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L'EGALITE ENVISAGEE COMME DROIT FONDAMENTAL DE LA PERSONNE

DEUXIEME PARTIE : LA TAXATION DES ETRANGERS NON- NON-RESIDENTS : UNE FISCALITE REFORMABLE

PARAGRAPHE 2 L'EGALITE ENVISAGEE COMME DROIT FONDAMENTAL DE LA PERSONNE

Le principe européen de non-discrimination est consacré a l’article 18 du TFUE (ex-article 12 TCE) qui dispose que : << Dans le domaine d'application des traités, et sans

préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité >>. Il est complémentaire au principe d’égalité490. Il constitue effectivement un instrument juridique privilégié et l’expression du droit fondamental à l’égalité entre tous les citoyens de l’UE, il s’identifie avec celui de l’égalité de traitement491. La Cour de justice l’a expressément et solennellement reconnu pour la première fois dans l’affaire Rückdeschel affirmant que << le principe de

non-discrimination de l’article 40 du traité CEE, entre producteurs ou consommateurs de produits agricoles n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité qui appartient aux principes fondamentaux du droit communautaires >>492. De manière générale, l’égalité signifie que des situations comparables ne peuvent être traitées de manière différentes, et que des situations différentes ne peuvent être traitées de manière identiques, sauf différenciation objective justifiée (CJCE aff C-217/91 7 juin 1993)493. Dans son arrêt "Finsinder" du 15 janvier 1985, la Cour a ajouté que pour pouvoir justifier une différence de traitement, les différences objectives doivent être "d'une certaine 490 S. ROBIN-OLIVIER, << Le principe d'égalité en droit communautaire – Etude à partir des libertés économiques. Revue internationale de droit comparé >>. Revue internationale de droit comparé, année 2000, volume 52, numéro 2, pp. 476-478.

491 E. CARPANO. Etat de droit et droits européens. L’Harmattan. Logiques juridiques, 2005, p. 431.

492 CJCE 1977, Ruckdescel, affaire C-117/77 Rec 1753.

importance"494. Autrement dit, l’égalité de traitement implique d’abord, l’application du traitement national aux ressortissants de l’Union européenne. Le principe d’assimilation aux nationaux qui exclut tout traitement spécifique des ressortissants européens en raison de leur nationalité, ne s’oppose, compte tenu de l’obligation de libre circulation qui est le sien, qu’aux discriminations fondées sur la nationalité qui sont défavorables aux ressortissants des autres Etats. Le juge communautaire considère qu'en matière d'impôts directs les résidents et les non-résidents ne se trouvent pas dans une situation comparable. En effet, l'Etat de la résidence prend en compte l'ensemble des revenus du contribuable et son foyer, eu égard à la composition de la famille, alors que l'Etat de réalisation d'un gain particulier ne peut se référer à ces éléments pour l'établissement d'une imposition spécifique applicable sur son seul territoire. Dès lors, un Etat membre n'est pas tenu en principe de faire bénéficier les non-résidents de tous les avantages fiscaux qu'il accorde aux résidents. Le juge recherche si la discrimination suivant la résidence ne dissimule pas en réalité une discrimination selon la nationalité, prohibée par les traités. Tel est le cas lorsqu'il n'existe aucune différence objective de situation entre le résident et le non-résident d'un Etat membre lorsque ce dernier conteste la disposition législative pénalisante spécifique aux non-résidents (CJCE 14 février 1995, Schumacker, AJDA 1995, 703, spéc. 713, note H. Chavrier, E. Honorat et P. Pouzoulet)495.

Le principe d'égalité est un principe structurel du droit communautaire car l'Union européenne est une communauté de droit, c’est à dire une entité juridique qui garantit les droits fondamentaux de l’homme. Ce principe est étroitement lié au principe démocratique et à la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a cessé d'être présent dès les origines de la construction communautaire dans la conception même de cette construction. L'égalité est devenue valeur de l'Union depuis le traité de Lisbonne de 2007. La Charte des droits fondamentaux, qui formait la deuxième partie du traité établissant une Constitution pour l'Europe, fait partie depuis le traité de Lisbonne du droit primaire de l'Union européenne, et se réfère à l'égalité dans son

494 CJCE, 30 nov. 1983, aff. 234/82, Ferriere di Roe Volciano c/ Comm. : Rec. CJCE 1983, p.3921. – CJCE, 15 janv. 1985, aff. 250/ 83, Finsinder c/ Comm. : Rec. CJCE 1985, p. 131 s.

