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LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L'APPLICATION DU CRITERE DE NATIONALITE

PREMIERE PARTIE : LA TAXATION DES ETRANGERS NON- NON-RESIDENTS EN FRANCE : UNE FISCALITE SPECIALE

PARAGRAPHE 1 LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L'APPLICATION DU CRITERE DE NATIONALITE

La personnalisation du régime fiscal de l'étranger non-résident est un processus de spécialisation qui s'opère à partir du critère personnel de nationalité. A quoi sert la nationalité ? Juridiquement elle poursuit un objectif spécifique : distinguer entre un régime juridique particulier, celui des Français par exemple, et un autre. La nationalité

permet de choisir quel droit appliquer423. Différencier et individualiser sont des modes d'organisation de la fiscalité française contemporaine. Aujourd'hui on constate effectivement que la fiscalité française est divisée en plusieurs catégories de contribuables. On peut citer les nationaux résidents en France, les nationaux non-résidents en France, les étrangers non-résidents en France, les étrangers non-non-résidents en France et parmi les étrangers, le CGI établit une sous-catégorie de contribuable en distinguant les étrangers ressortissants d'un Etat membre de l'UE ou plus généralement lié conventionnellement à la France et les autres étrangers c'est à dire ressortissant d'un Etat non lié conventionnellement avec la France. Il en résulte une variété de régimes fiscaux différents suivant la catégorie de contribuables concernée, ce qui nuit à la lisibilité du système fiscal français pris dans sa globalité et rend les comparaisons difficiles à établir : le contribuable doit d'abord rechercher dans quelle catégorie il se situe. Le champ d'application << ratione personae >> (champ d'application personnel) associé au champ d'application << ratione loci >> (champ d'application territorial) prime sur le champ d'application << ratione materiae >> (champ d'application quant à la matière imposable). La catégorisation des contribuables conduit effectivement à rechercher la nationalité et le lieu d'imposition (domicile fiscal) du contribuable avant d'identifier la matière imposable (biens, revenus...) et de liquider l'impôt.

Le législateur croit que cette personnalisation est juste et tout à fait légitime, mais c'est là une prise de position politique, donc politiquement à débattre, et politiquement à trancher (et il existe pour ce faire des autorités politiques : le souverain ou ses représentants, dans une démocratie les représentants du peuple)424. A chaque nouveau gouvernement une politique fiscale car le droit est la manifestation d'une volonté politique. En effet, le législateur peut estimer qu'il est de son intérêt d'attirer les étrangers (en offrant d'une une fiscalité avantageuse) ou, au contraire, de se défendre contre leur invasion (en désavantageant l'étranger) >>425. De là, par exemple des impôts

423 E. PATOUT, La nationalité en déclin, éditions Odile Jacob, 2014, p. 19

424 E. MILLARD. Débats autour de la personnalisation juridique. M. Chauvière, M. Saussier, B. Bouquet, R. Allard, B. Ribes. Les Implicites de la politique familiale, Dunod, pp.11-18, 2000.

425 Recueil des cours. Académie de droit international. 1937, III, Tome 61 de la collection. A.W. SIJTHOFF, LEYDE publisher. Deuxième tirage, p. 602.

spéciaux comme le régime de la taxation forfaitaire de l'article 164 C du CGI ou le régime de la taxe de 3 % de l'article 990 D du CGI, de là une tendance à réserver aux ressortissants nationaux le bénéfice des exonérations fiscales, c'est la préférence nationale. Certaines politiques partent aussi du principe que pour protéger l'Etat il faut adapter la loi à ce qui est spécial. L'étranger non-résident est un contribuable spécial car il est éloigné du standard habituel qui est celui du français résident fiscal en France. Mais la personnalisation excessive entraîne des conséquences juridiques : une multiplicité de régimes fiscaux dérogatoires consacrés aux étrangers non-résidents. Il en ressort ainsi que l'identité fiscale globale de l'individu-contribuable étranger non-résident est une identité de synthèse, une constellation mobile de plusieurs régimes fiscaux (suivant l'idéologie assimilatrice ou pluraliste du législateur) difficile à identifier car il n'existe pas dans le Code général des impôts de partie spécifique consacrée aux étrangers non-résidents, il faut lire les articles les uns après les autres.

La gestion nationale de la spécificité liée au statut juridique de l'étranger non-résident vise en réalité à l'intégration de ces acteurs dans la vie économique française. Comme on l'a vu avec l'article 164 C du CGI, le critère personnel de nationalité permet de solidariser le contribuable étranger non-résident avec la société française en tenant compte de sa spécificité territoriale, car il ne paye pas un '' impôt mondial '' en France comme le ferait un contribuable domicilié fiscalement en France, mais il y possède toutefois une habitation. Puisque en tant que non-résident fiscal il conserve des liens financiers/et ou économiques avec le territoire français dont il bénéficie, il est légitime qu'il paye une contribution financière. L'étranger est tenu des impôts nécessaires au fonctionnement des services dont il tire profit, il prête allégeance économique à la France.

Le critère personnel de nationalité personnalise, spécialise, singularise l'étranger non-résident ce qui tend à rendre le droit national plus complexe et moins lisible puisqu' aucune adaptation textuelle n'a encore été prise (absence de rubrique spéciale concernant les étrangers non-résidents dans le CGI). Si à proprement parler il ne s'agit pas d'une minorité en droit, il en a tout l'air. On peut dès lors se permettre de parler de '' minorité fiscale ''. Adoptée par consensus en 1992, la Déclaration des Nations Unies sur

les minorités, en son article premier, se réfère aux minorités comme étant fondées sur leur identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique, et dispose que les États doivent protéger leur existence426. Aux yeux d’un membre d’une minorité, une minorité se définit par un sentiment particulier de solidarité ou d’identité. Les étrangers non-résidents sont liés par une identité fiscale commune. Puisque les membres de minorités nationales ou ethniques, religieuses ou linguistiques sont souvent victimes de formes multiples de discrimination il convient également de se poser la question de savoir si les membres de cette '' minorité fiscale '' sont aussi victimes de discriminations. L'étranger non-résident est isolé dans une catégorie fiscale dérogatoire au droit commun de l'imposition française. Or, l'isolement fiscal de cette catégorie de contribuable peut-il mener à sa disparition ? En effet, l'étranger non-résident peut développer des mécanismes de défenses à l'imposition, comme le fait de privilégier un autre Etat à fiscalité plus avantageuse plutôt que la France (évasion fiscale), ou frauder le fisc français, aboutissant à terme à l'érosion de la masse monétaire (issue de sa contribution) qu'il représente pour la France. A trop vouloir personnaliser l'impôt le législateur s'expose à discriminer les contribuables entre eux, puisque les critères de personnalisation sont toujours plus distinctifs. Il faudrait donc simplifier le régime fiscal des étrangers non-résidents en France.

PARAGRAPHE 2 : LA PERSONNALISATION DE LA LOI, FACTEUR DE