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Du côté des projets identitaires parentaux

CHAPITRE 4 – DÉLIMITATION DE FRONTIÈRES LÉGALES ET SYMBOLIQUES : LA MIXITÉ

4.3. L’ ARRIVÉE DES ENFANTS : UN ENJEU DE TRANSMISSION

4.3.1. Du côté des projets identitaires parentaux

Le choix d’un prénom

Au Maroc, pour être inscrit dans le carnet de famille, tout Marocain doit porter un prénom marocain et les enfants doivent obligatoirement porter le nom de leur père. Cette contrainte simplifie en quelque sorte la négociation des couples mixtes au sujet des stocks de prénoms (marocains ou étrangers) puisqu’ils n’ont d’autre choix que celui de choisir un prénom à caractère traditionnel marocain. Certains couples ont eu leurs enfants à l’étranger ou ont fait le choix de les inscrire uniquement dans le carnet de famille étranger. Ils ont donc eu la liberté de choisir un prénom marocain ou étranger. Il est cependant intéressant de constater, sur le terrain, que la majorité des hommes (marocains et étrangers) tiennent à ce que leurs enfants portent un prénom lié à leur origine paternelle et donc à leur propre nom de famille. Cet argument de cohérence entre le prénom et l’origine de l’enfant est soulevé par les pères marocains même lorsque leurs enfants naissent à l’étranger.

Manon : Bien sûr quand Hakim est né, ç’était le choix du prénom… Moi je voulais un

prénom canadien et lui il disait, non il faut que ce soit un prénom marocain arabe. On ne va pas l’appeler Pierre, il faut qu’il ait un prénom qui aille avec son origine… (Manon, 41 ans, Canado-Française, et Chakib, 45 ans, Marocain, mariés, 25 ans de vie de couple, 2 enfants).

Du côté des pères étrangers, rappelons qu’au moment de mon étude leurs enfants n’étaient pas considérés marocains – puisque les mères marocaines ne pouvaient pas transmettre leur nationalité à leurs enfants – et ne pouvaient donc pas être inscrits sur le carnet de famille marocain. Certains enfants de père étranger avaient des prénoms clairement étrangers, mais plusieurs avaient également des prénoms mixtes «passe- partout», comme Lina, Lara, Dina, etc.

En tenant compte de cette contrainte de choisir un prénom à caractère traditionnel marocain, la plupart des parents ont effectivement opté pour un prénom d’origine arabe ou berbère, mais le choix de ce prénom a été très souvent fait en fonction du fait qu’il se

prononçait bien dans les deux langues utilisées par les parents et qu’il n’ait pas de connotation religieuse.

Laure : Nous avons eu à négocier les prénoms. Parce qu’il fallait que ce prénom soit

facile à prononcer à la française et à la marocaine. Et que pour l’enfant ce ne soit pas un obstacle plus tard, s’il décide de rester en France ou de vivre au Maroc. C’est pour cela qu’on leur a donné des prénoms assez simples, des prénoms faciles à prononcer et qui n’ont pas de connotations spécifiques à telle ou telle religion (Laure, 59 ans, Française, et Abdessalam, 60 ans, Marocain, mariés, 41 ans de vie de couple, 3 enfants).

Les parents, ayant en tête dès la naissance de leurs enfants que ceux-ci ne passeront peut- être pas toute leur vie au Maroc, ont souvent opté pour un prénom à caractère plus ou moins international.

Mohamed : On ne voulait pas que les enfants souffrent de par leur prénom. J’estime

qu’à partir du moment où on opte pour un mariage mixte, il faut avoir l’esprit plus large et ne pas se confiner dans un modèle donné, celui de l’endroit où l’on vit. On ne sait pas combien de temps d’abord on y vivra, et on ne sait pas quelle destination auront les enfants (Rosalie, 64 ans, Allemande, et Mohamed, 65 ans, Marocain, mariés, 42 ans de vie de couple, 5 enfants).

Certains parents ont décidé de donner deux prénoms à leurs enfants, un prénom marocain et un prénom étranger, en inscrivant le prénom marocain dans le carnet civil marocain et les deux prénoms dans le carnet de famille étranger et parfois sur le passeport étranger.

