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Structure marginale dans l'université française (comme l'ensemble des instituts d'administration des entreprises), l'IAE d'Aix devient en revanche un lieu qui compte dans l'univers de la formation en gestion dans les années 1960. Les atouts que confère à l'IAE le fait d'être universitaire sont à la hauteur des contraintes que cette situation lui impose. En effet, l'ancrage universitaire procure à l'institut une inscription dans un environnement culturel et intellectuel lui octroyant une réputation de sérieux et de rigueur qui tranche avec l'image des écoles de commerce toujours soupçonnées d'être des "marchandes de soupe". Cela renvoie en outre à un diplôme national, le Certificat d'aptitude à l'administration des entreprises, à l'accès dès 1970 à la reproduction du corps professoral (via les DEA et les thèses) et à une lisibilité internationale déterminante dans les échanges avec les universités étrangères. Institut universitaire, sa position d’autonomie relative vis-à-vis de l’université, le rapproche potentiellement des Business Schools. Les contraintes qui y sont associées ne sont pas minimes : elles concernent d'une part la gestion centralisée des postes, des carrières, des locaux et des budgets, et d'autre part, le manque de crédibilité de l'université vis-à-vis du monde des affaires, surtout après 19681. Mais la rupture de 1968 marque également un nouveau départ, grâce à la création de la FNEGE et à la réforme universitaire alors initiée, qui procure autant d'opportunités que d'incertitudes.

Premier IAE créé en province en 1955, l'institut d'Aix est associé à la fin des années 1960 à deux figures essentielles de l'enseignement universitaire de gestion ; l'une, historique, Gaston Berger, professeur de philosophie à Aix avant de devenir directeur de l’enseignement supérieur et d’instaurer le CAAE qui ouvre la voie à la gestion au sein de l'université, et l'autre, contemporaine, Pierre Tabatoni qui, après avoir fondé et dirigé l'institut aixois jusqu'en 1961, fait une carrière parisienne et contribue à la création du centre universitaire Dauphine, tout en s'impliquant dans des projets européens en lien

1

Sur le manque de crédibilité des formations universitaires en ce qui concerne la formation des cadres, cf. Luc BOLTANSKI, "L’université, les entreprises et la multiplication des salariés bourgeois,

avec des collègues nord-américains1. Tous deux symbolisent le rapprochement Université-Entreprises et portent une conception ambitieuse de la formation et la recherche en gestion. Inséré dans les réseaux nationaux et internationaux de formation au management et convaincu de l'intérêt de l'expérience nord-américaine en la matière, Pierre Tabatoni a fait bénéficier ses premiers collaborateurs de l'IAE d'un séjour américain dans une Business School, le plus souvent par le canal de l'Agence européenne de productivité. Les enseignants sont peu nombreux et détachés de la faculté de droit et de sciences économiques, mais il s'agit d'une équipe très investie dans l'institut qui s'est formée aux techniques de gestion et à la pédagogie active "sur le tas" ou aux Etats-Unis. Après avoir étudié lui-même aux Etats-Unis l’économie financière, Pierre Tabatoni, propose à ses étudiants inscrits en doctorat de sciences économiques de devenir ses collaborateurs à l'IAE et de compléter leur formation. C'est dans ce cadre que Daniel L'Huillier réalise un International teachers program à Harvard durant l'année 1956-57. Il apprend la pédagogie des cas et se spécialise en

Business Policy. André Rougier quant à lui part en 1959 "sur une durée de sept

mois pour faire un inventaire des Executive management program de façon à essayer ensuite de transposer dans le contexte français ce qu'[il a] pu découvrir au contact de différentes universités de la côte est et de la côte ouest des Etats-Unis". Durant ces années, plusieurs professeurs américains séjournent à l'IAE d'Aix2.

Ainsi dès les années 1960, l'IAE d'Aix concentre un capital spécifique qui se traduit en termes de connaissances transmises mais aussi de mode de transmission. Si les matières enseignées demeurent relativement classiques (comptabilité, contrôle de gestion, gestion commerciale, gestion financière, gestion du personnel, études de l'environnement économique social et politique), le volume horaire est deux fois plus important que dans les autres IAE3 et une place importante est accordée à la politique d'entreprise (transposition des enseignements de Business policy des universités américaines) jusqu'au milieu des années 1960 puis à la stratégie ("planification

1960-1975", art. cit.. Sur les IAE en particulier, cf. Richard WHITLEY, Alan THOMAS, Jane MARCEAU, Masters of business. The making of a new elite ? op. cit., p. 63.

