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Du fait de la rapidité de la constitution du corps enseignant permanent, de son rôle primordial dans la construction du projet pédagogique de Cergy, l'ESSEC des années 1970, qui ne dépend pas d'une autorité consulaire, est souvent perçue comme une école menée par les professeurs2. Cela se confirme dans la deuxième moitié des années 1970, alors que le corps enseignant est plus homogène — concentrant de nombreux titulaires de PhD — et que le système d'évaluation interne est routinisé. Pourtant, si tous les protagonistes s'accordent à reconnaître l'autonomie relative du corps enseignant comme dans les Business Schools, des oppositions de fond se manifestent entre les enseignants et la direction, concernant les fondements pédagogiques, le rôle de la recherche et le fonctionnement politique et financier de l'école. Alors que les enseignants "américanisés" souhaiteraient élever le niveau des cours, attribuer à la recherche un rôle déterminant et conserver leur droit au chapitre dans les instances décisionnelles, voire pouvoir devenir directeur général du Groupe, les garants de l'école (et de son positionnement structurel) limitent leur action3.

Les fondements pédagogiques de l'établissement et le poids de la recherche sont objet de discorde. Des désaccords se font jour entre certains professeurs, en particulier les titulaires d'un PhD, qui souhaiteraient hausser le niveau académique des cours diffusés, et la direction de l'école qui entend que l'ESSEC affirme sa vocation professionnelle et son rôle social. Certains enseignants se plaignent de ne pouvoir exiger des élèves une importante quantité de travail et une réelle rigueur conceptuelle et ils regrettent de devoir réaliser de nombreux cours généralistes de base (en particulier dans le tronc commun).

Dans l'enquête par questionnaires réalisée auprès des anciens "boursiers" de la FNEGE, 7 enseignants sur 14 évoquent comme difficulté à leur retour en France la faible stimulation intellectuelle des élèves et plus globalement l'atmosphère peu intellectuelle de l'école. Le rôle des enseignants est de faire du "baby-sitting" auprès d'étudiants non motivés, écrit un enseignant, alors que la direction leur reproche de prendre trop au sérieux leur rôle de professeur. Pourtant, ces dispositions intellectuelles rencontrent les intérêts d'une fraction des étudiants qui sortent de "prépa" et qui eux aussi sont déçus du faible niveau. Certains valorisent les disciplines les plus formalisées comme la finance de marchés même si l'utilité de ces cours est loin d'apparaître évidente à l'époque (dans la mesure où les

1

AF, I.3A, Note sur un statut expérimental d'IAE, s.d. [1974] ; AF, I.6H, "Réforme du statut des IAE", s.d. [1976].

2 Cf. par exemple entretien n° 30.

3 Ces questions font débats à la FNEGE qui a lancé un groupe de travail sur "la condition

professionnelle des enseignants de gestion : cf. "La condition des enseignants de gestion", Enseignement et

marchés financiers français ne se transforment qu’au milieu des années 19801

). D'autres, en symbiose avec l'ambiance contestataire, sur-investissent les cours de sciences humaines et sollicitent auprès de la direction des cours critiques, sur l'autogestion en particulier2.

Comme dans les autres écoles, c'est principalement la sélection sociale et scolaire en amont qui permet d'accéder au diplôme et non les trois années de formation3, ce qui remet en cause le rôle de la compétence spécifique détenue par les enseignants ; même si les trois années sont sans doute essentielles pour cultiver les dispositions des futurs managers dans le temps scolaire et le temps non scolaire4. L'ESSEC fournirait moins un apprentissage scolaire spécifique qu'un statut social labelisé scolairement que la qualification des professeurs contribue à garantir5. Cette remise en cause de fond, brutale, est rarement exprimée publiquement par les professeurs ; cela équivaudrait à un constat d'échec peu avouable (et à une "trahison" de ceux qui les emploient). L'investissement parallèle dans la formation continue, le conseil ou l'univers académique leur permet de prendre de la distance avec ces enjeux pédagogiques (comme nous le montrerons ultérieurement).

Mais le caractère déterminant de la recherche pour la grande école repose lui-même sur une ambiguïté qui n'est pas sans conséquence. Certes, la direction a laissé les enseignants adopter des critères académiques dans leur organisation interne. Ils sont régulièrement évalués par leurs pairs suivant notamment leurs publications et le doctorat

1 Cf. infra, Chapitres 5 et 8.

2 Questionnaires n° 16, 111, 163, 225, 232, 454. Entretien avec Jean-Louis Barsacq le 16 février

1999.