Fille de Cham : Nous on a deux prénoms.

Question : Vous avez un prénom vietnamien et un prénom marocain, et ils sont inscrits

sur le carnet de famille marocain ?

Fille de Cham : Non, au livret de famille c’est marqué que je suis née au Vietnam et

j’ai seulement mon prénom marocain, c’est impossible d’avoir deux prénoms. Mais j’ai mon deuxième prénom sur mon passeport vietnamien (Fille de Cham, 64 ans, Vietnamienne, veuve d’Hamid, Marocain, 29 ans de vie de couple, 9 enfants).

Une petite minorité de parents n’avaient pas eu cette préoccupation de choisir un prénom sans connotation arabe ou musulmane. J’ai remarqué que ces mêmes parents avaient scolarisé leurs enfants à l’école publique marocaine, étaient plus arabophones que francophones et que les femmes étrangères de ces couples étaient converties à l’islam. Les familles très pratiquantes musulmanes ont pour leur part opté pour des prénoms musulmans. Parfois aussi, le prénom de l’enfant avait été choisi en l’honneur d’une personne décédée dans la famille. C’était le cas d’Houssein, petit Tchèque-Marocain blond aux yeux bleus qui a hérité du prénom de son grand-père marocain.

Ces résultats concernant le choix des prénoms sont contrastants avec ceux de la recherche de Le Gall et Meintel (2005) qui montrent que les parents montréalais en couple mixte (étrangers et québécois confondus) cherchent un « équilibre » entre les noms et les prénoms afin de refléter la multiplicité des origines de leurs enfants. Ce contraste entre les résultats reflète la différence fondamentale qui existe entre une terre d’immigration ouverte sur l’ailleurs et un pays d’émigration qui tente de préserver une cohésion sociale. Un parallèle entre la législation québécoise et la législation marocaine en matière de noms révèle une différence des choix sociétaux. Les enfants de couples mixtes au Maroc sont vus eux aussi comme ayant plusieurs origines, mais la mise en valeur de cette multiplicité des héritages ne se retrouve pas dans le choix du prénom. L’obligation législative de donner un prénom à caractère marocain éclaire en partie cette tendance, mais il faut également chercher des pistes de réponses du côté des règles sociales de filiation. Au Maroc, les marqueurs sociaux qui insèrent visiblement les enfants dans une lignée sont fortement rattachés à une tradition patriarcale.

Le choix d’un lieu de scolarisation

Sur 22 foyers où il y avait des enfants en âge scolaire, 17 familles ont fait le choix d’envoyer leurs enfants dans une école étrangère (française, américaine ou espagnole). Étant scolarisés dans des systèmes scolaires élitistes (puisque très sélectifs et très coûteux), ces enfants évoluaient donc en grande partie sur une « île étrangère ». Il faut dire que depuis l’arabisation du système scolaire marocain, la grande majorité des Marocains qui en ont les moyens rêvent de scolariser leurs enfants dans un système étranger. Les étrangers entrent sans concours et leurs frais de scolarisation sont les plus bas. De leur côté, deux

familles ont scolarisé leurs enfants à l’école publique marocaine et deux à l’école privée marocaine. Une famille a combiné les deux systèmes scolaires en envoyant ses enfants à l’école privée marocaine pour le primaire et à la mission française pour le collège et le lycée.

La transmission d’une nationalité

L’obtention d’une deuxième nationalité est vue par les parents comme une richesse qu’ils ont la chance de transmettre à leurs enfants. Dans 21 foyers sur 26, les enfants avaient effectivement une double nationalité. Les enfants de 3 de ces 21 familles ont même la possibilité d’acquérir une troisième nationalité. Dans les quatre foyers où le père était étranger et la mère marocaine, les enfants n’avaient que la nationalité étrangère, pour les raisons évoquées précédemment. Une enfant avait uniquement la nationalité marocaine parce qu’étant sous kafala28, elle ne pouvait pas être reconnue comme Française.

