivent la r´eflexion par une onde

´evanescente simple ne contiennent pas de singularit´e au point de rebroussement clas-sique. Nous pouvons donc nous en servir comme point de d´epart pour calculer la figure de diffraction de fac¸on perturbative. Cette approche correspond `a l’approximation de

4M. BORNet E. WOLF, Principles of Optics (Pergamon Press, 6e ´edition), chap. XII.

Introduction 85 BORNde la th´eorie de la diffusion quantique.