3 Conformément au mouvement de salarisation des dirigeants, alors que les enfants de patrons et

de commerçants représentent plus de la moitié des élèves jusqu'en 1955, ils ne sont plus que 35 % en 1966 et autour de 20 % jusqu'au début des années 1980. Parallèlement, la proportion d'enfants d'ingénieurs et cadres supérieurs augmente. Elle passe d'environ 30 % dans les années 1950-60 à plus de 40 % dans les années 1970. A partir du début des années 1980, le taux d'enfants d'enseignants augmente pour atteindre 13 % en 1983. Le taux d'enfants d'ouvriers et d'employés reste marginal sur l'ensemble de la période. Cf. Valérie LANGUILLE, Histoire de l'ESSEC (1913-1990), op. cit., p. 108.

Sur le faible niveau d'exigence scolaire une fois le concours passé, ibid., p. 130. Voir aussi l'analyse réalisée par un élève d'HEC sur la fonction sociale des études d'HEC : Yves-Marie ABRAHAM,

Du souci scolaire au sérieux managerial, ou comment devenir un "HEC" ? Enquête sur l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales, Mémoire HEC, Département Management et Ressources Humaines, Juin 1997, 33

p. L’orientation sociologique de ce mémoire montre qu’une distance critique est tout à fait possible voire souhaitable dans le haut de la hiérarchie des écoles de commerce, une forme de lucidité sociale (qui peut aussi être intuitive) étant sans doute nécessaire pour réaliser une carrière.

4 Pour une analyse du renforcement d'un sens pratique managérial (dans les années 1990), cf.

Gilles LAZUECH, L'exception française. Le modèle des grandes écoles à l'épreuve de la mondialisation,

op. cit., 1999, pp. 173-268.

5 Cf. Pierre BOURDIEU, Luc BOLTANSKI, Monique de SAINT MARTIN, "Les stratégies de

reconversion. Les classes sociales et le système d’enseignement", art. cit. Sur ce processus dans les années 1990, cf. Michel VILLETTE, "Ecole de l’élite et savoirs ordinaires : l’Ecole supérieure de commerce de Paris en 1990-1992", art. cit.

est progressivement devenu un droit d'entrée1. De même, dès 1974, l'ESSEC a pu s'enrichir d'un troisième cycle en s'associant au programme doctoral de l'IAE d'Aix, avec le soutien de la FNEGE. Pour ces professeurs, pouvoir former des doctorants constitue une dimension essentielle du métier. Mais parallèlement à cette acceptation du rôle de la recherche dans une grande école (qui est aussi une réponse à la création du programme doctoral de HEC), d'autres réactions de la direction sont moins favorables. Et on peut se demander si les dirigeants d'institutions ont réellement anticipé les conséquences d'un recrutement de diplômés de PhD, le cas de l'ESSEC étant symptomatique d'un processus plus général2. Certains enseignants soulignent que le temps et les moyens consacrés à la recherche demeurent insuffisants car l'on attend d'eux avant tout qu'ils réalisent des cours (230 heures par an sont alors à assurer)3. Le directeur apparaît en outre loin d'être convaincu de l'importance des enjeux académiques. Par exemple, face aux problèmes de mise en œuvre du programme doctoral commun à l'IAE d'Aix et à l'ESSEC — l'institut aixois impose les règles et, semble-t-il, joue de son privilège universitaire4 —, le directeur général, Gilbert Olivier, montre sa méconnaissance du rôle primordial de l'évaluation par les pairs en demandant à la FNEGE d'intervenir de façon à ce que "en tant qu'établissement public, [la FNEGE] reçoive la faculté de collation du grade de docteur en gestion"5. Ainsi, malgré la qualification du corps enseignant et sa production intellectuelle, sa légitimité académique n'est pas acquise en interne6. Certains enseignants de l'ESSEC contournent cette difficulté en passant le concours d'agrégation du supérieur en sciences de gestion : ils deviennent alors professeur des universités et professeur d'une grande école.

1 Néanmoins, d'après nos comptages réalisés à partir de la description du corps professoral

permanent en 1995, un quart des professeurs de l'ESSEC ne disposent ni de PhD ni de doctorat. Cette proportion est de 14 % si l'on considère uniquement les "professeurs". Cf. Brochure Groupe ESSEC, Corps

professoral, 1995, 52 p.