La transmission d’une langue

La possibilité que les enfants maîtrisent plus d’une langue est aussi vue par les familles mixtes comme une richesse, mais il est étonnant de constater que plusieurs foyers ont choisi de transmettre une seule langue familiale, souvent la langue française. Dans les faits, onze familles ont exposé leurs enfants à deux langues et douze familles à trois langues. Et les enfants de trois foyers ont été exposés à quatre langues. Je parle ici en termes d’exposition parce que les enfants ne parlent pas tous ou ne parlent pas tous parfaitement ces langues, mais ils les comprennent. Il faut noter que si tous les enfants ont été exposés à la langue arabe dialectale marocaine, ce n’est pas toujours (et même assez rarement) en présence du parent arabophone. Les enfants de ces familles ont donc appris l’arabe dialectal à l’école, avec des amis ou avec le personnel qui travaille à la maison (femmes de ménage, nourrices, chauffeurs, jardiniers, etc.). Certains de ces enfants ont d’ailleurs une simple base en arabe dialectal et ne le parlent pas couramment. Au moins six foyers auraient pu transmettre une langue supplémentaire à leur enfant en transmettant la langue maternelle d’un des deux

28 Nous avons vu au chapitre 2 que lorsqu’une famille prend sous son aile un enfant qu’elle n’a pas conçu, on

parents : trois pères marocains d’origine berbère n’ont jamais parlé cette langue avec leurs enfants; deux mères étrangères et un père étranger ont eux aussi mis de côté leur langue maternelle au profit d’une langue parlée plus couramment dans le pays, souvent le français.

Sans approfondir ce thème qui n’était pas central dans la recherche, une attention spéciale a tout de même été portée sur le niveau d’arabe dialectal des étrangers. Il faut savoir que le Maroc est un pays où une certaine partie de la population (l’élite scolarisée) maîtrise le français, mais il demeure qu’une grande majorité parle uniquement l’arabe dialectal marocain. Observer le niveau d’arabe dialectal des étrangers permet d’obtenir un indice sur leurs fréquentations et sur leurs intérêts ou leur nécessité à communiquer en arabe. Un participant n’avait aucune connaissance de l’arabe dialectal marocain. Dix-sept étrangers avaient acquis un niveau débutant : ils comprenaient et connaissaient quelques mots mais les utilisaient rarement (quelques formules de salutation et quelques phrases pour communiquer avec le personnel de maison, très répandu au Maroc). Huit étrangers possédaient un niveau intermédiaire. Ils avaient suivi des cours pour la plupart et se retrouvaient assez fréquemment dans des situations d’immersion en arabe. Ils n’étaient pas bilingues et leur vocabulaire spécialisé demeurait restreint, mais ils pouvaient tenir une conversation usuelle et se faire comprendre dans la plupart des situations. Trois étrangers possédaient un niveau avancé d’arabe dialectal. Ces personnes, qui ne parlaient pas français à leur arrivée, avaient choisi d’apprendre l’arabe et l’utilisaient quotidiennement. Pour ce qui est de l’arabe littéraire, deux étrangères (une qui avait fait ses études de droit au Maroc en arabe et l’autre par pur intérêt intellectuel) le lisaient et l’écrivaient.

La transmission d’une religion

Quand on parle de couples mixtes au Maroc, plusieurs pensent automatiquement aux difficultés liées à la religion. Cependant, sur le terrain, chez la très grande majorité des couples mixtes que j’ai rencontrés, la différence de religion entre les conjoints ne semblait pas « problématique ». Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il s’agissait d’individus plus ou moins pratiquants. C’était le cas d’un bon nombre de couples, mais rappelons que plusieurs couples étaient constitués d’au moins une personne pratiquante, peu importe la religion (musulmane, chrétienne, baha’i, bouddhiste). Même si ces religions ne semblaient pas diviser les couples, cela ne veut pas dire que les différences de références religieuses

n’ont pas été synonymes de négociations pour ce qui est de la transmission aux enfants, par exemple. Voyons comment cette transmission religieuse s’est faite dans les familles que j’ai rencontrées.

