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L'EGALITE ENVISAGEE COMME UN INSTRUMENT DE REALISATION DU MARCHE COMMUN EUROPEEN

DEUXIEME PARTIE : LA TAXATION DES ETRANGERS NON- NON-RESIDENTS : UNE FISCALITE REFORMABLE

PARAGRAPHE 1 L'EGALITE ENVISAGEE COMME UN INSTRUMENT DE REALISATION DU MARCHE COMMUN EUROPEEN

Le principe de l'égalité de traitement est le corollaire de la liberté de circulation et d'établissement accordée aux ressortissants des États membres qui fondent le marché commun européen465. La liberté de circulation est la faculté pour toute personne n’étant

461 Manuel de droit européen en matière de droit de non-discrimination. Handbook. Published by FRA. June 2014, p. 124.

462 Recommandation de politique générale n° 7 de l’ECRI sur la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale, CRI(2003)8, adoptée le 13 décembre 2002, p. 6.

463 N. BELLOUBET-FRIER, << Le principe d'égalité. >>, AJDA, 1998, p. 152.

464 C. LOUIT, << L'unité territoriale communautaire et le principe d'égalité. >>, Petites affiches, 15 mai 2002, n° 97, p. 4.

soumise à aucune restriction, de se mouvoir à l’intérieur de l’espace de juridiction de l’État dont il est ressortissant. Cette conception originelle de la liberté, en tant que droit reconnu par la société politique (polis) à toute personne relevant de son autorité, correspond à la vision libérale de la Déclaration française des droits de l’Homme de1789466. Le principe de non-discrimination qui est associé au principe d'égalité contribue à la réalisation de la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux dans l'Union européenne. Sont visées non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toute forme dissimulée de discrimination, qui, par application d’autres critères de distinction, aboutit en fait au même résultat (discrimination indirecte). Cela ne signifie pas que toutes les restrictions sont interdites, par exemple, la résidence des personnes physiques peut consister un facteur pouvant parfois, mais pas toujours, justifier des règles différentes467. Autrement dit, le respect par les Etats membres du principe d'égalité de traitement fiscal au titre de la libre circulation implique l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité. La Cour de Justice de l'Union Européenne est amenée à apprécier la validité de mesures fiscales nationales directement dans le cadre du recours en manquement ou indirectement, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel468.

Le marché commun européen est l’ancien nom du marché intérieur de l’Union européenne. Il s’agit d’un long processus politique de libéralisation des échanges à travers toute l’Union européenne. Son origine remonte à la la signature du traité de Rome en 1957 qui institua la Communauté économique européenne dont l’objectif était d’intégrer progressivement les économies européennes pour créer un marché intérieur. L'article 2 de ce traité précisait cet objectif comme suit : << La Communauté a pour

mission, par l'établissement d'un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres, de promouvoir un développement harmonieux

466 S-P ZOGO NKADA., << La libre circulation des personnes : réflexions sur l'expérience de la C.E.M.A.C. et de la C.E.D.E.A.O... >>, Revue internationale de droit économique 1/2011 (t.XXV) , p. 113-136, paragraphe 19. URL : www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2011-1-page-113.htm.

467 B. GOUTHIERE. Les impôts dans les affaires internationales. 10ème édition. Editions Francis Lefebvre. 2014, p. 1184.

468 C. BLUMANN, L. DUBOUIS. Droit institutionnel de l'Union européenne. Manuel, LexisNexis. 5e édition, 2013. p. 699-718.

