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LES ENJEUX ECONOMIQUES ET SOCIAUX

La fiscalité française des étrangers non-résidents soulève habituellement de grandes difficultés juridiques. L'indécision et l'incertitude dominent leur système fiscal dans la mesure où ces contribuables s'inscrivent dans un environnement qui se transforme très rapidement du fait de la mondialisation des échanges et de la globalisation juridique. L'évolution contemporaine qui est caractérisée par cette communautarisation et internationalisation croissante du droit conduit à limiter la souveraineté fiscale de l'Etat français. A l'occasion d'un contentieux juridictionnel dense, la société internationale (UE et conventions fiscales internationales comprises) tend à neutraliser les dispositifs fiscaux nationaux discriminatoires applicables au étrangers non-résidents. Plus précisément il s'agit du critère de nationalité qui est annihilé sous l'impulsion du droit externe. En effet, deux conditions fondent l'imposition des étrangers non-résidents en France : le domicile fiscal hors de France (localisation de l'imposition ou règle de territorialité) et l'absence de nationalité française. C'est le critère de nationalité qui est aujourd'hui au centre des préoccupations juridiques car il apparaît contraire aux valeurs égalitaristes prônées par la République française et celles défendues par l'Union

140 Etude de l'OCDE, << Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial. >>. 1998, p. 24. Http://www.OCDE.org.

141 M. LEROY, << Le discours antifiscal à l'épreuve de la sociologie fiscale. >>, Revue française de Finances

Publiques, 01 novembre 2014 n° 128, p. 241. En effet, << la perte de recettes liée aux paradis fiscaux est estimée

à 2,5 % du PIB en UE, 3 % en France. Les paradis fiscaux accueillent des apports évalués de 16 000 à 25 000 milliards (Mds) d’euros.

européenne, et plus largement par la société internationale. Il convient dès lors de donner un coup de projecteur sur cette fiscalité nationale de plus en plus controversée, marquée par le contentieux et l'incertitude. L'étranger non-résident en France est un contribuable difficilement identifiable (le Code général des impôts n'y fait que très rarement référence de manière explicite), aux obligations particulières (dérogatoires par rapport aux nationaux non-résidents) et aux droits altérés par des problèmes de discrimination. Nombreuses sont les difficultés à se situer face à ce droit complexe et mouvant qui par effet d'accumulation législative et réglementaire tend à s'apparenter à un << droit à tiroirs >>. Cette complexité explique le défaut d'accessibilité de la loi fiscale142. Autrement dit, cette recherche consiste à démontrer que les étrangers non-résidents sont tributaires d'un système fiscal complexe et en partie discriminatoire par rapport aux français non-résidents, qui aurait besoin de plus d'uniformité et de simplicité afin d'en améliorer la visibilité, l'intelligibilité et le consentement pour se mettre en conformité avec le droit supranational et rendre éventuellement la France plus attractive fiscalement. Plus largement, le système fiscal des étrangers non-résidents est une illustration du ''mille-feuille fiscal'' français. Il y a une variété de contribuables aux régimes fiscaux différents, mais pour mettre en exergue l'intitulé et la problématique du sujet il conviendra de traiter essentiellement de l'étranger non-résident par rapport au français non-résident qu'il faudra comparer. Le critère de nationalité conduit à une crise de lisibilité et de compréhension du régime fiscal des étrangers non-résidents car ces derniers sont tantôt assimilés aux français non-résidents et tantôt différenciés; et lorsqu'ils sont différenciés c'est pour être taxé plus lourdement que les français non-résidents.

Un tel sujet nous pousse à nous demander en quoi le régime fiscal des étrangers non-résidents est spécial et en partie discriminatoire en comparaison avec celui des français non-résidents, et appelle ainsi à une uniformisation (ou du moins à une simplification) des régimes fiscaux des non-résidents pour mettre le droit français en conformité avec le droit << supranational >> et << rendre la France 142 Sur le droit à la sécurité et à la stabilité juridique voir : J-R PELLAS. << La sécurité fiscale : quels enjeux juridiques ? >>, Revue française de Finances Publiques, 01 avril 2015 n° 130, p. 7.

plus attractive fiscalement >> ? Cette problématique pose le problème du protectionnisme fiscal à la française, lequel est combattu par la politique libérale et mondialiste de l'Union européenne et de la société internationale. Ces dernières institutions tendent effectivement à réduire la portée des dispositifs fiscaux nationaux favorables aux seuls français non-résidents, et à lutter contre les discriminations dont peuvent faire l'objet les étrangers non-résidents. Les lois fiscales qui traitent différemment les étrangers non-résidents des français non-résidents sont présentes dans le Code général des impôts de manière très sporadique, elles ne concernent qu'un certain type d'imposition (le travail et le capital), car le principe est l'assimilation fiscale de tous les contribuables non-résidents, qu'ils soient français ou étrangers. Néanmoins, le législateur pour des impératifs économiques et financiers s'est parfois laissé tenter par la mise en place d'une fiscalité dérogatoire dans laquelle l'étranger non-résident est plus lourdement taxé que le français non-résident. La société internationale, par le biais des conventions fiscales internationales et du droit de l'Union européenne, ne laisse pas se développer cette forme de protectionnisme qui avantage le français non-résident; elle redoute que la crise économique et financière ne constitue le prétexte à une surimposition des étrangers. La tentation du protectionnisme se heurte à la réalité de la mondialisation : l'action de la société internationale est inspirée par un principe juridique d'égalité dont la valeur dépasse les simples frontières étatiques. C'est pourquoi la fiscalité spéciale de l'étranger non-résident est réformable, car dans une économie ouverte, la France peut difficilement établir des dispositifs fiscaux protectionnistes, lesquels sont le plus souvent voués à l'échec. Une solution envisageable serait de prendre toute la mesure de cette mondialisation pour que la France ne soit pas pénalisée, et pour ne pas entraîner les autres nations vers la tentation du protectionnisme, et par conséquent de supprimer le critère de nationalité qui fait polémique afin de répondre aux exigences libérales et égalitaristes de la société internationale. Le droit de la taxation des étrangers non-résidents en France serait aujourd'hui un produit juridique de la mondialisation.

