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CONTENU ET IMPACT DES CONVENTIONS FISCALES INTERNATIONALES

PREMIERE PARTIE : LA TAXATION DES ETRANGERS NON- NON-RESIDENTS EN FRANCE : UNE FISCALITE SPECIALE

SECTION 2 CONTENU ET IMPACT DES CONVENTIONS FISCALES INTERNATIONALES

Pour déterminer le lieu unique d'imposition des contribuables qu'elles visent dans leurs dispositions, les conventions fiscales internationales ont recours à des critères qui présentent certaines similitudes avec ceux du droit interne français présents à l'article 4 B du CGI (Paragraphe 1). En outre, on s'aperçoit que le modèle de Convention des Nations Unies et en particulier le modèle de Convention OCDE destinées à éliminer les phénomènes de doubles impositions ont exercé une profonde influence sur la pratique

296 Recueil Lebon – Recueil des décisions du Conseil d'Etat 2008 : le principe de subsidiarité et la détermination de la résidence fiscale dans la convention franco-belge du 10 mars 1964.

297 T. MASSART. << Principe de subsidiarité : une évolution sans retenue (à la source) – A propos de l'arrêt '' Céline " du 12 mars 2014. >>, Lexbase revues Hebdo, édition fiscale n°570 du 15 mai 2014.

298 Le considérant du Conseil d'Etat est le suivant dans les trois décisions susvisées : << Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition; par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification; il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer – en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de al loi, d'office – si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale >>.

des traités internationaux au point de se demander si l'OCDE ne devient pas une institution normative au détriment de la souveraineté fiscale des Etats (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LES CRITERES INTERNATIONAUX DE LA RESIDENCE FISCALE. Les conventions fiscales internationales bilatérales déterminent les critères permettant de caractériser la résidence fiscale des contribuables. Chaque convention fiscale bilatérale contient ses propres critères et règles de détermination de la résidence fiscale, notamment l'ordre dans lequel ces critères priment ou sont subsidiaires. Néanmoins, la majorité d'entre elles étant rédigées en suivant le modèle OCDE de conventions fiscales internationales, les critères internationaux de résidence fiscale sont sensiblement les mêmes d'une convention à l'autre.299 C'est l'article 4 de la convention modèle OCDE qui définit la notion de résident et permet de résoudre les cas de double résidence à l'aide de ses propres critères. Ces derniers seront ensuite, sous certaines conditions, appliqués par le juge français en lieu et place des critères d'ordre interne. Les conventions fiscales internationales bilatérales prévoient en général plusieurs critères qui permettent de déterminer la domiciliation du contribuable tels que : la disposition d’un foyer d’habitation permanent, le centre des intérêts vitaux (c’est-à-dire l’État dans lequel le contribuable a ses liens personnels et économiques les plus étroits), le lieu de séjour habituel, et la nationalité300. On remarque que, si en droit interne français le critère de la nationalité n'existe pas pour déterminer la localisation de l'obligation fiscale ou résidence fiscale d'un contribuable (mais son intensité) il existe en revanche dans le droit

299 Dictionnaires pratiques RF. 2014. 29eme édition. Fiscal. Groupe Revue Fiduciaire, p. 1062.

300 Article 4 de la Convention modèle OCDE concernant le revenu et la fortune au 22 juillet 2010 et article 4 modèle OCDE de Convention fiscale concernant les successions et les donations de 1982 : Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a) cette personne est considérée comme un résident seulement de l’État où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent ; si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent dans les deux États, elle est considérée comme un résident seulement de l’État avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) si l’État où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d’un foyer d’habitation permanent dans aucun des États, elle est considérée comme un résident seulement de l’État où elle séjourne de façon habituelle ; c) si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d’eux, elle est considérée comme un résident seulement de l’État dont elle possède la nationalité ; d) si cette personne possède la nationalité des deux États ou si elle ne possède la nationalité d’aucun d’eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d’un commun accord.