des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les États qu'elle réunit >>. Les pères fondateurs de l’UE et du marché

commun y voyaient un moyen de dynamiser l’économie des pays membres et de rapprocher les peuples d’Europe par le biais des échanges économiques469. Pour parvenir à la réalisation de ces objectifs, les Etats membres de la CEE entreprennent de supprimer graduellement les barrières internes à la libre circulation des personnes, des biens, des services, et des capitaux. En 1968, les droits de douane entre les pays membres de la CEE sont abolis et parallèlement une politique commerciale commune née avec l’instauration d’un tarif douanier commun qui est établi à l’égard des pays tiers à la CEE470. L’acte unique européen, adopté en 1986 fixa au 1er janvier 1993 l’achèvement du marché intérieur ; le traité de Maastricht en 1992 a ensuite ouvert la voie à l’adoption de l’euro comme monnaie unique. L'année 1995 voit l'entrée en vigueur des accords de Schengen lesquels autorisent la libre circulation des personnes et harmonisent les contrôles des voyageurs au sein de l'espace constitué par ces Etat. En 1997, le Traité d'Amsterdam crée "un espace de liberté, de sécurité et de justice" à l'intérieur de l'Union européenne471. La Convention d'application de l'accord de Schengen signée en 1990 par 13 Etats membres (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal ainsi que la Suède) permet alors la libre circulation des personnes sans contrôle aux frontières et organise la coopération policière entre pays adhérents. L'année 2002 voit l'introduction de l'euro. Le marché intérieur figure aujourd’hui dans l'article 3.3 du TUE qui liste les objectifs de l'Union. Parmi les politiques listées dans le titre 3 du TFUE, le marché intérieur est la première d'entre elles. Une définition en est donnée dans l'article 26 : << le marché intérieur comporte un espace sans

frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités >>. Avec 508 millions

de consommateurs, il s’agit du plus grand marché mondial. Adopté en deux temps, en 469 A.-L. SIBONY, A. DEFOSSEZ. << Marché intérieur (Libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et liberté d'établissement) >>, RTDEur. 2010, 633.

470 C. J. BERR, E. NATAREL. << Union douanière. >>, RTDEuro. 2007, p. 665.

471 J. RIDEAU. Droit institutionnel de l'Union européenne. 6eme édition. LGDJ. Lextenso éditions. Manuel, 2010, p. 50.

2011 et en 2012, l’Acte pour le marché unique comporte plusieurs propositions destinées à mieux exploiter les opportunités offertes par le marché unique en vue de stimuler l’emploi et de renforcer la confiance envers les entreprises.

La libéralisation du commerce des marchandises (anciens articles 23 et 24 du TCE) était la première étape dans la réalisation du Marché commun472. De nombreuses entraves non tarifaires continuent de porter atteinte aux échanges de marchandises entre les Etats membres tout au long des années 1970 malgré la suppression des droits de douane entre les Etats membres. En fait, la libre circulation des marchandises ne devient effective qu’à partir de 1993 sous l’impulsion de l’acte unique européen signé en 1986 qui généralise le principe de reconnaissance mutuelle et facilite la prise de décision communautaire473. Cette liberté est consacrée aux articles 28 à 37 du TFUE et garantie par la suppression des droits de douane (union douanière) et des << restrictions

quantitatives >> aux échanges, ainsi que par l'interdiction des mesures d'effet

équivalent474. La définition donnée par la CJCE des << marchandises >> est extensive puisque selon la Cour, il s'agit de << Tout produit appréciable en argent et susceptible de

faire l'objet d'une transaction commerciale >> (CJCE, 10 décembre 1968, Commission des

Communautés européennes contre République italienne –Affaire 7-68). Dans un arrêt du 21 septembre 1999, la Cour ajoute << qu'une marchandise est un bien susceptible de faire l'objet d'importation ou d'exportation >> (CJCE, 21 septembre 1999,

C-124/97, Läärä). Ce qui exclut tous les produits qui ne sont pas susceptibles de faire

l'objet d'une transaction licite.