495 J-P. MAUBLANC. << Inconventionnalité du taux du tiers frappant les plus-values immobilières des non-résidents >>, AJDI 2013 p. 811.

préambule en évoquant l'Union fondée sur les valeurs indivisibles et universelles de respect de la dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité, et reposant sur le principe de la démocratie et de l'État de droit, qui place la personne au coeur de son action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice496. Les articles 20 et 21 § 1 posent respectivement des principes d'égalité et de non-discrimination. Selon l'article 21, est << interdite toute discrimination

fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle >>. Il interdit dans le domaine d'application de

la Constitution et sans préjudice de ses dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Contrairement à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 20 et 21 de la Charte concernent la jouissance de n'importe quel droit ou avantage. Si le bénéfice de l'égalité devient alors pleinement généralisé, il n'est pas pour autant autonome. La protection reste alors conditionnée à un rattachement préalable à la sphère du droit communautaire. En effet, l'article 51 § 2 de la Charte précise bien que ses dispositions n'ont vocation à s'appliquer que dans “les limites des compétences de l'Union européenne”, ce qui semble même plus restrictif que le domaine d'application du traité497. C'est pourquoi, même si la Charte devenait contraignante, l'applicabilité des articles 20 et 21 resterait conditionnée à un lien de rattachement préalable avec le champ du droit communautaire.

On distingue deux types de discriminations interdites. La discrimination directe est définie de manière similaire dans la CEDH et dans le droit de l’Union. L’article 2, paragraphe 2, de la Directive de l’UE relative à l’égalité raciale dispose qu’ << une

discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable >>. Quant à la discrimination indirecte, l’article 2,

496 P. GARRONE, << La discrimination indirecte en droit communautaire, vers une théorie générale. >>,

RTDEur. 1994 p. 425.

497 F. PICOD, Article II-111 in L. Burgorgue-Larsen, A. Levade et F. Picod [dir.], La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne – Commentaire article par article : Bruxelles, Bruylant, p. 643-658.

paragraphe 2, point b), de la Directive sur l’égalité raciale dispose qu’ << une

discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes

>>498. La discrimination indirecte prohibe des mesures qui ont un effet discriminatoire, et pas seulement un objet tel. D'origine américaine et consacrée par la Cour suprême dans l'affaire "Griggs" de 1971499, l'interdiction de la discrimination indirecte permet ainsi de sanctionner des mesures qui, bien que non fondées sur un des motifs prohibés, aboutissent en pratique au même résultat en ayant un impact disproportionné sur une catégorie protégée de personne. Il s'agit alors d'une discrimination dissimulée, ou de facto, qui touche quantitativement plus de personnes appartenant à une catégorie ou un groupe. Dans un arrêt du 5 décembre 1989500, la Cour de Justice étend effectivement la prohibition à << toutes formes dissimulées qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat >>501. Quant à la question des discriminations positives, elle a fait l'objet d'une jurisprudence très nuancée dans l'arrêt Kalanke502. La Cour s'est montrée ultérieurement plus disposée à admettre dans certains cas ce type de discrimination503.

S’agissant du champ d’application personnel de l’égalité de traitement, les personnes exerçant une activité économique ont initialement bénéficié des droits les plus étendus504. L’évolution générale tend à rapprocher les catégories unies par la citoyenneté de l’Union. L’égalité se généralise sur le fondement d’une citoyenneté de l’Union qui constitue désormais << le statut fondamental des ressortissants des Etats membres,

permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir dans

498 Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, FRA, Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2010, Conseil de l'Europe, préc. Cit, p. 24-25.

499 Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique, 8 mars 1971, affaire Griggs contre Duke Power Company.

500 CJCE, 5 décembre 1989, aff. C-3/88, Commission c/ Italie, Rec. CJCE, p. 4035.

501 E. KORNPROBST. << Résidence fiscale et discrimination. >>, Revue des sociétés, 1994, p. 307.

502 CJCE, 17 oct. 1997, aff. C-450/93, Kalanke, pts 17 s. : Rec. CJCE 1997, I, p. 3051.

503 CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-409/95, Marschall, pts 31 s. : Rec. CJCE 1997, I, p. 6363. – et surtout : CJCE, 28 mars 2000, aff. C-158/97, Badeck, pts 18 s. : Rec. CJCE 2000, I, p. 1875. – CJCE, 6 juill. 2000, aff. C-407/98, Abrahamsson : Rec. CJCE 2000, I, p. 5539.