1 Dès la fin des années 1960, P. Tabatoni apparaît comme une personnalité importante de

l’enseignement universitaire de gestion même s’il n’est pas encore constitué en "père fondateur" de la discipline. Cf. infra, Chapitre 4.

2 Entretiens avec Daniel L'Huillier le 10 juin 1999 et André Rougier le 9 juin 1999.

3 Cf. Pierre TABATONI, "La fondation de l'enseignement de la gestion en France", Séminaire du

Gresup (Groupe de réflexion sur l'enseignement supérieur de la gestion), Association des amis de l'Ecole de Paris du management, 26 janvier 1999, juin 1999, 10 p. Entretien avec Roger Percerou le 22 novembre 1995.

stratégique des entreprises et de la théorie des organisations")1. En dehors de cette approche à la fois transdisciplinaire et surplombante peu diffusée en formation initiale, l'IAE innove également en intégrant la recherche opérationnelle aux enseignements à partir de 19592. Bref, Pierre Tabatoni, au fait des critiques subies par les Business Schools, entend s'inscrire dans une visée des management sciences avec pour modèle Carnegie Tech. (Cf. supra, Chapitre 1). Mais il n'en néglige pas pour autant la pédagogie active qui symbolise également les acquis de l'institut aixois3. En la matière, les enseignants ont su faire de nécessité vertu. Ainsi, les petites salles dont ils disposent sont idéales pour discuter des cas (qu'ils ont préalablement traduits de l'américain) ou utiliser des jeux de simulation avec les faibles effectifs qui sont les leurs. En effet, jusqu'en 1967, les promotions ne dépassent qu'une seule année, en 1965, les 50 étudiants diplômés4. De même l'origine hétérogène des étudiants (diplômés d’école d’ingénieurs ou licenciés en économie pour la plupart) est utilisée comme un atout favorisant les échanges et la richesse du travail de groupe. L'IAE d'Aix développe son activité en proposant des formations CAAE non seulement à de jeunes étudiants, mais également à des cadres en activité. L'institut organise à partir de 1964 un programme CAAE spécifique proposé dans d'autres villes de la région dans le cadre de "centres annexes"5. En outre, après avoir élaboré un programme de formation pour les ressortissants d'Afrique francophone dans différents pays devenus indépendants (dont l’île de Madagascar), l'IAE d'Aix s'oriente vers la formation des formateurs et l'aide à l'établissement de centres d'enseignement de gestion locaux6. Ils réalisent de l'ingénierie de formation avant la lettre.

L'IAE d'Aix peut valoriser ses compétences spécifiques en gestion et un certain nombre d'initiatives pédagogiques lui procurent des atouts incontestables par rapport aux autres institutions. En revanche, comme les autres IAE, il demeure une structure exiguë qui concentre peu de moyens humains et matériels. Les enseignants titulaires sont affectés à la faculté de droit et de sciences économiques et non à l'IAE et les autres

1 Cf. Maurice SAIAS, "L'IAE d'Aix-en-Provence", Hommes et Commerce, n° 110, 1969, pp.

63-64 ; "L'IAE d'Aix-en-Provence", Enseignement et gestion, n° 6, novembre 1973.

2 Cf. Maurice SAIAS, "L'IAE d'Aix-en-Provence", art. cit., p. 62.

3 Précisons que les pédagogies actives ne sont pas seulement centrales dans les formations en

administration des entreprises (même si elles acquièrent un rôle spécifique pour apprendre l’art du management). Elles sont déterminantes dans les débats sur la démocratisation de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur. Cf. Françoise ROPE, Lucie TANGUY, "Le modèle des compétences : système éducatif et entreprise", art. cit., p. 500.

4 Comptages de l'auteure. Annuaire de l'IAE d'Aix-en-Provence, 1998. 5

Cf. "L'IAE d'Aix-en-Provence", Enseignement et gestion, art. cit., p. 44.

intervenants sont des vacataires1. Les locaux qu'ils occupent sont dispersés dans les différentes facultés et vétustes. Du point de vue matériel, après une période relativement faste au démarrage avec l'aide de l'Agence européenne de productivité et le soutien direct de Gaston Berger, l'institut aixois a dû se contenter des dotations ministérielles ordinaires2. Il demeure au milieu des années 1960 un centre de formation certes original mais ayant peu de visibilité à l'échelle nationale.

