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CHAPITRE 3 : production de parole et intelligibilité de la parole des enfants porteurs d’implants

1. Caractéristiques segmentales de la parole d’enfants porteurs d’implants cochléaires

1.1. Voyelles

1.1.3. Etudes acoustiques

1.1.3.1. Etudes longitudinales

Les études de Ertmer (2001), Hocevar-Bolthezar et al. (2008), Kunisue et al. (2006) et Liker et al. (2007) s’intéressent à l’évolution dans le temps de caractéristiques acoustiques des voyelles produites par des groupes d’enfants sourds porteurs d’implants cochléaires. Leurs méthodologies diffèrent, que ce soit dans le choix des voyelles étudiées (voyelles cardinales pour Ertmer (2001) et Hocevar-Bolthezar et al. (2008) ou inventaires complets de la langue de l’étude pour Kunisue et al. (2006) et Liker et al. (2007)) ainsi que dans les méthodes d’élicitation des productions de parole (répétition de mots d’après un modèle adulte pour Hocevar-Bolthezar et al. (2008), Kunisue et al. (2006) et Liker et al. (2007) et interactions mère-enfant pour Ertmer (2001)). Ces études longitudinales se concentrent soit sur un nombre restreint d’enfants (un seul enfant CI dans l’étude d’Ertmer (2001), deux enfants CI dans l’étude de Kunisue et al. (2006)) soit sur des cohortes plus importantes (13 enfants CI et 12 adultes CI dans l’étude de Hocevar-Bolthezar et al. (2008) et 18 enfants CI dans l’étude de Liker et al. (2007)). Les études de Hocevar-Bolthezar et al. (2008) et Kunisue et al. (2006) incluent une session pré-implantation, alors que celle de Ertmer et al. (2001) et Liker et al. (2007) ont lieu uniquement post-implantation : l’enfant de l’étude de Ertmer (2001) a été enregistré un mois avant l’implantation (âge à l’implantation : 19 mois), puis tous les mois pendant l’année qui suit l’implantation ; les enfants de l’étude de Hocevar-Bolthezar et al. (2008) avaient un âge moyen à l’implantation de 6;3 ans et ont été enregistrés avant l’implantation, puis six mois après celle-ci ; le premier enfant de l’étude de Kunisue et al. (2006) avait 7;10 ans au moment de l’implantation et le deuxième enfant avait 8;2 ans, ils ont tous les deux été enregistrés un mois avant l’implantation, puis tous les mois pendant l’année qui suit l’implantation ; enfin, l’étude de Liker et al. (2007) a été réalisée auprès d’enfants âgés de 12;1 ans, ayant reçu l’implant à 7;6 ans en moyenne. Ces études longitudinales ne comparent pas ces productions à un groupe contrôle normo-entendant, à l’exception de celle de Liker et al. (2007). Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons à la partie longitudinale de cette étude seulement, la comparaison avec le groupe d’enfants normo-entendants étant proposée au paragraphe §1.1.3.3 ci-après.

Premier et deuxième formants (F1 et F2)

Les études de Hocevar-Bolthezar et al. (2008) et Kunisue et al. (2006) indiquent une évolution du F1 consécutive à l’implantation : dans l’étude de Hocevar-Bolthezar et al. (2008) les F1 de /u/ et /i/ diminuent après implantation, et dans l’étude de Kunisue et al. (2006), le F1 de /e/ se rapproche du F1 de /i/ chez le premier enfant de l’étude, et les F1 de /a/, /i/ et /ɯ/, qui étaient

similaires à ceux de sa mère avant implantation, ont tendance à beaucoup varier d’une session d’enregistrement à l’autre, consécutivement à l’implantation, chez le deuxième enfant.

Dans l’étude de Ertmer (2001), qui propose une étude acoustique des productions de voyelles lors de la session d’enregistrement de 10-12 mois post-implantation, les F1 de /ɑ/ se confondent avec celui de /æ/. Les auteurs montrent en outre une distinction nette de hauteur entre /i-u/ et /ɑ-æ/. L’étendue du F1 de /a-æ/ est par ailleurs plus grande que celle de /i-u/.

Comme pour le premier formant, l’étude de Ertmer (2001) met en évidence, à 10 à 12 mois post-implantation, un chevauchement des F2 de /ɑ/ et /æ/. L’étude montre également des étendues de F2 similaires pour /i/, /u/ et /æ/, mais une étendue de F2 plus réduite pour /ɑ/ par rapport aux autres voyelles. L’étude de Liker et al. (2007) montre que le F2 des enfants CI aux trois moments étudiés est significativement différent de celui des enfants NH pour toutes les voyelles, ce qui correspond à des voyelles plus antérieures chez les enfants CI que chez les enfants NH.

Espace vocalique

L’étude de Hocevar-Bolthezar et al. (2008) montre une expansion de la taille de l’espace vocalique suite à l’implantation, ce qui indique une meilleure distinction entre les catégories vocaliques. La figure 3.1 ci-dessous présente cette expansion de la taille de l’espace vocalique pour l’un des enfants de cette étude.

Figure 3.1 : espace vocalique F1-F2 d’un enfant CI dans l’étude de Hocevar-Bolthezar et al. (2008), pré- vs post-implantation

L’étude de Kunisue et al. (2006) indique une évolution de la taille de l’espace vocalique des deux enfants dont les productions sont étudiées, ainsi qu’une évolution de la localisation de la répartition des différentes catégories vocaliques à l’intérieur de cet espace. Les deux enfants ont une évolution différente (pour l’enfant 1, /a/ et /ɯ/ sont stables sur la période étudiée et proches des productions de sa mère alors que /o/ est éloigné du /o/ de la mère, pour l’enfant 2, la distribution des voyelles est relativement similaire à celle de la mère), mais la répartition des voyelles à l’intérieur de l’espace et la taille de l’espace tendent à se rapprocher de plus en plus de celles de leurs mères respectives. La figure 3.2 ci-dessous présente l’évolution de l’espace vocalique de l’enfant 1.

Figure 3.2 : évolution de l’organisation de l’espace vocalique de l’enfant 1 et de celui de sa mère (dernière figure) dans l’étude de Kunisue et al. (2006)

Ces résultats sont cependant en contradiction avec ceux de l’étude de Liker et al. (2007) qui met en évidence un espace vocalique des enfants CI plus grand que celui des enfants NH, mais pas d’évolution dans le temps de la taille de cet espace et de la répartition des catégories vocaliques au sein de cet espace. La figure 3.3 ci-dessous présente les espaces vocaliques moyens des enfants CI aux trois temps de l’étude de Liker et al. (2007), en comparaison avec l’espace vocalique moyen des enfants NH de cette même étude.

Figure 3.3 : évolution de l’espace vocalique des enfants CI et comparaison avec l’espace vocalique d’enfants NH dans l’étude de Liker et al. (2007)

Les productions de voyelles présentées dans les études de ce paragraphe ont mis en évidence une tendance commune d’instabilité consécutive à l’implantation, que ce soit sur une dimension des voyelles (hauteur ou antériorité), sur la taille des espaces vocaliques, ou sur la répartition des voyelles à l’intérieur de cet espace. Cependant, cette instabilité ne se manifeste pas systématiquement aux mêmes endroits chez tous les enfants de ces études, ce qui pourrait

s’expliquer par la différence des langues maternelles des enfants (japonais, croate, slovène ou anglais), par l’âge auquel ils ont commencé à utiliser leur implant ou éventuellement par des caractéristiques différentes des implants utilisés.