504 L’égalité de traitement, pour ceux qui viennent chercher un emploi dans un autre Etat, ne pouvait être invoquée que pour l’accès à l’emploi, conformément à l’article 39, paragraphe 3 du Traité CE : CJCE 26 février 1991, Antonissen affaire C-292/89.

le domaine d’application ratione materiae du Traité, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique >> (CJCE 11 juillet 2002, D’Hoop, aff. C 224/98)505. Les ressortissant des pays tiers ne sont pas concernés par la généralisation du bénéfice de l’égalité de traitement à tous les citoyens de l’Union. Cependant, certaines dispositions de droit dérivé les concernent tout en ne les visant pas spécifiquement. Par exemple, la directive travailleurs dans le cadre d’une prestation de services confère aux ressortissants des pays tiers le bénéfice de l’égalité pour le bénéfice de certains droits sociaux. Entrent dans la catégorie des bénéficiaires de l'interdiction des discriminations en raison de la nationalité, aussi bien les personnes physiques que les personnes morales et notamment les sociétés. Le seul fait de posséder outre la nationalité d'un État membre de la CE la nationalité d'un pays tiers ne prive pas pour autant le ressortissant communautaire de la protection du principe de non-discrimination506. En ce qui concerne les sociétés, la Cour a précisé que leur siège << sert à déterminer, à l'instar de la nationalité de personnes physiques, leur

rattachement à l'ordre juridique d'un État >>507. Est donc interdite toute discrimination en raison du seul fait que le siège d'une société se situerait dans un autre État membre.

La liste des dispositifs (outre l’article 18 du TFUE et les articles relatifs aux libertés communautaires) interdisant la discrimination illustre toute l’importance que revêt le principe d’égalité au sein de l’ordre juridique communautaire. Le traité établissant une Constitution pour l'Europe introduisait l'égalité dans les valeurs de l'Union européenne visées par l'article I-2, ainsi que dans l'article I-3 énonçant les objectifs de l'Union. De plus, l'article I-4, libertés fondamentales et non-discrimination, reprenant l'article 12 du traité, affirmait que << 2. Dans le champ d'application de la Constitution, et sans préjudice

de ses dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite >>. L'article I-5 proclamait le respect par l'Union de l'égalité des États membres

devant la Constitution. L'article I-45 consacrait le principe d'égalité démocratique, selon lequel << Dans toutes ses activités, l'Union respecte le principe de l'égalité de ses citoyens,

505 J-S. BERGE et S. ROBIN-OLIVIER, Droit européen. 2eme édition, Thémis droit, PUF, 2011. op. cit, p. 157.

506 v. CJCE, 7 juill. 1992, Micheletti E.A., aff. C-369/90, Rec. I. 4239, point 15; CJCE, 2 oct. 1997, Saldanha et MTS, aff. C-122/96, Rec. I. 5325, point 15.

qui bénéficient d'une égale attention de ses institutions, organes et organismes >>. La

troisième partie du traité avait repris l'essentiel des dispositions sur l'égalité et la non-discrimination figurant dans le traité CE en ajoutant certaines dispositions. La jurisprudence communautaire sur les principes d'égalité et de non-discrimination est considérable508. La Cour de justice ne s'est pas limitée à la conception étroitement économique qui prévalait dans le traité CEE originel. Elle a précisé et développé ces principes, en leur donnant le caractère de véritables droits fondamentaux. La Cour a considéré l'égalité comme un principe fondamental du droit communautaire509.

SECTION 2 : LES LIMITES OPPOSEES AU PRINCIPE COMMUNAUTAIRE DE NON-DISCRIMINATION SUIVANT LA NATIONALITE.

L’interdiction des discriminations en raison de la nationalité n’a pas de caractère absolu (Paragraphe 1). Face aux différentes limites opposées au principe d'égalité et son corollaire le principe de non-discrimination, il faut à l'Union européenne une intégration plus forte synonyme d'assimilation accrue entre tous les citoyens de l'Union européenne en développant la citoyenneté européenne, en améliorant l'harmonisation voire en créant un impôt européen véritablement intégrateur (Paragraphe 2).