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L'AMENAGEMENT DE LA DEFINITION NATIONALE DU DOMICILE FISCAL PAR LE DROIT INTERNATIONAL

PREMIERE PARTIE : LA TAXATION DES ETRANGERS NON- NON-RESIDENTS EN FRANCE : UNE FISCALITE SPECIALE

CHAPITRE 2 L'AMENAGEMENT DE LA DEFINITION NATIONALE DU DOMICILE FISCAL PAR LE DROIT INTERNATIONAL

La mise en oeuvre des conventions fiscales internationales obéit à deux principes fondamentaux : elles sont traitées par le principe de supériorité en vertu de l'article 55 C de la Constitution du 4 octobre 1958 (A), et par le principe de subsidiarité comme << subsidiaires >> vis à vis du droit national en raison de leur objet particulier qui en fait un droit spécifique au regard du droit international classique (B). Les relations du droit interne et des conventions fiscales internationales sont ambiguës car en principe, une primauté est accordée au droit conventionnel sur le droit interne, mais cette primauté est elle-même asservie à un principe de subsidiarité de la convention bilatérale284.

A) Le principe de supériorité des conventions fiscales internationales sur l'ordre juridique national français.

Lorsque le domicile fiscal du contribuable est localisée dans deux États (du fait de leurs législations nationales), il est nécessaire de faire application de la convention internationale s’il en existe une pour lui attribuer une résidence fiscale unique et supprimer la double imposition. Il y a alors redéfinition de la résidence fiscale du contribuable intéressé par le droit supranational car cette convention s’impose à la loi nationale des Etats contractants. Effectivement, lorsqu'une personne est considérée comme résidente d'un Etat contractant par l'effet d'une convention bilatérale, elle ne peut pas être regardée comme fiscalement domiciliée dans l'autre Etat, même si elle répond à l'un des critères de détermination du domicile fiscal de cet autre Etat au regard de sa législation interne. La notion conventionnelle de résident l'emporte sur celle de domicile fiscal : c'est l'application du principe de supériorité des conventions fiscales internationales et plus généralement du droit international dans son ensemble prévue 283 Par exemple, article 18 du modèle OCDE : << Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l’article 19, les pensions et autres rémunérations similaires, payées à un résident d’un État contractant au titre d’un emploi antérieur, ne sont imposables que dans cet État. >>.

284 << Domicile et résidence fiscale font-ils bon ménage ? >>, Revue Droit et patrimoine 2008, p.175. Pratique, fiscalité.

par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958285, dont il ressort que : << les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de leur application par l'autre partie >> et de l'article 54 du même texte qui prévoit que l'on doit, avant d'autoriser la ratification d'un traité qui serait contraire à la Constitution, de modifier d'abord la Constitution286. Le juge fiscal accepte d'interpréter les conventions fiscales internationales287, etace de contrôler la régularité de leur procédure de ratification288. Peu importe qu'une convention fiscale internationale soit antérieure ou postérieure aux normes internes289 et s'agissant d'une éventuelle incompatibilité entre un traité international bilatéral et le droit de l'UE, la Cour de justice des Communautés Européenne fait prévaloir la primauté du droit de l'Union (CJCE, 12 mai 2998, C- 336/96, Gilly, RJF 7/98, n° 890)290.

La supériorité des conventions fiscales internationales sur les lois nationales est également affirmée par l’article 3-III de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 codifié sous les articles 4 bis, 165 bis et 209-I du code général des impôts, qui dispose que : << Nonobstant toute disposition contraire du CGI, sont passibles en France de l'impôt sur le revenu, tous les revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale >>.

Bien qu'elles s'imposent à la loi en vertu de l'article 55 C de la Constitution, les conventions fiscales internationales, au regard de leur objet particulier, ne peuvent cependant rendre la loi nationale inapplicable que dans certains cas (B).

285 D. ALLAD, Manuel de droit public international. Manuels, PUF. 2014, p. 194-195.

286 Article 54 de la Constitution du 4 octobre 1958 : << Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution >>.

287 CE, Ass., 29 juin 1990, n° 78.519, GISTI, Rec. p. 171, concl. R. Abraham.

288 CE, Ass., 18 déc. 1998, n° 181.249, SARL du parc d'activités de Blotzheim et SCI Haselaecker, Rec. p. 483, conc. G. Bachelier.