La conjoncture de l'après 1968 qui bouleverse le monde universitaire offre des opportunités de développement à l'IAE, d'autant plus qu'à ce nouveau contexte sont associés le soutien de la FNEGE et le renouveau de la direction de l'institut. La direction passe en effet des mains d'économistes décrits comme peu investis dans l'institut à des personnes qui y sont très impliquées. Après le passage éclair de Pierre Lucas, jeune agrégé de sciences économiques qui se désengagera après six mois pour poursuivre une carrière politique suite aux événements de mai 19683, André Rougier et Maurice Saias se succèdent à la direction de l'institut entre 1968 et 1978. Expert comptable de 37 ans en 1968, associé à l'institut dès la première heure par l'intermédiaire d'un camarade de promotion de l'ESC de Marseille ayant poursuivi en thèse avec Pierre Tabatoni, André Rougier inaugure les premiers conseils d'université et la nouvelle politique universitaire4. Devenu maître de conférences associé en 1970, il mène toute sa carrière au sein de l'IAE, avec une nouvelle période de direction de l'IAE entre 1974 et 1978, parallèlement à la gestion de son cabinet d'expertise comptable. Maurice Saias est quant à lui le premier diplômé de l'IAE à prendre la tête de l'institut aixois en 1969. A 32 ans, il est censé symboliser le renouveau après la rupture de 1968 et il entreprend avec l'ensemble des enseignants une politique de développement de l'institut.

Né en 1937, Maurice Saias a suivi des études de sciences économiques à la faculté de droit d'Aix-en-Provence puis a obtenu le Certificat d'aptitude à l'administration des entreprises de l'IAE d'Aix en 1959. Tout en préparant un diplôme d'études

1 Cf. AF, I1D, "Règlement intérieur", adopté par le Conseil de l'IAE le 5 mai 1971, p. 2. On compte

sept enseignants en 1965, d'après les chiffres procurés par le secrétariat général de l’IAE d’Aix, et cinq pour l'année 1969, d'après le bilan de l’action de la FNEGE dressé en 1973 par son secrétaire général : le Rapport

Giraud (AF, I.2A).

2 Entretiens avec Daniel L'Huillier le 10 juin 1999 et Pierre Tabatoni le 22 septembre 1998. 3

Elu en 1968 dans les Bouches du Rhône sur la liste du Groupe d’Union des démocrates pour la République, il succède provisoirement à Charles-Emile Loo (Fédération de la gauche démocrate et socialiste) qui retrouvera son siège en 1973. Pierre Lucas ne sera pas réélu par la suite. Personnel politique

français, 1870-1988, Paris, PUF, 1989, p. 121 et 202 ; Who's Who in France, 1989-90, p. 1052 et entretien

avec Maurice Saias le 4 septembre 1998.

supérieures puis une thèse en économie, il devient assistant à la faculté aixoise et vacataire à l'IAE. Grâce aux relations nouées avec un enseignant américain qui a séjourné à l'IAE, William Brown, il part pour l'université de Los Angeles entre 1962 et 1964 et y obtient un doctoral program. Il est parallèlement assistant de recherche de Jacob Marshak, spécialiste de théorie des organisations. Après son service militaire en France, il soutient son doctorat de sciences économiques puis réussit le concours d'agrégation en 1966 (Pierre Tabatoni est alors membre du jury). Il obtient un poste dans sa faculté d'origine et poursuit ses cours à l'IAE. Il repart pour les Etats-Unis mais cette fois pour enseigner à Austin, université dans laquelle William Brown enseigne désormais. En juillet 1969, il réalise une "tournée des universités américaines" pour mettre en place les programmes de formation de la FNEGE puis devient conseiller scientifique de la fondation. De fin 1969 à 1974, il dirige l'IAE d'Aix puis y poursuit sa carrière tout en s'investissant dans le conseil aux entreprises.

Grâce à la réforme universitaire initiée en 1969, l'institut d'Aix-en-Provence obtient le statut d'unité d'enseignement et de recherche dérogatoire de l'Université d'Aix-Marseille II1. En dehors des représentants d'enseignants et d'étudiants, le conseil de l'institut est composé d'au moins un tiers de personnalités extérieures. Par cette voie, l’IAE s’est allié aux dirigeants de la nouvelle zone industrio-portuaire de Fos-sur-Mer développée dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire, et au-delà, à des poids lourds de l’industrie française.