472 F. CHALTIEL. Manuel de droit de l'Union européenne. PUF, Collection droit fondamental. 2005, p. 211.

473 JL. CLERGERIE, A.e GRUBER, P. RAMBAUD. Précis, L'Union européenne. Dalloz 8ème édition. 2011, p. 343-352.

474 G. DRUESNE, Droit de l'Union européenne et politiques communautaires. 8eme édition. PUF. 2006, p. 35-44. Article 30 – TFUE : << Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal >>. Article 34 – TFUE : << les restrictions quantitatives à l’importation ainsi que toute mesure d’effet équivalent sont interdites entre les Etats membres >> ; Article 35 – TFUE : << Les restrictions quantitatives à l'exportation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres >>. La Cour de Justice donne une définition extensive de la notion de '' mesures d'effet équivalent ''. En effet, dans l'arrêt Dassonville, elle a considéré comme mesure équivalente << toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce communautaire >> (CJCE, 11 juillet 1974, Affaire C- 8/74).

La libre circulation des personnes (ancien article 39 du TCE) ne concernait au départ que les travailleurs de la CEE. Cette liberté a été étendue progressivement à un plus grand nombre de personnes grâce à, d'une part, l’élaboration d’une citoyenneté de l’Union par le Traité de Maastricht,475 et puis d'autre part, par l’entrée en vigueur de la Convention de Schengen en 1995. La libre circulation des personnes est aujourd’hui consacrée à l’article 20 du TFUE476. L'égalité et son corrollaire la non-discrimination est un instrument de réalisation de la libre circulation des personnes477. Il faut entendre par libre circulation des personnes, la liberté de se déplacer et de séjourner d'une part et la liberté d'exercer une activité professionnelle d'autre part. La directive du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres réitère ce principe en disposant, dans son article 24, que << sous réserve des dispositions spécifiques

expressément prévues par le Traité et le droit dérivé, tout citoyen de l'Union qui séjourne sur le territoire de l'État membre d'accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l'égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d'application du Traité >> (PE et Cons. UE, dir. 2004/38/CE, 29 avr. 2004)478.

La libre circulation des capitaux (ancien article 56 du TCE) est aujourd’hui consacrée à l’article 63 du TFUE : << toutes les restrictions aux mouvements de capitaux et aux

paiements, entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont

475 T. DEBARD, B. BAUT-FERRARESE, C. NOURISSAT. Dictionnaire du droit de l'Union européenne. Ellipses, 2002, p. 37.

476 Article 20 du TFUE. << Il est institué une citoyenneté européenne donnant le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres >>>) et 45 du TFUE : << 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : a) de répondre à des emplois effectivement offerts, b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres, c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux, d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi. 4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. >>.

477 A. DANG. Egalité de traitement et libre circulation des travailleurs en droit communautaire de la protection

sociale. Mémoire de DEA de droit social. Université Lille 2, Droit et santé. Ecole doctorale n° 74. 2001-2002, p.

73.

478 L. DUBOUIS, C. BLUMANN, Droit matériel de l'Union européenne, Domat Droit public, 3eme édition, Montchrestien. 2005, p. 43-71.

interdites >>. Elle vise à proscrire les restrictions aux mouvements de capitaux et aux

paiements entre les Etats membres mais aussi entre les Etats membres et les pays tiers (CJCE 18 décembre 2007, Affaire C-101/05, << Skatteverket c/ A >>)479. L'article interdit toutes les formes de restrictions, et pas uniquement les cas de discrimination. Il pose une interdiction générale, qui va au-delà de la simple suppression d'un traitement inégal en raison de la nationalité480. Le principe de la libre circulation des capitaux présente une particularité car à la différence des autres libertés, comme la liberté d’établissement, qui ne valent que dans le cadre de l’UE, elle vaut aussi bien en ce qui concerne les relations entre Etats membres qu’entre les Etats membres et les pays tiers. Seule la liberté de circulation des capitaux peut être invoquée utilement par les contribuables qui résident en dehors de l'Union européenne481. Toutefois, la liberté de circulation des capitaux n’est pas invocable au cas d’un Etat tiers si l’affaire met en cause la liberté d’établissement ou la libre prestation de services482.