289 C. Cass., Ch. Mixte, 24 mai 1975, Administration des douanes c/ Sté Cafés J. Vabre et autres : Bull. Civ. ch. Mixte, n° 4, concl. Touffait. - Comp. Ce, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo : Rec, p. 192

290 Le Conseil d'Etat a pu constater à l'occasion d'un arrêt du 27 juillet 2002 ( n° 337.656, M. Regazzacci, Dr. fisc. 2012, n° 41, comm. 473, concl. F. Aladjidi, note F. Le Mentec) la compatibilité de la convention fiscale franco-britannique avec le principe communautaire de la liberté de circulation de capitaux.

B) Le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales.

Malgré leur supériorité par rapport à la loi, les conventions fiscales internationales ne bénéficient pourtant en France que d'une application subsidiaire par rapport à celle-ci291. La subsidiarité se décline en plusieurs idées : le juge doit d'abord vérifier si le redevable est imposable en France et dans un autre pays en regardant la loi interne, puis s'il y a une incompatibilité entre l'acte d'imposition et la convention fiscale, le juge doit prioritairement examiner la loi292. Priorité étant donnée à la loi, les Conventions fiscales internationales ne doivent être prises en considération pour la détermination du domicile fiscal et la suppression des doubles impositions qu'en cas d'existence d'un conflit d'imposition entre deux Etats; si le redevable n'apporte pas la preuve de sa qualité de double résident seuls les critères internes prévus à l'article 4 B du CGI doivent être examinés (Cass. Com., 11 janvier. 2000, n° 97-16.257, Ginez) 293. Autrement dit, si l'application du droit interne français permet déjà d'atteindre la suppression de la double imposition, il n'y a pas lieu de recourir à la convention pour déterminer une résidence fiscale unique et éliminer ces phénomènes, c'est logique compte tenu de l'objet limité de la convention fiscale qui tend exclusivement à supprimer les doubles impositions.

Le Conseil d'Etat vérifie que l'acte d'imposition contesté a été établi en respectant fidèlement la loi, et ce n'est que si la contestation du contribuable n'est pas satisfaite (donc en cas de réponse positive) que, le juge pourra ensuite être conduit à vérifier que la loi ne viole pas la convention294. Autrement dit, le CE refuse d'apprécier directement l'éventuelle contrariété d'un acte d'imposition à une convention internationale295. La subsidiarité des conventions fiscales internationales repose sur une jurisprudence ancienne et constante : CE, mars 1993, n° 85894, RJF 5/93, n° 612, av. Concl. J. Arrighi de

291 M. FOURRIQUES. << Domicile et résidence fiscale font-ils bon ménage ? >>, Petites affiches, 03 janvier 2013, n°3.

292 A. REVEL. << Traités fiscaux bilatéraux : un contrôle de conventionnalité assez peu conventionnel (CE, 8e et 3e ss-sect., 12 juill. 2013 ; 2 arrêts). >>, Petites affiches, 12 décembre 2013 n° 248, p. 5.

293 Les nouvelles fiscales, Lamy fiscal 2001, n° 1741, n° 5845. Actualité; Enregistrement, impôt sur la fortune : Critères de détermination du domicile fiscal du contribuable.

294 A. CLOUTE. Le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales. Université Paris I -Panthéon Sorbonne. Juin 2011. Mémoire de droit, p. 42-44.

295 F. PERROTIN. << Conventions fiscales internationales et principe de subsidiarité. >>, Petites affiches, 12 mai 2014, n° 94, p. 4.

Casanova; CE, Ass., 28 juin 2002, Sté Schneider Electric, n° 232.276, RJF 10/02, n° 1080, chr. L. Olléon; CE, 10ème et 9ème sous-sections réunie, 11 avril 2008, n° 285583296, et encore plus récemment : CE 9˚ et 10˚ s, 12 mars 2014, n˚ 362 528, publié au recueil Lebon297. Il faut donc, avant de rechercher l'application éventuelle des critères conventionnels de résidence fiscale, étudier si le contribuable répond aux critères de résidence d'ordre interne. Le CE estime en effet, que de par son objet spécifique, c'est à dire celui d'éviter la double imposition, une convention fiscale internationale << ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et ne peut que conduire à écarter sur tel ou tel point la loi fiscale nationale >>298. Ce principe n'est en réalité pas d'un grand intérêt sur le terrain pratique car le contribuable obtiendra satisfaction dans tous les cas si l'acte d'imposition qu'il conteste viole cette convention.

SECTION 2 : CONTENU ET IMPACT DES CONVENTIONS FISCALES