conventionnel. Si la convention fiscale française reprend le modèle OCDE, les critères de résidence fiscale ne sont pas alternatifs et doivent être examinés dans l'ordre ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 29 octobre 2012301, c'est à dire que la Convention fiscale fait d'abord prévaloir l'Etat dans lequel la personne a un foyer d'habitation permanent, puis si le contribuable possède un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, la convention fiscale fait prévaloir l'Etat avec lequel les liens personnels et économiques sont les plus étroits (c'est le critère de la localisation du centre des intérêts vitaux), ensuite, si l'Etat où se trouve le centre des intérêts vitaux ne peut être déterminé ou bien si la personne ne dispose d'un foyer permanent dans aucun des deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle. Enfin, si les critères énumérés précédemment ne sont pas suffisants pour déterminer dans quel Etat une personne est fiscalement résidente, il faut faire référence en dernier lieu au critère de la nationalité (la personne sera considérée comme un résident de l'Etat dont elle a la nationalité). Si au terme de la convention, le contribuable possède la nationalité des deux États, il peut être prévu que les autorités compétentes tranchent la question d’un commun accord, selon la procédure amiable prévue à l'article 25 du modèle de Convention fiscale OCDE302.

Le foyer d'habitation permanent est caractérisé principalement par la notion de permanence, le CE juge dans un arrêt du 17 décembre 2010 qu'il s'agit de << toute résidence dont une personne dispose de manière durable >>303. Selon les commentaires de l'OCDE sur son propre modèle de convention fiscale destinés à orienter les juges nationaux, c'est en effet cette notion de permanence qui est essentielle, l'OCDE considérant que << la résidence de la personne physique se trouve là où celle-ci a la possession ou la jouissance d'un foyer d'habitation, à condition que ce dernier soit permanent, c'est à dire que la personne l'ait aménagé et réservé à son usage d'une

301 CE, 29 octobre 2012, n° 346641, 8e et 3 e s.-s. Kessler (RJF 1/13 n° 83).

302 Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, version complète du 22 juillet 2010, Volume I et II, OCDE, Commentaires du comité des affaires fiscales de l'OCDE sur les articles du Modèle de Convention fiscale, commentaires sur l'article 4, paragraphe 2, C(4)-8, n° 20.

303 Arrêt du CE, 17 décembre 2010, n° 316144, 3e et 8e s.-s, Venekas et Mme Giannarelli épouse Venekas : RJF 3/11 n° 268 : << toute résidence dont une personne dipose de manière durable est un foyer d'habitation permanent >>

manière durable, par opposition au fait du séjour à un certain endroit dans des conditions telles que ce séjour apparaisse comme devant être limité à une courte durée >>304. Mais cette condition de durabilité n'est pas clairement définie car aucune durée exacte n'est précisée par les textes, d'où les difficultés d'application du critère et la nécessité d'émettre des hypothèses sur sa portée exacte305. Sur la notion d'habitation, et toujours selon les commentaires de l'OCDE, << toute forme d'habitation peut être prise en considération >> (maison ou appartement qui est la propriété de l'intéressé ou pris en location, chambre meublée louée).

Pour déterminer l'Etat dans lequel se trouve le << centre des intérêts vitaux du contribuable >>, il faut prendre en considération les relations familiales et sociales de l'intéressé, ses occupations, ses activités politiques, culturelles ou autres, le siège de ses affaires, le lieu d'où il administre ses biens, ect >>. Si l'ensemble de ces circonstances doivent être examiné, ce sont les considérations tirées du comportement personnel de l'intéressé qui doivent spécialement retenir l'attention des autorités nationales 306. C'est un critère qui se révèle être en pratique très imprécis et largement subjectif, difficile à appliquer en présence d'un critère patrimonial favorable à un Etat, d'un critère professionnel favorable à un autre Etat et de liens personnels et familiaux éparpillés (CE, 26 janvier 1990 Renck, n° 41180)307, c'est la raison pour laquelle il arrive régulièrement 304 Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, version complète du 22 juillet 2010, Volume I et II, OCDE, Commentaires du comité des affaires fiscales de l'OCDE sur les articles du Modèle de Convention fiscale, commentaires sur l'article 4, paragraphe 2, C(4)-6, n° 12 et n°13 : << l'intéressé fait le nécessaire pour avoir le logement à sa disposition en tout temps, d'une manière continue et pas occasionnellement pour effectuer un séjour qui, compte tenu des raisons qui le motivaient, est nécessairement lié à une courte durée (voyage d'agrément, voyage d'affaires, voyages d'études, stage dans une école, etc >>.