Dans treize foyers, les deux parents ne pratiquaient aucune religion. Parler en termes de pratiques ne veut pas nécessairement dire que ces personnes n’étaient pas croyantes ou ne poursuivaient pas une quête spirituelle, comme certaines d’entre elles l’ont mentionné. Cela ne veut pas dire non plus que ces parents n’avaient pas transmis de traditions provenant de références religieuses, comme la fête de Noël ou la fête du mouton. Ce qui était étonnant, c’est que bien que ces individus se définissaient comme non pratiquants, certains Marocains jeûnaient pendant le mois de Ramadan. Ils expliquaient cette pratique par une volonté de cohésion/convention sociale.

Salim (non pratiquant) : Mes enfants savent très bien que je fais le ramadan quand je

suis ici avec les gens ici. Je ne veux pas choquer. Mais quand je suis en France, je ne fais pas ramadan. Je le fais socialement. Je n’ai pas du tout envie de choquer, si tu veux la notion d’autre…

Francine (non pratiquante) : Ni les… ni les enfants.

Salim : Ouais, ni les enfants. Il faut que les enfants ils rentrent quand même dans une… Francine : Par cohérence sociale.

Salim : Par cohérence sociale. Francine : Voilà.

Salim : On est dans un pays musulman. Les filles il faut qu’elles aient des notions musulmanes, qu’elles aient des notions chrétiennes aussi, mais il faut qu’elles aient des notions musulmanes, c'est-à-dire à savoir ce qu’elles font, ce qui est possible, ce qui n’est pas possible pour être intégrées socialement (Francine, 36 ans, Française, et Salim, 38 ans, Marocain, mariés, 18 ans de vie de couple, 3 enfants).

La religion musulmane a été transmise dans 9 des 31 foyers. Deux des trois foyers où les deux parents étaient pratiquants musulmans ont élevé leurs enfants dans la foi et la pratique religieuse, cette religion faisant partie intégrante de leur quotidien. Dans l’autre famille, les parents étaient relativement pratiquants sans pour autant exiger de pratique de la part de

leurs enfants. Dans les cinq foyers où il n’y avait qu’un parent qui était pratiquant musulman et dans les deux foyers où les enfants ont été exposés à la religion musulmane par le grand-père avec lequel ils vivaient (entretiens 26 et 27), les enfants ont été laissés libres de leur choix. Cette idée de choix reporté est revenue à quelques reprises dans les récits.

Yasmina (pratiquante musulmane) : C’est pas à nous de lui imposer la religion. Chacun

fait comme il veut. Quand elle sera grande, elle décidera ce qu’elle veut… (Marc, 50 ans, Français, et Yasmina, 31 ans, Marocaine, 5 ans de vie de couple, 2 enfants).

Mohamed (pratiquant musulman) : Pour moi, c’était un peu un principe, ne pas

éduquer les enfants dans une certaine religion. Bon, on est mixte, on vit un peu entre les cultures, ou dans les deux cultures et ils devaient avoir le choix aussi du point de vue religieux de décider (Rosalie, 64 ans, Allemande, et Mohamed, 65 ans, Marocain, mariés, 42 ans de vie de couple, 5 enfants).

Les enfants de deux foyers avaient une mère pratiquante chrétienne et un père musulman de naissance, mais non pratiquant. Une de ces mères transmettait sa religion en cachette puisque son mari, pourtant non pratiquant, lui interdisait de transmettre la religion chrétienne à leurs enfants. L’autre mère pratiquait sa religion librement, ce qui n’empêchaient pas ses enfants de s’identifier à l’islam (en tant qu’identité sociale et non en tant que pratique religieuse), même en ayant eu un père non pratiquant.

Karla (pratiquante chrétienne) : Je vais chaque semaine à l’église. Je suis très attachée

à ma religion.

Question : Et pendant que votre mari était là, quelle était la place de la

religion musulmane ?

Karla : Elle n’avait aucune place. Il n’était pas du tout pratiquant. Question : Et vos enfants est-ce qu’ils se considèrent musulmans ?

Karla : Jamal oui. Yasmine aussi. Pas très pratiquants… Mais ils lisent beaucoup.