2 Franck Cochoy fait l'hypothèse d’une telle généralisation à partir de l'analyse de la réforme

"académique" réalisée à Northwestern dans les années 1960 sous l'impulsion de la fondation Ford : Franck COCHOY, "Quand le marketing est remis en question... dans les années 1960", art. cit., et Une histoire du

marketing, op. cit.

3 Cf. questionnaires n° 104, 454, 496. Entretiens avec Françoise Rey le 5 mars 1999 et Bernard

Yon le 12 mars 1999.

4 Entretiens avec Jean-Claude Tarondeau le 17 mars 1999 et Maurice Saias le 4 septembre 1998. 5

AF, I.8C, "Politique de développement à moyen terme du groupe ESSEC", janvier 1976, p. 4.

Deux crises simultanées — la crise financière de l'Ecole et la crise de succession de Gilbert Olivier à la fin des années 1970 — sont révélatrices d'une deuxième opposition relative cette fois au fonctionnement politique et économique du Groupe ESSEC. Alors que la crise financière et le danger de banqueroute s'annoncent sérieusement dès 19771, les dirigeants de l'ESSEC se tournent vers la Chambre de commerce et d'industrie de Versailles dont ils dépendent géographiquement, les groupes d'extrême gauche implantés à l'ESSEC, et notamment l'UGE (Union des grandes écoles) proposant quant à eux la nationalisation de l'ESSEC, la menace ayant du poids avec l'approche des élections présidentielles de 1981. En échange d'une prise de participation, la CCI de Versailles obtient un changement des statuts et de la composition des instances dirigeantes de l'ESSEC2. Or les représentants des étudiants et les professeurs, non consultés, refusent que les représentants du patronat et de la chambre deviennent majoritaires dans toutes les instances décisionnelles3. Les professeurs supportent mal d'être écartés des décisions déterminantes relatives à "leur" école et certains proposent un contre-projet4. Ils s'allient un temps avec les étudiants contestataires. En acceptant finalement l'état de fait imposé par les problèmes de trésorerie de l'école1, le corps enseignant perd son pouvoir de décision — qui était exceptionnel dans l'univers des écoles privées et consulaires — mais gagne une certaine aisance financière, même si le budget de l'ESSEC et le financement de la Chambre de commerce de Versailles resteront toujours nettement moindres que ceux d'HEC.

1 Dans un contexte de récession lié au "choc pétrolier", le budget de fonctionnement de l'ESSEC

quadruple entre 1972 et 1979 (passant de 6 à 28 millions de francs) et les emprunts grèvent de plus de 5 millions par an les résultats financiers de l'école. Or, le groupe ne se finance que par la taxe d'apprentissage et les frais de scolarité. Cf. Valérie LANGUILLE, Histoire de l'ESSEC (1913-1990), op. cit., pp. 115-122. L’INSEAD connaît également une crise financière. Cf. cf. Richard WHITLEY, Alan THOMAS, Jane MARCEAU, Masters of business. The making of a new elite ? op. cit.

2 Précisément, un protocole d'accord prévoit que la CCIV investisse 12 millions de francs sous

forme d'augmentation de capital et d'achat de parts de la société immobilière, qu'elle accorde également une subvention exceptionnelle de 10 millions de francs et s'engage à verser des subventions annuelles entre 1982 et 1988. En échange, le groupe ESSEC est régi par un directoire de 4 membres (le directeur général du groupe et trois représentants du patronat) qui est chargé de la gestion courante et de la préparation du budget du groupe, un conseil de surveillance qui vote le budget, contrôle la gestion et approuve les réformes pédagogiques votées par le comité d'enseignement, et une assemblée générale qui nomme et révoque les membres du directoire et procède aux éventuelles modifications de statuts. Cf. Valérie LANGUILLE,

Histoire de l'ESSEC (1913-1990), op. cit., pp. 115-122.

3

Alors que la subvention annuelle de la CCI de Versailles Val d'Oise-Yvelines ne représente que 10 % du budget du groupe. Cf. Valérie LANGUILLE, Histoire de l'ESSEC (1913-1990), op. cit., pp. 115-122.

4 Bernard Yon, titulaire d'un PhD, propose que l'ESSEC s'auto-finance grâce à l'activité de conseil

réalisée par les enseignants et gérée collectivement au sein de l'institution, ce qui apparaît irréaliste à de nombreux enseignants. Entretien du 12 mai 1999.