L'IAE d'Aix met en avant son capital entrepreneurial dans la revue de la FNEGE,

Enseignement et gestion. Un prestigieux "conseil d'administration" composé de

15 membres qui ne représentent qu'une fraction du "conseil d'institut" prévu par la loi est évoqué. Y apparaissent, 6 patrons locaux dont le directeur général des Chantiers navals de La Ciotat, le directeur général du Port autonome de Marseille (responsable du vaste chantier de Fos-sur-mer)2, le PDG d'une banque et 6 cadres dirigeants de grandes entreprises nationales siégeant à Paris (Société française des pétroles BP, Groupe Péchiney-Ugine-Kuhlmann, Shell française, Carrefour, BNP, Lafarge). Les trois autres représentants étant l'ancien président du Centre des jeunes patrons, le secrétaire général de la FNEGE et un représentant du secrétariat d'Etat chargé de la Fonction publique3. A l'IAE d'Aix sur les 40 membres du conseil d'institut prévu par la loi, on compte outre les "15 personnalités extérieures choisies en raison de leur compétence et notamment de leur rôle dans des activités économiques et sociales, 12 enseignants, 12 étudiants ou stagiaires et 1 représentant des personnels administratifs, techniques et de service"4.

1

Décrets du 18 janvier 1969 et du 17 juillet 1970. Cf. Cahiers des universités françaises, De

l'Université aux universités. Octobre 1968-janvier 1971, 1971, p. 371.

2 Cf. L’article "Fos-sur-Mer" dans l’Encyclopedia universalis.

3 Cf. "L'IAE d'Aix-en-Provence", Enseignement et gestion, n° 6, novembre 1973, p. 60. 4

AF, I.1D, "Statuts" adoptés par le Conseil de l'IAE le 5 mai 1971 et approuvés par le conseil de l'Université le 30 juin 1971, p. 3.

Point crucial, le statut dérogatoire procure au directeur de l'IAE une autonomie de gestion en le désignant comme "ordonnateur secondaire du budget de l'université pour l'exécution du budget propre à l'unité qu'il constitue"1 : les contrats de formation continue peuvent être signés sans immixtion de l'université. En 1973, l'institut s'autofinance partiellement : les conventions de formation continue pèsent pour un peu plus d'un quart du budget de l’IAE et l'Education nationale pour à peine la moitié2

. En revanche, comme pour toute UER, le budget est calculé au prorata du nombre d'étudiants, de même que l'attribution de locaux, ce qui met les IAE, selon leurs représentants qui comparent la situation à celle des écoles de commerce, dans une position "défavorable". Comme à l'ESSEC, quitter des locaux jugés inadaptés constituera un projet essentiel pour marquer leur autonomie et réellement s'imposer. Toujours grâce au statut d'UER dérogatoire, le choix des enseignants relève désormais d'une commission spécifique à l'UER et non d'une commission de l'université3. C'est également durant cette période que sont modifiées les conditions d’emploi des praticiens et des enseignants étrangers4

.

Enfin, la FNEGE constitue dès sa création, une ressource déterminante pour l'IAE d'Aix. La réciproque est également vraie. Aussi, une convergence d'intérêts entre les deux institutions se manifeste-t-elle par un certain brouillage des positions. Plusieurs "hommes d'Aix" se sont déjà investis dans la FNEGE naissante : Pierre Tabatoni, qui a fondé l'IAE, a été le premier secrétaire général de la fondation avant même d'en rejoindre le conseil d'administration en 1970-73 ; conseiller au ministère de l'Education nationale puis directeur de cabinet, il a suivi et influencé l'ensemble des projets ; il a en outre fait

1

Cf. Cahiers des universités françaises, op. cit., p. 370.

2 Sur un budget total de 3,3 millions de F par an. Cf. "L'IAE d'Aix-en-Provence", art. cit., p. 45.

Nous ne savons pas dans quelle mesure l’installation du complexe de Fos-sur-Mer est intervenue dans l’expansion de l’IAE (via la taxe d’apprentissage et la formation de cadres). Un projet de l’Union patronale interprofessionnelle de Marseille évoque une collaboration avec l’IAE pour préparer les PME existantes de la région à cette industrialisation. AF, I.8B, Avant-projet. Opération développement Provence-Côte d’Azur-Corse, 9 p, s. d. [1971].