Autrement dit, le critère de nationalité utilisé en droit fiscal français pour caractériser l'obligation fiscale des étrangers non-résident serait aujourd'hui obsolète compte tenu des effets de la mondialisation et il existerait ainsi un droit à l'égalité de traitement des contribuables étrangers non-résidents français et étrangers. Les quelques fois où le critère de nationalité est utilisé par le législateur, il est remis en cause par le droit externe qui interdit toute discrimination à raison de la nationalité, ce qui incite le législateur a reformer les articles qui présentent cette pathologie juridique. Finalement, le critère de nationalité tend à disparaître sous l'influence de la globalisation juridique. Le droit de la taxation des étrangers non-résidents est un droit inconstant, prisonnier de ses obsessions économiques car la conjoncture économique impose toujours de rechercher de nouvelles recettes fiscales. Une rationalisation du traitement fiscal des étrangers non-résidents en France semble nécessaire sur plusieurs points : juridique, économique et politique. Le droit fiscal français devrait peut-être poursuivre ses efforts dans la neutralisation du critère de nationalité appliqué à la taxation des non-résidents, qui aujourd'hui n'est plus en corrélation avec la mondialisation. Il conviendra d'abord d'identifier ce contribuable particulier, et donc de définir les critères de la taxation des étrangers non-résidents en France, ainsi que leurs opérations imposables. Autrement dit, il s'agit de déterminer les fondements juridiques et socio-économiques de cette taxation.

Ainsi, notre recherche se divisera en deux parties, arguant que le système fiscal français des étrangers non-résidents devrait être réformé tant en raison de sa spécificité litigieuse et de sa complexité (lequel subordonne l'imposition des étrangers non-résidents à deux conditions substantielles : la non-résidence fiscale en France et l'absence de nationalité français) (Partie 1), qu'en raison des perturbations juridiques nées de l'application du critère juridique exceptionnel et complémentaire de nationalité (Partie 2). Le régime fiscal des étrangers non-résidents en France souffre de pathologies juridiques graves mais pas incurables à cause du critère perturbateur de nationalité qui fonde en partie (avec le critère de territorialité ou d'extra-territorialité si on utilise la définition négative de l'étranger non-résident en France) l'imposition de ces contribuables. Il s'agit d'un système fiscal complexe, hésitant, qui manque

d'homogénéité, de cohérence; lequel est donc perfectible. Le perfectionnement de celui-ci passe nécessairement par l'annihilation complète du critère de nationalité en droit français afin de parvenir à une uniformité réelle qui placerait tous les contribuables dans le même moule, en les réduisant à un modèle unique dépourvu de différences. On observe depuis quelques années ce phénomène d'égalisation sous l'impulsion d'une politique supranationale (menée par le biais des conventions fiscales internationales et de l'Union européenne) véritablement libérale au sens d’ouverte sur le monde, un monde << sans frontières >> ou encore l’égalité << entre tous les citoyens du monde >>, le droit français perd une partie de son autonomie fiscale, au bénéfice de l'étranger non-résident et peut-être au détriment de ses finances publiques. Néanmoins, certains dispositifs fiscaux spécifiques aux étrangers non-résidents demeurent, d'où la nécessité de pousser l'harmonisation encore plus loin pour aboutir à une cohérence complète du système fiscal des non-résidents qui est encore trop disparate. Le fait de taxer plus lourdement des contribuables étrangers non-résidents que des français non-résidents s'apparente à une forme de protectionnisme économique, laquelle, pour les européistes et mondialistes, menacerait les acquis de la mondialisation. La France a clairement un choix à faire entre une politique fiscale protectionniste ou mondialiste envers les étrangers non-résidents, même si ce choix est aujourd'hui fortement influencé par le droit supranational. Le législateur français est face à un dilemme car le protectionnisme à l'avantage de préserver les prérogatives de l'administration fiscale en diminuant les risques de fraude et d'évasion fiscale, alors qu'une politique d'ouverture favorise le rapprochement des peuples et permet aussi une plus grande démocratisation des droits de l'homme comme celui à l'égalité de traitement.

PREMIERE PARTIE : LA TAXATION DES ETRANGERS