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CHAPITRE II. DESIGN DE LA RECHERCHE ET METHODOLOGIE Dans ce chapitre, après avoir présenté notre objet et notre question de recherche, nous

2.5. Méthodologie : terrain, recueil et traitement des données

2.5.1. Du terrain « naturel » au terrain raisonné

Il y a le terrain tel qu’il se présente à nous, que l’on pourrait appeler de façon un peu naïve le terrain « naturel ». Et puis il y a le terrain tel que nous l’abordons au cours de l’étude compte tenu des contraintes de temps et de moyens inhérentes à la démarche de recherche solitaire. Le terrain abordé, nous l’appelons le terrain « raisonné ». Il convient maintenant d’en préciser les contours.

Le terme « conseil en communication » présente l’avantage pour les professionnels de rassembler et ainsi de faire nombre à défaut de faire corps. Cette effet masse permet de donner du poids économique et une certaine légitimité à « la profession », pour autant que l’on puisse utiliser le singulier pour qualifier une activité aussi protéiforme sous la forme de disciplines nombreuses telles que la publicité, le marketing direct, la promotion des ventes, la communication digitale, la communication corporate, les relations publiques, l’édition publicitaire, l’événementiel, la communication santé, la communication sportive, le design, la création de nom, etc. D’un point de vue scientifique, l’appellation « conseil en communication » n’est pas sans poser de problèmes car elle fédère une variété d’activités professionnelles très spécialisées et, pourrait-on dire, assez différentes les unes des autres si l’on y regarde de plus près. Aussi, pour qui n’est pas de la partie, il n’est pas toujours facile d’y voir clair dans ce maquis, car les professionnels eux-mêmes s’y perdent. En effet, le rapide essor qu’ont connu les nouvelles technologies à partir de 1994 a tendu à brouiller un peu plus encore des frontières disciplinaires qui n’étaient pas toujours d’une très grande netteté auparavant.

La désignation « agences conseil en communication » est fédératrice. Elle s’est imposée au tournant des années 1990, avec le constat progressif que l’augmentation de la division du travail et la professionnalisation du champ exigeant des compétences toujours plus fines dans un domaine restreint risquait de conduire à une séparation des disciplines. Le terme « conseil en communication » permet en effet de neutraliser partiellement la tentation autonomiste de chaque discipline. Dans ce mouvement d’intégration, on observe que la publicité perd peu à peu du terrain. L’évolution du nom du principal organisme de représentation professionnel est à ce titre très évocateur. L’actuelle Association des Agences Conseil en Communication (AACC) dont la mission est de « défend[re] et représente[r] l’intérêt des agences de

communication » s’appelait, avant les années 1990, l’Association des Agences Conseil en Publicité (AACP). Cette dernière était apparue en 1972 et avait été dirigée de 1982 à 2004 par Jacques Bille, un énarque proche de Raymond Barre dont la mission était d’assurer la « relation » entre le monde des décideurs politiques et celui de la publicité. En 2004, c’est un publicitaire, Hervé Brossard, président de DDB en France, qui prend sa succession. L’AACP était elle-même une émanation de la Fédération Française de la Publicité créée en 1935 à la suite de la fusion de la Chambre Syndicale de la Publicité (CSP) née en 1906 et de la Corporation des Techniciens de la Publicité (CTP) fondée en 1913, deux organismes pionniers dans la représentation des intérêts de la profession (Chessel, 2002 : 20-29).

Afin d’appréhender notre objet pour que, d’une certaine manière, l’attention ne soit pas détournée par des épiphénomènes -, il a été indispensable de le penser par rapport à son histoire depuis la deuxième guerre mondiale. Face à ce vaste ensemble rassemblant, on vient de le voir, une multitude de spécialités, il était impossible pour une personne seule dans le temps imparti à la réalisation d’une thèse de doctorat d’inclure toutes les spécialités autrement dit d’inclure la totalité de l’objet tel qu’il se présente de manière « naturelle »41. C’est pourquoi, à la lumière des moments structurants pour l’évolution de ce champ organisationnel, nous avons retenu trois spécialités ou disciplines professionnelles pour lesquelles la transformation de la structure des investissements des annonceurs au tournant des années 1980-1990 d’une part, et le développement des nouvelles technologies Internet depuis 1994 d’autre part, créent non seulement une nécessité d’adaptation aux besoins et attentes des annonceurs, mais aussi une interdisciplinarité encore plus grande qu’auparavant ; ce qui pose non seulement des problèmes techniques d’organisation en termes de processus mais aussi et surtout, des problèmes humains associés à la redéfinition de la hiérarchie des disciplines du champ et de la localisation du pouvoir dans les groupes, les réseaux et les agences de communication.

Le terrain ainsi raisonné retient donc trois spécialités : la publicité, les marketing services qui regroupent le marketing direct et la promotion des ventes, et enfin, la communication liée à Internet qui est tantôt appelé communication digitale, numérique, interactive tant, en raison de son jeune âge, son appellation n’est pas encore stabilisée. Maintenant, il convient de justifier le choix de ces trois disciplines plutôt que les autres. Le choix de la publicité s’explique parce qu’elle est la discipline historique du champ. Celle par

41 Et encore conviendrait-il de rappeler la brutalité que nous faisons subir, par omission volontaire, à toute l’histoire des tensions et des luttes pour les classements ou les catégorisations qui se sont jouees pour, qu’aujourd’hui, les frontières du conseil en communication apparaissent d’une façon aussi “naturellement saisissable”.

qui tout arrive, celle à partir de laquelle le champ se crée, ce qui explique historiquement sa position de force dans le champ. Mais comme nous le verrons au cours de l’analyse cette force va évoluer. Les marketing services sont également compris dans l’étude parce qu’ils constituent une discipline dont l’évolution au cours des vingt cinq dernières années (1985- 2010) a été absolument déterminante dans la transformation du champ et de sa logique. En en devenant la principale poste d’investissement des annonceurs, les marketing services deviennent un rival de poids de la publicité. Enfin, la communication digitale ou numérique est comprise dans notre objet, parce que, bien que dernière née de cette nombreuse famille, elle est la spécialité qui a connu un essor considérable depuis 1994 et à laquelle sont associés de grands espoir de développements économique. Elle est même identifiée comme le vecteur de développement de l’ensemble du champ ce qui laisse entendre de nouvelles transformations pour le champ du conseil en communication.