Parallèlement à cette crise financière et à la contestation des étudiants, Gilbert Olivier entend à 76 ans passer la main. Selon leurs témoignages, plusieurs professeurs formés en Amérique du Nord prétendent alors au poste de directeur général du Groupe en 1980 : Bernard Yon, premier doyen du corps enseignant titulaire d'un PhD, qui considère que comme dans toute université un professeur doit pouvoir diriger l'institution de formation, et Jean-Louis Barsacq, directeur de l'école ESSEC jusqu’en 1978 et formé dans le cadre d'un programme court2. Mais Jean-Louis Barsacq et Bernard Yon ne semblent pas dotés des ressources adaptées pour devenir directeurs du Groupe ESSEC. S'ils concentrent des atouts pédagogiques et académiques liés à leur expérience d’enseignant et leur formation nord-américaine, ils n'ont de crédibilité ni vis-à-vis du monde patronal ni vis-à-vis de la haute fonction publique et, il faut ajouter, ni vis-à-vis des autorités catholiques3. Organisant sa propre succession4, Gilbert Olivier aurait, selon Jean-Louis Barsacq, réalisé une grille de critères définissant qui pouvait prétendre au poste, et qui stipulait (entre autres) d’être de sexe masculin et d’appartenir à la religion catholique5. Pour une école spécialiste de la formation de dirigeants, il est frappant de constater le repli sur les critères les moins professionnels, mais sans doute les plus sûrs en termes de dispositions recherchées6. C'est Julien Coudy, avocat à la Cour d’appel de Paris

1 Finalement seuls l'Institut catholique et l'association des anciens élèves réussissent à se faire

mieux représenter dans les différentes instances. Les enseignants apparaissent dans une position stricte de "salariés" de l’organisation.

2 Entretiens avec Jean-Louis Barsacq le 16 février 1999 et Bernard Yon le 12 mai 1999. Selon J.-L.

Barsacq, deux autres professeurs formés en Amérique du Nord se sont présentés : Florin Aftalion (MBA et PHD au début des années 1970) et Dominique Xardel, directeur de l’école ESSEC depuis 1978 et titulaire d’un MBA (1959). Cf. le courrier électronique du 27 mars 2001 de Jean-Louis Barsacq (en réaction à l’ouvrage, Le technocrate le patron et le professeur).

3 Cf. le courrier électronique du 27 mars 2001 de Jean-Louis Barsacq. Ce nouveau témoignage

nous permet de souligner le rôle des affinités religieuses dans cette passation de pouvoir. Précisons en outre que D. Xardel concentre du capital religieux, mais "hétérodoxe". L’un de ses frères a appartenu à la Mission ouvrière Saints Pierre et Paul : il a été prêtre-ouvrier (alors que cette expérience était interdite par Rome) puis missionnaire au Brésil où il est décédé prématurément. D. Xardel consacre à la fin des années 1980 un livre au fondateur de cette mission ouvrière. Cf. Jacques LOEW, Le bonheur d’être homme. Entretiens avec

Dominique Xardel, Paris, Centurion, 1988.

4 Dans une autre grande école, à Sciences Po, c’est également le prédécesseur qui choisit son

successeur, cf. Alain GARRIGOU, Les élites contre la République. op. cit., pp. 115-117.

5

Courrier électronique du 27 mars 2001 de Jean-Louis Barsacq (en réaction à l’ouvrage, Le

technocrate le patron et le professeur). La discrimination envers des personnes juives nous a été confirmée

par ailleurs.

6 Nous ne savons pas aujourd’hui quel est le poids de ces "facteurs informels" dans l’accession à

des postes élevés chez les cadres-dirigeants, de façon générale. Les dernières enquêtes publiées (cf. Paul BOUFFARTIGUE (dir.), Cadres : la grande rupture, op. cit.), n’évoquent pas ces caractéristiques, sans que l’on sache si c’est par hypothèse (dans une société sécularisée, le facteur religieux n’intervient pas), par autocensure de la part des enquêteurs, ou parce qu’il s’agit d’informations difficiles à obtenir. Précisons que le regroupement du patronat chrétien (ancien CFPC) existe toujours. Pour une démarche axée sur ces questions au début des années 1950 (que nous a fait découvrir Cédric Lomba). Cf. Melville DALTON,

spécialisé dans le droit des sociétés, enseignant à l'ESSEC comme son prédécesseur, et spécialiste d’histoire catholique, qui succède à Gilbert Olivier1

. Les enseignants formés en gestion n'ont pas réussi à imposer la compétence "nord-américaine" comme légitime pour occuper le poste de directeur général du Groupe ESSEC, même s'ils sont appréciés pour occuper les autres postes de direction plus opérationnels que relationnels2. Des contradictions apparaissent dans le fait de vouloir rester une grande école — c'est-à-dire bénéficier du soutien du milieu patronal (du moins de certaines fractions), sélectionner socialement et scolairement les étudiants, disposer de moyens matériels relativement importants, recruter selon leurs propres critères les enseignants et dirigeants... — et le fait de vouloir acquérir certains attributs universitaires — en particulier, pour les professeurs, bénéficier d'une légitimité académique au niveau institutionnel et pas seulement individuel, enseigner des spécialités, avoir du pouvoir dans les instances décisionnelles du Groupe, etc.