3 Cette commission comprend six membres : deux personnalités extérieures et quatre enseignants

ou chercheurs, statutaires ou contractuels (la qualité de ces derniers variant selon le rang des enseignants ou chercheurs concernés). Cf. AF, I.1D, Règlement intérieur, mai 1971, p. 2. AF, I.4K, Les instituts d'administration des entreprises : bilan et perspectives, s.d. [1976], p. 1.

4 C’est en 1955 que sont créés les statuts de professeurs associés (pour les praticiens) et de

professeurs d’échange (pour les étrangers) qui permettent un recrutement temporaire. Le recrutement temporaire d’étranger est extrêmement peu répandu dans les facultés de droit à la fin des années 1960 (G. Amestoy, en compte 8 en 1967/68, contre une centaine en science). Cf. Georges AMESTOY, Les

universités françaises, Paris, INAS, 1968, pp. 314-334. A partir de 1972, les enseignants étrangers peuvent

être recrutés en qualité de titulaires. Cf. Jacques MINOT, Les universités après la loi sur l'enseignement

bénéficier la fondation de ses contacts personnels dans le monde des Business Schools nord-américaines (en particulier à Northwestern) ; Maurice Saias a également fait profiter la FNEGE de sa connaissance et de ses relations aux Etats-Unis (programme d'Austin) et devient simultanément conseiller de la FNEGE et directeur de l'IAE à partir de 1969 ; d'autres enseignants de l'institut aixois ont participé aux premiers groupes de travail. Une relation de confiance et d'interdépendance s'est donc créée entre les deux institutions d'autant plus que d'autres liens préexistaient : par exemple, Charles Giraud, secrétaire général de la FNEGE a connu André Rougier au Centre des jeunes patrons à Marseille. Ces affinités se traduisent concrètement par un appui explicite de cet institut qui doit représenter le fer de lance du développement de la gestion universitaire  c’est ainsi l'institut aixois qui est choisi en 1971 pour préparer les "boursiers" à leur formation américaine puis pour inaugurer les premiers programmes de formation de formateurs français (c’est-à-dire l’aide au troisième cycle)1 , et en retour, un certain droit de

regard, de l'IAE par la fondation comme nous le verrons.

C'est dans ce contexte de réforme universitaire et de politique de promotion de l'enseignement de la gestion qu'un projet de Business School apparaît à l'IAE d'Aix et que la création d'un véritable corps enseignant propre à l'institut devient envisageable2. L’objectif consiste à former davantage d'étudiants avec une équipe pédagogique plus étoffée mais comportant toujours un volant d'enseignants associés temporaires notamment nord-américains et créer un programme doctoral de qualité, dans le cadre du Centre d'étude et de recherche sur les organisations et la gestion (CEROG)3. Parallèlement, l'IAE souhaite renforcer sa proximité avec les entreprises par la formation continue mais aussi par la recherche appliquée et disposer de moyens financiers et matériels importants (une bibliothèque performante, des ordinateurs, des bureaux pour les enseignants, etc.). Enfin, la nouvelle équipe cherche à cultiver un "état d'esprit IAE" qui s'oppose à la fois au mandarinat universitaire — les différences de statuts sont

1 AF, I.2C, IAE, Rapport final, Séminaire PEM 71, 1971. Sur le programme de formation de

formateurs français. Cf. conseil d'administration de la FNEGE, 3 octobre 1972 .

2 Les projets de développement sont discutés avec la FNEGE. AF, I.8B, Lettre de Daniel

L’Huillier à Charles Giraud, 23 avril 1969 (ce document comprend un échéancier des besoins en enseignants, 1969-1973) ; AF, I.8B, Avant-projet Opération développement Provence-Côte d’Azur-Corses, s.d. [1970] (le terme de Business School est employé pour qualifier l’IAE) ; AF, I.8B, Lettre de Maurice Saias à Charles Giraud, 6 avril 1970 (ce document précise le projet de création d’un troisième cycle à l’IAE d’Aix).

volontairement amoindries à l'institut aixois1 — et à la gestion des écoles consulaires — l'exigence en termes de travail et de rigueur vis-à-vis des étudiants est marquée.

Au début des années 1970, l'ESSEC et l'IAE d'Aix ont acquis une certaine notoriété dans l'univers des formations supérieures de gestion. L'ESSEC, grâce à son capital social et économique et ses premières réformes pédagogiques et organisationnelles, devient une concurrente de plus en plus crédible d'HEC, tandis que l'institut aixois, grâce à ses ressources universitaires et nord-américaines, se distingue des autres IAE. Si les deux institutions évoluent dans leurs sous-univers respectifs, sans