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LES ENFANTS DANS L’UNIVERS REPRESENTE

LA PLACE DE L’ENFANT DANS FANTASTIQUE

LES ENFANTS DANS L’UNIVERS REPRESENTE

Miles et Flora vivent dans un château en Angleterre, à la fin du XIXe siècle, dans un village dont on ne connaît aucun habitant. Le monde extérieur se borne à l’église. S’il est question de Londres c’est comme d’une ville lointaine et inaccessible, et le collège a fermé ses portes à Miles. Les enfants sont donc restreints au domaine de Bly, avec son immense jardin agrémenté d’un lac, sa bâtisse rehaussée d’une tour. Le cinéaste a ajouté un kiosque à musique pour caractériser l’univers de Flora ; un jardin d’hiver, et un jardin circulaire enceint par des statues de dieux grecs où par deux fois Miles est source d’inquiétude pour sa gouvernante. Cet univers est composé de très peu de personnages : Mrs Grose, l’intendante, qui les connaît depuis leur arrivée, Anna, la femme de chambre, et la Gouvernante. A cet univers féminin, soumis au dévouement de leur tâche, célibataire de surcroît, s’oppose le couple scandaleux des fantômes de Miss Jessel et Peter Quint.

David et ses « frères et sœurs » naissent, grandissent et meurent à Midwich, un autre village d’Angleterre, dans les années 50. Leur univers est composé des habitants du village

qu’ils utilisent comme parents mais dont ils se séparent pour vivre ensemble. C’est leur univers mental qui est bien plus élargi que celui des personnages normaux, puisqu’ils sont capables d’investir leurs pensées.

Le bébé de Rosemary vit dans le ventre de sa mère qui habite un appartement, le Bramford, à New York. La gestation se situe entre octobre 1964 et juin 1965. Son univers est celui dans lequel le porte sa mère, qui craint pour sa vie, un univers à la fois, physique, psychique et névrotique.

Regan vient d’emménager à Georgetown avec sa mère actrice. L’histoire se déroule à la fin des années soixante. Elle ne semble pas fréquenter l’école et passe ses journées avec la secrétaire de sa mère ou seule dans le sous-sol de la maison. La solitude de l’enfant fait contraste avec la vie mondaine de la mère. L’absence de son père est comblée par un personnage imaginaire, le capitaine Howdy. Une cuisinière et son mari, chauffeur et homme à tout faire, s’occupent de la maison, mais leur discrétion fait d’eux des personnages très secondaires. Lorsque Regan tombe malade, elle apprend à connaître l’univers médical : elle voit des psychiatres, des neurologues. Lorsqu’elle est possédée, elle reçoit la visite du prêtre Karras. Son univers est alors réduit à sa chambre et à son lit, sur lequel elle reste attachée afin de protéger son entourage et d’éviter qu’elle ne se blesse elle-même.

Niles, enfermé dans un asile psychiatrique nommé Babylone, raconte les drames qui ont traversé sa vie entre 1934 et 1935 lorsqu’il avait onze ans et qu’il vivait dans une ferme du Connecticut. L’univers de l’enfant a basculé, durant cette année. Les espaces privilégiés de l’enfance : la forêt, les champs de blé, la chambre de la grand-mère avec son fauteuil à bascule, s’opposent aux espaces sombres et souterrains : le fond du puits, la cave aux pommes sous la grange, le faux plancher du magicien, les cercueils, la tombe du père et du frère. Le lien entre ces deux espaces est maintenu par le secret de la boîte à tabac dont l’enfant ne se sépare jamais, c’est d’ailleurs par cet objet qu’il est possible de le distinguer de son frère dans

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le film. Les personnages de sa famille sont exclus de son univers, qui ressemble fort à celui des autistes.

Danny accompagne ses parents dans un palace situé dans les somptueuses montagnes du Colorado, pour six mois, ce qui correspond à la période où l’hôtel est coupé du reste du monde à cause de la neige. Le père de Danny, qui s’attelle à l’écriture d’une pièce de théâtre, et sa mère y tiennent la place de gardiens. L’univers de Danny se restreint à l’hôtel qui se peuple de personnages fantomatiques et de visions terrifiantes. L’enfant possède comme Regan un compagnon imaginaire dans sa solitude.

Montagne, campagne ou ville, peu de différences dans le fond, puisque ces espaces n’accordent guère une ouverture sur le monde extérieur à ces enfants et c’est sans doute cette aporie, dans l’esprit des auteurs, qui permet le surgissement du surnaturel. Le cadre ainsi fixé, un paysage ouvert mais une capacité d’action limitée, ouvre une brèche dans laquelle peuvent s’insinuer fantômes et monstres divers, qui s’élargit au fur et à mesure de l’action. L’espace du surnaturel envahit l’espace réel jusqu’à le réduire à néant dans certains cas – notamment dans L’Autre. La façon dont les enfants perçoivent le monde qui les entoure n’est pas ce qui importe le plus, c’est ce que les personnages adultes leur renvoient de leur propre perception qui compte, qui valide la présence du surnaturel et fait poids dans le fantastique. Lorsque les personnages adultes ne sont pas témoins des faits surnaturels qui s’imposent aux enfants – mais le lecteur ou le spectateur l’est – il n’est pas nécessaire que l’enfant s’en rende compte.

Comment savoir si Danny est conscient dans Shining que les deux jumelles qui apparaissent sont des fantômes puisqu’il n’a pas entendu au préalable le récit de l’histoire de leur mort, puisque leur vision s’effectue alors que l’hôtel est encore rempli de personnes réelles ? L’enfant est placé dans un univers mouvant où s’interpénètrent plusieurs mondes.

Les questions du passage d’un espace à un autre, de la relation des adultes au surnaturel et de leur comportement vis-à-vis des enfants sont à poser dans l’ensemble de l’univers représenté. L’enfant est le point de convergence de plusieurs mondes, il est l’instrument par lequel le fantastique se construit.

Mais les divers espaces représentés dans les œuvres se resserrent autour de lieux spécifiques propres à l’enfant ou à sa famille. On y retrouve des lieux de vie, des lieux refuges, des lieux dangereux, des lieux de représentations, picturale ou photographique. La distribution de ces lieux répond-elle à une ou des intentions précises quant à l’irruption du fantastique ? On constate que des lieux sont spécialement attribués à certains personnages.

Deviennent-ils un repère qui aide à la construction de ceux-ci ? Certains lieux sont neutres tandis que d’autres sont stratégiques. Les personnages sont installés comme des pièces sur un échiquier et leurs déplacements correspondent à une attaque ou à une défense, mais le plus souvent c’est l’attente qui domine.