C’est-à-dire pour eux, la religion c’est une culture. Donc ils s’intéressent aux religions comme des cultures. À Noël, si je suis là, on va ensemble à l’église. Mais entre l’enseignement de Jésus et pratiquer, aller à l’église… Entre être musulman, faire les cinq prières par jour et faire le ramadan… Parce qu’on peut être musulman sans

pratiquer (Karla, 73 ans, Autrichienne, veuve d’Eussa, Marocain, mariés, 20 ans de vie de couple, 2 enfants).

Les enfants de deux foyers ont été exposés à deux religions. Il faut dire que les mères maroco-espagnoles de ces foyers (deux sœurs) ont elles-mêmes été élevées dans une famille où la religion musulmane était aussi présente que la religion chrétienne :

Maha (non pratiquante) : Mon père est pratiquant et ma mère est pratiquante de son

côté, mais jamais ils ne nous ont imposé… une religion. Mon père est pratiquant musulman, il fait ses cinq prières par jour, et ma mère va à l’église tous les dimanches. […] En fait ils nous ont laissé la porte ouverte. Personne n’a tiré de son côté. (Alain, 29 ans, Français, et Maha, 31 ans, Maroco-Espagnole, mariés, 9 ans de vie de couple, 1 enfant).

Les deux sœurs ne sont pas elles-mêmes pratiquantes dans l’une ou l’autre des religions, mais elles tiennent à ce que leurs enfants soient ouverts autant à la religion chrétienne qu’à la religion musulmane. L’enfant de Maha et Alain (qui n’était pas pratiquant) a été exposée aux deux religions par ses grands-parents maternels avec lesquels ils vivent29. L’enfant de Rania et Jérôme, en plus d’avoir été exposée par les grands-parents maternels aux deux religions, a un père chrétien pratiquant.

Rania (non pratiquante) : J’aimerais quand même qu’elle croit en Dieu, au moins, tu

vois, donc je lui explique les deux. Par exemple, quand je suis en Espagne, ma belle- mère qui est très chrétienne, très catholique va à la messe. Moi ça ne me dérange pas qu’elle amène ma fille, au contraire. J’aime qu’elle ait l’idée au moins, qu’elle sache qui c’est Jésus-Christ, ce qu’est la religion chrétienne. De mon côté, j’essaie de lui expliquer aussi ce que c’est que le Coran, ce qu’est la religion musulmane (Jérôme, 43 ans, Espagnol, et Rania, 41 ans, Maroco-Espagnole, mariés, 20 ans de vie de couple, 1 enfant).

Les enfants des deux foyers où les deux parents étaient pratiquants baha’i ont baigné dans la foi baha’i. La religion baha’i est une croyance, une pratique, un mode de vie, mais

29 Maha et Rania ne vivent pas dans la même maison que leurs parents, mais elles ne vivent pas moins en

également une identité très forte. D’abord parce que cette religion découle toujours d’un choix (on ne naît pas baha’i) et ensuite parce qu’elle constitue une identité religieuse minoritaire (et souvent persécutée) dans plusieurs contextes nationaux. Pour les deux familles baha’i que j’ai rencontrées, cette identité était primordiale, et les parents la défendaient contre vents et marées. Une de ces familles a été emprisonnée dans les années 1980, accusée de prosélytisme, mais cela n’a en rien ébranlé sa foi. L’homme et la femme auraient pu, au moment de leur arrestation, nier leur foi et dire qu’ils étaient musulmans comme plusieurs baha’i l’ont fait (ils auraient été relâchés immédiatement), mais il était impensable pour eux de nier leur foi, même si cela leur valait d’être emprisonnés et de s’éloigner de leur fils d’un an et demi.

La circoncision

Si la question de la circoncision est traitée dans un paragraphe à part, c’est parce que les raisons évoquées par les parents étaient rarement liées à une question religieuse. Il faut savoir d’abord, qu’hormis le fils de Roberto qui, rappelons-le, avait un prénom européen, n’avait pas la citoyenneté marocaine et n’avait pas été exposé à l’arabe, tous les autres