La libre circulation des services (ancien article 49 du TCE) est garantie par le traité FUE aux articles 56 à 62. L'article 56 TFUE dispose que << les restrictions à la libre

prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation >>. Il implique ainsi la suppression de toute discrimination directe ou

indirecte en raison de la nationalité, du lieu d'établissement du prestataire, mais également de toute mesure, même indistinctement applicable, qui dissuaderait l'exercice du telle activité483. L’article 57 du TFUE définit les services concernés par cette liberté <<

Au sens des traités, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes >>. Sont

ainsi concernées les activités telles que l’industrie, le commerce ou l’artisanat ainsi que

479BOI-INT-DG-10-30-20120912.

480 V. en ce sens, CJCE, 4 juin 2002, Commission des Communautés européennes contre République portugaise, Affaire C-367/98

481 V. en ce sens, CJCE, gde ch., 18 décembre. 2007, aff. C-101/05, Skatteverket c/A

482 B. GOUTHIERE. Les impôts dans les affaires internationales. op.cit, p. 1216.

483 L. VOGEL, J. VOGEL. Le droit européen des affaires. Dalloz, 3eme édition, Connaissances du droit. 2011, p. 26.

toutes les activités libérales. Les offres de services participent aussi de la libre prestation de services484. Il doit s'agir d'une activité fournie contre rémunération qui est la contrepartie économique de la prestation en cause485, un but lucratif de la part du prestataire n'est toutefois pas requis486. Il faut simplement que l'activité ne soit pas fournie à titre gratuit. La libre prestation des services a vocation à s'appliquer lorsqu'un prestataire se rend d'un État membre, dans lequel il est établi, à un autre, pour y fournir une prestation contre rémunération, à titre indépendant; lorsque, inversement, c'est le bénéficiaire du service, ressortissant d'un État membre, qui se déplace; quand c'est le service en lui-même qui se << déplace >>; ou lorsque prestataire et bénéficiaire, établis dans un même État membre se rendent dans un autre487.

Enfin, le liberté d’établissement est garantie à l’article 49 du TFUE qui dispose que : <<

Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. >>488. La liberté d’établissement recouvre la liberté pour une

personne physique ou morale d’un État membre d’avoir une présence permanente sur le territoire d’un autre État membre489. La liberté d’établissement se matérialise, par exemple, par l’existence d’une filiale ou d’une succursale qui va bénéficier des mêmes conditions d’exercice qu’une entreprise locale.

484 CJCE, 10 mai 1995, Affaire C-384/93, Alpine Investments BV contre Minister van Financiën.

485 CJCE, 27 septembre 1988, Affaire 263/86, État belge contre René Humbel et Marie-Thérèse Edel.

486 CJCE, 18 décembre 2007, Affaire C-281/06, Hans-Dieter Jundt et Hedwig Jundt contre Finanzamt Offenburg.

487 Mémento pratique Francis Lefebvre, L'Union européenne. 2010-2011, p. 277.

488 C. GALVADA, G. PARLEANI, Droit des affaires de l'Union européenne. LexisNexis Litec. Manuel 5eme édition, 2011, p. 125.

489 A. DECOCQ, G. DECOCQ. Manuel, Droit européen des affaires, 2eme édition, LGDJ Lextenso éditions. 2010, p. 272-278.

Le Marché intérieur constitue donc un espace qui tend à être exempt de discriminations. Pourtant, les libertés de circulation des marchandises, des services, et des capitaux n’emploient pas le terme de discrimination dans les interdictions qu’elles énoncent, elles parlent de << restrictions >>. Seul le libellé de l'article 45 paragraphe 2 du TFUE sur la libre circulation des travailleurs utilise directement le terme de discrimination afin de prohiber toute discrimination fondée sur la nationalité. Les libertés de l'UE doivent donc être étudiées à l'aune de l'article 18 du TFUE.

PARAGRAPHE 2 : L'EGALITE ENVISAGEE COMME DROIT FONDAMENTAL DE LA