Les évolutions des profils des directeurs sont sans doute un bon indicateur des transformations et permanences de ces écoles. A la fin des années 1980, la succession de Julien Coudy posera également problème. Deux directeurs généraux se succéderont en 18 mois3 (cf. Document 4). L'un des professeurs tentera également de reprendre le flambeau et sera écarté au profit de Jean-Pierre Boisivon qui est crédible à la fois face au monde académique, aux instances ministérielles et au monde patronal4. Aussi, face à la réalité de cette grande école de commerce privée, soit les professeurs s'accommodent de son fonctionnement, soit ils quittent l'école.

"Informal factors in career achievement", American Journal of Sociology, Volume LVI, n° 5, March 1951, pp. 407-415.

1 Julien Coudy a alors 56 ans. Il est avocat à la cour d’appel de Paris depuis 1948, professeur de

droit à la faculté catholique de droit de Lille à partir de 1950 et professeur à l’ESSEC depuis 1971. Il est l’auteur de plusieurs livres d'histoire du catholicisme. Cf. Who’s Who in France, 1995-1996, p. 483. En tant qu’avocat, il est spécialisé dans le droit des sociétés (création-fusion-cession d’entreprise), fiscalité des entreprises, droit du travail, droit de la sécurité sociale, relations commerciales internationales. Cf. Ordre des avocats à la Cour de Paris, Avocats à la Cour de Paris, 1989, p. 134.

2 Suite à cet échec, Jean-Louis Barsacq rejoint Roger Serre, ancien président du Bureau des élèves

de la promotion de 1967, à l'Institut de gestion sociale nouvellement créé. Bernard Yon s'engage quant à lui dans la direction d'une nouvelle structure spécialisée, l'Institut de gestion de l'industrie agro-alimentaire (IGIA), qui dépend du Groupe ESSEC. Cf. entretiens avec Jean-Louis Barsacq le 16 février 1999 et Bernard Yon le 12 mai 1999. F. Aftalion reste professeur et D. Xardel, directeur de l’Ecole ESSEC jusqu’en 1988.

3 Gérard Courtois, "Deux directeurs généraux démissionnaires en trois ans. La crise de l'ESSEC

illustre les difficultés de gestion des écoles de commerce" in Le Monde, 19 octobre 1989, p. 14.

4 Jean-Pierre Boisivon est professeur agrégé de sciences de gestion, il a été directeur de

l'évaluation et de la prospective au ministère de l'Education nationale et a réalisé sa carrière dans la banque (Cf. Notice Who's Who in France, 1995-1996, p. 263.) Il n’a pas d’attaches catholiques. Cf. Jonathan RUIZ-HUIDOBRO, "Le patronat en mouvement. Approche socio-historique de l'Institut de l'entreprise", mémoire de DEA de sciences sociales ENS-EHESS sous la direction de M. Offerlé, 2002.

"Manager" un institut universitaire

La situation de l'IAE d'Aix peut être considérée comme symétrique de celle de l'ESSEC : alors que l'ESSEC cherche à acquérir les attributs universitaires tout en maintenant les acquis spécifiques des grandes écoles, l'institut aixois souhaite conserver les atouts liés à son positionnement universitaire tout en bénéficiant des conditions et du mode de fonctionnement propres aux écoles, donc en dérogeant au "droit commun". Mais les corps enseignants des deux institutions, massivement formés en Amérique du Nord, ne peuvent se passer du fondement premier de leur légitimité — la légitimité sociale pour l'ESSEC, la légitimité universitaire pour l'IAE —, ni imposer le mode de fonctionnement nord-américain. Pour exister, ils doivent donc construire un compromis.

Si la réforme universitaire procure certaines ouvertures aux IAE, si les sciences de gestion s'établissent progressivement à côté des disciplines juridiques, le système universitaire est perçu par les enseignants de l'institut d'Aix-en-Provence comme une force d'inertie puissante les empêchant de réaliser jusqu'au bout leur projet de Business