305 Un contribuable était propriétaire d'un appartement en France où deux de ses enfants étaient inscrits à l'école, alors que son épouse résidait dans un autre pays, l'Algérie, avec troisième enfant : le CE a jugé que le contribuable disposait d'une foyer d'habitation en France et en Algérie : CE, 4 décembre 1985, n° 42682, 7e et 8e s.-s. : RJF 2/86 n° 139.

306 Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, version complète du 22 juillet 2010, Volume I et II, OCDE, Commentaires du comité des affaires fiscales de l'OCDE sur les articles du Modèle de Convention fiscale, commentaires sur l'article 4, paragraphe 2, C(4)-7, n° 15 : << Les circonstances doivent être examinées dans leur ensemble mais il est évident cependant que les considérations tirées du comportement personnel de l'intéressé doivent spécialement retenir l'attention. Si une personne qui a une habitation dans un Etat établit une deuxième habitation dans un autre Etat, tout en conservant la première, le fait que l'intéressé conserve cette première habitation dans le milieu où il a toujours vécu, où il a travaillé et où il garde sa famille et ses biens peut, avec d'autres éléments, contribuer à démontrer qu'il a conservé le centre de ses intérêts vitaux dans le premier Etat >>. L'administration suit ce raisonnement : voir BOI-INT-CVB-DZA-10 n° 100 à propos de la convention franco-algérienne.

que le centre des intérêts vitaux de la personne ne soit pas déterminé et qu'il faille par conséquent faire référence au critère du << lieu de séjour habituel >> ou du critère de << nationalité >>.

Le critère du lieu de séjour habituel est également très difficile à appliquer pour le juge national car la notion d'habitude n'est pas définie dans les textes, l'OCDE précise seulement que la comparaison doit porter sur une période suffisamment longue pour permettre d'apprécier si la résidence dans chacun des deux Etats est habituelle et d'apprécier aussi la périodicité des séjours308. A titre d'exemple, un contribuable qui ne séjournait en France que quelques semaines par an et qui disposait en même temps d'un autre foyer d'habitation en Côte d'ivoire a été considéré comme résident fiscal de ce dernier pays par les autorités juridiques françaises309. En fait, le critère le plus facile à appliquer est celui de la nationalité, le juge national y recourt assez facilement s'il n'y a rien de très net pour déterminer les critères précédents310. Ce sont aux administrations fiscales nationales des Etats signataires et aux juridictions nationales en dernier ressort (c'est à dire en cas de conflit entre l'administration et un contribuable) qu'incombent le devoir d'interpréter les conventions fiscales internationales, elles sont chargées de les appliquer au niveau local311. Dès lors qu'un critère de la convention fiscale est rempli au niveau d'un Etat, le domicile fiscal (ou résidence fiscale au sens conventionnel) de la personne sera situé dans cet Etat.

308 Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, version complète du 22 juillet 2010, Volume I et II, OCDE, Commentaires du comité des affaires fiscales de l'OCDE sur les articles du Modèle de Convention fiscale, commentaires sur l'article 4, paragraphe 2, n° 17, n° 18 et n° 19.

309 CAA Paris 28 décembre 1995, n° 94-1491.

310 B. GOUTHIERE, Les impôts dans les affaires internationales, op.cit. P578 à 560. V. CE 26 janvier 1990, n° 69853, 7e et 9e s.-s, Renck, CE, 10 novembre 1993, n° 116355, 8 et 9e s.-s, Granat Rutter.

311 P. MARTIN. << L'interprétation des conventions fiscales internationales. Fiscalité internationale >>, Revue de

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